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OEUVRE PONTIFICALE POUR LES VOCATIONS ECCLÉSIASTIQUES

DE NOUVELLES VOCATIONS
POUR UNE NOUVELLE EUROPE

(In verbo tuo...)

Document final du Congrès européen
sur les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée
en Europe

Rome, 5-10 mai 1997

*

Document émanant des Congrégations:
pour l'Éducation Catholique,
pour les Églises Orientales,
pour les Instituts de Vie Consacrée
et les Sociétés de Vie Apostolique

INTRODUCTION

Nous rendons grâces à Dieu

1. Béni soit le Dieu Tout-Puissant qui a béni la terre d'Europe par toutes sortes de bénédictions spirituelles, dans le Christ et dans l'Esprit Saint (cf. Ep 1, 3).

Nous lui rendons grâces pour avoir appelé ce continent, dès le début de l'ère chrétienne, à être le centre de rayonnement de la bonne nouvelle de la foi et à manifester au monde sa paternité universelle. Nous lui rendons grâces parce qu'il a béni ce sol par le sang des martyrs et par le don d'innombrables vocations au sacerdoce, au diaconat, à la vie consacrée sous ses diverses formes, de la vie monastique aux instituts séculiers. Nous lui rendons grâces parce que son Saint Esprit ne cesse, aujourd'hui encore, d'appeler les fils de cette Eglise pour annoncer le message du salut aux quatre coins de la terre, et d'autres à témoigner la vérité de l'Evangile qui sauve, dans leur vie conjugale et professionnelle, dans la culture et dans la politique, dans l'art et dans le sport, dans les rapports humains et de travail, chacun selon le don et la mission reçus. Nous lui rendons grâces parce qu'il est la voix qui appelle et qui donne le courage de répondre; il est le pasteur qui guide et qui soutient la fidélité de chaque jour; il est le chemin, la vérité et la vie pour tous ceux qui sont appelés à réaliser le projet du Père.

Le Congrès européen sur les vocations

2. Réunis à Rome, du 5 au 10 mai 1997, pour le Congrès sur les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée en Europe,(1) nous avons remis entre les mains du Maître de la moisson les travaux de ce même Congrès, mais surtout l'inquiétude de l'Eglise qui est en Europe en cette époque à la fois difficile et formidable, ainsi que la gratitude envers Dieu qui est la source de toute consolation et l'auteur de l'amour de l'Eternel.

De fait, ce Congrès a été un événement de grâce : le partage fraternel, l'approfondissement doctrinal, la rencontre des différents charismes, l'échange des diverses expériences et efforts qui s'accomplissent dans les Eglises de l'Est et de l'Ouest ont enrichi tous et chacun. Ils ont confirmé chez chaque participant la volonté de continuer à travailler avec passion dans le domaine des vocations, malgré les faibles résultats obtenus dans certaines Eglises du vieux continent.

La force de l'espérance

3. Du Document de travail du Congrès aux Propositions finales en passant par le Discours du Saint-Père aux participants et par le Message pour les communautés ecclésiales, des interventions en salle aux discussions en groupes d'étude en passant par les échanges informels et par les témoignages, un fil conducteur a relié entre eux tous les actes et tous les instants de ce congrès: l'espérance. Une espérance plus forte que toute crainte et que tout doute, cette espérance qui a soutenu la foi de nos frères des Eglises de l'Est lorsqu'il était difficile et risqué de croire et d'espérer, et qui est désormais récompensée par une nouvelle floraison de vocations, comme elles ont pu en témoigner au Congrès.

Nous savons profondément gré à ces frères, comme à tous les croyants qui continuent à témoigner que « l'espérance est le secret de la vie chrétienne et le souffle absolument nécessaire sur le front de la mission de l'Eglise et, en particulier, de la pastorale des vocations (...). Il faut donc la régénérer chez les prêtres, les éducateurs, les familles chrétiennes, les familles religieuses, dans les instituts séculiers; en somme chez tous ceux qui doivent servir la vie aux côtés des nouvelles générations ».(2)

C'est à vous que nous écrivons, enfants, adolescents et jeunes...

4. Fort de cette espérance, nous nous adressons à vous, enfants, adolescents et jeunes, avant tout parce que dans le choix de votre avenir vous accueillez le projet que Dieu a sur vous: vous ne serez heureux et pleinement réalisés que si vous vous disposez à réaliser le rêve du Créateur sur la créature. Comme nous aimerions que ce document soit une lettre adressée à chacun de vous, où vous puissiez sentir, avec l'aide de vos éducateurs, l'attention aimante de votre Mère l'Eglise pour chacun de ses enfants, cette attention toute particulière qu'une mère manifeste pour les plus jeunes de ses enfants. Une lettre dans laquelle vous puissiez reconnaître vos problèmes, les questions qui habitent votre jeune coeur et les réponses qui viennent de Celui qui est l'ami éternellement jeune de vos âmes, le seul qui puisse vous apporter la vérité! Sachez-le, chers jeunes, l'Eglise suit anxieusement vos pas et vos choix. Comme ce serait beau si cette lettre suscitait en vous une réponse, pour un dialogue à poursuivre avec ceux qui vous guident...

... à vous, parents et éducateurs...

5. Riches de la même espérance, nous nous adressons à vous parents, appelés par Dieu à collaborer à sa volonté de donner la vie, et à vous éducateurs, enseignants, catéchistes et animateurs, appelés par Dieu à collaborer de différentes manières à son dessein de former à la vie. Nous voudrions vous dire combien l'Eglise apprécie votre vocation et combien elle compte sur elle pour encourager la vocation de vos enfants et une véritable culture des vocations.

Vous, les parents, vous êtes aussi les premiers éducateurs naturels en matière de vocation, tandis que vous, les formateurs, vous n'êtes pas seulement des instructeurs qui introduisent aux choix existentiels : vous êtes appelés à engendrer la vie chez les jeunes existences que vous ouvrez à l'avenir. Votre fidélité à l'appel de Dieu est une médiation précieuse et irremplaçable pour que vos enfants et vos élèves puissent découvrir leur vocation personnelle, afin qu'« ils aient la vie et qu'ils l'aient en abondance » (Jn 10, 10).

... à vous, pasteurs et prêtres, personnes consacrées...

6. Le coeur toujours rempli d'espérance, nous nous adressons à vous, prêtres, et à vous, personnes consacrées dans la vie religieuse et dans les instituts séculiers. Vous avez entendu un appel particulier à suivre le Seigneur dans une vie entièrement consacrée à lui; vous êtes aussi spécialement appelés, tous sans exception, à témoigner de la beauté de suivre le Christ.

Nous savons combien cette annonce est difficile et combien il est facile de succomber à la tentation du découragement quand la peine semble inutile. « La pastorale des vocations représente le ministère le plus difficile et le plus délicat ».(3) Mais nous voudrions aussi vous rappeler qu'il n'y a rien de plus exaltant qu'un témoignage si passionné de sa propre vocation qu'il sache la rendre contagieuse. Rien n'est plus logique et cohérent qu'une vocation qui engendre d'autres vocations et qui rende à plein titre « pères » et « mères ». Nous voudrions surtout par ce document nous adresser non seulement à ceux qui exercent une charge explicite dans le domaine des vocations, mais aussi à ceux d'entre vous qui n'y sont pas impliqués directement, ou qui estiment n'avoir aucune obligation particulière en ce sens.

Nous voudrions rappeler à ceux-là que seul un témoignage commun rend efficace l'animation des vocations et que ce qu'on désigne sous le nom de crise des vocations est avant tout lié au laisser-aller de certains témoins qui affaiblissent le message. Dans une Eglise entièrement vocationnelle, tous sont animateurs des vocations. Alors heureux serez-vous si vous savez dire, par votre vie, que c'est beau et gratifiant de servir Dieu, et si vous savez dévoiler qu'en lui, le Vivant, se cache l'identité de tout vivant (cf. Col 3, 3).

... à tout le peuple de Dieu qui est en Europe

7. Enfin, nous voudrions être des « Samaritains de l'espérance » pour ces frères et soeurs avec lesquels nous partageons la fatigue du chemin. Nous voudrions adresser à l'ensemble du peuple de Dieu, pèlerin sur cette terre antique et bénie, dans les Eglises de l'Est et de l'Ouest, le même message d'espérance. Jadis, l'annonce de la bonne nouvelle partit d'ici, grâce au courage de nombreux évangélisateurs qui payèrent leur témoignage de leur sang. Aujourd'hui encore, nous voulons le croire, l'Esprit du Père appelle.

Il envoie de par les routes du monde les fils de cette terre généreuse aux racines chrétiennes qui a cependant besoin d'une nouvelle évangélisation et de nouveaux évangélisateurs. Alors nous aussi, nous nous présentons au Seigneur, comme les Apôtres autrefois, avec la conscience de notre pauvreté et des besoins de cette Eglise : « Maître, nous avons peiné toute une nuit sans rien prendre » (Lc 5, 5). Mais nous voulons surtout, « sur sa parole », croire et espérer que, comme alors, le Seigneur peut remplir, aujourd'hui encore, grâce à une pêche miraculeuse, les barques de ses apôtres, et transformer tout croyant en pêcheur d'hommes.

Du Congrès à la vie

8. Dès lors, le but de ce document est de partager avec vous tous cet événement de grâce que fut le Congrès. Sans prétendre en faire une synthèse détaillée, ni présumer exposer un traité systématique sur la vocation, nous voudrions fraternellement mettre à la disposition de toute l'Eglise qui est en Europe et hors d'Europe, sous ses diverses dénominations chrétiennes, les fruits les plus significatifs de ce Congrès.

Le style tentera d'exprimer le plus possible la volonté de nous faire comprendre de tous, car tous, indistinctement, sont appelés à réaliser leur vocation et à promouvoir celle de leur prochain.

Il cherchera surtout à conjuguer la réflexion théologique et la pratique pastorale, les propositions théoriques et les indications pédagogiques, pour offrir une aide concrète et pratique à tous ceux qui travaillent dans le domaine de l'animation des vocations.

Nous n'avons pas la prétention de dire tout, non seulement pour ne pas répéter ce que d'autres documents ont déjà très bien dit à cet égard,(4) mais pour demeurer ouverts au mystère, à ce mystère qui entoure la vie et l'appel de chaque être humain, à ce mystère qui est également le chemin du discernement de la vocation et qui ne s'achèvera qu'au moment de la mort. Ou la pastorale des vocations est mystagogique, et elle part et repart donc du Mystère (de Dieu) pour ramener au mystère (de l'homme), ou elle n'est pas.

