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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX PÈLERINS DES HOMMES D’ACTION CATHOLIQUE
DE FRANCE ET DE SUISSE

Samedi 9 mai 1970

Chers Fils,

Avec le Saint-Esprit qui descendra sur vous, vous recevrez de la force et vous serez mes témoins . . . jusqu’aux extrémités de la terre (Act. 1, 8). Ces dernières paroles du Seigneur aux Apôtres, Nous aimons vous les adresser ce matin en son nom, dans la joie de cette rencontre de famille.
1. Est-il besoin de vous redire tout d’abord l’estime et la confiance que l’Eglise, que nous-même nous mettons en vous, membres choisis du peuple de Dieu, qui êtes selon l’enseignement de Saint Pierre, «une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s’est acquis pour proclamer les merveilles de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière»? (1 Petr. 2. 9) Le récent Concile a souligné quelle est votre place de laïcs dans l’Eglise, non pas une place consentie par les clercs sous la pression de nécessités apostoliques, mais une place organique, avec un charisme et une responsabilité spécifiques. Ne négligez pas de relire ces textes lumineux, le décret sur l’apostolat des laïcs certes, et la constitution Gaudium et spes, mais d’abord cette pénétrante méditation des Pères conciliaires sur le mystère de l’Eglise: Lumen gentium, qui devrait être pour chacun de nous comme un livre de chevet.

2. Ne sommes-nous pas tous, clercs et laïcs, tournés vers le même Seigneur, attelés à la même tâche, impatients de participer, chacun à sa manière, à la construction du Royaume de Dieu? Nous n’avons pas besoin d’insister avec vous: nous savons combien vous comprenez le rôle spécifique des ministres du Christ, évêques, prêtres et diacres, et avec quel esprit filial vous collaborez avec eux. C’est d’ailleurs pour eux le plus grand réconfort qu’ils puissent trouver en ces temps difficiles: la confiance que vous mettez dans leur ministère sacerdotal. Soyez sûrs qu’ils nourrissent à votre égard, comme nous-même, un amour profond et un grand espoir.

3. Vous êtes en effet, vous voulez être des apôtres authentiques, et vous avez choisi, pour cet engagement, de militer au sein d’un mouvement d’Action Catholique hautement approuvé par l’épiscopat français et suisse, comme en témoigne près de vous la présence de plusieurs de nos frères très chers. D’une part, à travers la gérance des choses temporelles dans tous les secteurs de la vie familiale et sociale, vous travaillez du dedans à la sanctification du monde, pour que ces réalités temporelles correspondent de plus en plus au dessein d’amour de Dieu (Cfr. Lumen gentium, 31). Et en même temps, vous demeurez soucieux de révéler à vos frères, par un témoignage direct, le visage de Jésus Christ, le Sauveur. Votre «quart d’heure spirituel», la «révision de vie», votre engagement précis, le partage des réflexions aux différentes instances de votre mouvement, nous semblent des moyens très appropriés à cette démarche apostolique. Car, s’il s’agit bien de regarder en face, à partir de faits et gestes concrets, les situations réelles des hommes d’aujourd’hui, l’apôtre doit aller au-delà de cette analyse pour déceler comment Dieu lui-même est présent et agissant, et pour découvrir aussi le péché de l’homme qui s’oppose à l’influence de l’Esprit Saint. Cette démarche se prolonge dès lors comme tout naturellement dans votre action apostolique, humble, patiente et généreuse qui aide les hommes à se livrer au ferment évangélique déjà agissant en eux sans qu’ils en aient pris conscience (Cfr. Gaudium et spes, 26, § 4).

4. Sans nier l’enracinement profond de ces comportements dans un milieu social donné - qui, pour d’autres militants d’Action Catholique, constitue légitimement le cadre de leur apostolat - vous vous efforcez de les saisir au coeur des activités humaines, là où se nouent en fait des solidarités de toutes sortes, au niveau de la famille, de l’école, de la profession, des institutions culturelles, civiques, politiques, des communautés ecclésiales. Il nous semble nécessaire, en effet, de regarder en face, comme l’a fait l’Eglise au Concile dans la constitution Gaudium et spes, les problèmes posés par ces différents secteurs de la vie: « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps (Cfr. Gaudium et spes, 1). C’est là que les consciences, éclairées et converties, devront agir hardiment pour que la société d’aujourd’hui, loin de glisser dans des désagrégations fatales, se prépare à assurer le bien de tout l’homme et de tous les hommes (Cfr. Populorum progressio, 14).

5. Vous voulez en même temps renforcer les liens qui unissent les hommes, aussi bien dans ces communautés humaines, autour de leurs centres d’intérêt vitaux, que dans les communautés chrétiennes. Certes, vous le savez, il y a des relais à assurer, des niveaux d’affinités à respecter, voire des différences et des tensions à reconnaître. Mais, si légitimes que soient ces situations et mentalités diverses, l’Eglise garde le souci primordial d’éviter qu’elles ne se durcissent en divisions de nature à rompre la communion de la foi: tous nous participons à «une seule espérance, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous» (Cfr. Eph. 4, 4-6). C’est l’apôtre Paul qui nous rappelle la nécessité de l’unité. Et pourtant, nous le savons, de son temps les différences entre grecs et juifs, circoncis et incirconcis, romains et barbares, esclaves et hommes libres (Cfr. Col. 3, 11), ne le cédaient certes en rien à celles que nous vivons aujourd’hui entre riches et pauvres, patrons et ouvriers, autochtones et étrangers. A chacun, nous avertit l’apôtre, de chercher la sainteté «dans l’état où l’a trouvé l’appel de Dieu» (1 Cor. 7, 20). C’est dire que tous les particularismes doivent être vécus et dépassés dans l’unique corps du Christ, auquel tous ont vocation d’appartenir, les uns et les autres, à part entière, mais chacun avec sa fonction propre (Cfr. 1 Cor. 12, 4-31). Puissiez-vous, dans vos cercles d’Action Catholique générale, cheminer ainsi tous ensemble vers le Seigneur, «en toute humilité et douceur, avec patience, vous supportant par charité les uns les autres, et vous appliquant à garder l’unité d’esprit par le lien de la paix» (Cfr. Col. 3, 12-14). N’est-ce pas là, du reste, déjà un fruit de l’Esprit Saint, et un signe de la Rédemption du Christ qui a «renversé le mur de la haine»? (Cfr. Eph. 2, 14)

6. Nul doute qu’un tel témoignage ne soit de nature à attirer l’attention d’un monde sécularisé, bien souvent absorbé dans ses aspirations immédiates. Des chrétiens qui se respectent entre eux et qui aiment tous l’Eglise d’un même amour, eux qui sont les sarments nourris de la sève de la même vigne (Cfr. Io. 15, 5), c’est déjà le convaincant témoignage de la force libératrice de l’Evangile, et du feu d’amour allumé en nos coeurs par l’Esprit Saint. Chers Fils, de grand cœur nous vous disons: allez de l’avant et continuez à travailler en liaison étroite et confiante avec tous ceux qui coopèrent à la mission de l’Eglise dans les autres mouvements d’Action Catholique et toutes les formes d’apostolat chrétien, avec le souci de faire toujours et partout oeuvre d’Eglise, garantie qui vous est donnée par vos pasteurs responsables.
En appelant sur votre apostolat les grâces de l’Esprit Saint, nous vous donnons à chacun d’entre vous, à vos aumôniers, à vos familles, à tout votre mouvement, Notre paternelle Bénédiction Apostolique.

                                



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