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DISCOURS DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II 
AUX PARTICIPANTS À LA SESSION PLÉNIÈRE DU 
CONSEIL PONTIFICAL DE LA CULTUR
E

Salle du Consistoire
Vendredi 14 mars 1997

 

Messieurs les Cardinaux,
Chers Frères dans l'épiscopat,
Chers amis,

1. C'est avec joie que je vous accueille ce matin, au terme de votre Session plénière. Je remercie votre Président, Monsieur le Cardinal Paul Poupard, d'avoir rappelé l'esprit dans lequel se sont déroulés vos travaux. Vous avez réfléchi à la question de savoir comment aider l'Église à assurer une présence plus forte de l'Évangile au cœur des cultures, à l'approche du nouveau millénaire.

Cette rencontre m'offre l'occasion de vous le redire: « La synthèse de la culture et de la foi n'est pas seulement une exigence de la culture, mais aussi de la foi » [1]. C'est ce que les chrétiens fidèles à l'Évangile ont réalisé au long de deux millénaires dans les situations culturelles les plus diverses. L'Église s'est le plus souvent insérée dans la culture des peuples au milieu desquels elle s'était implantée, pour la modeler selon les principes de l'Évangile.

La foi au Christ incarné dans l'histoire ne transforme pas seulement intérieurement les personnes, mais elle régénère aussi les peuples et leurs cultures. Ainsi, à la fin de l'Antiquité, les chrétiens, qui vivaient dans une culture à laquelle ils devaient beaucoup, la transformèrent de l'intérieur et lui insufflèrent un esprit nouveau. Lorsque cette culture fut menacée, l'Église, avec Athanase, Jean Chrysostome, Ambroise, Augustin, Grégoire le Grand et bien d'autres, transmit l'héritage de Jérusalem, d'Athènes et de Rome, pour donner naissance à une authentique civilisation chrétienne. Ce fut, avec les imperfections inhérentes à toute œuvre humaine, l'occasion d'une synthèse réussie entre la foi et la culture.

2. De nos jours, cette synthèse fait souvent défaut et la rupture entre Évangile et culture est « sans doute le drame de notre époque » [2]. Il y a là un drame pour la foi, car, dans une société où le christianisme semble absent de la vie sociale et la foi reléguée dans la sphère du privé, l'accès aux valeurs religieuses devient plus difficile, surtout pour les pauvres et les petits, c'est-à-dire pour la grande majorité du peuple qui se sécularise insensiblement, sous la pression des modèles de pensée et d'agir propagés par la culture dominante. L'absence d'une culture qui les soutienne empêche ces petits d'accéder à la foi et d'en vivre pleinement.

Cette situation est aussi un drame pour la culture qui, du fait de la rupture avec la foi, traverse une crise profonde. Le symptôme de cette crise, c'est d'abord le sentiment d'angoisse qui provient de la conscience de la finitude dans un monde sans Dieu, où l'on fait du moi un absolu et des réalités terrestres les seules valeurs de la vie. Dans une culture sans transcendance, l'homme succombe à l'attrait de l'argent et du pouvoir, du plaisir et du succès. Il rencontre aussi l'insatisfaction provoquée par le matérialisme, la perte du sens des valeurs morales et l'inquiétude devant l'avenir.

3. Mais, au cœur d'un tel désenchantement, il subsiste toujours une soif d'absolu, un désir de bien, une faim de vérité, un besoin d'accomplissement de la personne. C'est dire l'ampleur de la tâche du Conseil pontifical pour la Culture: aider l'Église à opérer une nouvelle synthèse entre la foi et la culture pour le plus grand bien de tous. En cette fin de siècle, il est essentiel de réaffirmer la fécondité de la foi dans l'évolution d'une culture. Seule une foi source de décisions spirituelles radicales est capable d'agir sur la culture d'une époque. Ainsi, l'attitude de saint Benoît, ce patricien romain qui abandonna une société vieillie et se retira dans la solitude, l'ascèse et la prière, fut déterminante pour la croissance de la civilisation chrétienne.

4. Dans son approche des cultures, le christianisme se présente avec le message du salut, reçu par les Apôtres et les premiers disciples, pensé et approfondi par les Pères de l'Église et les théologiens, vécu par le peuple chrétien, en particulier par les saints, et exprimé par ses grands génies théologiques, philosophiques, littéraires et artistiques. Nous avons à annoncer ce message aux hommes d'aujourd'hui dans toute sa richesse et toute sa beauté.

Pour ce faire, chaque Église particulière devrait avoir un projet culturel, comme c'est déjà le cas dans tel ou tel pays. Au cours de cette Assemblée plénière, vous avez consacré une part notable de vos travaux à considérer non seulement les enjeux, mais aussi les exigences d'une authentique pastorale de la culture, décisive pour la nouvelle évangélisation. Venus d'horizons culturels variés, vous faites connaître au Saint-Siège les attentes des Églises locales et les échos de vos communautés chrétiennes.

Parmi les tâches qui vous reviennent, je souligne quelques points qui requièrent de votre Conseil la plus grande attention, tels que la mise en place de Centres culturels catholiques ou la présence dans le monde des médias et dans le monde scientifique pour y transmettre l'héritage culturel du christianisme. Dans tous ces efforts, soyez particulièrement proches des jeunes et des artistes.

5. Aux cultures, la foi au Christ donne une dimension nouvelle, celle de l'espérance du Règne de Dieu. Les chrétiens ont vocation d'inscrire au cœur des cultures cette espérance d'une terre nouvelle et de cieux nouveaux. Car, lorsque l'espérance s'évanouit, les cultures se meurent. Bien loin de les menacer ou de les appauvrir, l'Évangile leur apporte un surcroît de joie et de beauté, de liberté et de sens, de vérité et de bonté.

Nous sommes tous appelés à transmettre ce message par un discours qui l'annonce, une existence qui l'atteste, une culture qui la fait rayonner. Car l'Évangile conduit la culture à sa perfection et la culture authentique est ouverte à l'Évangile. Le travail qui consiste à les donner l'un à l'autre sera sans cesse à reprendre. J'ai institué le Conseil pontifical pour la Culture afin d'aider l'Église à vivre l'échange salvifique où l'inculturation de l'Évangile va de pair avec l'évangélisation des cultures. Que Dieu vous assiste dans l'accomplissement de votre mission exaltante!

Confiant à Marie, Mère de l'Église et première éducatrice du Christ, l'avenir du Conseil pontifical pour la Culture et celui de tous ses membres, je vous donne de grand cœur la Bénédiction Apostolique.


[1] Ioannis Pauli PP. II  Litterae quibus Pontificium Consilium de Cultura conditur, die 20 maii 1982: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, V, 2 (1982) 1777.

[2] Pauli VI Evangelii Nuntiandi, 20.

 

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