Les différentes parties du document

9. Concrètement, ce texte suit la logique qui a présidé aux travaux du Congrès : du concret de l'existence à la réflexion, pour revenir au concret existentiel. C'est à l'aune de la réalité de chaque jour que doit se mesurer la pastorale des vocations, précisément parce qu'elle est pastorale en fonction et au service de la vie. Par conséquent, nous partirons d'une tentative visant à relever la situation, pour analyser ensuite le thème de la vocation du point de vue théologique et donner un fondement, une structure de référence indispensable à toute la suite du discours.

A ce moment-là commence la partie la plus concrète: avant tout de type pastoral ou de grandes stratégies d'intervention, puis de type pédagogique. Elle sera utile pour définir au moins quelques pistes d'orientations sur le plan de la méthode et de la pratique quotidienne. Or cet aspect est sans doute celui qui fait le plus défaut et qui est le plus attendu des agents pastoraux.

PREMIÈRE PARTIE

LA SITUATION DES VOCATIONS AUJOURD'HUI EN EUROPE:

« La moisson est abondante
mais les ouvriers sont peu nombreux » (Mt 9, 37)

Cette première partie constitue un regard sapientiel sur l'Europe, en étant conscient de sa complexité culturelle où semble prédominer un modèle anthropologique d'« homme sans vocation ». La nouvelle évangélisation doit réaffirmer le sens fort de la vie comme « vocation », avec son appel fondamental à la sainteté, en recréant une culture favorable aux différentes vocations et capable de provoquer un véritable sursaut de qualité dans la pastorale des vocations.

« Nouvelles vocations pour une nouvelle Europe »

10. Le thème du Congrès (« Nouvelles vocations pour une nouvelle Europe ») va droit au coeur du problème : aujourd'hui, dans une Europe nouvelle par rapport au passé, il y a besoin de vocations toutes aussi « neuves ». Il est nécessaire de justifier cette affirmation pour comprendre le sens de cette nouveauté et saisir son rapport avec la pastorale « traditionnelle » des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée. Dès lors, nous ne nous contenterons pas de photographier la situation et d'énumérer des données, mais nous tenterons de comprendre dans quelle direction doivent aller la nouveauté et le besoin de vocations qui en découle.

En même temps, nous lirons la situation à laquelle nous avons à faire face actuellement, à partir de l'expression de Jésus face à la mission qui l'attendait : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux » (Mt 9, 37). Ces paroles continuent d'être vraies et constituent une précieuse clef de lecture de l'actualité. D'une certaine manière, nous retrouvons en elles la juste mesure de notre action et la juste proportion (ou disproportion) entre une moisson qui semble être en excédent et nos pauvres forces. En nous gardant bien de toute interprétation pessimiste du présent et de toute prétention d'autosuffisance pour demain.

Une nouvelle Europe

11. Le Document de travail avait déjà fourni un cadre de la situation européenne concernant la problématique des vocations, fortement marqué par des éléments de nouveauté. Nous les résumons ici à grands traits, selon l'analyse qu'en a fait le Congrès, en cherchant à saisir les plus significatifs qui sont destinés à conditionner à long terme la mentalité et la sensibilité des jeunes et donc également les pratiques pastorales et les stratégies en matière de vocations.

a) Une Europe diversifiée et complexe

Avant tout, une donnée ressort avec évidence : il est pratiquement impossible de définir la situation européenne d'une manière statique et univoque sur le plan de la condition des jeunes et de ses inévitables conséquences sur les vocations. Nous nous trouvons devant une Europe diversifiée, rendue telle par les événements sociopolitiques (voir la différence entre l'Est et l'Ouest), mais aussi par la pluralité de ses traditions et de ses cultures (gréco-latine, anglo-saxonne et slave).

En même temps, celles-ci constituent sa richesse et rendent significatives, dans des contextes différents, ses expériences et ses choix. Ainsi, si la manière de gérer la liberté retrouvée constitue un problème sur le versant oriental, le versant occidental s'interroge quant à lui sur la façon de vivre la liberté authentique.

Cette hétérogénéité est également confirmée par la courbe des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, non seulement en raison de la différence très forte entre la floraison des vocations de l'Europe de l'Est et la crise générale dont souffre l'Occident, mais parce que, à l'intérieur même de cette crise, on relève aussi des signes de reprise des vocations, particulièrement dans les Eglises où un travail post-conciliaire assidu et constant a tracé un sillon profond et efficace.(5)

Donc, si à l'Est il est nécessaire d'engager une véritable pastorale organique au service de la promotion des vocations, de l'animation à la formation des vocations surtout, à l'Ouest une attention différente est indispensable. Nous devons nous interroger sur la consistance théologique réelle et sur la linéarité d'application de certains projets de vocation, sur le concept de vocation sur lequel ils reposent et sur le type de vocations qui en découlent. Une demande est revenue avec insistance lors du Congrès : « Pourquoi certaines théologies ou pratiques pastorales ne 'produisent' pas de vocations, tandis que d'autres en produisent? ».(6)

Un autre aspect caractérise l'actualité socio-culturelle européenne: l'excédent des possibilités, des occasions, des sollicitations, face au manque de concentration, de propositions et de projets. Nous avons affaire ici à un autre contraste qui augmente le degré de complexité de cette période de l'histoire, avec des retombées négatives sur le plan des vocations. Comme la Rome antique, l'Europe moderne ressemble à un panthéon, à un grand « temple » où toutes les « divinités » sont présentes ou dans lequel chaque « valeur » a sa place et sa niche.

Des « valeurs » différentes et contrastantes se mêlent et coexistent, sans une hiérarchie précise; des codes de lecture et d'évaluation, d'orientation et de comportement, tout à fait dissemblables entre eux.

Dans ce contexte, il apparaît difficile d'avoir une conception ou une vision unitaire du monde et la capacité de faire des projets de vie devient faible elle aussi. En effet, quand une culture ne définit plus ses possibilités suprêmes de sens ou ne parvient pas à créer une convergence autour de certaines valeurs particulièrement capables de donner un sens à la vie, mais place tout sur le même plan, toute possibilité de choix de projet tombe en désuétude et tout devient indifférent et plat.

b) Les jeunes et l'Europe

Les jeunes Européens vivent dans cette culture pluraliste et ambivalente, « polythéiste » et neutre. D'un côté, ils cherchent passionnément l'authenticité, l'affection, les rapports personnels, la grandeur d'horizons, mais, de l'autre, ils sont profondément seuls, « blessés » par le bien-être, déçus par les idéologies, perdus par la désorientation éthique.

Et encore: « Dans plusieurs secteurs du monde des jeunes, on relève une sympathie très claire pour la vie conçue comme valeur absolue, sacrée... »,(7) mais souvent, et dans de nombreuses parties de l'Europe, cette ouverture à l'égard de l'existence est démentie par des politiques qui ne respectent pas le droit à la vie, surtout celle des plus faibles. Des politiques qui risquent de rendre le « vieux continent » toujours plus vieux. Donc, si d'un côté ces jeunes représentent un capital remarquable pour l'Europe d'aujourd'hui — qui investit beaucoup sur eux pour construire son avenir — de l'autre côté les attentes des jeunes ne sont pas toujours accueillies d'une manière cohérente par le monde des adultes ou des responsables de la société civile.

Quoi qu'il en soit, deux aspects nous semblent capitaux pour comprendre l'attitude des jeunes d'aujourd'hui: la revendication de la subjectivité et le désir de liberté. Ce sont deux requêtes dignes d'attention et typiquement humaines. Souvent, cependant, dans une culture faible et complexe comme la nôtre, elles donnent lieu — en se rencontrant — à des combinaisons qui déforment leur sens: la subjectivité devient alors subjectivisme, tandis que la liberté dégénère en arbitraire.

Dans ce contexte, le rapport que les jeunes Européens établissent avec l'Eglise mérite une grande attention. Dans une de ses Propositions finales, le Congrès relève avec courage et réalisme que: « Souvent les jeunes ne considèrent pas l'Eglise comme l'objet de leur recherche et le lieu de leur demande et attente. On remarque que ce n'est pas Dieu qui pose problème, mais l'Eglise. L'Eglise a conscience de la difficulté de communiquer avec les jeunes, du manque de véritables projets pastoraux..., de la faiblesse théologico-anthropologique de certaines catéchèses. De nombreux jeunes ont encore peur qu'une expérience dans l'Eglise limite leur liberté »,(8) tandis que pour beaucoup d'autres l'Eglise reste ou devient le point de repère le plus qualifié.

c) « Homme sans vocation »

Ce jeu de contrastes se reflète inévitablement sur le plan de la conception du futur, qui est considéré — par les jeunes — dans une optique limitée à leurs propres vues, en fonction d'intérêts strictement personnels (la réalisation de soi).

C'est une logique qui réduit l'avenir au choix d'une profession, au bien-être économique ou à la satisfaction sentimentale et émotive, à l'intérieur d'horizons qui, de fait, réduisent le désir de liberté et les possibilités du sujet à des projets limités, avec l'illusion d'être libre.

Ces choix ne présentent aucune ouverture au mystère et à la transcendance ni même, peut-être, par rapport à leur responsabilité face à la vie, la leur et celle d'autrui, à la vie reçue en don et à engendrer chez les autres. En d'autres termes, il s'agit d'une sensibilité et d'une mentalité qui risquent de donner naissance à une sorte de culture anti-vocationnelle. Ce qui revient à dire que dans une Europe complexe du point de vue culturel et privée de points de repère précis, semblable à un grand panthéon, le modèle anthropologique dominant semble être celui de l'« homme sans vocation ».

