Index   Back Top Print

[ EN  - FR ]

DISCOURS DU PAPE PIE XII
AU IIIe CONGRÈS INTERNATIONAL
DE LA DISTRIBUTION DES PRODUITS ALIMENTAIRES*

Salle des bénédictions - Vendredi 22 juin 1956

 

C'est avec plaisir que Nous vous souhaitons la bienvenue, Messieurs, au moment où vous vous préparez à tirer les conclusions de votre « TIF Congrès International de la Distribution des Produits Alimentaires ». Nous sommes particulièrement heureux de vous dire tout l'intérêt que Nous portons à vos travaux, car vous représentez, dans l'ensemble du commerce, un secteur essentiel, présent partout, dont la bonne organisation ou les insuffisances se répercutent sans retard sur le niveau de vie des populations.

Nous vous félicitons, en particulier, pour les progrès notables accomplis depuis 1950, date du premier de vos Congrès internationaux, qui entraîna, peu après, la fondation de l'« Association Internationale de la Distribution des Produits Alimentaires ». Ce fut pour votre profession un événement lourd de signification. Sans doute, l'esprit d'initiative comptera-t-il toujours, chez vous plus qu'ailleurs, parmi les conditions indispensables de succès ; mais les efforts des particuliers ou des groupes locaux appelaient encore une impulsion capable de les éclairer et de les coordonner. Chacun travaillait trop en isolé, sans s'apercevoir peut-être que les habitudes acquises, les préjugés, les défiances injustifiées, le manque d'appui pour oser entreprendre les transformations souhaitées, faisaient obstacle aussi bien à l'intérêt du commerçant qu'à celui du consommateur. Aussi le premier Congrès de 1950 fut-il une révélation pour beaucoup. La preuve en est que le nombre des participants, réunis à Ostende en 1953, se trouva doublé et que la présente manifestation l'emporte de loin sur la précédente.

Les produits alimentaires se présentent avec la plus grande variété, sous les formes et les qualités les plus diverses ; ils sont généralement périssables et demandent des soins de conservation très attentifs. À la suite de circonstances imprévisibles, des intempéries, par exemple, ou des difficultés de transport, il arrive que l'offre et la demande subissent des écarts très sensibles. Le facteur temps, qui vous intéresse au plus haut point quand il s'agit de denrées susceptibles d'une prompte détérioration, comporte maintenant une valeur accrue pour le client, qui préfère être servi sans délai et s'épargner des déplacements d'un magasin l'autre. Ainsi, à tout moment, aux différents stades qui s'échelonnent entre le producteur et le consommateur, se posent des problèmes pratiques souvent inattendus qui appellent des solutions originales, et vous devez sans cesse déployer ingéniosité et savoir faire, afin de répondre à l'attente de la clientèle.

Réduire les prix, garantir la qualité, multiplier les qualités de l'acheteur grâce au choix abondant des articles et à la facilité de les acquérir : voilà l'objectif constant du distributeur C'est pour l'atteindre plus efficacement que vous vous êtes réuni, si nombreux à Rome et que vous avez choisi comme thème de vos travaux : « La productivité dans la distribution des produit, alimentaires ». Faut-il en souligner l'actualité et marquer le, avantages que vous espérez retirer de cette confrontation d'expériences et de résultats ? Déjà votre dernier Congrès avait mis à l'étude l'ensemble des problèmes de votre secteur : l'évolution des structures de la distribution, les progrès des techniques au sein de l'entreprise, la collaboration avec les producteurs, les relations avec le consommateur. Votre attention se fixe à présent sur les développements récents et les résultats acquis pendant ces dernières années. Il semble qu'une idée, soulignée vigoureusement lors du Congrès d'Ostende, apparaît encore avec plus d'évidence : la nécessité d'une collaboration toujours plus étendue entre les différentes catégories de personnes travaillant à la distribution, c'est-à-dire entre les producteurs et les distributeur-entre les grossistes et les détaillants, entre les détaillants eux- mêmes. Cette collaboration s'impose, d'une part, comme une conséquence directe de l'évolution des techniques, qui entraîne la production de masse et la spécialisation des tâches, et, d'autre part, comme une réponse au désir légitime des particuliers de ne pas succomber sous la pression des grandes entreprises et de sauvegarder, dans la mesure du possible, leur indépendance et leur initiative.

Il paraît donc bien révolu le temps, où le commerçant pouvait concevoir sa fonction en isolé, uniquement comme une source de profit personnel, et se trouvait par là même livré à la lutte impitoyable de la concurrence. Maintenant prévaut à juste titre la conception de l'utilité sociale, du rendement véritable d'une activité par rapport à toutes les autres et, par suite, les améliorations apportées au fonctionnement de la distribution convergent vers un même but : accroître le service réel rendu à la communauté. Le profit en découlera comme une conséquence normale.

