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LETTRE DU PAPE JEAN-PAUL II
À TOUS LES ÉVÊQUES DE L'ÉGLISE
À L'OCCASION DU
JEUDI SAINT 1979

 

Frères très chers dans l’épiscopat,

Le jour approche où nous participerons à la liturgie du Jeudi saint avec nos frères dans le sacerdoce et méditerons sur le don inestimable dont nous sommes devenus participants en vertu de l’appel du Christ prêtre éternel. Ce jour-là, avant de célébrer la liturgie In Cena Domini, nous nous réunirons dans nos cathédrales pour renouveler, devant Celui qui s’est fait pour nous « obéissant jusqu’à la mort » [1] en se donnant totalement à l’Église, son épouse, le don de nous-mêmes au service exclusif du Christ dans son Église.

La liturgie nous ramène, en ce jour saint, à l’intérieur du Cénacle où, pleins de reconnaissance, nous nous mettons à l’écoute des paroles du divin Maître, paroles pleines de sollicitude pour chaque génération d’évêques qui sont appelés à la suite des apôtres à assumer la charge de l’Église, du troupeau, de la vocation de tout le Peuple de Dieu, de la proclamation de la parole de Dieu, de toute l’organisation de la vie sacramentelle et morale des chrétiens, des vocations sacerdotales et religieuses, de l’esprit fraternel dans la communauté. Le Christ a dit : « Je ne vous laisserai pas orphelins. Je reviendrai vers vous [2]. » Ces trois jours saints de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur ravivent justement en nous, d’une manière intense, non seulement la mémoire de son départ, mais aussi la foi en son retour, en sa venue continuelle. Que signifient en effet les mots : « Et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde [3] » ?

Dans l’esprit de cette foi, qui imprègne tout ce triduum pascal, je voudrais, vénérés et chers frères, que dans notre vocation et notre ministère épiscopal nous sentions d’une façon particulière — en cette année qui est la première de mon pontificat — cette unité à laquelle participaient les Douze lorsqu’ils se trouvaient réunis autour du Christ pour la dernière Cène. C’est là qu’ils entendirent les paroles qui les honoraient au plus haut point, tout en étant les plus exigeantes : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que fait son maître, je vous appelle amis, car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais c’est moi qui vous ai choisis et vous ai institués pour que vous alliez et que vous portiez du fruit et un fruit qui demeure [4]… »

Peut-on ajouter quelque chose à ces paroles ? Ne doit-on pas plutôt, face à la grandeur du mystère que nous célébrons aujourd’hui, s’arrêter devant elles, dans l’humilité et la reconnaissance ? Ainsi s’enracine plus profondément en nous la conscience du don que nous avons reçu du Seigneur par notre vocation et notre ordination épiscopale. En effet, le don de la plénitude sacramentelle du sacerdoce est plus grand que toutes les fatigues et même toutes les souffrances liées à notre ministère pastoral dans l’Épiscopat.

Le Concile Vatican II nous a rappelé et clairement expliqué que ce ministère, qui est évidemment un devoir personnel pour chacun, nous l’accomplissons dans la communion fraternelle de l’ensemble du Collège ou « corps » épiscopal de l’Église. Si donc, en nous adressant à tout homme et d’une façon spéciale à tout chrétien, nous l’appelons « frère » à juste titre, lorsqu’il s’agit de nous autres évêques et de nos relations réciproques, ce nom de « frère » prend une signification toute particulière : il nous fait remonter directement, en un certain sens, à cette fraternité qui a rassemblé les apôtres autour du Christ, à l’amitié dont le Christ les a honorés et par laquelle il les a unis entre eux, comme l’attestent les paroles déjà citées de l’Évangile de Jean.

Il faut donc souhaiter, vénérés et chers frères, et aujourd’hui tout particulièrement, que tout ce que le Concile Vatican II a si merveilleusement renouvelé dans notre conscience prenne un caractère toujours plus marqué de collégialité, aussi bien comme principe de notre collaboration (collegialitas effectiva) que comme lien fraternel cordial (collegialitas affectiva), pour bâtir le Corps mystique du Christ et approfondir l’unité de tout le Peuple de Dieu.