En voici une description possible : « Une culture pluraliste et complexe tend à engendrer des jeunes caractérisés par une identité inachevée et faible entraînant une indécision chronique face à un choix de vocation. De nombreux jeunes ne possèdent même pas la « grammaire élémentaire » de l'existence; ce sont des nomades: ils circulent sans s'arrêter au niveau géographique, affectif, culturel et religieux; ils « tentent »! Au milieu de la grande quantité et diversité d'informations, mais avec une pauvreté de formation, ils semblent dispersés, avec peu de références et de points de repère. Voilà pourquoi ils ont peur de leur avenir, les choix définitifs les angoissent et ils s'interrogent sur leur être. Si, d'une part, ils cherchent l'autonomie et l'indépendance à tout prix, de l'autre, ils tendent à être très dépendants du milieu socio-culturel, comme un refuge, et à chercher la gratification immédiate des sens: de ce qui « me va », de ce qui « me fait sentir bien » dans un monde affectif fait sur mesure ».(9)

Il est très triste de rencontrer des jeunes, intelligents et doués, chez qui le désir de vivre, de croire en quelque chose, de tendre vers de grands objectifs, d'espérer dans un monde qui peut devenir meilleur, notamment grâce à leurs efforts, semble éteint. Ces jeunes semblent se sentir superflus dans le jeu ou dans le drame de la vie, démissionnant pratiquement face à elle, perdus le long des sentiers interrompus et adoptant le profil le plus bas de la tension vitale. Sans vocation, mais aussi sans avenir, ou avec un avenir qui, tout au plus, sera une photocopie du présent.

d) La vocation de l'Europe

Et pourtant, cette Europe aux nombreuses âmes et à la culture si faible (mais qui toutefois s'impose souvent avec force) qui manifeste des énergies insoupçonnées, est on ne peut plus vivante et appelée à jouer un rôle important sur la scène internationale.

Jamais autant qu'à notre époque le vieux continent, malgré ses blessures dues aux récents conflits et aux heurts parfois violents en son sein, n'a ressenti aussi fortement l'appel à l'unité. Une unité qu'il faut encore construire, bien que certains murs soient tombés, et qui devra s'étendre à toute l'Europe, ainsi qu'à ceux qui lui demandent accueil et hospitalité. Une unité qui ne pourra pas être seulement politique ou économique, mais aussi et avant tout spirituelle et morale. Une unité, encore, qui devra dépasser les vieilles rancoeurs et les anciennes méfiances et à laquelle ses racines chrétiennes primitives pourraient précisément fournir un motif de convergence et une garantie d'entente. Une unité, en particulier, qu'il reviendra aux jeunes de la génération actuelle de réaliser et de rendre complète et solide, de l'Ouest en Est, du Nord au Sud, en la défendant contre toute tentation d'isolement et de repli sur ses propres intérêts et en la proposant au monde entier comme exemple de coexistence sereine dans la diversité.

Les jeunes seront-ils capables d'assumer cette responsabilité?

S'il est vrai que le jeune d'aujourd'hui risque d'être désorienté et de se retrouver sans point de repère précis, la « nouvelle Europe » qui est en train de naître pourrait bien devenir un objectif et offrir un stimulant adéquat aux jeunes qui, en réalité, « ont une nostalgie de la liberté et cherchent la vérité, la spiritualité, l'authenticité, l'originalité personnelle et la transparence », qui « nourrissent en même temps un désir d'amitié et de réciprocité », qui cherchent de « la compagnie » et veulent « construire une nouvelle société fondée sur des valeurs comme la paix, la justice, le respect de l'environnement, l'attention envers les diversités, la solidarité, le volontariat et l'égale dignité de la femme ».(10)

En dernière analyse, les recherches les plus récentes décrivent les jeunes Européens comme égarés, mais non pas désespérés; imprégnés de relativisme éthique, tout en étant désireux de vivre une « bonne vie »; conscients de leur besoin de salut, bien que ne sachant pas où le trouver.

Leur plus grave problème est probablement la société neutre sur le plan éthique et dans laquelle il leur est échu de vivre, mais les ressources qui sont en eux ne sont pas épuisées. Spécialement en un temps de transition vers de nouveaux objectifs comme le nôtre. On en veut pour preuve les nombreux jeunes animés d'une recherche sincère de spiritualité et courageusement engagés dans le social, confiants en eux-mêmes et dans les autres et dispensateurs d'espérance et d'optimisme.

Nous croyons que ces jeunes, malgré les contradictions et le « poids » d'un certain milieu culturel, peuvent bâtir cette nouvelle Europe. Dans la vocation de leur terre maternelle se profile aussi leur vocation personnelle.

Une nouvelle évangélisation

12. Tout ceci ouvre de nouvelles voies et requiert de nouvelles impulsions au processus d'évangélisation de la vieille et de la nouvelle Europe. Depuis longtemps l'Eglise et le Pape actuel invitent à un profond renouveau des contenus et de la méthode de l'annonce de l'Evangile, pour « rendre l'Eglise du XXème siècle encore plus apte à annoncer l'Evangile à l'humanité du XXème siècle ».(11) Et, comme nous l'a rappelé le Congrès, « il ne faut pas avoir peur d'être dans une période de passage d'une rive à l'autre ».(12)

a) Le « semper » et le « novum »

Il s'agit donc de conjuguer le « semper » et le « novum » de l'Evangile pour l'offrir aux nouvelles demandes et conditions de l'homme et de la femme d'aujourd'hui. Il est donc urgent de proposer à nouveau le coeur ou le centre du kérygme comme « nouvelle éternellement bonne », riche de vie et de sens pour le jeune qui vit en Europe, comme annonce capable de répondre à ses attentes et d'éclairer sa recherche.

C'est particulièrement autour des points qui suivent que se concentrent la tension et le défi. L'image de l'homme que l'on veut réaliser et les grandes décisions de la vie, de l'avenir de la personne et de l'humanité dépendent de cela: de la signification de la liberté, du rapport entre subjectivité et objectivité, du mystère de la vie et de la mort, de l'amour et de la souffrance, du travail et de la fête.

Il faut clarifier la relation entre pratique et vérité, entre instant historique personnel et futur définitif universel ou entre bien reçu et bien donné, entre conscience du don et choix de vie. Nous savons que c'est précisément autour de ces éléments que se concentre aussi une certaine crise de signification dont découlent ensuite une culture anti-vocationnelle et une image d'homme sans vocation.

Le cheminement de la nouvelle évangélisation doit donc partir de là et c'est là qu'il doit aboutir pour évangéliser la vie et le sens de la vie, l'exigence de liberté et de subjectivité, le sens de l'être dans le monde et de la relation aux autres.

C'est de là que pourra émerger une culture des vocations et un modèle d'homme ouvert à l'appel. La bonne nouvelle de la Pâque du Seigneur ne doit pas faire défaut à une Europe qui doit profondément remodeler son visage, car c'est dans son sang que les peuples dispersés se sont réunis et que les lointains sont devenus proches, « en détruisant la barrière qui les séparait, c'est-à-dire la haine » (cf. Ep 2, 14). Nous pouvons aller jusqu'à dire que la vocation est le coeur même de la nouvelle évangélisation au seuil du troisième millénaire; elle est l'appel que Dieu adresse à l'homme pour un nouveau printemps de vérité et de liberté et pour une refondation éthique de la culture et de la société européennes.

b) Une nouvelle sainteté

Dans ce processus d'inculturation de la bonne nouvelle, la Parole de Dieu devient compagne de voyage de l'homme et le croise au long des routes pour lui révéler le projet du Père comme condition de son bonheur. C'est exactement la Parole tirée de la lettre de Paul aux chrétiens de l'Eglise d'Ephèse qui nous conduit aujourd'hui, nous, peuple de Dieu en Europe, à découvrir ce qui peut-être n'est pas immédiatement visible à l'oeil nu, mais qui n'en est pas moins événement, don et vie nouvelle : « Ainsi donc, vous n'êtes plus des étrangers ni des hôtes; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la maison de Dieu » (Ep 2, 19).

Ce n'est évidemment pas une parole nouvelle, mais c'est une parole qui nous fait regarder d'une nouvelle façon la réalité de l'Eglise du vieux continent qui est bien autre chose qu'une « vieille Eglise ». Elle est une communauté de croyants appelés à la « jeunesse de la sainteté », à la vocation universelle à la sainteté, soulignée avec force par le Concile(13) et rappelée en diverses circonstances par le magistère successif.

Il est temps désormais que cet appel retrouve sa vigueur et parvienne à tout croyant, afin que chacun soit en mesure « de comprendre, avec tous les saints, ce qu'est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur » (Ep 3, 18) du mystère de grâce confié à sa vie.

Il est temps désormais que cet appel suscite de nouveaux desseins de sainteté, car l'Europe a surtout besoin de cette sainteté particulière que requiert le moment présent, donc originale et, d'une certaine façon, sans précédents.

Il faut des personnes capables de « jeter des ponts » pour unir toujours davantage les Eglises et les peuples d'Europe et pour réconcilier les âmes.

Il faut des « pères » et des « mères » ouverts à la vie et au don de la vie; des époux et des épouses qui célèbrent et témoignent de la beauté de l'amour humain béni par Dieu; des personnes capables de dialogue et de « charité culturelle » pour transmettre le message chrétien à travers les langages de notre société; des professionnels et des personnes simples capables d'imprimer à l'engagement dans la vie civile et aux rapports de travail et d'amitié la transparence de la vérité et l'intensité de la charité chrétienne; des femmes qui redécouvrent dans la foi chrétienne la possibilité de vivre pleinement leur génie féminin; des prêtres au grand coeur, comme celui du Bon Pasteur; des diacres permanents qui annoncent la Parole et la liberté de service pour les plus pauvres; des apôtres consacrés capables de s'immerger dans le monde et dans l'histoire avec un coeur de contemplatif et des mystiques si familiers du mystère de Dieu qu'ils sachent célébrer l'expérience du divin et indiquer la présence de Dieu dans le vif de l'action.

L'Europe a besoin de nouveaux confesseurs de la foi et de la beauté de croire, de témoins qui soient des croyants crédibles, courageux jusqu'au sang, de vierges qui ne le soient pas que pour elles-mêmes, mais qui sachent indiquer à tous cette virginité qui est au coeur de chacun et qui renvoie immédiatement à l'Eternel, source de tout amour.

Notre terre a soif non seulement de saints, mais de communautés saintes, aimant tellement l'Eglise et le monde qu'elles sachent présenter au monde une Eglise libre, ouverte, dynamique, présente dans l'histoire contemporaine de l'Europe, proche des souffrances des gens, accueillante envers tous, fer de lance de la justice, attentive aux pauvres, ne se souciant pas de sa minorité numérique ni de mettre des limites à son action, ne s'effrayant ni du climat de déchristianisation sociale (réelle, mais sans doute pas aussi radicale et générale) ni du manque (souvent seulement en apparence) de résultats.

