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VISITE PASTORALE À NAPLES

DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II
AUX NAPOLITAINS

 

Très chers frères et sœurs de Naples,

1. Il faut avant tout que j'exprime mes vifs remerciements à votre Cardinal Archevêque Corrado Ursi, pour les nobles paroles de bienvenue qu'il vient de m'adresser au nom de toute la communauté ecclésiale de cette très noble Terre. Mais après, immédiatement après, je désire vous saluer et vous remercier, chacun en particulier, pour être accourus si nombreux et pour m'a voir réservé un accueil particulièrement fervent, c'est-à-dire riche de ces sentiments de spontanéité, d'affection, de chaleur humaine qui dans le monde entier ont fait connaître votre nom et aimer votre population pour sa typique tradition d'hospitalité.  Aujourd'hui également, en la présente circonstance, — et je le dis avec profonde conviction — s'est révélé le grand et généreux cœur de Naples.

Et voilà, alors je me demande et je vous demande : comment aurais-je pu manquer de faire une halte parmi vous ? Comment aurais-je pu me priver du plaisir de vous parler et de vous bénir ? Me rendant en pèlerinage au proche sanctuaire marial de Pompéi, j'ai senti le devoir de visiter votre ville, en souvenir, certes, de précédents contacts mais surtout en réponse aux invitations et aux attentes qui m'ont été signifiées de nombreuses fois durant cette première année de mon ministère.

2. J'ai déjà fait allusion à la tradition : que signifie et qu'implique ce terme ici à Naples ? Il évoque certainement une histoire très ancienne qui remonte à la première Palèpoli : je parle de l'aventure séculaire d'une ville qui, comme la région environnante de la Campanie, a vu fleurir en son sein diverses cultures et philosophies, les arts et les lettres, la musique et le chant, à l'enseigne d'une civilisation que le monde considère toujours avec admiration. Mais vous comprenez bien qu'en parlant de tradition j'entends surtout la tradition religieuse chrétienne, admirablement attestée ici depuis l'époque où l'apôtre Paul débarqua au golfe de Pozzuoli, tout proche d'ici, en faisant route vers Rome. Selon le témoignage explicite des Actes des Apôtres (28, 14) il trouva quelques "frères" et, à leur demande, il resta sept jours avec eux. C'est précisément la présence attestée de chrétiens vers les années soixante de notre ère et la déduction logique que le passage du Docteur des Gentils parmi eux n'avait pu manquer de porter de nombreux fruits qui me poussent à qualifier littéralement et authentiquement d'apostolique votre foi à laquelle, par la suite, le contact ininterrompu avec l'Église de Rome a conféré au cours des siècles un développement et une solidité comptacte. Naples n'a jamais connu de détachements ou de cassures dans sa profession chrétienne.

C'est là la première des raisons, très chers fils de l'Église "apostolique" parthénopéenne pour lesquelles je désire exalter votre patrimoine religieux et, en même temps, vous exhorter à la cohérence de la fidélité et au courage du témoignage. Les temps ont indubitablement changé et il est probable que nouvelles sont les difficultés et plus insidieux les dangers avec lesquels la foi se trouve aux prises. C'est pourquoi s'impose un plus grand effort tendant non seulement à conserver ce qu'une haute tradition de pasteurs et de saints, de gens humbles et illustres, d'hommes et de femmes vous a exemplairement transmis, mais aussi à raviver cet héritage et à le traduire en œuvres d'authentique trempe chrétienne. Comme vous le savez "la foi sans les œuvres est une foi morte" (Jn 2, 17).

3. Mais je dois également faire l'éloge de la préparation spirituelle dont la communauté diocésaine a fait précéder cette rencontre avec l'humble Successeur de Pierre qui vous parle en ce moment. Je sais, en effet, que hier a eu lieu une veillée de prière spéciale qui avait pour thème "L'Église en marche". Et ma satisfaction est d'autant plus vive qu'à cette pieuse initiative s'adapte parfaitement le thème choisi pour la réflexion : vous avez prié pour le Pape, selon ses intentions qui ont une dimension universelle ; vous avez prié pour la formidable charge de responsabilités qui pèse sur ses épaules et. en même temps, confirmant ce lien de communion avec lui — vous avez tâché de prendre plus vivement conscience de vos propres responsabilités personnelles comme prêtres, religieux, parents, fidèles. Oui, l'Église doit marcher parce qu'elle est un organisme vivant, elle est le Corps du Christ animé par son même Esprit. Mais elle marche à condition que non seulement les pasteurs mais aussi toutes les brebis du troupeau soient en mouvement: elle marche quand elle se laisse animer par ïa force intérieure que lui imprime son fondateur. En favorisant le moment de la prière, vous avez voulu attester que l'élément propulseur nécessaire pour que se réalise cette marche de l'Église est et reste toujours l'aide de Dieu que l'on ne peut obtenir que par la prière.