En cette rencontre, dans vos cathédrales, avec les prêtres diocésains et religieux qui forment le presbyterium de vos Églises particulières, de vos diocèses, vous recevrez — comme il est prévu — le renouvellement des promesses qu’ils ont faites entre vos mains le jour de leur ordination sacerdotale. Compte tenu de cela, j’adresse aux prêtres, à part, une lettre qui, je l’espère, leur permettra comme à vous-mêmes de vivre encore plus profondément cette unité, ce lien mystérieux par lequel nous sommes unis dans l’unique sacerdoce de Jésus-Christ, qui a trouvé son achèvement dans le sacrifice de la croix grâce auquel il a mérité d’entrer « dans le sanctuaire [5] ». J’espère, frères vénérés, que ce que je dirai aux prêtres en ce début de mon ministère sur la Chaire de saint Pierre vous aidera, vous aussi, à renforcer toujours davantage la communion et l’unité de tout le presbyterium [6], qui sont fondées sur notre communion et notre unité collégiales dans l’Église.

Puisse se renouveler également votre amour pour vos prêtres, que l’Esprit-Saint vous a donnés et confiés comme vos plus proches collaborateurs dans votre charge pastorale ! Ayez soin d’eux comme de fils bien-aimés, de frères, d’amis. Rappelez-vous tous leurs besoins. Ayez une sollicitude particulière pour leur progrès spirituel, pour leur persévérance dans la grâce du sacerdoce. Puisque c’est entre vos mains qu’ils prononcent — et renouvellent chaque année — leurs promesses sacerdotales, et spécialement leur engagement au célibat, faites tout ce qui est en votre pouvoir pour qu’ils restent fidèles à ces promesses, comme l’exige la sainte Tradition de l’Église, Tradition née de l’esprit même de l’Évangile.

Cette sollicitude pour nos frères dans le ministère sacerdotal doit s’étendre aussi aux séminaires ecclésiastiques, qui constituent dans toute l’Église et dans chacune de ses parties un témoignage éloquent de sa vitalité et de sa fécondité spirituelle, celles-ci s’exprimant par la disponibilité à se donner exclusivement au service de Dieu et des âmes. Il faut à nouveau aujourd’hui faire tous les efforts possibles pour susciter des vocations, pour former de nouvelles générations de candidats au sacerdoce, de futurs prêtres. Il faut le faire avec un authentique esprit évangélique, et aussi en sachant lire comme il faut les signes des temps auxquels le Concile Vatican II a prêté une si grande attention. La pleine reconstitution de la vie des séminaires dans toute l’Église sera le test le meilleur de la réalisation du renouveau vers lequel le Concile a orienté l’Église.

Vénérés et chers frères ! Tout ce que je vous écris en me préparant à vivre en profondeur le Jeudi saint — « fête » des prêtres —, je désire le relier étroitement au souhait que les apôtres entendirent ce jour-là de la bouche de leur Maître très aimé: « … Que vous alliez et que vous portiez du fruit, et un fruit qui demeure [7]. » Nous ne pourrons porter ce fruit qu’en demeurant en lui : sur la vigne [8]. Il l’a dit clairement dans son discours d’adieu, la veille de sa Pâque : « Qui demeure en moi, comme moi en lui, porte beaucoup de fruit ; car hors de moi vous ne pouvez rien faire [9]. » Que pourrais-je vous souhaiter de plus, frères bien-aimés, que pouvons-nous réciproquement nous souhaiter de plus que cela : demeurer en lui, Jésus-Christ, et porter du fruit, un fruit qui demeure ?

Acceptez ce souhait. Essayons d’approfondir toujours davantage notre unité; cherchons à vivre encore plus intensément les trois jours saints de la Pâque de Notre-Seigneur Jésus-Christ !

Du Vatican, le 8 avril 1979, dimanche des Rameaux et de la Passion, en la première année de mon pontificat.

IOANNES PAULUS PP. II 


[1] Ph 2, 8.

[2] Jn 14, 18.

[3] Mt 28, 20.

[4] Jn 15, 15-16.

[5] Cf. He 9, 12.

[6] Cf. Constitution dogmatique Lumen gentium, 28.

[7] Jn 15, 16.

[8] Cf. Jn 15, 1-8.

[9] Jn 15, 5.

 

© Copyright 1979 Libreria Editrice Vaticana

       



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