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JEAN-PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 4 octobre 2000

 

Lecture: 1 Co 11, 23-26

1. Parmi les multiples aspects de l'Eucharistie se détache celui du "mémorial", qui est en relation avec un thème biblique de première importance. Nous lisons, par exemple, dans le livre de l'Exode:  "Dieu se souvint de son Alliance avec Abraham, Isaac et Jacob" (Ex 2, 24). En revanche, dans le Deutéronome, nous lisons:  "Souviens-toi de Yahvé ton Dieu" (8, 18). "Rappelle-toi donc de ce que Yahvé ton Dieu a fait..." (7, 18). Dans la Bible, le souvenir de Dieu et le souvenir de l'homme se mêlent et constituent une composante fondamentale de la vie du Peuple de Dieu. Il ne s'agit cependant pas de la pure commémoration d'un passé désormais éteint, mais bien d'un zikkarôn, c'est-à-dire un "mémorial". Celui-ci "n'est pas seulement le souvenir des événements du passé, mais la proclamation des merveilles que Dieu a accomplies pour les hommes. Dans la célébration liturgique de ces événements, ils deviennent d'une certaine façon présents et actuels" (Catéchisme de l'Eglise catholique, n. 1363). Le mémorial rappelle un lien d'alliance qui est toujours présent:  "Yahvé se souvient de nous, il bénira la maison d'Israël" (Ps 115, 12).

La foi biblique implique donc le souvenir efficace des oeuvres merveilleuses de salut. Celles-ci sont professées dans le "Grand Hallel", le Psaume 136, qui - après avoir proclamé la création et le salut offert à Israël dans l'Exode - conclut:  "Il se souvint de nous dans notre abaissement, car éternel est son amour! [...] A toute chair, il donne le pain, car éternel est son amour" (Ps 136, 23-25). Nous trouverons des paroles semblables sur les lèvres de Marie et de Zacharie dans l'Evangile:  "Il est venu en aide à Israël, son serviteur, se souvenant de sa miséricorde [...] Ainsi se souvient-il de son alliance sainte" (Lc 1, 54-72).

2. Dans l'Ancien Testament, le "mémorial" par excellence des oeuvres de Dieu dans l'histoire, était la liturgie pascale de l'Exode:  chaque fois que le peuple d'Israël célébrait la Pâque, Dieu lui offrait de façon efficace le don de la liberté et du salut. Dans le rite pascal se retrouvaient donc deux souvenirs, divin et humain, c'est-à-dire la grâce salvifique et la foi reconnaissante:  "Ce jour-là vous en ferez mémoire et vous le fêterez comme une fête pour Yahvé [...] Ce sera pour toi un signe sur ta main, un mémorial sur ton front, afin que la loi de Yahvé soit toujours dans ta bouche, car c'est à main forte que Yahvé t'a fait sortir d'Egypte" (Ex 12, 14; 13, 9). En vertu de cet événement, comme l'affirmait un philosophe juif, Israël sera toujours "une communauté fondée sur le souvenir" (M. Buber).

3. Le lien entre le souvenir de Dieu et celui de l'homme se trouve également au centre de l'Eucharistie qui est le "mémorial" par excellence de la Pâque chrétienne. L'"anamnèse", c'est-à-dire l'action de se rappeler, est en effet le coeur de la célébration:  le sacrifice du Christ, événement unique, accompli ef'hapax, c'est-à-dire "une fois pour toutes" (He 7, 27; 9, 12.26; 10, 12), diffuse sa présence salvifique dans le temps et dans l'espace de l'histoire humaine. Cela est exprimé dans l'impératif final que Luc et Paul rapportent dans le récit de la Dernière Cène:  "Ceci est mon corps, qui est pour vous; faites ceci en mémoire de moi [...] Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang; chaque fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi" (1 Co 11, 24-25; cf. Lc 22, 19). Le passé du "corps donné pour nous" sur la Croix se présente vivant dans l'aujourd'hui et, comme le déclare Paul, s'ouvre à l'avenir de la rédemption finale:  "Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne" (1 Co 11, 26). L'Eucharistie est donc le mémorial de la mort du Christ, mais est également présence de son sacrifice et anticipation de sa venue glorieuse. Elle est le sacrement de la proximité salvifique permanente du Seigneur ressuscité dans l'histoire. On comprend donc l'exhortation de Paul à Timothée:  "Souviens-toi de Jésus- Christ, ressuscité d'entre les morts, issu de la race de David" (2 Tm 2, 8). Ce souvenir vit et agit de façon spéciale dans l'Eucharistie.