Vous avez examiné en détail comment ces vues nouvelles se traduisent dans la pratique. Le grossiste, conscient de son rôle, se soucie aujourd'hui de l'intérêt des détaillants, comme du sien propre ; il aide ceux-ci par tous les moyens dont il dispose : conseils, informations, appui technique, financement, publicité. Le détaillant perçoit mieux pour sa part l'avantage de ce que vous appelez les chaînes volontaires ; souvent l'existence même de son entreprise en dépend, et il sacrifiera volontiers une partie de son indépendance pour retrouver par ailleurs une vitalité commerciale accrue ; l'idée de concurrence tend à perdre son sens péjoratif — celui d'opposition et de lutte plus ou moins dommageable —, pour ne plus garder que l'aspect positif et d'ailleurs nécessaire d'émulation : en de nombreux points les préoccupations des détaillants se rejoignent et l'établissement de centres commerciaux (Shopping Centers), qui permettent une action commune pour l'accroissement des ventes et l'organisation des services collectifs, en fournit la démonstration.

Mais c'est aussi du client lui-même que l'organisation moderne du commerce d'alimentation va maintenant requérir une collaboration: le libre service, déjà pleinement en honneur aux États-Unis, — entre autres dans les « supermarchés » qu'une initiative intéressante fait connaître actuellement à Rome, — invite le consommateur à jouer un rôle plus actif et à s'épargner ainsi un élément du prix des marchandises.

Il va de soi que cette accentuation du principe de collaboration suppose un renforcement parallèle du sens moral et de la responsabilité de chacun: ce qui est en jeu, ce n'est pas la réussite ou l'échec d'un seul, mais, à un degré beaucoup plus marqué qu'auparavant, la bonne marche de tout le système commercial et, par là, l'élévation du niveau de vie des populations. Aussi devez-vous souligner combien il importe de s'opposer énergiquement à tout ce qui pourrait troubler le climat de loyauté et de confiance, qui doit régner entre les producteurs et les distributeurs, chez les distributeurs eux-mêmes et dans leurs relations avec le client. Qu'on élimine sans hésitation les pratiques suspectes ou frauduleuses, qu'on observe scrupuleusement la parole donnée ; que l'on sache aussi se dépouiller des préjugés qui freinent indûment l'instauration de méthodes plus rationnelles, plus économiques. L'ouverture d'esprit, le goût du risque calculé, le souci du bien de l'ensemble, même si l'intérêt particulier doit en pâtir quelque peu au début, l'honnêteté parfaite : ce, qualités du bon commerçant ont plus que jamais droit de Cité chez vous et s'avèrent des facteurs primordiaux de réussite.

L'ensemble des membres de vos associations constitue en outre un groupe bien déterminé, capable d'exercer sur la société moderne une influence considérable, à cause de la place centrale qu'il y occupe. Il est heureux qu'à l'intérieur de ce groupe se développe davantage la conscience du rôle qui lui revient. si les principes économiques qui vous guident sont corrects et visent au bien véritable de tous, si vous savez vous tenir également loin de l'individualisme égoïste et des sujétions qui oppriment la personnalité, vous contribuerez largement à renforcer la stabilité de tout l'édifice social.

Nous souhaitons aussi que le sentiment plus net de vos responsabilités vous incite à chercher dans votre vie personnelle un approfondissement spirituel, sans lequel elle serait condamnée a une relative stérilité. Au dessus des préoccupations bien lourdes de votre profession, sachez réserver une place à la méditation des vérités éternelles et à l'exploration des richesses intimes de l'âme, qui rélèvent la présence de Dieu et l'abondance de ses dons. La divine Providence, qui dispense largement aux hommes les biens nécessaires à l'existence. puisse-t-Elle trouver en vous des collaborateurs généreux et avisés, des intendants fidèles, dignes de lui servir d'intermédiaires et de manifester ainsi ses largesses.

Tel est Notre vif désir et, en gage des faveurs divines que Nous appelons sur vous-mêmes, sur vos familles, sur tous les membres de votre Association, Nous vous accordons de tout cœur Notre Bénédiction Apostolique.


* Discours et messages-radio de S.S. Pie XII, XVIII,
 Dix-huitième année de Pontificat, 2 mars 1956 - 1er mars 1957, pp. 293-296
 Typographie Polyglotte Vaticane

Documents Pontificaux 1956, p.380-384.

L’Osservatore Romano 23.6.1956 p.1.

La Documentation catholique n.1231 col.971-974.

 



Copyright © Dicastero per la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana