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DISCOURS DU PAPE PIE XII
AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS INTERNATIONAL
DES ASSOCIATIONS TECHNIQUES DE LA FONDERIE*

Mardi 28 septembre 1954

 

Le Congrès international des Associations techniques de la Fonderie, qui vient de se tenir à Florence, vous a donné, Messieurs, le désir d'avoir accès près de Nous et de mettre ainsi une conclusion bien significative aux réunions, dans lesquelles vous avez traité des intérêts de votre profession. Nous accueillons bien volontiers cette demande et sommes heureux de profiter d'une telle occasion pour dire Notre sympathie à votre groupement et vous communiquer les réflexions que Nous suggère cette circonstance.

L'histoire des principales industries humaines pourrait se comparer à une épopée qui se déroule sur de nombreux siècles, et dans laquelle l'intelligence de l'homme, en lutte avec la nature, surprend l'un après l'autre tous ses secrets et les utilise à son profit. Parmi les plus âpres conquêtes de l'« homo faber », on range à juste titre la maîtrise des métaux par le feu. Commencée plus de trois mille ans avant l'ère chrétienne, elle a progressé lentement d'abord, au rythme des millénaires. Comment ne pas évoquer l'image du fondeur antique, dont certains peuples primitifs conservent encore les méthodes, traitant bien imparfaitement le minéral dans un four, dont il active la flamme par de rudimentaires soufflets ? Et cependant l'histoire révèle à quel point l'utilisation successive du cuivre, du bronze et du fer marquait dans la civilisation autant de progrès importants. La fonderie ne devait cependant connaître d'importants développements qu'à l'époque moderne. Déjà au XIIe siècle l'usage de la force hydraulique pour la manœuvre des souffleries permit (l'accroître la capacité des fours et d'en élever la température. Dès la fin du XVe siècle, la fabrication de la fonte dans les hauts-fourneaux et son oxydation par le feu d'affinage se répandent dans les pays d'Europe Occidentale. L'invention de la machine à vapeur permettant de s'éloigner des cours d'eau et l'emploi du coke allaient augmenter la production dans des proportions considérables. En même temps les procédés d'affinage subissent un incessant perfectionnement: les inventions de Bessemer, Thomas, Siemens et Martin marquent pour la fonderie un tournant décisif. Depuis le début de ce siècle, grâce au four électrique, on obtient des températures plus élevées, des métaux de qualité meilleure, tout en réduisant les frais de mise en marche et de manutention.

Mais pas plus que les autres branches de l'industrie moderne, la fonderie ne peut se passer des services de la recherche scientifique appliquée aux métaux. L'analyse chimique fournit des renseignements indispensables sur la composition des matériaux à traiter, des combustibles, de la garniture des fours et permet la mise en œuvre rationnelle de ces divers éléments. La métallographie à son tour examine la structure interne des métaux et des alliages, rend compte de leurs propriétés physiques, mécaniques et chimiques, dégage les lois qui règlent les conditions d'équilibre de leurs constituants et oriente ainsi l'expérimentation de nouveaux traitements mécaniques ou thermiques. La connaissance approfondie des divers états et du comportement des métaux a permis les progrès considérables de ces dernières années, et en particulier la production d'alliages aux propriétés remarquables que requiert impérieusement le développement de la technique. On a vu naître de la sorte les aciers spéciaux et les aciers rapides, les alliages légers et ultralégers; les alliages capables de résister aux températures très élevées. Ces créations récentes ont rendu possible entre autres l'évolution surprenante de la construction aéronautique.

L'importance industrielle de la fonderie ne peut repousser dans l'oubli le rôle qu'elle a joué dans l'histoire de l'art depuis les temps préhistoriques. Votre séjour à Rome vous donnera sans doute l'occasion d'admirer en connaisseurs quelques-uns des bronzes fameux légués par l'antiquité classique. Dans l'exécution de ces chefs-d'œuvre, l'opération de la coulée mérite à bon droit de passer aussi pour une œuvre d'art : en quelques instants il faut que le métal liquéfié remplisse le moule, sans que son écoulement soit empêché, ralenti ou dévié, sans qu'un défaut. d'alliage ou un excès de chaleur ne perturbe sa fluidité. Nous songeons en particulier à cette branche de la fonderie qui s'est spécialisée avec amour dans la fabrication des cloches et dans laquelle la tradition et ses secrets se transmettaient jalousement de père en fils. Solidité du métal, pureté de timbre, puissance de sonorité, ces trois qualités indispensables deviennent de plus en plus difficilement conciliables à mesure qu'augmente la masse de la cloche à fondre, et pourtant que de merveilleuses réussites n'ont pas obtenues les maîtres fondeurs à force de patientes recherches et d'habileté technique ? Ce sera Pour toujours leur gloire et leur consolation d'avoir doté tant de cathédrales et de modestes églises de ces voix émouvantes qui appellent le peuple à la prière, qui chantent les joies familiales, paroissiales et parfois nationales, qui pleurent aussi les deuils, mais qui par dessus tout rappellent aux hommes la majesté de Dieu, maître universel, Père tout-puissant et juge des vivants et des morts.

Nous ne pouvons oublier, Messieurs, que la fonderie suppose actuellement de grands complexes industriels qui font appel à le main d'œuvre salariée. Recevant l'an dernier la délégation américaine de votre Congrès de Paris, Nous avons fait allusion aux relations entre employeurs et employés dans les industries métallurgiques, spécialement dans les durs emplois de la fonderie, et Nous encouragions les efforts louables qui se poursuivent en tous pays pour les améliorer. L'intérêt bien entendu le demande, mais la conscience aussi en fait un devoir, basé sur les droits inaliénables de la personne humaine et sur la responsabilité de celui dont dépendent les conditions d'existence d'un grand nombre d'hommes. Les exigences de la concurrence, conséquence normale de la liberté et de l'ingéniosité humaines, ne sauraient être la norme dernière de l'économie. Il est des valeurs. imprescriptibles, dont la méconnaissance ou le mépris se soldent à plus ou moins bref délai par de dangereuses perturbations sociales et politiques. À tout chrétien d'abord, mais aussi à quiconque veut faire de sa vie une source de bonheur et de paix, s'adresse la consigne de saint Paul aux Romains : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien » (Rm 12, 21). Loin de mettre votre propre intérêt au dessus de tout, vous aurez souci des besoins réels, matériels et moraux, de ceux qui dépendent de vous. Vous vous efforcerez de comprendre leurs difficultés, leurs justes aspirations et d'y faire droit dans toute la mesure où le permet l'évolution des institutions sociales. Ainsi Vous contribuerez à réaliser le souhait si profond et si universel, que non seulement la matière, mais aussi et surtout l'homme, qu'elle doit toujours servir, sorte ennobli de l'usine.

Puisse cette visite que vous avez voulu rendre au Père commun demeurer pour vous tous, Messieurs, pour vos familles, ici représentées, un encouragement dans la vie, et par la grâce de Dieu que Nous implorons sur vous et ceux qui vous sont chers, une source de lumière et de force. À cette intention, et de grand cœur, Nous vous accordons Notre Bénédiction apostolique.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XVI,
Seizième année de pontificat, 2 mars 1954 - 1er mars 1955, pp. 161-164
 Typographie Polyglotte Vaticane

 



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