4. L'évangéliste Jean nous explique le sens profond du "souvenir" des paroles et des événements du Christ. Face au geste de Jésus qui purifie le temple des marchands et annonce qu'il sera détruit et reconstruit en trois jours, il note:  "Quand il ressuscita d'entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu'il avait dit cela, et ils crurent à l'Ecriture et à la parole qu'il avait dite" (Jn 2, 22). Cette mémoire qui engendre et alimente la foi est opérée par l'Esprit Saint que "le Père enverra au nom" du Christ:  "Lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit" (Jn 14, 26). Il y a donc un souvenir efficace:  le souvenir intérieur qui conduit à la compréhension de la Parole de Dieu et le souvenir sacramentel qui se réalise dans l'Eucharistie. Ce sont les deux réalités de salut que Luc a unies dans le splendide récit des disciples d'Emmaüs, rythmé par l'explication des Ecritures et par la "fraction du pain" (cf. Lc 24, 13-35).

5. "Faire mémoire" signifie donc "ramener dans le coeur" dans la mémoire et dans l'affection, mais c'est également célébrer une présence. "L'Eucharistie, véritable mémorial du mystère pascal du Christ, peut faire que ce souvenir de son amour vive en nous. C'est pour cela que l'Eglise reste en état de veille; sinon, si l'efficacité divine de ces stimulations, continuelles et très douces, ne la touchait pas, si elle ne ressentait pas la force vive des yeux de son Epoux fixés sur elle, elle serait très facilement oublieuse, tiède, infidèle" (Lettre apostolique Patres Ecclesiae, III:  Ench. Vat., 7, 33). Cet appel à la vigilance rend nos liturgies eucharistiques ouvertes à la pleine venue du Seigneur, à l'apparition de la Jérusalem céleste. Dans l'Eucharistie, le chrétien affermit l'espérance de sa rencontre définitive avec son Seigneur.

* * *


Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 4 octobre 2000, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français: 

De France:  Pèlerinage du diocèse de Bayonne, avec Mgr Pierre Molères; pèlerins des diocèses d'Autun; Belley-Ars; Brive; paroisse de Sarrebourg; paroisse de Messigny; Société Saint-Vincent-dePaul, de Colmar; groupe Notre-Dame de Salut; groupe de Saint-Brieuc; de Saint-Etienne; de Le Fenouillet-Besse-sur-Issole; de Mende; Lycée Saint-Bonnet, de Saint-Bonnet-de-Galaure.

De Suisse:  Groupe de la "Swissair"; groupe de pèlerins de Fahy.

Du Canada:  Groupe de pèlerins.

Chers Frères et Sœurs,   

L'Eucharistie que célèbre l'Eglise est le mémorial de la mort du Christ, elle rend présent son sacrifice et anticipe sa venue glorieuse. Elle est le sacrement de l'action salvatrice du Seigneur ressuscité dans l'histoire.  

Faire mémoire des paroles et des événements de la vie du Christ est l'œuve de l'Esprit Saint, qui provoque et nourrit la foi. C'est un souvenir efficace: il conduit intérieurement à la compréhension de la Parole de Dieu et il se réalise sacramentellement dans l'Eucharistie. Dans le récit de la rencontre avec les disciples d'Emmaüs, saint Luc a uni ces deux aspects du mémorial en montrant Jésus qui explique les Ecritures et qui rompt le pain. "Faire mémoire" du Seigneur c'est aussi célébrer sa présence jusqu'à ce qu'il vienne dans la gloire.  

Dans l'Eucharistie, le chrétien affermit l'espérance de sa rencontre définitive avec son Seigneur. 

J'accueille avec plaisir les personnes de langue française présentes ce matin. Je salue particulièrement les pèlerins du diocèse de Bayonne, conduits par leur Evêque, Mgr Pierre Molères, les jeunes de Saint-Bonnet de Galaure, ainsi que le pèlerinage des lecteurs du journal La Croix. Que votre venue auprès du tombeau des Apôtres fasse grandir votre foi au Christ dans la fidélité à l'Église qu'il a établie pour annoncer aux hommes son message de salut. A tous je donne de grand cœur la Bénédiction apostolique.



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