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JEAN-PAUL II

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 13 décembre 2000
 

 

La valeur de l'engagement dans les réalités temporelles (Lecture: Gn 1, 26-28)

1. L'Apôtre Paul affirme que "notre cité se trouve dans les cieux" (Ph 3, 20), mais il n'en conclut pas que nous pouvons attendre passivement l'entrée dans la cité; au contraire, il nous exhorte à nous engager activement. "Ne nous lassons pas de faire le bien - écrit-il - ; en son temps viendra la récolte, si nous ne  nous  relâchons  pas.  Ainsi  donc, tant  que  nous  en  avons  l'occasion, pratiquons le bien à l'égard de tous et surtout de nos frères dans la foi" (Ga 6, 9-10).

La révélation biblique et la plus grande sagesse philosophique soulignent de façon unanime que, d'un côté, l'humanité est tendue vers l'infini et l'éternité et, de l'autre, qu'elle est solidement plantée sur la terre, au milieu des coordonnées du temps et de l'espace. Il existe un objectif transcendant à atteindre, mais à travers un parcours qui se développe sur la terre et dans l'histoire.  Les  paroles  de  la  Genèse sont lumineuses:  la créature humaine est liée à la poussière de la terre, dans le même temps elle possède un "souffle" qui l'unit directement à Dieu (cf. Gn 2, 7).

2. C'est encore la Genèse qui affirme que l'homme, sorti des mains divines, fut "établi dans le jardin de l'Eden pour le cultiver et le garder" (2, 15). Les deux verbes du texte original hébraïque sont ceux utilisés ailleurs pour indiquer également le fait de "servir" Dieu et d'"observer" sa parole, c'est-à-dire l'engagement d'Israël à l'égard de l'alliance avec le Seigneur. Cette analogie semble suggérer qu'une alliance primordiale unit le Créateur à Adam et à chaque créature humaine, une alliance qui s'accomplit dans l'engagement d'emplir la terre, en soumettant et en dominant les poissons de la mer et les oiseaux du ciel et chaque être qui rampe sur la terre (cf. Gn 1, 28; Ps 8, 7-9).

Malheureusement, l'homme accomplit souvent cette mission qui lui est confiée par Dieu non comme un artisan sage, mais comme un tyran despotique. A la fin, il se retrouve dans un monde ruiné et hostile, dans une société éclatée et déchirée, comme nous l'enseigne encore la Genèse dans la grande fresque du troisième chapitre, où elle décrit la rupture de l'harmonie de l'homme avec son semblable, avec la terre et avec le Créateur lui-même. C'est le fruit du péché originel, c'est-à-dire de la rébellion qui eut lieu dès le début contre le projet que Dieu avait confié à l'humanité.

3. Nous devons donc, avec la grâce du Christ Rédempteur, faire à nouveau nôtre le dessein de paix et de développement, de justice et de solidarité, de transformation   et   de   valorisation des réalités  terrestres  et  temporelles, obscurci dans les premières pages de la Bible. Nous devons poursuivre la grande aventure de l'humanité dans le domaine de la science et de la technique, en explorant les secrets de la nature. Il faut développer - à travers l'économie, le commerce et la vie sociale - le bien-être, la connaissance, la victoire sur la misère et sur toute forme d'humiliation de la dignité humaine.

L'oeuvre créatrice est, dans un certain sens, déléguée par Dieu à l'homme, afin qu'elle soit poursuivie dans les extraordinaires entreprises de la science et de la technique, ainsi que dans l'engagement des travailleurs, des chercheurs, des personnes qui, grâce à leur esprit et à leurs mains, cherchent à "cultiver et à conserver" la terre et à rendre plus solidaires les hommes et les femmes entre eux. Dieu n'est pas absent de sa création, il a même "couronné de gloire et de beauté l'homme", en le rendant presque, à travers son autonomie et sa liberté, son représentant dans le monde et dans l'histoire (cf. Ps 8, 6-7).

4. Comme le dit le Psalmiste, au matin "l'homme sort pour son ouvrage, faire son travail jusqu'au soir" (Ps 104, 23). Dans ses paraboles, le Christ valorise lui aussi cette oeuvre de l'homme et de la femme dans les champs et sur la mer, dans les maisons et dans les assemblées, dans les tribunaux et sur les marchés. Il l'assume pour illustrer de façon symbolique le mystère du Royaume de Dieu et de sa réalisation progressive, tout en étant conscient que ce travail est parfois rendu vain par le mal et par le péché, par l'égoïsme et par l'injustice.  La  présence mystérieuse du Royaume dans l'histoire soutient et vivifie l'engagement du chrétien dans ses tâches terrestres.

Engagés dans cette oeuvre et dans cette lutte, les chrétiens sont appelés à collaborer avec le Créateur pour réaliser sur la terre une "maison de l'homme" plus conforme à sa dignité et au dessein divin, une maison dans laquelle "amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent" (Ps 85, 11).

5. Sous cette lumière, je voudrais reproposer à votre méditation les pages que le Concile Vatican II a consacrées, dans la Constitution pastorale Gaudium et spes (cf. cc. III et IV), à "l'activité humaine dans l'univers" et au "rôle de l'Eglise dans le monde de ce temps". "Pour les croyants - enseigne le Concile - une chose est certaine:  considérée en elle-même, l'activité humaine, individuelle et collective, ce gigantesque effort par lequel les hommes, tout au long des siècles, s'acharnent à améliorer leurs conditions de vie, correspond au dessein de Dieu" (GS, n. 34).

La complexité de la société moderne rend toujours plus difficile l'engagement d'animer les structures politiques, culturelles, économiques et technologiques qui sont souvent sans âme. Dans ce contexte difficile et prometteur, l'Eglise  est  appelée  à  reconnaître   l'autonomie  des réalités  terrestres  (cf. GS, n. 36), mais également à proclamer de façon efficace "la priorité de l'éthique sur la technique, le primat de la personne sur les choses, la supériorité de l'esprit sur la matière" (Congrégation pour l'Education catholique, En ces dernières décennies, 30 décembre 1988, n. 44). Ce n'est qu'ainsi que s'accomplira l'annonce de Paul:  "La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu [...] avec l'espérance d'être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu" (Rm 8, 19-21).

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Je salue cordialement les pèlerins de langue française, notamment le groupe de fidèles du diocèse de Carcassonne, et les religieuses de la Congrégation de Saint-Thomas de Villeneuve.Que votre pèlerinage jubilaire à Rome, en ce temps de l’Avent, ravive votre foi et ouvre votre cœur à l’espérance, pour accueillir l’Emmanuel, le Prince de la Paix!À tous, je donne de grand cœur la Bénédiction apostolique.

 

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