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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AU CHAPITRE GÉNÉRAL DES FRÈRES
DES ECOLES CHRÉTIENNES

Mardi 7 juin 1966

 

Chers Fils,

Nos premiers mots seront pour remercier votre Supérieur Général des belles pensées qu’il a développées devant Nous. Nous sommes heureux de saisir cette circonstance pour lui renouveler Nos félicitations et Nos vœux, au moment où vos suffrages viennent de le placer à la tête de votre Congrégation. Et Nous voudrions aussi, à cette occasion, reconnaître les mérites de celui qui s’est volontairement effacé, après avoir vaillamment porté avant lui cette lourde charge.

Lourde charge en vérité: car les valeureux fils de Saint Jean Baptiste de Lasalle sont maintenant dans le monde entier, et vous représentez ici, Nous a-t-on dit, soixante-seize nations! Témoignage éloquent de l’extension et de l’universalité de votre famille religieuse; témoignage en parfaite harmonie avec la mission éducatrice qui est la vôtre, et qui ne connaît pas de frontières. C’est sans distinction de races et de pays que l’Eglise vous envoie, comme elle en a elle-même reçu le mandat, «enseigner toutes les nations».

Mais aujourd’hui, cette grande voix de l’Eglise a retenti avec une gravité et une solennité particulières. Sa hiérarchie, venue des cinq parties du monde, a tenu ici ses assises, comme vous tenez les vôtres; et parcourant du regard les immenses problèmes qui se posent à elle sous toutes les latitudes, elle en a retenu un certain nombre dont elle a entrepris l’examen et sur lesquels elle a formulé ses conclusions.

Il Nous semble particulièrement significatif, comme à vous-même sans doute, que l’un des points qui ont fait l’objet d’un document conciliaire ait été précisément le problème de l’éducation chrétienne. Vous êtes, chers Fils, Nous Nous plaisons à le reconnaître et à le proclamer, des spécialistes hautement qualifiés - Nous voudrions presque dire des «techniciens» - de l’Education Chrétienne. L’Eglise vous remercie des immenses services que vous lui rendez dans ce domaine. Mais l’estime même qu’elle vous porte la pousse à attendre de vous plus qu’elle n’attend de tels ou tels autres de ses fils.

Elle compte bien, notamment, en ce lendemain de Concile, que vous serez les premiers et les plus empressés à étudier, à assimiler et à mettre en pratique la Déclaration conciliaire «Gravissimum educationis momentum» solennellement promulguée par Nous le 28 octobre 1965.

Vous aurez remarqué d’abord, à la lecture de ce document, le magnifique hommage rendu à l’école, reconnue - Nous citons ici les termes mêmes de la Déclaration - comme «le principal facteur de développement des facultés intellectuelles», comme «un centre dont l’activité et le progrès doivent rejaillir sur les familles, les maîtres, les associations (. . .), sur la société civile et sur toute la communauté humaine» (§ 5).

Vous aurez remarqué ensuite le souci du Concile de réaffirmer, contre certains courants actuels, la permanente opportunité et nécessité de l’école catholique. Que cette insistance si solennelle du Magistère de l’Eglise vous soit un encouragement dans votre tâche, chers Fils. Non, «ce n’est pas en vain que vous travaillez», pour reprendre l’expression de l’Apôtre.

Vous êtes adonnés à une tâche que l’Eglise non seulement ne considère pas comme périmée, mais qu’elle proclame, par la voix de plus de deux mille pères, comme souverainement importante. Et le Concile n’hésite pas à ajouter que «le rôle de ces maîtres - le vôtre - est un apostolat proprement dit, tout à fait adapté, en même temps que nécessaire, à notre époque; un vrai service rendu à la société» (§ 8).

«Mais, ajoute la Déclaration, que les Maîtres ne l’oublient pas: c’est d’eux, avant tout, qu’il dépend que l’école catholique soit en mesure de réaliser ses buts et ses desseins» (ibid).

Il s’agit donc pour vous, chers Fils, de devenir des instruments toujours plus parfaits au service de l’Eglise et de la jeunesse. Et cela ne peut se faire, Nous semble-t-il, que par la fusion harmonieuse en vos personnes d’un double courant: celui de la fidélité à vos origines, à l’idéal, à l’esprit de votre admirable Fondateur; et celui d’une attention continuelle aux besoins d’une jeunesse non pas théorique et abstraite, mais de celle qui, aujourd’hui, est confiée à vos soins, avec ses exigences, ses qualités et ses faiblesses.

C’est, en somme, cette double fidélité qui est rappelée en termes équivalents par un autre document conciliaire, qui vous concerne également, celui qui est consacré à l’adaptation et à la rénovation de la vie religieuse.

«On maintiendra fidèlement, y est-il dit, l’esprit des fondateurs et leurs intentions spécifiques». Mais on y formule également le souhait que les membres des Instituts religieux, «discernant avec sagesse les traits particuliers du monde d’aujourd’hui, soient à même de porter aux hommes - dans votre cas, aux enfants - un secours plus efficace» (Décret Perfectae caritatis, § 2).

D’abord donc la fidélité à vos origines. Vous êtes des religieux, des âmes consacrées, des hommes d’Eglise. Voilà la considération fondamentale, celle qui doit avoir le pas sur toutes les autres. La formation spirituelle, d’abord et avant tout. Car ce n’est que par un souci constant d’alimenter et de développer leur vie intérieure que les Frères des Ecoles Chrétiennes pourront exercer avec fruit leur belle mission d’éducateurs.

Mais la seconde exigence ne requiert pas une moindre attention. Vous aurez remarqué que lorsque le Décret sur l’Education chrétienne énumère les qualités de l’enseignant, il mentionne avec soin «l’aptitude continuelle à se renouveler et à s’adapter» (§ 5).

Cette adaptation appelle tous et chacun à un examen de conscience. Il s’agit pour vous, notamment, de trouver les formules d’une pédagogie chrétienne adaptée aux exigences de notre temps, et pour cela il vous faut être à l’écoute de la façon dont Dieu parle au cœur des jeunes d’aujourd’hui. «Pater semper operatur, et ego operor: le Père agit sans cesse, et moi aussi j’agis», nous assure le Christ (Jo. 5, 17). C’est dire que Dieu est sans cesse au travail pour éduquer les âmes de tous les temps selon sa divine pédagogie. Le message est identique, c’est celui de l’Evangile, celui qui fut donné une fois pour toutes par les paroles et les exemples du Dieu incarné. Mais l’Esprit-Saint dit ce message différemment au cœur de chaque génération.

Et c’est dans cette attention à la voix de l’Esprit qu’est le secret des vrais éducateurs. Ce fut le souci de vos devanciers, ce sera le vôtre. C’est le souhait que Nous Nous plaisons à former pour vous au moment où vous êtes réunis pour votre 39ème Chapitre Général.

Il ne Nous reste, chers Fils, qu’à invoquer la protection très spéciale de votre Fondateur sur l’heureuse continuation de vos assises. Vous êtes rassemblés auprès de sa dépouille mortelle. Ses écrits sont entre vos mains. Son esprit vous est familier. Que sa puissante intercession s’exerce en votre faveur, Nous le lui demandons de tout cœur, tandis que Nous faisons descendre sur vos personnes et vos travaux, sur vos maisons, et sur toute la grande famille lasallienne, en gage de Notre particulière bienveillance, une large et paternelle Bénédiction Apostolique.

                                                        



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