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DISCOURS DU PAPE PAUL VI AUX MEMBRES
DE L’«ASSOCIATION NATIONALE DES DOCTEURS EN DROIT»

Samedi 7 novembre 1970

 

Monsieur le Président, chers Messieurs,

Nous avons été très sensible au désir que votre Association nationale des Docteurs en Droit Nous a exprimé par l’intermédiaire de notre Secrétaire d’Etat, le cher et vénéré Cardinal Jean Villot, et vous remercions d’avoir réservé ces instants, au cours d’un séjour romain particulièrement chargé, pour rendre visite au Vicaire du Christ. Nous vous recevons volontiers, conscient du rôle important que votre haute compétence juridique et vos responsabilités de premier plan vous permettent d’assurer, aussi bien dans la société de votre pays que par delà ses frontières.
Comme beaucoup d’autres, votre Association est née du besoin naturel que vous avez ressenti de vous regrouper entre spécialistes, pour promouvoir l’estime de votre culture juridique, maintenir le prestige de vos diplômes et des prérogatives qui s’y rattachent, établir entre vous une solidarité et une entraide utiles.
Mais, par delà cette défense et cette promotion bien légitimes de votre profession, Nous apprécions votre volonté de nouer des relations avec les juristes d’autres pays. Nul doute que la multiplication des échanges de part et d’autre des frontières nationales, ne favorise l’instauration progressive et universelle d’un système juridique plus équitable, plus uniforme, fondé sur le sens de la justice inné au cœur de l’homme et sur les droits sacrés de sa personne. Notre prédécesseur le Pape Pie XII du reste avait souvent tenu à encourager les juristes dans cette voie.

Vous voulez également stimuler chez les membres de votre Association l’acquisition d’une compétence juridique toujours profonde et plus étendue. Les secteurs où vous êtes appelés à travailler ne sont plus en effet restreints à ceux de la magistrature et du barreau, mais s’étendent aussi aux bureaux ministériels, à de multiples administrations, et à beaucoup d’entreprises du secteur privé ou public, où l’on sollicite votre aide d’expert ou de conseiller juridique. C’est donc une nécessité pour vous d’enrichir votre culture juridique générale d’une spécialisation dans une branche déterminée du droit, et même de rechercher par surcroît un complément de formation en psychologie, sociologie et économie, voire en mathématiques. N’est-il pas significatif que votre revue ait pris l’an dernier le titre de «Droit plus Economie», en liaison avec le Club international du Droit et de l’Economie? Pour Notre part, Nous sommes heureux de vous manifester estime et encouragement, car cette voie vous permettra sans nul doute de rendre des services appréciés à notre société qui évolue si vite, et parfois comme à tâtons, sans que les orientations soient toujours claires, et le cheminement bien assuré.

Votre profession n’est-elle pas en effet un service exigeant rendu au bénéfice des personnes et de la société tout entière? Il vous revient de collaborer à l’élaboration des lois, des conventions aussi qui cherchent à aplanir les différends; et enfin de régler les conflits qui ne manquent pas de survenir entre les personnes et les groupes d’intérêts. Les mutations sociales considérables qui naissent de la mise en œuvre progressive du marché commun, de la planification, de la concentration des entreprises et de leur mobilité dans un système trop souvent axé sur la seule recherche du profit matériel, requièrent une harmonisation des législations et une mise au point des relations professionnelles de toutes sortes. Les chefs d’entreprises, les comités d’entreprise, les syndicats ont besoin de votre collaboration éclairée pour élaborer un droit du travail qui tienne compte, avec la plus grande équité, des besoins de toutes les parties en cause. Certes, le développement de notre société requiert des scientifiques et des techniciens; mais son organisation, qui se révèle plus difficile que la production des équipements, a besoin aussi de juristes et de sages, capables de tenir compte des requêtes légitimes des personnes et des groupes sociaux, et de les harmoniser progressivement dans un équilibre toujours à la recherche de la justice et de l’équité dans la participation à un même bien commun.

De graves questions vous sont posées dès lors: l’évolution du droit familial, social, administratif, fiscal . . . - nous ne parlons pas des droits sacrés de la personne humaine qui sont intangibles et universels - est-elle adaptée à l’évolution sociale, économique et politique de notre époque ? S’en préoccupe-t-on suffisamment au plan international, pour traduire dans la complexe réalité quotidienne cette «morale internationale de justice et d’équité», dont Notre encyclique Populorum progressio rappelait avec instance les exigences (Cfr. Populorum progressio, 81).
Cette recherche, ce constant réajustement, supposent une compétence éclairée comme aussi un profond désintéressement pour aider les hommes d’aujourd’hui dans leur passionnante et difficile recherche d’une société plus humaine pour tous les hommes. Qui ne le voit? Sans un sens averti du droit, ne court-on pas le risque d’en rester à des institutions surannées et donc stériles, ou au contraire de partir à l’aventure et d’ajouter encore à l’incertitude de l’homme, d’augmenter son désarroi, et de rendre plus précaire son existence tragiquement coupée des racines de son passé? Aussi espérons-Nous que les chrétiens auront à cœur de s’engager toujours davantage et de toutes leurs forces dans cette promotion du droit, à la lumière de l’évangile, afin «de pénétrer d’esprit chrétien la mentalité et les mœurs, les lois et les structures de leur comunauté de vie» (Ibid.).

L’Eglise, comme tout organisme vivant, éprouve elle aussi le besoin, vous le savez, de mettre à jour son droit canonique pour l’adapter aux nécessités actuelles et le rendre toujours plus évangélique. Pour elle, il est vrai, l’essentiel est la communion de charité dans le Corps mystique du Christ. Mais elle a conscience aussi qu’ici bas, dans son cheminement terrestre, une structure lui est nécessaire, de par la volonté même de son fondateur, avec des institutions perfectibles certes, mais toujours établies pour communiquer la grâce du Sauveur, et favoriser entre tous ses membres des relations ordonnées au bien de chacune des personnes comme aussi du but de l’Eglise elle-même. C’est vous dire combien Nous souhaitons un dialogue fructueux et confiant entre juristes et canonistes qui travaillent les uns et les autres à traduire les exigences du bien commun dans les sociétés que constituent les hommes.
Aussi est-ce de grand cœur que Nous formons les meilleurs vœux pour votre Association, afin qu’elle réponde à ces nobles finalités que Nous venons d’évoquer. Nous recommandons vos intentions, personnelles et professionnelles, à Celui que la Bible appelle si souvent le Dieu de justice (Cfr. Ps. 118, 137, etc.) et Nous invoquons sur chacun d’entre vous et tous ceux qui vous sont chers, l’abondance de ses célestes Bénédictions.

                          



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