Telle sera la nouvelle sainteté, capable de ré-évangéliser l'Europe et d'édifier la nouvelle Europe!

De nouvelles vocations

13. Un nouveau discours sur la vocation et sur les vocations, sur la culture et sur la pastorale des vocations s'impose donc. Le Congrès a voulu accueillir une certaine sensibilité, désormais largement diffuse sur ces thèmes, proposant toutefois en même temps un « 'sursaut' idéal pour ouvrir de nouveaux printemps dans nos Eglises ».(14)

a) Vocation et vocations

Tout comme la sainteté s'adresse à tous les baptisés en JésusChrist, de même il existe une vocation spécifique pour tout vivant. Et, de même que la première est enracinée dans le Baptême, la seconde est liée au simple fait d'exister. La vocation est la pensée providentielle du Créateur sur chaque créature, elle est son idée-projet, comme un rêve qui tient à coeur à Dieu parce que la créature lui tient à coeur. Dieu le Père veut qu'elle soit différente et spécifique pour chaque vivant.

L'être humain, en effet, est « appelé » à la vie et, quand il vient à la vie, il porte et retrouve en lui l'image de Celui qui l'a appelé.

La vocation est la proposition divine pour se réaliser selon cette image; elle est unique et singulière précisément parce que cette image est inépuisable. Chaque créature dit et est appelée à exprimer un aspect particulier de la pensée de Dieu. C'est là qu'elle trouve son nom et son identité, qu'elle affirme et qu'elle met en sécurité sa liberté et son originalité.

Donc, si chaque être humain possède sa propre vocation dès le moment de sa naissance, il existe dans l'Eglise et dans le monde différentes vocations qui, sur le plan théologique, expriment la ressemblance divine imprimée dans l'homme et, au niveau pastoral et ecclésial, répondent aux diverses exigences de la nouvelle évangélisation, en enrichissant la dynamique et la communion ecclésiales: « L'Eglise particulière est comme un jardin fleuri, possédant une grande variété de dons et de charismes, de mouvements et de ministères. D'où l'importance du témoignage de la communion entre eux, en laissant de côté tout esprit de 'concurrence' ».(15)

Bien plus, le Congrès a explicitement affirmé qu'« il faut s'ouvrir à de nouveaux charismes et ministères, peut-être différents des charismes et ministères habituels. La place du laïcat et sa mise en valeur sont un signe des temps qu'il nous faut encore découvrir. Il se révèle toujours plus fructueux ».(16)

b) Une culture de la vocation

Ces éléments pénètrent peu à peu dans la conscience des croyants mais pas encore assez pour créer une véritable culture des vocations,(17) capable de franchir les limites de la communauté des croyants. Voilà pourquoi le Saint-Père, dans son Discours aux participants au Congrès, souhaite que l'attention patiente et constante de la communauté chrétienne au mystère de l'appel divin entraîne une « nouvelle culture des vocations chez les jeunes et dans les familles ».(18)

Celle-ci est un élément de la nouvelle évangélisation. Elle est culture de la vie et de l'ouverture à la vie, du sens de la vie, mais aussi de la mort.

Elle se réfère en particulier à des valeurs, peut-être un peu oubliées, d'une certaine mentalité émergente (« culture de mort » selon certains), comme la gratitude, l'accueil du mystère, le sens de l'inachevé chez l'homme et en même temps de son ouverture à la transcendance, sa disponibilité à se laisser appeler par un autre (ou par un Autre) et interpeller par la vie, sa confiance en soi et dans le prochain, sa liberté de s'émouvoir face au don reçu, face à l'affection, à la compréhension, au pardon, en découvrant que ce que l'on a reçu est toujours immérité, excède toujours sa propre mesure et est source de responsabilité à l'égard de la vie.

Font encore partie de cette culture des vocations la capacité à rêver et à désirer en grand, la stupeur qui permet d'apprécier la beauté et de la choisir pour sa valeur intrinsèque, parce qu'elle rend la vie belle et vraie, l'altruisme qui n'est pas seulement solidarité dans l'urgence, mais qui naît de la découverte de la dignité de chaque frère.

A la culture de la distraction, qui risque de perdre de vue et d'annuler les interrogations sérieuses dans la surabondance des mots, il faut opposer une culture capable de retrouver le courage et le goût des grandes questions, celles qui ont trait à l'avenir: ce sont les grandes questions, en effet, qui rendent grandes aussi les petites réponses. Mais ce sont ensuite les petites réponses au quotidien qui provoquent les grandes décisions, comme celle de la foi, ou qui créent une culture, comme celle des vocations.

Quoi qu'il en soit la culture des vocations, en tant qu'ensemble de valeurs, doit passer toujours plus d'une conscience ecclésiale à une conscience civile, de la conscience du croyant ou de la communauté croyante à la conviction universelle de ne pouvoir construire aucun futur pour l'Europe de l'an 2000 sur un modèle d'homme sans vocation. De fait, le Pape ajoute : « Le malaise qui traverse le monde des jeunes révèle, notamment chez les nouvelles générations, des questions pressantes sur le sens de l'existence, confirmant ainsi que rien ni personne ne peut étouffer la question du sens et le désir de vérité. Pour beaucoup, c'est le terrain sur lequel se joue la recherche de vocation ».(19)

Ce sont précisément cette demande et ce désir qui font naître une authentique culture de la vocation. Et, si demande et désir sont au coeur de chaque homme, même de ceux qui les nient, alors cette culture pourrait devenir une sorte de terrain commun où la conscience croyante rencontre la conscience laïque et se confronte à elle. Elle lui donnera, avec générosité et transparence, cette sagesse qu'elle a reçue d'en haut.

Cette nouvelle culture deviendra ainsi un véritable terrain de nouvelle évangélisation où pourrait naître un nouveau modèle d'homme et où pourraient fleurir aussi une nouvelle sainteté et de nouvelles vocations pour l'Europe de l'an 2000. En effet, la pénurie des vocations spécifiques — les vocations au pluriel — est surtout absence de conscience vocationnelle de la vie — la vocation au singulier —, c'est-à-dire absence de culture de la vocation.

Cette culture devient probablement aujourd'hui le premier objectif de la pastorale des vocations(20) ou, peut-être, de la pastorale en général. Que serait, en effet, une pastorale qui ne cultiverait pas la liberté de se sentir appelé par Dieu et qui ne ferait pas naître une nouveauté de vie?

c) Pastorale des vocations : le « saut de qualité »

Un autre élément lie entre elles la réflexion d'avant le congrès et l'analyse faite au cours de ce dernier. C'est la conscience que la pastorale des vocations se trouve face à l'exigence d'un changement radical, d'un « 'sursaut' idéal », selon le document préparatoire,(21) ou d'un « saut de qualité », comme l'a recommandé le Pape dans son Message à la fin du Congrès.(22) Encore une fois, nous nous trouvons devant une convergence évidente devant être comprise dans sa signification authentique, dans cette analyse de la situation que nous proposons.

Il ne s'agit pas seulement d'une invitation à réagir à une sensation de fatigue ou de méfiance au vu des faibles résultats. Ces mots n'entendent pas non plus provoquer un simple renouvellement de certaines méthodes ou encourager à retrouver l'énergie et l'enthousiasme, mais ils veulent indiquer, en substance, que la pastorale des vocations en Europe est arrivée à un tournant historique, à un passage décisif. Il y a eu une histoire, avec une préhistoire, puis des phases qui se sont lentement succédé, au long de ces dernières années, comme des saisons naturelles, et qui doivent désormais nécessairement évoluer vers l'état « adulte » et mûr de la pastorale des vocations.

Il ne s'agit donc ni de sous-évaluer le sens de ce passage, ni d'accuser quiconque pour ce qu'il n'aurait pas fait par le passé. Au contraire! Notre sentiment, qui est le sentiment de toute l'Eglise, est un sentiment de reconnaissance sincère envers nos frères et nos soeurs qui, dans des conditions passablement difficiles, ont généreusement aidé tant de jeunes gens et de jeunes filles à chercher et à trouver leur vocation. Mais il s'agit, en tout cas, de comprendre encore une fois la direction que Dieu, le Seigneur de l'histoire, imprime à notre histoire et notamment à la riche histoire des vocations en Europe qui se trouve à un carrefour difficile.

— Si la pastorale des vocations est née comme une urgence liée à une situation de crise et d'indigence vocationnelle, il est impossible aujourd'hui de la penser avec la même précarité, motivée par une conjoncture négative, mais — au contraire — elle apparaît comme l'expression stable et cohérente de la maternité de l'Eglise, ouverte au plan de Dieu, que nul ne peut arrêter et qui engendre toujours la vie en elle.

— Si, autrefois, la promotion des vocations se référait seulement ou surtout à certaines vocations, aujourd'hui elle devrait tendre toujours plus à la promotion de toutes les vocations, car dans l'Eglise du Seigneur tous grandissent ensemble ou personne ne grandit.

— Si, à ses débuts, la pastorale des vocations pourvoyait à circonscrire son domaine d'intervention à certaines catégories de personnes (« les nôtres », ceux qui étaient les plus proches des milieux d'Eglise ou ceux qui semblaient manifester tout de suite un certain intérêt, les meilleurs et les plus méritoires, ceux qui avaient déjà fait une option de foi, et ainsi de suite), aujourd'hui la nécessité se fait sentir d'étendre courageusement et à tous, au moins en théorie, l'annonce et la proposition d'une vocation, au nom de ce Dieu qui ne fait pas de préférence, qui choisit les pécheurs dans un peuple de pécheurs, qui fait d'Amos — qui n'était pas fils de prophètes mais simple cueilleur de sycomores — un prophète, qui appelle Lévi, qui va chez Zachée et qui est même capable de faire surgir des pierres des fils à Abraham (cf. Mt 3, 9).

— Si, autrefois, l'activité vocationnelle naissait pour une bonne part de la peur (de l'extinction ou de moins compter) et du désir de maintenir les présences et les oeuvres à des niveaux déterminés, désormais la peur, qui est toujours mauvaise conseillère, cède la place à l'espérance chrétienne, qui naît de la foi et qui est projetée vers la nouveauté et le futur de Dieu.

— Si une certaine animation des vocations est, ou était, éternellement incertaine et timide, jusqu'à sembler pratiquement en condition d'infériorité par rapport à une culture anti-vocationnelle, aujourd'hui seul celui qui est animé de la certitude qu'il existe en chaque personne — sans exclusion — un don original de Dieu qui attend d'être découvert peut faire une bonne pastorale des vocations.

