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VOYAGE APOSTOLIQUE AU SÉNÉGAL, EN GAMBIE ET EN GUINÉE

CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE POUR LES PRÊTRES, LES RELIGIEUX,
LES SÉMINARISTES ET LES REPRÉSENTANTS DU LAÏCAT
DANS LA CATHÉDRALE DE CONAKRY

HOMÉLIE DE JEAN-PAUL II

Conakry (Guinée)
Lundi, 24 février 1992

 

«Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui–là donne beaucoup de fruit»[1]

Chers Frères et Sœurs, de grand cœur je vous salue.

1. Laissez-moi vous dire toute ma joie d’inaugurer mes rencontres pastorales avec vous à Conakry, capitale de votre pays et siège de l’archevêché. En effet, au cours de mes voyages, l’entretien avec les forces vives des diocèses constitue toujours pour moi un moment privilégié.

En cette cathédrale Sainte-Marie, où nous sommes réunis, ma pensée va d’abord vers celle que nous aimons proclamer bénie entre toutes les femmes à cause du fruit qu’elle a porté: «Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni»[2]. Que Notre-Dame de Guinée intercède auprès de son Fils pour que cette célébration eucharistique ravive notre foi et notre amour!

Je remercie sincèrement votre Archevêque, Monseigneur Robert Sarah, de son discours d’accueil et, en particulier, des sentiments qu’il a exprimés en votre nom à tous. Je voudrais saluer ici avec déférence Madame Henriette Conté, premier Dame du pays.

Mes salutations cordiales vont maintenant à mes frères dans le sacerdoce; aux religieux et aux religieuses engagés sur la voie des conseils évangéliques; aux vaillants catéchistes à qui l’Église de Guinée doit tant; aux séminaristes qui sont l’espoir de cette même Église; aux membres des Conseils paroissiaux et à tous les fidèles laïcs engagés dans le service de l’Évangile.

En vous saluant, le Pape tient à vous exprimer toute l’affection qu’il éprouve pour des frères et des sœurs qui ont souffert à cause du nom de Jésus et qui ont tenu bon. Dans ces sentiments, j’adresse un salut fraternel à Monseigneur Raymond-Marie Tchidimbo que je connais depuis l’époque du Concile Vatican II. Il a mené le «dur combat» dont nous a parlé l’Apôtre[3], il a souffert pour le Christ et l’Église; à ce titre, il a droit à une estime et à une affection particulières de la part des chrétiens.

2. L’Église nous parle aujourd’hui par la magnifique allégorie de la vigne et des sarments. Cette allégorie se trouve dans l’Évangile de saint Jean, dans le contexte des paroles d’adieu que le Christ adresse à ses Apôtres à la veille de sa passion et de sa mort en croix.

Accomplissant le service de la Parole de Dieu qui lui a été confié, l’Église annonce le mystère révélé contenu dans cette Parole. Le mystère est avant tout le Christ lui-même. Car il est la vraie vigne. Dans l’allégorie, c’est de lui-même qu’il parle: «Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron»[4]. Cette attention divine pour la vigne se manifeste par le soin avec lequel les sarments sont traités. Et nous tous, nous sommes les sarments, chacun et chacune d’entre nous. Tous, nous sommes appelés par le Père à porter du fruit en demeurant dans le Christ, de même que les sarments portent du fruit à condition de rester unis à la vigne. Le Maître déclare: «Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire»[5].

3. Vous tous ici réunis, vous désirez porter beaucoup de fruit pour l’Église qui a pris racine dans cette terre africaine. Depuis que l’Église proclame le Christ dans cette contrée, les ministres de la Parole de Dieu, les ministres de l’Évangile mettent tout en œuvre «afin d’amener tout homme à sa perfection dans le Christ»[6]. Ils se dépensent sans compter, à l’exemple de l’Apôtre Paul qui s’est donné de la peine et a lutté avec toute la force du Christ dont la puissance agissait en lui[7]. Et le but de ce combat spirituel, c’était, et c’est toujours, que les cœurs des hommes «soient remplis de courage et qu’ils soient rassemblés dans l’amour, afin d’acquérir toute la richesse de l’intelligence parfaite, et la vraie connaissance du mystère de Dieu»[8]. À ces trésors de la sagesse et de la connaissance, qui sont cachés dans le Christ[9], chacun peut accéder selon le don qu’il a reçu, selon sa vocation dans le Christ et dans l’Église.