Vous avez également prié à cette intention ici, maintenant en attendant mon arrivée : vous avez participé à la liturgie dominicale présidée par votre Archevêque. Dois-je rappeler que c'est précisément par la liturgie — comme l'a écrit le Concile Vatican II — que "s'exerce l'œuvre de notre Rédemption", et qu'elle "contribue au plus haut point a ce que les fidèles, par leur vie, expriment et manifestent aux autres le mystère du Christ" (Const. dogm. Sacrosanctum Concilium, n. 2) ? Ne consiste-t-elle pas à exprimer au niveau personnel et à présenter aux autres le mystère du Christ — la raison de la marche de l'Église dans l'histoire, aux côtés de tous les hommes et de chaaue homme en particulier ? Continuez donc à prier avec l'Église et pour l'Église afin qu'alerte et sûre soit sa marche, stable son ralliement au Christ et immanquable son arrivée au but. Étre avec l'Église veut dire être et demeurer "avec le Christ en Dieu" (Col 3, 3).

4. Il y a dans la liturgie d'aujourd'hui une pensée qu'il me plaît de souligner parce qu'elle me donne l'occasion d'intégrer ce que je vous ai dit jusqu'à présent au sujet de la valeur de la foi et sur la fidélité à l'Église. Intervenant dans une discussion entre ses apôtres. Jésus dit : "Le Fils de l'homme lui-même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude" (Mc 10, 45). Donc, non pas la domination sur les autres, mais le service ; non pas le pouvoir sur les frères, mais la volonté de les aider, voilà une autre vertu qui qualifie le vrai chrétien. "À ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à cet amour que vous aurez les uns pour les autres" (Jn 13, 35). De cette vertu — que nous appelons amour du prochain selon le vocabulaire évangélique — vous avez devant vous, citoyens de Naples, des exemples insignes que vous devez regarder, dont vous pouvez fructueusement vous inspirer. Que de trésors de pure charité chrétienne révèlent les pages de votre vie religieuse ! Que de saints et de héros de la charité parmi vous — souvent ignorés — suscités par le Seigneur aux différentes époques pour secourir les pauvres, assister les orphelins et les enfants abandonnés, soulager les incurables, intervenir promptement pour parer aux misères naissantes et même souvent pour les prévenir ! Le tableau lumineux de !a charité chrétienne qui, par le passé, s'est épanouie ici sous mille formes constitue un point de référence précis et un stimulant qui doivent vous inciter à la continuer, à l'amplifier à la mesure des exigences, persistantes ou nouvelles, de nos jours.

5. Comme on peut le comprendre aisément, je parle de la nécessité urgente de développer cet esprit de service que le Seigneur n'a pas revendiqué seulement pour lui-même, mais qu'il a recommandé comme "son" précepte à tous les siens, et donc à nous également. Je parle de l'exercice de la charité à l'égard du prochain, ce qui, dans le contexte du suprême commandement de l'amour, est la preuve concrète de la charité envers l'autre terme : Dieu. Mais, disant ceci, je n'ignore ni sous-estime, certes l'importance et la gravité des problèmes de la justice. Comment pourrais-je, ici à Naples, fermer les yeux devant certaines réalités douloureuses qui s'appellent vie sans sécurité par manque de travail et, en conséquence, rareté du pain, risque de maladie, impropriété des logements, état de crise régnant dans quelques couches sociales ? Cette situation touche profondément mon cœur, veuillez m'en croire et si j'ai mis l'accent sur l'exercice plus actif et concret de la charité fraternelle, c'est que j'entends stimuler ces forces spirituelles et morales qui peuvent, ou mieux qui doivent mettre simultanément en marche la justice sociale. La charité et la justice ne s'opposent pas, ne s'éliminent pas l'une l'autre : la charité, premier devoir de tout chrétien, non seulement ne rend pas superflue mais réclame et complète la justice qui est pour tout homme une vertu cardinale.