— Si l'objectif semblait autrefois être le recrutement, et la méthode la propagande, souvent en forçant un peu la liberté de l'individu et avec des épisodes de « concurrence », il doit toujours être clair à présent que notre but est le service à rendre àla personne, afin qu'elle sache discerner le projet de Dieu sur la vie pour l'édification de l'Eglise et qu'elle se reconnaisse en lui et réalise sa propre vérité.(23)

— Si, à une époque pas très lointaine, certains s'imaginaient pouvoir résoudre la crise des vocations par des choix discutables, par exemple en « important des vocations » d'ailleurs (souvent en les déracinant de leur contexte), aujourd'hui personne ne devrait s'imaginer pouvoir résoudre la crise des vocations en la contournant, car le Seigneur continue à appeler dans chaque Eglise et en tout lieu.

— Ainsi, dans la même ligne, le « cyrénéen vocationnel », improvisateur volontaire et souvent solitaire, devrait passer toujours davantage d'une animation faite d'initiatives et d'expériences épisodiques à une éducation à la vocation s'inspirant de la sagesse d'une méthode éprouvée d'accompagnement, pour pouvoir apporter une aide appropriée à ceux qui sont en recherche.

— Par conséquent, l'animateur des vocations devrait devenir toujours plus un éducateur de foi et formateur de vocations et l'animation sacerdotale devenir toujours plus une action collective,(24) de toute la communauté, religieuse ou paroissiale, de tout l'institut ou de tout le diocèse, de tout prêtre ou de toute personne consacrée ou croyante, et pour toutes les vocations dans chaque phase de la vie.

— Enfin, il est temps que l'on passe clairement de la « pathologie de la fatigue »(25) et de la résignation, que l'on justifie en attribuant à l'actuelle génération de jeunes la cause unique de la crise des vocations, au courage de se poser les questions justes, pour comprendre les erreurs éventuelles et les défaillances, pour parvenir à un nouvel élan créatif fervent de témoignage.

d) Petit troupeau et grande mission(26)

C'est la cohérence avec laquelle on agira dans cette voie qui aidera toujours plus à redécouvrir la dignité de la pastorale des vocations et sa position centrale et de synthèse naturelle dans le domaine pastoral.

Ici encore, nous venons d'expériences et de conceptions qui ont risqué de marginaliser, d'une façon ou d'une autre, par le passé, cette même pastorale des vocations, en la considérant comme moins importante. Elle présente parfois un visage peu triomphant de l'Eglise actuelle ou est jugée comme un secteur de la pastorale moins fondé, sur le plan théologique, par rapport à d'autres, comme un produit récent d'une situation critique et contingente.

La pastorale des vocations vit peut-être encore dans une situation d'infériorité qui, d'un côté, peut nuire à son image et indirectement à l'efficacité de son action mais, de l'autre, peut aussi devenir un contexte favorable pour définir et expérimenter avec créativité et liberté — liberté aussi de se tromper — de nouveaux chemins pastoraux.

Surtout, cette situation peut rappeler cette autre « infériorité » ou pauvreté dont parlait Jésus en regardant les foules qui le suivaient : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux » (Mt 9, 37). Face à la moisson du Royaume de Dieu, face à la moisson de la nouvelle Europe et de la nouvelle évangélisation, les « ouvriers » sont et seront peu nombreux, « petit troupeau et grande mission », pour faire mieux ressortir que la vocation est initiative de Dieu, don du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

DEUXIEME PARTIE

THEOLOGIE DE LA VOCATION:

« Il y a diversité de charismes
mais c'est le même esprit » (1 Co 12, 4)

Le but fondamental de cette partie théologique est de permettre de saisir le sens de la vie humaine par rapport à Dieu, communion trinitaire. Le mystère du Père, du Fils et du Saint-Esprit fonde la pleine existence de l'homme, en tant qu'appel à l'amour dans le don de soi et dans la sainteté et en tant que don dans l'Eglise pour le monde. Toute anthropologie détachée de Dieu est illusoire.

Il s'agit maintenant de définir les éléments structurels de la vocation chrétienne, son architecture essentielle qui, évidemment, ne peut être que théologique. Cette réalité, qui a déjà fait l'objet de multiples analyses, notamment de la part du Magistère, est riche d'une tradition spirituelle, biblico-théologique, qui a formé non seulement des générations d'appelés, mais aussi une spiritualité de l'appel.

La demande de sens pour la vie

14. A l'école de la Parole de Dieu, la communauté chrétienne accueille la réponse la plus élevée à la demande de sens qui surgit, plus ou moins clairement, dans le coeur de l'homme. C'est une réponse qui ne vient pas de la raison humaine, bien que toujours provoquée, de manière dramatique, par le problème de l'existence et du destin; mais de Dieu. C'est lui qui remet à l'homme la clef de lecture servant à éclaircir et à résoudre les grandes interrogations qui font de l'homme un sujet qui interroge: « Pourquoi sommes-nous au monde? Qu'est-ce que la vie? Quelle est la destination finale au-delà du mystère de la mort? ».

Il ne faut cependant pas oublier que dans la culture de la distraction dans laquelle sont surtout plongés les jeunes de notre temps, les questions fondamentales courent le risque d'être étouffées ou d'être refoulées. Plus que cherché, aujourd'hui le sens de la vie est imposé: soit par ce que l'on vit dans l'immédiat, soit par ce qui gratifie les besoins qui, une fois satisfaits, rend la conscience toujours plus obtuse, laissant les interrogations les plus vraies non élucidées.(27)

La théologie pastorale et l'accompagnement spirituel ont donc pour tâche d'aider les jeunes à interroger la vie, pour parvenir à formuler, dans un dialogue décisif avec Dieu, la question de Marie de Nazareth: « Comment est-ce possible? » (cf. Lc 1, 34).

L'icône trinitaire

15. A l'écoute de la Parole, non sans stupeur, nous découvrons que la catégorie biblico-théologique la plus compréhensible et la plus à même d'exprimer le mystère de la vie, à la lumière du Christ, est celle de la « vocation ».(28) « Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l'homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation ».(29)

Voilà pourquoi la figure biblique de la communauté de Corinthe présente les dons de l'Esprit, dans l'Eglise, comme subordonnés à la reconnaissance de Jésus comme le Seigneur. La christologie constitue véritablement le fondement de toute anthropologie et ecclésiologie. Le Christ est le projet de l'homme. Ce n'est qu'après que le croyant a reconnu que Jésus est le Seigneur « sous l'action de l'Esprit Saint » (cf. 1 Co 12,3) qu'il peut accueillir le statut de la nouvelle communauté des croyants: « Il y a, certes, diversité de dons spirituels, mais c'est le même Esprit; diversité de ministères, mais c'est le même Seigneur; diversité d'opérations, mais c'est le même Dieu qui opère tout en tous » (1 Co 12, 4-6).

L'image paulinienne met clairement en évidence trois aspects fondamentaux des dons de vocation dans l'Eglise, étroitement liés à leur origine au sein de la communion trinitaire et en référence spécifique avec chacune des Personnes.

A la lumière de l'Esprit, les dons sont l'expression de son infinie gratuité. Il est lui-même charisme (Ac 2, 38), source de tout don et expression de la créativité divine incompressible.

A la lumière du Christ, les dons vocationnels sont « ministères »; ils expriment la diversité multiforme du service que le Fils a vécu jusqu'au don de sa vie. En effet, il « n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie » (Mt 20, 28). Jésus est donc le modèle de tout ministère.

A la lumière du Père, les dons sont « opérations » car c'est à partir de lui, source de la vie, que tout être déploie son dynamisme de créature.

L'Eglise reflète donc, en tant qu'icône, le mystère de Dieu Père, de Dieu Fils et de Dieu Esprit Saint. Et toute vocation porte en elle les traits caractéristiques des trois Personnes de la communion trinitaire. Les personnes divines sont source et modèle de tout appel. Bien plus, la Trinité, en elle-même, est un entrelacement mystérieux d'appels et de réponses. Ce n'est que là, à l'intérieur de ce dialogue ininterrompu, que chaque vivant retrouve non seulement ses racines, mais aussi son destin et son avenir, ce qu'il est appelé à être et à devenir, dans la vérité et la liberté, dans le concret de son histoire.

En effet, les dons, dans le statut ecclésiologique de la première épître aux Corinthiens, ont une destination historique et concrète: « A chacun la manifestation de l'Esprit est donnée en vue du bien commun » (1 Co 12, 7). Il existe un bien supérieur qui dépasse naturellement le don personnel: construire le Corps du Christ dans l'unité; rendre épiphanique sa présence dans l'histoire « afin que le monde croie » (Jn 17, 21).

Par conséquent, la communauté ecclésiale est, d'une part, enveloppée par le mystère de Dieu, elle en est l'icône visible et, d'autre part, elle est totalement impliquée dans l'histoire de l'homme dans le monde, en état d'exode, vers les « cieux nouveaux ».

L'Eglise et toute vocation en elle expriment un dynamisme identique: être appelé à une mission.

Le Père appelle à la vie

16. L'existence de chacun est le fruit de l'amour créateur du Père, de son désir efficace, de sa parole génératrice.

L'acte créateur du Père possède la dynamique d'un appel, d'un appel à la vie. L'homme vient à la vie parce qu'il est aimé, pensé et voulu par une Volonté bonne qui l'a préféré à la non-existence, qui l'a aimé avant même qu'il soit, connu avant même de le former dans le sein maternel, consacré avant qu'il vienne à la lumière (cf. Jr 1, 5; Is 49, 1.5; Ga 1, 15).

a) « ... à son image »

Dans l'« appel créateur », l'homme apparaît immédiatement dans toute la force de sa dignité en tant que sujet appelé à la relation avec Dieu, à être devant lui, avec les autres, dans le monde, avec un visage qui reflète les oeuvres divines: « Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance » (Gn 1, 26). Cette triple relation appartient au dessein originel, car le Père « nous a élus en lui — le Christ — dès la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l'amour » (Ep 1, 4).

