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Présentation à la presse

de la lettre du Saint-Père Jean-Paul II

aux prêtres pour le Jeudi Saint 1997

par Mgr Castrillon Hoyos,

pro-préfet de la Congrégation pour le Clergé

 

 

1. C'est la première fois que j'ai l’honneur et le plaisir, comme Pro-Préfet de la Congrégation pour le Clergé, de présenter la Lettre que le Saint-Père envoie chaque année, à l'occasion du jour anniversaire du Sacerdoce — le Jeudi-Saint — à tous les prêtres du monde. Je le fais avec une vénération profonde pour le Vicaire du Christ, pour le « Pierre de tous les temps » auquel appartient la vérification du Sacerdoce exercé par chacun d'entre nous et parce que l’Église seule, dans la personne du Souverain Pontife, peut nous assurer « de ne pas courir ni d'avoir couru en vain » (Ga 2, 2).

L'Apôtre Paul désirait non seulement voir Pierre, mais aussi étudier et pénétrer profondément la personnalité, la conduite et la doctrine de Pierre, pour connaître, à sa lumière, si la voie qu'il suivait était juste (cf. Ga 1, 18). Pendant quinze jours, saint Paul confronta son sacerdoce avec celui de Pierre, et ainsi avec le sacerdoce du Christ. Paul — et ceci est extrêmement significatif — appelle toujours Pierre Cephas (= le Roc). Sur Pierre comme sur le Roc, il fondait la vérification de son sacerdoce.

Aussi, je crois juste, pour moi prêtre et pour tous les prêtres du monde, de présenter maintenant, et ensuite d'approfondir personnellement, la présente Lettre, pour vérifier notre sacerdoce, afin que l'exercice de notre ministère ne soit pas un « courir en vain ».

 

2. Une lecture attentive et intelligente — qui intus lege — de la Lettre du Saint-Père nous convainc toujours davantage, que décrire la spiritualité sacerdotale, c’est exposer et développer la théologie du sacerdoce, à savoir un discours rationnel développé par l'Eglise sur la révélation entre Dieu et l'homme choisi pour devenir son prêtre. En effet — et le livre du même Souverain Pontife « Don et Mystère » nous le confirme bien — la spiritualité n'est pas une simple superstructure dévote, mais une expression de l’être propre. Théologie spirituelle, théologie dogmatique et ministère pastoral sont en étroite connexion, et même absolument inséparables. La théologie dogmatique, le mystère du sacerdoce, sa nature de pont lancé entre Dieu et l'homme, sa dépendance du mystère de la Croix, du Sacrifice, de l’Eucharistie et à partir de là de toute l'Économie sacramentelle, sa manière de prolonger le Christ Unique Sauveur, dans le temps, constitue le fondement, la racine de la spiritualité et du ministère pastoral.

Rien n’est plus sûr! Tant il est vrai qu'à l'incompréhension et à l'ignorance de la théologie dogmatique authentique du sacerdoce ordonné, correspondent des stéréotypes de prêtres laïcisés dans le mode de penser et de se vêtir, unidimensionnés et aplatis sur le pur « socio-assistentiel », utiles seulement à ceux qui désirent un Christ qui ne soit pas « le Sauveur », mais qui soit placé dans une niche du Panthéon des philanthropes, ou une Église qui ne soit plus qu’une société de secours mutuel, branche d'une sorte de Croix-Rouge internationale ou d'ONU (réalités par ailleurs ô combien méritantes).

 

3. Ce n’est pas cela le prêtre, comme ce n'est pas cela l'Eglise, pour la simple raison que ce n'est pas cela le Christ, ni l’Église qu’il a fondé ; et parce que le besoin fondamental, au bout du compte l’unique besoin de l'homme, c’est le salut et la vie éternelle.

Si on ne comprend pas cela, la Lettre du Saint-Père reste hermétique, elle ne constitue qu’une « pieuse exhortation » destinée à une poignée de prêtres de bonne volonté.

En revanche, dans cette Lettre, il s'agit du prêtre dont tout homme, toute société, toute culture ont besoin ; et on y trouve des mots salutaires qui reportent chaque prêtre au coeur de son propre mystère. Il y a des paroles essentielles pour tous ces jeunes qui, à tous les coins de la terre et en nombre continuellement croissant, se préparent à recevoir le don de l'imposition des mains et de la prière consécratoire qui les constituera prêtres pour l'éternité.

 

4. Le principe inspirateur de la Lettre semble la mise en relief du fait que le prêtre est appelé à une vie spirituelle très profonde, à la prospérité de laquelle peut et doit contribuer fortement le développement de toutes les potentialités inscrites dans l'ordination sacerdotale, et donc de l'exercice fidèle du ministère sacré.

Dans ces pages, il y a tout le Pape et avec lui toute l’Eglise, avec la clarté de son Magistère et la passion avec laquelle ses saints ont vécu et senti le sacerdoce !

Dans ces brèves pages, après avoir rappelé la récente célébration du 50ème anniversaire de son ordination, le Saint-Père engage la réflexion dans le contexte christologique de la première année du chemin préparatoire au Grand Jubilé de l'An 2000, il évoque avec vivacité les Litanies du Christ Prêtre et Victime, la vérité sur l'amitié très spéciale de Jésus avec ses prêtres, qui va jusqu'à leur permettre d'oeuvrer en son Nom, et il conclut en demandant à la Très Sainte Mère du Souverain et Éternel Prêtre d’intercéder pour qu'à tous ceux qui continueront son œuvre jusqu'à la consommation des siècles, « ne manque jamais le courage d'agir in persona Christi, de telle sorte que le monde ait la vie et l'ait en abondance ».

C'est là le schéma de la Lettre, mais le noyau unificateur, c'est l’être UN AUTRE CHRIST, c’est l'amitié absolument spéciale et singulière avec Lui (« Vous êtes mes amis » - Jn 15, 13-15), au point que les prêtres agissent en son Nom et dans la personne du Christ (Concile Vatican II, Const. Dogm. Lumen gentium 28), de telle sorte que le Christ est toujours présent dans son Eglise (Concile Vatican II, Const. Sacrosanctum Concilium 7), grâce à ses prêtres.

Qui annonce l’Évangile ? Le prêtre ? Certes oui, mais pas tout seul. C'est le Christ qui parle par la bouche du prêtre. Qui offre l'Eucharistie ? Le prêtre ? Oui mais c'est le Christ, par l'intermédiaire du prêtre. Qui donne l'absolution sacramentelle pour les péchés commis à celui qui se repent ? Le prêtre ? Oui mais c'est le Christ miséricordieux qui le fait à travers le prêtre. Le peintre Vlastimil Hoffman le comprit très bien, qui dépeint un paysan agenouillé devant la grille d'un confessionnal, où est assis non pas un prêtre mais le Christ couronné d'épines.

Voilà le pivot de la lettre !

 

5. En effet, en vertu de l'ordination, le prêtre est témoin du Christ au sens ontologique ; et le service de la Parole et des Sacrements est, dans le même temps, témoignage authentique au Christ, unique Prêtre. Par l'imposition des mains et la prière consécratoire, quelque chose d'aussi mystérieux que réel advient dans le sujet, une transformation de lui-même, et d'une imposition à l'autre se prolonge la présence du Christ en ce monde: chaque ordination est comme un anneau de cette grande chaîne qui part du Christ. Au moment de l'ordination le sujet reçoit ainsi un nouvel être, une nouvelle existence (sacerdotale).

Celui à qui l’évêque a imposé les mains, est marqué par le caractère sacerdotal (signe spirituel indélébile) qui le fait ressembler au Christ Prêtre, au Nom et dans la personne duquel le ministre sacré agira.

Et le voilà un autre Christ!

 

6. Il est d'un grand et salutaire stimulant pour tout ordonné de recueillir la foi de Pierre dans la consécration sacerdotale indélébile, afin que chaque prêtre soit lui-même, conserve sa spécificité propre. Il est providentiel pour le peuple de Dieu tout entier de comprendre cela, car on tend souvent, dans la pratique, à faire abstraction de la différence essentielle qui existe entre les fidèles laïcs et les prêtres, et de la structure hiérarchique de l’Eglise: or c’est ainsi que l'a voulue le Christ Jésus, et c’est donc irréformable!

Pour les prêtres, la vérité du caractère sacerdotal, c’est-à-dire l'être « marqué par un caractère spécial qui (le) configure au Christ-Prêtre, de manière à pouvoir agir au nom et dans la personne du Christ Tête » (Concile Vatican II, Décret Presbyterorum Ordinis 2), a une signification fondamentale, de singulière prégnance.

Le Saint-Père nous fait comprendre que nous devons croire dans le caractère sacerdotal pour pouvoir être nous-mêmes, pour conserver notre spécificité, pour ne pas perdre notre carte d’identité: et dans le cas où nous aurions eu le malheur de la perdre, nous devons la retrouver.

 

7. La lettre s’étend sur la considération de l'agir du prêtre qui prolonge l'agir du Christ. C'est un acte de foi que, moi prêtre, je suis invité à faire en Jésus-Christ, qui par l'opération du Saint-Esprit — quand l’évêque m'a ordonné — s'est incarné mystérieusement en moi, pour me faire participer de son unique sacerdoce. C'est un acte de foi en l’incarnation réelle, mystique, du Christ Prêtre en moi, par la vertu du Saint-Esprit. C'est un acte de foi dans le caractère sacerdotal qui est et sera indélébile, éternel témoignage de cette incarnation.

 

8. C’est une immersion totale dans le Christ que font goûter les Litanies du Christ Prêtre et Victime si chères au Saint-Pére — chantées la veille de son Ordination au Séminaire de Cracovie ; immersion qui exige l'oubli de nous-mêmes, de notre vie personnelle. Pour cela le Saint-Père au début de sa lettre, rappelant encore les belles journées de novembre dernier, où avec de nombreux confrères de tous les continents, il a chanté son Te Deum à l’occasion de son Jubilé d'or sacerdotal, se réjouit de ce que le centre d’intérêt ait été le sacerdoce du Seigneur Jésus et non sa propre personne: « Je me réjouis de ce que lors des célébrations pour le Jubilé de mon ordination, le sacerdoce du Christ a pu resplendir dans son ineffable vérité comme don et mystère en faveur des hommes de tous les temps, jusqu'à la consommation des siècles ».

A travers chaque prêtre, l’Unique Prêtre Jésus-Christ veut continuer à accompagner l’humanité de son Amour Miséricordieux.

 

9. Le caractère sacerdotal est en effet un magnifique service rendu à l'humanité. L'Église travaille pour l'humanité, parce qu'elle est le moyen du Salut à la disposition de tous (Concile Vatican II, Const. Dog, Lumen gentium 48). Et elle est telle avant tout à travers le service sacerdotal, et surtout avec la Sainte Messe, durant laquelle le Christ verse son propre sang « pour la multitude en rémission des péchés » (Mt 26, 28).

Quel immense trésor est chaque Messe pour l'humanité : même une seule! Ses fruits sont infinis. La dimension sociale du sceau du sacerdoce eucharistique, avec lequel Dieu a marqué le Christ et, en Lui, ses ministres, est elle aussi infinie.

 

10. Le Pape ressent tellement ce lien essentiel, constitutif entre le prêtre et le Saint-Sacrifice, entre l’autel, l’offrande et la victime, où le prêtre est contemporainement sacerdos et hostia, qu'il donne l’impression que sa première messe au Wawel de Cracovie ne s'est pour ainsi dire jamais interrompue et constitue le tissu conjonctif et la perspective d’action de toutes ses journées.

C’est une grande leçon pour nous prêtres. Seulement dans l'éternité, nous pourrons savoir quel bien pour les hommes de tous les temps et de tous les lieux, pour toutes les générations, aura accompli le témoignage du sacerdoce sacramentel du Christ à travers les ministres qu’il a choisis et auxquels il a transmis son autorité sacerdotale.

 

11. Ces idées renferment une force immense. En effet le prêtre qui croit au caractère sacerdotal ne connaîtra certainement aucune crise d'identité, il se sentira toujours nécessaire pour les hommes, et pas seulement « choisi parmi les hommes » (He 5, 1). Jamais il ne sera déçu, frustré, marginalisé. Ces sentiments amers ne pourraient l'atteindre que si par malheur, cédant aux modes éphémères du temps, il perdait sa carte d'identité et assumait celle d'assistant social — de grand prix pourtant, pour ces laïcs qui s'y dévouent avec un engagement admirable —, ou celle d'un vague exposant de valeurs consensuelles.

Alors on ne comprend plus le célibat sacré, ni la discipline ecclésiastique, ni le sens du sacré, avec le primat du culte divin, ni la passion missionnaire, ni l'habit ecclésiastique régulier et complet, réalités qui, même si c’est de manière diverse, constituent autant d'éléments démonstratifs d'un plus grand amour.

La question n’est pas d'être plus proches des personnes et de leurs problèmes. Vraiment, la difficulté n’est pas là, puisqu’au contraire le caractère sacerdotal nous met sur la route de chacun ! C'est la séparation qui rend proches ! En effet le caractère sacerdotal nous insère dans le sacerdoce du Christ qui est « la clé, le centre et la fin de toute l'histoire humaine » (Concile Vatican II, Const. Past. Gaudium et spes 10), « l'alpha et l’omega » (ibid 45).

 

12. « Faites cela en mémoire de moi » et les paroles consécratoires (« Ceci est mon corps... Ceci est mon sang ») !

Le Saint-Père dit: « Comment se pourrait-il que ces paroles merveilleuses ne soient pas le coeur battant de toute vie sacerdotale ? Répétons-les chaque fois comme si c’était la première! Faisons en sorte qu'elles ne soient jamais dites par habitude. Elles expriment l'actualisation la plus plénière de notre sacerdoce. »

Avec ce rappel, le Saint-Père, recourant toujours à la foi dans le caractère sacerdotal, aide chaque prêtre qui y réfléchit à se défendre contre le danger de l'hypocrisie. En effet, le prêtre authentique, prêtre à cent pour cent, libre de toute sujétion indue, est celui qui, quant à la droiture, à la pureté d'intention et au style, se tient toujours sur la pradelle de l'autel, et qui « agit quod agit, facit quod facit » même quand il se trouve au milieu de toutes les misères pour des motifs pastoraux. En vertu du caractère sacerdotal il accomplit ce que le Christ accomplit, il fait ce que le Christ fait, étant constitué témoin de Son Sacerdoce. Pour cela, il cherche à avoir les mêmes sentiments qui furent ceux du Christ Jésus (Ph 2, 5), les mêmes intentions et le même comportement sacerdotal. Il prête au Christ ses lèvres et son coeur.

Dans le prêtre qui sincèrement cherche à être tel, le caractère ascétique s’unit au caractère sacerdotal indélébile et substantiel, sous forme d’une constante fidélité aux principes du Christ.

 

Je n’ai voulu tracer que quelques-unes des multiples lignes de réflexion qui surgissent des pages que le Pape a adressées à tous ceux qui sont constitués prêtres pour l'imminent Jeudi-Saint, et je l’ai fait par votre intermédiaire, afin que l’information puisse être immédiate — les textes sont en cours d’expédition aux diverses circonscriptions ecclésiastiques du monde entier —, fidèle, et la plus large possible. En ce sens votre tâche est aussi délicate que précieuse.

Je vous remercie pour votre écoute courtoise et pour le soin que vous mettrez, j'en suis sûr, à bien vouloir transmettre ce message.

Je saisis l'occasion pour vous adresser, à vous et à vos familles, mes voeux les plus cordiaux de bonnes Pâques!

Qu’il me soit permis d’adresser à chaque prêtre du monde entier des voeux qui se feront prière, et de leur transmettre un baiser fraternel

Que tout prêtre sache que la Congrégation pour le Clergé, avant toute autre chose, l'aime dans le Christ, et qu’elle ne se lassera jamais, avec une ardeur toujours plus attentive, d’être l’instrument de Pierre pour son bien véritable, et pour la plus large fécondité possible de son ministère pastoral.

 

Son Exc. Mgr Dario Castrillon Hoyos

Pro-Préfet de la Congrégation pour le Clergé.

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