4. Chers frères prêtres, unis à votre Evêque, efforcez-vous de former un presbyterium fraternel; soyez fidèles à Jésus Christ et à votre sacerdoce; engagez-vous résolument dans l’annonce de la Bonne Nouvelle: vous avez reçu l’ordination sacerdotale pour cela. Faites connaître Jésus Christ, révélez «le mystère qui était caché depuis toujours à toutes les générations»[10] et dont la proclamation officielle dans votre pays a subi une longue éclipse. Mettez les fidèles en relation vraie avec le Christ.

En cette étape de votre histoire nationale, soyez plus que jamais des rassembleurs et des agents d’unité. Edifiez et maintenez la communion entre les chrétiens, dans la communauté qui vous est confiée et avec les autres communautés diocésaines. Le prêtre, en effet, est le ministre de la communion, celui qui assure le rassemblement de la famille de Dieu.

Ayez une parole d’espérance pour tous les fidèles, mais plus spécialement pour les jeunes, en butte aux difficultés de la vie à cause d’une ouverture soudaine au libéralisme, et durement frappés par le chômage. Apprenez-leur que le cœur de l’homme doit changer d’abord pour que changent les choses. Le cœur, en effet, rend le regard attentif et bienveillant, le cœur suggère le geste d’entraide concrète. C’est à partir d’une disposition intérieure à vouloir sincèrement le bien commun que se construit l’unité. Encouragez la jeunesse à entreprendre avec enthousiasme, dans l’amour et dans l’espérance, les tâches de ce monde qu’un chrétien ne saurait déserter.

Enfin, parmi les actes de votre ministère sacerdotal, il en est un de grande valeur et d’actualité après tant d’années de souffrances et de douloureux souvenirs accumulés, je veux parler du ministère de la réconciliation: soyez des artisans de paix et faites comprendre autour de vous que l’Église est composée de gens réconciliés, qui ont été lavés dans le sang du Christ et qui ont reçu l’Esprit Saint, Esprit de paix.

5. Chers Frères et Sœurs, membres des Instituts de vie consacrée, vous avez choisi la vie religieuse pour répondre à l’appel du Christ à être parfait comme le «Père céleste est parfait»[11], et vous avez pris, pour y parvenir, les voies évangéliques de la chasteté, de la pauvreté et de l’obéissance.

Sachez bien que vous avez un rôle irremplaçable dans la mission de l’Église. Par les renoncements qu’entraîne votre vocation, vous témoignez de la prééminence des valeurs spirituelles et vous êtes en quelque sorte, pour vos frères et sœurs, une invitation vivante à préserver ces mêmes valeurs, qu’ils seraient davantage tentés de négliger aujourd’hui. Par votre prière et votre vie d’union à Dieu, vous montrez la source de l’efficacité de tout labeur pour la venue du Règne: «Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez et vous l’obtiendrez»[12]. Souvenez-vous que c’est par la prière que l’Église de Guinée a tenu pendant la tourmente.

Continuez à rayonner la joie qui découle du choix d’une vie simple, dans la ligne des Béatitudes, et à donner l’exemple du travail, nécessaire à chacun pour gagner sa vie et source de fierté, car il associe l’homme à l’œuvre divine de la création toujours en acte.

6. Quant à vous, chers catéchistes, vous avez bien pris votre place dans le Corps du Christ et vous y jouez votre rôle. Vous avez su combler le vide laissé par le départ des pasteurs pendant les années de persécution. C’est grâce à vous que les chrétiens de Guinée, isolés, privés de prêtres, empêchés de communiquer avec l’extérieur, ont tenu bon, car vous avez continué à les instruire, à leur faire lire la Bible et vous les avez aidés à prier.

Le Pape est heureux de rendre hommage à votre œuvre apostolique et à votre remarquable fidélité. Soyez-en remerciés ainsi que les membres des conseils paroissiaux et tous les fidèles laïcs engagés. À une époque où, dans le monde entier, les chrétiens se renouvelaient au souffle du Concile, vous mettiez déjà en pratique, sans les connaître, ses orientations.

Aujourd’hui que l’Église en Guinée reprend vigueur, je vous encourage à poursuivre l’évangélisation aux côtés de vos pasteurs, qui apprécient votre collaboration. Je souhaite que vous puissiez vous renouveler dans tout ce qui est utile à votre ministère, que vous puissiez aussi nourrir et fortifier votre vie spirituelle afin d’accomplir au mieux votre mission.

7. Enfin, je me tourne vers vous, chers séminaristes qui allez façonner le visage de l’Église de l’an 2000 en Guinée. Cherchez à devenir les hommes de la foi, afin d’annoncer de manière convaincante la Parole de Dieu, de soutenir vos frères dans leurs convictions et de les réconforter dans leurs doutes.

Cherchez à devenir les hommes des mystères de Dieu, témoins de l’Invisible auprès de ceux qui vous entourent, chrétiens, musulmans ou adeptes des religions ancestrales.

Devenez les hommes de la communion, qui savent cimenter l’union entre les membres du Peuple de Dieu par l’Eucharistie.

Pour tendre à cet idéal, il faut que vous nourrissiez en vous une vie spirituelle exigeante, car l’impact de votre activité pastorale est conditionné par elle. Tel est le message contenu dans le passage d’Évangile que nous avons entendu, où Jésus subordonne notre efficacité à notre union avec Lui: «En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire»[13].

Le travail qui vous attend, vous ne l’aborderez pas en solitaires. Vous le ferez avec vos frères dans le sacerdoce, avec qui vous établirez des liens de profonde amitié spirituelle. Sur la base de ces liens et de ceux qui naîtront au contact des communautés paroissiales, votre célibat prendra un sens nouveau et vous conduira sur le chemin d’une authentique paternité spirituelle qui portera un fruit abondant.

8. Le Christ est au milieu de nous, Lui, l’espérance de la gloire[14].

Paul a reçu de Dieu la mission d’accomplir sa parole[15]; cette mission, nous la comprenons bien par l’allégorie sur la vraie vigne et sur les sarments.

Jésus dit: «Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous... Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous donniez beaucoup de fruit»[16]. Comme les Apôtres, nous sommes appelés nous aussi à participer à la gloire de Dieu même, par ce que nous devons faire en tant que disciples du Christ. Même si la voie sur laquelle nous le suivons comporte souvent la souffrance, elle constitue pour l’apôtre une source de joie: car, dans les souffrances, chacun de nous peut compléter dans sa propre chair «ce qu’il reste à souffrir des épreuves du Christ, pour son corps qui est l’Église»[17].

Qu’il est puissant l’apostolat de la souffrance, bien qu’humainement il soit difficile de s’en apercevoir quand on considère le dénuement de l’être humain! Mais le Christ n’a-t-il pas opéré la rédemption du monde en se dépouillant lui-même[18]?

Telle est la plénitude du Mystère qui est en Lui. Dans le sacrifice de la Croix, le Christ est pour tout homme «l’espérance de la gloire». «Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire?»[19].

Par la Croix et la Résurrection, Jésus Christ demeure en nous: il est la vraie vigne, et celui qui demeure en Lui donne beaucoup de fruit.

Que ce Mystère rayonne dans votre Église! Qu’il soit la source et la puissance qui vous permettent de porter du fruit dans l’Esprit Saint, pour la gloire de Dieu et pour le salut de vos âmes!

 


[1] Io. 15, 5.

[2] Luc. 1, 42.

[3] Cfr. Col. 2, 1.

[4] Io. 15, 5.

[5] Ibid. 15, 5.

[6] Col. 1, 28.

[7] Cfr. ibid. 1, 29.

[8] Ibid. 2, 2.

[9] Cfr. ibid. 2, 3.

[10] Ibid. 1, 26.

[11] Cfr. Matth. 5, 48.

[12] Io. 15, 8.

[13] Matth. 15, 5.

[14] Cfr. ibid. 1, 27.

[15] Cfr. ibid. 1, 25.

[16] Io. 15, 7-8.

[17] Cfr. Col. 1, 24.

[18] Cfr. Phil. 2, 7.

[19] Luc. 24, 25; Cfr. Phil. 2, 7.

 



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