Reconnaître le Père signifie que nous existons à sa manière, puisqu'il nous a créés à son image (Sg 2, 23). C'est donc en cela qu'est contenue la vocation fondamentale de l'homme: la vocation à la vie et à une vie immédiatement conçue à la ressemblance de la vie divine. Si le Père est l'éternelle source de vie, la gratuité totale, la source éternelle de l'existence et de l'amour, l'homme est appelé, à la mesure de son être, mesure petite et limitée, à être comme lui; il est donc appelé à « donner la vie », à prendre en charge la vie d'un autre.

Alors l'acte créateur du Père est ce qui permet de prendre conscience que la vie est consignée à la liberté de l'homme appelé à donner une réponse tout à fait personnelle et originale, responsable et pleine de gratitude.

b) L'amour, sens plénier de la vie

Dans cette perspective de l'appel à la vie, il nous faut exclure quelque chose: que l'homme puisse considérer l'existence comme une chose évidente, due et casuelle.

Il n'est peut-être pas facile, dans la culture contemporaine, de s'émerveiller devant le don de la vie.(30)

Alors qu'il est plus facile de percevoir le sens d'une vie donnée, celle qui déborde vers les autres, il faut en revanche une conscience plus mûre, une certaine formation spirituelle, pour percevoir que la vie de chacun, dans tous les cas et avant tout autre choix, est amour reçu et qu'en conséquence un projet de vocation est déjà caché dans cet amour.

Le simple fait d'exister devrait avant tout nous émerveiller et nous remplir d'une immense gratitude envers Celui qui, d'une façon entièrement gratuite, nous a tirés du néant en prononçant notre nom.

Dès lors la perception que la vie est un don ne devrait pas seulement susciter une attitude de reconnaissance, mais elle devrait lentement suggérer la première grande réponse à la demande fondamentale de sens: la vie est le chef-d'oeuvre de l'amour créateur de Dieu et est en soi un appel à aimer: don reçu qui tend par nature à devenir bien donné.

c) L'amour, vocation de tout homme

L'amour est le sens plénier de la vie. Dieu a tant aimé l'homme qu'il lui a donné sa propre vie et l'a rendu capable de vivre et d'aimer à la manière divine. C'est dans cet excès d'amour, l'amour du commencement, que l'homme trouve sa vocation radicale, qui est « vocation sainte » (2 Tm 1, 9), et découvre son identité unique qui le rend immédiatement semblable à Dieu, « à l'image du Saint » qui l'a aimé (1 P 1, 15). « En créant l'humanité de l'homme et de la femme à son image et en la conservant continuellement dans l'être — commente JeanPaul II — Dieu inscrit en elle la vocation, et donc la capacité et la responsabilité correspondantes, à l'amour et à la communion. L'amour est donc la vocation fondamentale et innée de tout être humain ».(31)

d) Le Père éducateur

Grâce à cet amour qui l'a créé, personne ne peut se sentir « superflu », car chacun est appelé à répondre selon un projet de Dieu pensé expressément pour lui.

L'homme sera donc heureux et pleinement réalisé en étant à sa place, en accueillant la proposition éducative de Dieu, avec toute la crainte qu'une telle intention suscite dans un coeur de chair. Dieu créateur qui donne la vie est également le Père qui « éduque », qui tire du néant ce qui n'est pas encore pour le faire être; il tire du coeur de l'homme ce qu'il y a placé, afin qu'il soit pleinement lui-même, et ce qu'il l'a appelé à être, à sa manière.

D'où la nostalgie d'infini que Dieu a mis dans le monde intérieur de chacun, comme un sceau divin.

e) L'appel du Baptême

Cette vocation à la vie et à la vie divine est célébrée dans le Baptême. Dans ce sacrement, le Père se penche avec une tendresse attentionnée sur la créature, fils ou fille de l'amour d'un homme et d'une femme, pour bénir le fruit de cet amour et faire en sorte qu'il devienne pleinement son fils. A partir de ce moment-là, la créature est appelée à la sainteté des enfants de Dieu. Rien ni personne ne pourra jamais effacer cette vocation.

Avec la grâce du Baptême, Dieu le Père intervient pour manifester que lui, et lui seul, est l'auteur du plan du salut, à l'intérieur duquel chaque être humain joue un rôle personnel. Son acte est sans précédent, antérieur; il n'attend pas l'initiative de l'homme, ne dépend pas de ses mérites, ni ne se modèle à partir de ses capacités ou dispositions. C'est le Père qui connaît, désigne, imprime une impulsion, met un sceau, appelle encore « dès la fondation du monde » (Ep 1, 4). Puis il donne la force, chemine près de nous, soutient les efforts, est Père et Mère pour toujours...

La vie chrétienne acquiert ainsi une signification d'expérience de réponse: elle devient réponse responsable pour faire grandir un rapport filial avec le Père et un rapport fraternel dans la grande famille des enfants de Dieu. Le chrétien est appelé à favoriser, à travers l'amour, ce processus de ressemblance au Père qui s'appelle vie théologale.

Aussi la fidélité au Baptême conduit-elle à poser à la vie, et à soi-même, des questions toujours plus précises; surtout pour se disposer à vivre l'existence non seulement en vertu d'aptitudes humaines, qui sont autant de dons de Dieu, mais en vertu de sa volonté; non pas selon des perspectives mondaines, trop souvent de petit cabotage, mais selon les désirs et les projets de Dieu.

La fidélité au Baptême signifie dès lors regarder vers le haut, en tant que fils, pour discerner sa volonté sur notre vie et sur notre avenir.

Le Fils appelle à le suivre

17. « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit » (Jn 14, 8).

C'est ce que demande Philippe à Jésus, la veille de la passion.C'est la nostalgie poignante de Dieu, présente dans le coeur de tout homme: connaître ses racines, connaître Dieu. L'homme n'est pas infini, il est immergé dans la finitude; mais son désir gravite autour de l'infini.

La réponse de Jésus surprend les disciples: « Voilà si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe? Qui m'a vu a vu le Père » (Jn 14, 9).

a) Envoyé par le Père pour appeler l'homme

Le Père nous a créés dans le Fils, « resplendissement de sa gloire, effigie de sa substance » (He 1, 3), nous destinant à être conformes à son image (cf. Rm 8, 29). Le Verbe est l'image parfaite du Père. Il est Celui dans lequel le Père s'est rendu visible, le Logos par lequel il « nous a parlé » (He 1, 2). Tout son être est d'« être envoyé », pour rendre Dieu, en tant que Père, proche des hommes, pour dévoiler son visage et son nom aux hommes (Jn 17, 6).

Si l'homme est appelé à être fils de Dieu, en conséquence personne mieux que le Verbe Incarné ne peut « parler » de Dieu à l'homme et représenter l'image réussie du fils. Voilà pourquoi le Fils de Dieu, en venant sur cette terre, a appelé à Le suivre, à être comme lui, à partager sa vie, sa parole, sa pâque de mort et de résurrection; et même ses sentiments.

Le Fils, envoyé de Dieu s'est fait homme pour appeler l'homme: l'envoyé du Père est celui qui appelle les hommes.

Voilà pourquoi il n'existe aucun passage de l'Evangile ou une rencontre ou un dialogue qui n'ait une signification vocationnelle, qui n'exprime, directement ou indirectement, un appel de la part de Jésus. C'est comme si ses rendez-vous humains, provoqués par les circonstances les plus diverses, étaient d'une manière ou d'une autre une occasion pour lui de placer la personne face à la question stratégique: « Que dois-je faire de ma vie? », « Quel est mon chemin? ».

b) Le plus grand amour: donner la vie

A quoi Jésus appelle-t-il? A le suivre pour être et agir comme lui. Plus particulièrement, à vivre la même relation qu'il entretient avec le Père et avec les hommes: à accueillir la vie comme un don venant des mains du Père pour « perdre » et reverser ce don sur ceux que le Père lui a confiés.(32)

Il existe un trait unificateur dans l'identité de Jésus qui constitue le sens plénier de l'amour: la mission. Celle-ci exprime l'abnégation, qui atteint son épiphanie suprême sur la croix. « Nul n'a plus grand amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13).

Aussi chaque disciple est-il appelé à répéter et à revivre les sentiments du Fils, qui trouvent une synthèse dans l'amour, motivation décisive de tout appel. Mais surtout chaque disciple est appelé à rendre visible la mission de Jésus, il est appelé pour la mission: « Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20, 21). La structure de toute vocation, et même sa maturité, consiste à continuer Jésus dans le monde, pour faire, comme lui, de la vie un don. L'envoi en mission est en effet la consigne du soir de Pâques (Jn 20, 21) et la dernière parole avant de monter vers le Père (Mt 28, 16-20).

c) Jésus, le formateur

Chaque appelé est signe de Jésus: en quelque sorte son coeur et ses mains continuent à embrasser les petits, à guérir les malades, à réconcilier les pécheurs et à se laisser clouer en croix par amour pour tous. Le fait d'être pour les autres, avec le coeur du Christ, est le visage mûr de toute vocation. Voilà pourquoi le Seigneur Jésus est le formateur de ceux qu'il appelle, le seul qui puisse modeler en eux ses sentiments.

Chaque disciple, en répondant à son appel et en se laissant former par lui, exprime les traits les plus vrais de son choix. C'est pourquoi « le fait de Le reconnaître lui, comme le Seigneur de la vie et de l'histoire, comporte aussi l'auto-reconnaissance du fait d'être disciple (...) L'acte de foi allie nécessairement la reconnaissance christologique et l'auto-reconnaissance anthropologique ».(33)

D'où la pédagogie de l'expérience vocationnelle chrétienne évoquée par la Parole de Dieu: Jésus « en institua Douze pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher » (Mc 3, 14). Pour être vécue en plénitude, dans la dimension du don et de la mission, la vie chrétienne a besoin de motivations fortes et surtout de communion profonde avec le Seigneur: dans l'écoute, dans le dialogue, dans la prière, dans l'intériorisation des sentiments, en se laissant former par lui chaque jour et surtout dans le désir ardent de communiquer au monde la vie du Père.

d) L'Eucharistie: l'investiture pour la mission

Dans toutes les catéchèses de la communauté chrétienne primitive, la place centrale du mystère pascal est évidente. Le message central du mystère pascal: annoncer le Christ mort et ressuscité. Dans le mystère du pain partagé et du sang versé pour la vie du monde, la communauté croyante contemple l'épiphanie suprême de l'amour, la vie du Fils de Dieu offerte.

