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DISCOURS DU PAPE PAUL VI
AUX PARTICIPANTS À LA IX ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
DE LA «CARITAS INTERNATIONALIS»

Vendredi 12 mai 1972

 

Chers Frères et chers Fils de la «Caritas Internationalis»,

Nous sommes très heureux de vous accueillir dans cette Maison à l’occasion de votre neuvième Assemblée générale. Nous ne cachons pas l’émotion que Nous éprouvons à vous rencontrer: ne formez-vous pas une délégation impressionnante, représentant vraiment tous les continents, à l’image de l’Eglise elle-même? Et votre Organisation, nous le savons, est dotée d’une remarquable structure qui la rend apte à exercer «la charité à géométrie variable», selon l’expression de votre ancien Président. Ainsi êtes-vous en mesure de rejoindre, d’analyser et de soulager les besoins humains les plus variés: besoins de pain, de vêtement, de toit, de soins, de visite, de compréhension, d’amitié.

Vous venez d’ailleurs d’étudier les moyens de permettre à «Caritas» de mieux jouer son rôle pédagogique qui est capital, d’étendre et d’approfondir le champ de ses activités, bref de mieux situer sa mission dans l’Eglise et dans le monde. Puissent vos travaux apporter un surcroît de lumière et d’encouragement à ces amis innombrables qui œuvrent avec vous, de par l’univers entier, pour bâtir un monde fraternel, où l’œil reste vigilant, la main secourable, le cœur accueillant pour toutes les détresses physiques et morales.

Vos multiples activités sont tellement connues de tous que Nous n’avons pas besoin de les énumérer dans le cadre de cette brève rencontre. Vous savez à quel point Nous comptons sur votre collaboration confiante. Que de fois Nous avons Nous-mêmes eu l’occasion de solliciter votre intervention pour les graves besoins dont Nous étions le témoin ou qui étaient confiés à notre sollicitude universelle! Et maintenant que notre Conseil «Cor Unum» a reçu la charge de stimuler et de coordonner les grandes entreprises charitables de l’Eglise, Nous sommes sûr que votre Organisation internationale y apportera - elle y apporte déjà - une coopération de premier choix qui produira ses meilleurs fruits. Aussi permettez- Nous, ce matin, de nous limiter à souligner la place éminente de la «charité», de cette «agapè» évangélique qui prend sa source en Dieu.

Votre activité, en effet, ne saurait se confondre avec une entreprise technique et humanitaire. Elle est et doit être tout entière soulevée, animée, enveloppée par une charité puisée dans le cœur de Notre-Seigneur, de façon à aimer le monde comme Il l’a aimé.

Oui, il nous faut d’abord et sans cesse contempler cet amour inouï qui existe en Dieu, bien plus qui définit l’être même de Dieu, selon le mot de saint Jean: «Dieu est Amour» (Io. 4, 8). Cet amour, dont le peuple juif a eu la première révélation, ne connaît pas de frontière de race, de nation: le Christ l’a manifesté au plus haut point, il l’a prodigué, gratuitement, «jusqu’à l’extrême» (Io. 13, 1). Et si les malades, les étrangers, les miséreux de toute sorte, les pécheurs en ont fait l’expérience privilégiée, tous les hommes sont appelés à connaître, avec saint Paul, «la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur . . . de l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance» (Eph. 18-19). Telle est, pourrait-on dire, l’originalité de notre Dieu.

Telle doit être aussi l’originalité du chrétien. Sa charité est liée à sa foi comme une conséquence logique: comment croire à l’amour de Dieu sans aimer à notre tour? Elle devient possible avec la grâce, car «l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné» (Rom. 5, 5). Elle garde le primat absolu dans la vie chrétienne: tous les commandements se ramènent à cette injonction aux deux volets inséparables: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toutes tes forces et ton prochain comme toi-même (Cfr. Luc. 10, 27).

Cette charité conduit à une justice toujours plus exigeante: «Tout ce que vous voudriez que les hommes fassent pour vous, faites-le pareillement pour eux» (Matth. 7, 12). Elle s’adresse à chaque personne, comme à un sujet unique, revêtu de la dignité de fils de Dieu et de frère du Christ, digne d’être aimé pour lui-même, capable de recevoir et de donner à son tour. Et pour mieux assurer ce service, elle s’empresse de transformer les mentalités et d’assurer les conditions sociales permettant un développement durable, pour tous, qui ne se confonde pas avec une accumulation de biens, mais réalise un «plus être», intégrant l’épanouissement des valeurs spirituelles.

Qui oserait dire qu’une telle charité a perdu de son actualité, dans un monde dont l’organisation technique et sociale va croissant? Le monde pourrait-il se passer d’aimer? Non, la charité bien comprise, la charité théologale, est depuis toujours l’expression privilégiée de la vie chrétienne, le signe par excellence des disciples du Christ. Et comme il ne s’agit pas d’aimer en paroles mais en actes (Cfr. 1 Io. 3, 18), cette charité se manifeste dans des œuvres très concrètes d’assistance, de solidarité, d’échange, qui entraînent elles-mêmes la nécessité d’institutions précises et bien organisées. Saint Paul n’a-t-il pas pris soin, malgré l’intensité de son labeur apostolique consacré à l’évangélisation, d’amener les Eglises qu’il avait fondées à recueillir des fonds pour venir en aide à l’Eglise-mère de Jérusalem?

C’est ainsi que se tisse la solidarité humaine universelle dont vous voulez à bon droit être les hérauts, dans l’Eglise. Aujourd’hui en effet cette solidarité est appelée sans cesse à s’élargir, à s’approfondir. Sur place, il revient aux «Caritas» locales de prendre en charge, autant qu’elles le peuvent, l’organisation et l’entraide; mais elles doivent pouvoir compter sur la bienveillance, la compréhension, le soutien, la collaboration désintéressée de leurs sœurs, comme au sein d’une grande famille; elles auront le souci d’entrer elle-même dans une perspective internationale où chacun donne et reçoit, en biens matériels, ou spirituels.

Telle est, chers amis, la confiance que Nous vous manifestons, avec nos félicitations pour l’œuvre déjà accomplie. Ces félicitations, Nous voudrions les exprimer à chacun des membres ici présents, comme à tous ceux qui participent, obscurément et patiemment, à cette œuvre capitale. Mais comment ne pas nommer le cher Monseigneur Jean Rodhain, qui a présidé durant tant d’années à ce réseau de charité, et qui a si puissamment contribué à lui donner le visage dont vous êtes fiers aujourd’hui? Nous nous associons de tout cœur aux remerciements qu’il a si bien mérités. Et Nous exprimons nos vœux les meilleurs à ceux que vos suffrages viennent de porter aux différents postes de responsabilité. A tous, en témoignage de nos plus vifs encouragements et en gage des grâces abondantes de Celui en qui Nous puisons la force d’aimer, Nous donnons notre affectueuse Bénédiction Apostolique.

                                 



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