Le 2 octobre dernier devant l'Assemblée des Nations Unies j'ai voulu réaffirmer que la paix dépend de l'honnête mise en pratique des droits de l'homme, comme déjà, dans son Encyclique Pacem in Terris, mon prédécesseur Jean XXIII l'avait affirmé. Vous savez que ces droits ont une double dimension, du fait que l'homme vit "en même temps dans le monde des valeurs matérielles et dans celui des valeurs spirituelles. Pour l'homme concret qui vit et espère, les besoins, la liberté et les relations avec les autres, ne correspondent jamais à seulement l'une ou l'autre sphère de valeurs, mais appartiennent à l'une et à l'autre sphère (n. 14). C'est pourquoi "toute menace aux droits humains tant dans le cadre des biens matériels que dans celui des cadres spirituels est également dangereuse pour la paix, parce qu'elle concerne toujours l'homme dans son intégralité" (cf. n. 17 et 19).

Je veux donc une fois de plus souhaiter la paix à chaque nation et pays du monde et, puisque je parle d'ici, du sol italien, je veux souhaiter également la paix à cette chère Italie, que j'aime comme une seconde patrie. Je souhaite à toutes les nations la paix intérieure, ce qui veut dire le dépassement des tensions exaspérées et l'abandon des pratiques toujours détestables de la violence et du terrorisme. Comme je l'ai dit récemment "la paix ne saurait s'établir avec la violence, la paix ne pourra jamais fleurir dans un climat de terreur, d'intimidation et de mort" (Liturgie de la Parole à Drogheda, 29 septembre 1979). En effet la violence est un mal, elle est inacceptable comme solution des problèmes ; elle est indigne de l'homme. Le sens chrétien des valeurs doit nous convaincre au'il est absurde de recourir à la violence pour instaurer la justice et la paix.

Ma visite à Naples coïncide avec mon pèlerinage à Pompéi, où je suis allé afin de rendre grâces pour mon récent voyage apostolique et demander qu'il rapporte d'abondants fruits de bien, et soécialement que soient renforcées les bases mêmes de la paix et de l'ordre dans le monde. Ce but spirituel du voyage je l'étends à cette rencontre-ci avec vous, chers Napolitains. Oui, devant vous, et avec vous je prie, je le répète, pour la paix en cette chère Italie et je le fais par intime exigence du cœur à l'égard de cette terre bénie par le Seigneur. Rappelons-nous que, conduite selon une conception unilatérale, la "lutte pour la justice" peut devenir la source d'une injustice plus grande et se résoudre en une menace plus grave pour la vie sociale tout entière. Il faudra donc se prodiguer avec une toute particulière intensité, pour obtenir cette paix à l'intérieur, et cette invitation je l'adresse à tous les responsables incitant à accomplir cette œuvre de première nécessité. Il s'agit en effet du bien de tous.

6. J'adresse un appel, en premier lieu aux fils de l'Église, puis à tous les hommes de bonne volonté, aux autorités religieuses et civiles, un appel à redoubler d'efforts pour que certaines situations de pénurie et de malaise qui frappent injustement et font souffrir tant de frères soient heureusement surmontées dans un esprit de concorde et de collaboration.

En vous proposant comme objectif prioritaire, immédiat cet effort de solidarité active, je veux vous confier que c'est précisément à cela que j'ai pensé lorsque j'ai accepté votre invitation et que je considère, par conséquent, comme le fruit le plus consolant de ma visite d'avoir pu — même en modeste mesure — contribuer à stimuler et à soutenir les initiatives nécessaires â entreprendre. Naples, en effet, mérite cet intérêt particulier. Naples requiert une sollicitude directe. Naples a besoin d'espérer. Je parle de l'espérance dans sa vie, dans son avenir ; je parle de l'espérance également dans le sens humain et civil, une espérance qui, — comme le binôme justice et charité — est inséparable de l'espérance plus élevée qui, sous la lumière de Dieu, réjouit la vie chrétienne.

Courage, donc, frères et sœurs de Naples ! Je veux être le premier à espérer, souhaitant pour vous et pour moi qu'avec l'aide de la Providence du Seigneur, avec l'effort coordonné et volontaire des bons, dans une fidélité à toute épreuve aux valeurs chrétiennes, puisse, à l'horizon de cette ville attirante, s'annoncer une période de plus florissant développement en vue d'un avenir heureux et serein, digne en tout de son grand passé.

Et je désire conclure mes vœux en invoquant pour vous la protection céleste de la Vierge Sainte, vénérée ici sous le très beau titre de Notre-Dame du Carmel. En même temps qu'elle, j'invoque le patronage des saints qui vous sont le plus chers : saint Janvier, saint Alphonse Marie de Liguori, le bienheureux Joseph Moscati, et le vénérable Bartolo Longo. Et de tout cœur je vous donne ma bénédiction apostolique.

 

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