Voilà pourquoi dans la célébration de l'Eucharistie, « sommet et source »(34) de la vie chrétienne, est célébrée la révélation la plus haute de la mission de Jésus-Christ dans le monde; mais l'Eucharistie célèbre aussi l'identité de la communauté ecclésiale convoquée pour être envoyée, appelée à la mission.

Dans la communauté qui célèbre le mystère pascal, chaque chrétien entre et prend part au style du don de Jésus, en devenant comme lui pain rompu pour l'offrande faite au Père et pour la vie du monde.

L'Eucharistie devient ainsi la source de toute vocation chrétienne; en elle, tout croyant est appelé à se conformer au Christ Ressuscité totalement offert et donné. Il devient icône de toute réponse de vocation; comme en Jésus, en toute vie et en toute vocation il existe une fidélité difficile à vivre jusqu'à la mesure de la croix.

Celui qui y prend part accueille l'invitation-appel de Jésus à « faire mémoire » de lui, dans le sacrement et dans la vie, à vivre « en rappelant » dans la vérité et la liberté des choix quotidiens le mémorial de la croix, à remplir l'existence de gratitude et de gratuité, à briser son corps et à verser son sang. Comme le Fils.

L'Eucharistie engendre enfin le témoignage et prépare à la mission: « Allez dans la paix ». On passe de la rencontre avec le Christ sous le signe du Pain à la rencontre avec le Christ sous le signe de chaque homme. L'engagement du croyant ne s'éteint pas à l'entrée, mais à la sortie de l'église. La réponse à l'appel rencontre l'histoire de la mission. La fidélité à sa vocation puise aux sources de l'Eucharistie et se mesure dans l'Eucharistie de la vie.

L'Esprit appelle au témoignage

18. Chaque croyant éclairé par l'intelligence de la foi est appelé à connaître et à reconnaître Jésus comme le Seigneur; et, en lui, à se reconnaître soi-même. Mais cela n'est pas seulement le fruit d'un désir humain ou de la bonne volonté de l'homme. Même après avoir vécu l'expérience prolongée avec le Seigneur, les disciples ont toujours besoin de Dieu. Bien plus, la veille de la passion, ils sont un peu perturbés (Jn 14, 1), ils redoutent la solitude. Jésus les encourage en leur faisant une promesse inouïe: « Je ne vous laisserai pas orphelins » (Jn 14, 18). Les premiers appelés de l'Evangile ne resteront pas seuls: Jésus leur assure la compagnie diligente de l'Esprit.

a) Consolateur et ami, guide et mémoire

« Il est le "Consolateur", l'Esprit de bonté, que le Père enverra au nom du Fils, don du Seigneur ressuscité »,(35) « pour qu'il soit avec vous à jamais » (Jn 14, 16).

L'Esprit devient ainsi l'ami de chaque disciple, le guide au regard jaloux sur Jésus et sur les appelés, pour faire d'eux des témoins à contre-courant de l'événement plus bouleversant du monde: le Christ est mort et ressuscité. Il est en effet la « mémoire » de Jésus et de sa Parole: « Lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit » (Jn 14, 26); et même « il vous introduira dans la vérité tout entière » (Jn 16, 13).

La nouveauté permanente de l'Esprit consiste à guider vers une intelligence progressive et profonde de la vérité, cette vérité qui n'est pas une notion abstraite, mais le projet de Dieu dans la vie de chaque disciple. C'est la transformation de la Parole en vie et de la vie selon la Parole.

b) Animateur et accompagnateur des vocations

De la sorte, l'Esprit devient le grand animateur de toute vocation, Celui qui accompagne le cheminement pour qu'il arrive au but, l'iconographe intérieur qui modèle avec imagination le visage de chacun selon Jésus.

Il est toujours présent à côté de chaque homme et de chaque femme, pour conduire tous les hommes au discernement de leur identité de croyants et d'appelés, pour modeler cette identité exactement selon le modèle de l'amour divin. Cette « empreinte divine », l'Esprit sanctificateur cherche à la reproduire en chacun de nous, patient artisan de nos âmes et « consolateur parfait ».

Mais l'Esprit rend surtout les appelés capables de « témoigner »: « il me rendra témoignage. Mais vous aussi, vous témoignerez » (Jn 15, 26-27). Cette façon d'être de tout appelé constitue la parole convaincante, le contenu même de la mission. Le témoignage ne consiste pas seulement à suggérer les paroles de l'annonce comme dans l'Evangile de Matthieu (Mt 10, 20), mais plutôt à conserver Jésus dans son coeur et à l'annoncer, lui, comme la vie du monde.

c) La sainteté, vocation de tous

La question concernant le saut de qualité à imprimer à la pastorale des vocations aujourd'hui devient une interrogation qui engage sans aucun doute à écouter l'Esprit: car c'est lui l'annonciateur des « choses à venir » (Jn 16, 13); c'est lui qui donne une intelligence spirituelle nouvelle pour comprendre l'histoire et la vie à partir de la Pâque du Seigneur dont la victoire comporte l'avenir de tout homme.

Il devient donc légitime de nous demander: En quoi réside l'appel de l'Esprit Saint pour notre temps? Quelles corrections devons-nous apporter aux chemins de la pastorale des vocations?

La réponse ne viendra que si nous accueillons le grand appel à la conversion, adressé à la communauté ecclésiale et à chacun de nous en elle, comme un véritable itinéraire d'ascétique et de renaissance intérieure, pour que chacun retrouve la fidélité à sa propre vocation.

Il existe une primauté de la vie dans l'Esprit qui est à la base de toute pastorale des vocations. Cela exige de dépasser un pragmatisme diffus et l'extériorisation qui conduit à oublier la vie théologale de la foi, de l'espérance et de la charité. L'écoute profonde de l'Esprit est le nouveau souffle de toute action pastorale de la communauté ecclésiale.

La primauté de la vie spirituelle est la prémisse pour répondre à cette nostalgie de sainteté qui, comme nous l'avons déjà rappelé, traverse aussi l'époque qu'est en train de vivre l'Eglise d'Europe. La sainteté est la vocation universelle de chaque homme,(36) elle est la voie royale vers laquelle convergent les nombreux sentiers des vocations particulières. Par conséquent, le grand rendez-vous de l'Esprit pour ce tournant de l'histoire post-conciliaire est la sainteté des appelés.

d) Les vocations au service de la vocation de l'Eglise

Mais tendre efficacement vers cet objectif signifie adhérer à l'action mystérieuse de l'Esprit selon certaines directions précises, qui préparent et constituent le secret d'une vraie vitalité de l'Eglise de l'an 2000.

C'est à l'Esprit Saint que revient le rôle éternel de la communion qui se reflète dans l'icône de la communauté ecclésiale, visible à travers la pluralité des dons et des ministères.(37) Car c'est précisément dans l'Esprit que chaque chrétien découvre son originalité absolue, l'unicité de son appel et, en même temps, sa tendance naturelle et indélébile vers l'unité. C'est dans l'Esprit que les vocations dans l'Eglise sont nombreuses tout en n'étant qu'une seule et même vocation à l'unité de l'amour et du témoignage. C'est encore l'action de l'Esprit qui rend possible la pluralité des vocations dans l'unité de la structure ecclésiale: la variété des vocations dans l'Eglise est nécessaire pour réaliser la vocation de l'Eglise et, à son tour, la vocation de l'Eglise est de rendre possibles et praticables les vocations de et dans l'Eglise. Les diverses vocations sont donc tournées vers le témoignage de l'agapê, vers l'annonce du Christ, unique Sauveur du monde.

Telle est précisément l'originalité de la vocation chrétienne: faire coïncider la réalisation de la personne avec celle de la communauté. Ce qui veut dire — encore une fois — faire prévaloir la logique de l'amour sur celle des intérêts privés, la logique du partage sur celle de l'appropriation narcissique des talents (cf. 1 Co 12-14).

La sainteté devient donc la véritable épiphanie de l'Esprit Saint dans l'histoire. Si chaque Personne de la Communion Trinitaire a son visage, et s'il est vrai que les visages du Père et du Fils sont assez familiers, car Jésus en se faisant homme nous a révélé le visage du Père, les saints deviennent l'icône la plus parlante de l'Esprit. De même tout croyant fidèle à l'Evangile, selon sa vocation particulière et suivant l'appel universel à la sainteté, cache et révèle le visage de l'Esprit Saint.

e) Le « oui » à l'Esprit dans la Confirmation

Le sacrement de la Confirmation est le moment qui exprime de manière la plus évidente et consciente le don et la rencontre avec l'Esprit Saint.

Le confirmant face à Dieu et à son geste d'amour (« Reçois le sceau de l'Esprit Saint qui t'est donné en don »),(38) mais face aussi à sa conscience et à la communauté chrétienne, répond « amen ». Il est important de retrouver le sens fort de cet « amen » au niveau de la formation et de la catéchèse.(39)

Il veut avant tout signifier le « oui » à l'Esprit Saint et, avec lui, à Jésus. Voilà pourquoi la célébration du sacrement de Confirmation prévoit le renouvellement des promesses baptismales et demande au confirmant de s'engager à renoncer au péché et aux oeuvres du malin, toujours aux aguets pour défigurer l'image chrétienne; et surtout de s'engager à vivre l'Evangile de Jésus et, en particulier, le commandement de l'amour. Il s'agit de confirmer et de rénover la fidélité de sa vocation à son identité de fils de Dieu.

L'« amen » est également un « oui » à l'Eglise. Par la Confirmation, le jeune déclare prendre en charge la mission de Jésus que continue la communauté, en s'engageant dans deux directions pour rendre concret son « amen »: le témoignage et la mission. Celui qui reçoit la Confirmation sait que la foi est un talent qu'il faut faire fructifier; c'est un message à transmettre aux autres par la vie, par le témoignage cohérent de tout son être; et par la parole, avec le courage missionnaire de diffuser la bonne nouvelle.

Enfin, l'« amen » exprime la docilité à l'Esprit Saint pour penser et décider de son avenir selon le projet de Dieu. Non seulement selon ses aspirations et aptitudes; non seulement dans les espaces mis à sa disposition par le monde; mais surtout en harmonie avec le dessein, toujours inédit et imprévisible, que Dieu a sur chacun.

De la Trinité à l'Eglise dans le monde

19. Toute vocation chrétienne est « particulière » car elle interpelle la liberté de chaque homme et engendre une réponse tout à fait personnelle dans une histoire originale et unique. C'est pourquoi chacun, dans sa propre expérience de vocation, trouve une histoire qui ne peut être réduite à des schémas généraux. L'histoire de chaque homme est une petite histoire, mais fait toujours partie, d'une manière absolument unique, d'une grande histoire. Dans le rapport entre ces deux histoires, entre sa petitesse et la grandeur qui lui appartient et le dépasse, l'être humain joue sa liberté.

a) Dans l'Eglise et dans le monde, pour l'Eglise et le monde

Chaque vocation naît en un lieu précis, dans un contexte concret et limité, mais ne se referme pas sur elle-même, ni ne tend à une perfection privée ou à l'auto-réalisation psychologique ou spirituelle de l'appelé; elle fleurit dans l'Eglise, dans cette Eglise qui chemine dans le monde vers le Royaume accompli, vers la réalisation d'une histoire qui est grande car c'est une histoire de salut.

La communauté ecclésiale elle-même possède une structure profondément vocationnelle: elle est appelée pour la mission; elle est le signe du Christ missionnaire du Père. Comme le dit Lumen Gentium: « L'Eglise est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain ».(40)

D'une part, l'Eglise est le signe qui reflète le mystère de Dieu; elle est l'icône qui renvoie à la communion trinitaire sous le signe de la communauté visible et au mystère du Christ dans le dynamisme de la mission universelle. De l'autre, l'Eglise est immergée dans le temps des hommes, elle vit dans l'histoire dans une condition d'exode, elle est en mission au service du Royaume pour transformer l'humanité en la communauté des enfants de Dieu.

Aussi l'attention envers l'histoire demande-t-elle à la communauté ecclésiale de se mettre à l'écoute des attentes des hommes, de lire les signes des temps qui constituent le code et le langage de l'Esprit Saint, d'entrer en un dialogue critique et fécond avec le monde contemporain, en accueillant avec bienveillance les traditions et les cultures pour révéler en elle le dessein du Royaume et y jeter le levain de l'Evangile.

La petite grande histoire de chaque vocation se mêle à l'histoire de l'Eglise dans le monde. De même qu'il est né dans l'Eglise et dans le monde, chaque appel est au service de l'Eglise et du monde.

b) L'Eglise, communauté et communion de vocations

C'est dans l'Eglise, communauté de dons pour l'unique mission, que se réalise le passage de la condition où se trouve le croyant inséré dans le Christ par le Baptême à sa vocation « particulière » comme réponse au don spécifique de l'Esprit. Dans cette communauté, toute vocation est « particulière » et se spécifie à travers un projet de vie; il n'existe pas de vocations générales.

Par ailleurs, dans sa particularité, chaque vocation est à la fois « nécessaire » et « relative ». « Nécessaire », parce que le Christ vit et se rend visible dans son corps qu'est l'Eglise et dans le disciple qui en constitue une partie essentielle. « Relative », parce qu'aucune vocation n'épuise à elle seule le signe de témoignage du mystère du Christ, mais n'en exprime qu'un aspect. Seul l'ensemble des dons manifeste l'ensemble du corps du Seigneur. Dans l'édifice, chaque pierre a besoin de l'autre (1 P 2, 5); dans le corps, chaque membre a besoin de l'autre pour faire grandir l'organisme tout entier et profiter à l'utilité commune (1 Co 12, 7).

Cela demande que la vie de chacun soit conçue à partir de Dieu qui en est la source unique et que tout pourvoit au bien de tout; cela exige que l'on redécouvre que la vie n'est véritablement significative que si elle accepte de se mettre sur les traces de Jésus.

Mais il est important aussi qu'il y ait une communauté ecclésiale qui aide de fait tout appelé à découvrir sa vocation. Le climat de foi, de prière, de communion dans l'amour, de maturité spirituelle, de courage de l'annonce, d'intensité de la vie sacramentelle fait de la communauté croyante un terrain adapté non seulement à l'éclosion de vocations particulières, mais à la création d'une culture des vocations et d'une disponibilité des individus à recevoir leur appel personnel. Lorsqu'un jeune perçoit l'appel et décide en son coeur d'accomplir le saint voyage conduisant à sa réalisation, normalement il existe là une communauté qui a créé les prémisses de cette disponibilité à l'obéissance.(41)

Ou si l'on veut: la fidélité d'une communauté croyante à sa vocation est la condition primordiale et fondamentale de l'éclosion de la vocation individuelle des croyants, en particulier des plus jeunes.

c) Signe, ministère, mission

Aussi chaque vocation, en tant que choix de vie stable et définitif, s'ouvre sur une triple dimension: par rapport au Christ, tout appel est « signe »; par rapport à l'Eglise, elle est « ministère »; par rapport au monde, elle est « mission » et témoignage du Royaume.

Si l'Eglise est « dans le Christ, en quelque sorte sacrement », toute vocation révèle la dynamique profonde de la communion trinitaire, l'action du Père, du Fils et de l'Esprit, comme événement qui fait être dans le Christ des créatures nouvelles modelées sur lui.

Chaque vocation est dès lors un signe, une façon particulière de révéler le visage du Seigneur Jésus. « L'amour du Christ nous presse » (2 Co 5, 14). Jésus devient ainsi le mobile et le modèle décisifs de toute réponse aux appels de Dieu.

Par rapport à l'Eglise, toute vocation est ministère, enraciné dans la pure gratuité du don. L'appel de Dieu est un don pour la communauté, pour l'utilité commune, dans le dynamisme des nombreux services ministériels. Cela est possible dans la docilité à l'Esprit qui fait de l'Eglise la « communauté des visages »(42) et engendre dans le coeur du chrétien l'agapê, non seulement comme éthique de l'amour, mais aussi comme structure profonde de la personne, appelée et habilitée à vivre en relation aux autres, dans une attitude de service, selon la liberté de l'Esprit.

Enfin, toute vocation, par rapport au monde, est mission. Elle est vécue en plénitude parce qu'elle est vécue pour les autres, comme celle de Jésus; elle est donc génératrice de vie: « la vie engendre la vie ».(43) D'où la participation intrinsèque de toute vocation à l'apostolat et à la mission de l'Eglise, germe du Royaume. Vocation et mission constituent deux faces du même prisme. Elles définissent le don et la contribution de chacun au projet de Dieu, à l'image et à la ressemblance de Jésus.

d) L'Eglise, mère de vocations

L'Eglise est mère de vocations car elle les fait naître en son sein, avec la puissance de l'Esprit, elle les protège, les nourrit et les soutient. En particulier, elle est mère car elle exerce une précieusefonction médiatrice et pédagogique.

« L'Eglise, appelée par Dieu, constituée dans le monde comme communauté d'appelés, est à son tour instrument de l'appel de Dieu. L'Eglise est un appel vivant, par la volonté du Père, par les mérites du Seigneur Jésus, par la force de l'Esprit Saint (...). La communauté, qui prend conscience d'être appelée, prend en même temps conscience qu'elle doit continuellement appeler ».(44) C'est à travers et au long de cet appel, sous ses diverses formes, que passe aussi l'appel qui vient de Dieu.

Elle l'exerce encore lorsqu'elle se fait l'interprète autorisé de l'appel vocationnel explicite et qu'elle appelle elle-même, présentant les nécessités liées à sa mission et aux exigences du peuple de Dieu, et en invitant à répondre généreusement.

Elle l'exerce également lorsqu'elle demande au Père le don de l'Esprit qui suscite la réponse dans le coeur des appelés et lorsqu'elle les accueille et reconnaît en eux l'appel lui-même, en leur donnant explicitement et en leur confiant avec ferveur une mission concrète et toujours difficile parmi les hommes.

Nous pourrions enfin ajouter que l'Eglise manifeste sa maternité lorsque, au-delà de l'appel et de la reconnaissance de l'aptitude des appelés, elle pourvoit à leur formation adéquate, initiale et permanente, et à leur accompagnement tout au long de la voie d'une réponse toujours plus fidèle et radicale. La maternité ecclésiale ne peut certes pas s'épuiser lors de l'appel initial. De même qu'une communauté de croyants qui ne ferait qu'« attendre », ne faisant reposer la responsabilité de l'appel que sur l'action divine, craignant presque d'adresser des appels, ne saurait se dire mère. Tout comme si elle donnait pour acquis le fait que des jeunes gens et des jeunes filles, en particulier, sachent recevoir immédiatement l'appel à une vocation; ou si elle n'offrait pas des cheminements visant à une proposition et à un accueil de cette proposition.

La crise des vocations des appelés est également, aujourd'hui, la crise de ceux qui appellent, désertant parfois ou n'osant pas le faire. Si personne n'appelle, comment quelqu'un pourrait-il répondre?

La dimension oecuménique

20. L'Europe d'aujourd'hui a besoin de nouveaux saints et de nouvelles vocations, de croyants capables de « jeter des ponts » pour unir toujours davantage les Eglises. C'est un aspect typique de nouveauté, un signe des temps de la pastorale des vocations de cette fin de millénaire. Sur un continent marqué par une profonde aspiration unitaire, les Eglises doivent être les premières à donner l'exemple d'une fraternité plus forte que toutes les divisions et tout à construire et à reconstruire. « La pastorale des vocations aujourd'hui en Europe doit revêtir une dimension oecuménique. Toutes les vocations, présentes dans chaque Eglise d'Europe, doivent s'efforcer ensemble de relever le grand défi de l'évangélisation au seuil du troisième millénaire, en donnant un témoignage de communion et de foi en Jésus-Christ, unique sauveur du monde ».(45)

Dans cet esprit d'unité ecclésiale, il faut encourager le partage des biens que l'Esprit de Dieu a semés un peu partout, ainsi que l'aide réciproque entre les Eglises.

Les Eglises catholiques d'Orient

21. Les Eglises d'Europe occidentale doivent accorder une plus grande attention aux cheminements spirituels et de formation des Eglises catholiques orientales. Cela ne peut qu'exercer une influence bénéfique sur la pastorale des vocations de toutes les Eglises.

La sainte liturgie revêt une importance particulière à l'égard de la formation des vocations pour les Eglises d'Orient. Elle est le lieu où se réalisent la proclamation et l'adoration du Mystère du salut, où naît la communion et où se construit la fraternité entre les croyants, jusqu'à devenir la véritable formatrice de la vie chrétienne, la synthèse la plus complète de ses différents aspects. Dans la liturgie, la confession joyeuse d'appartenir à la tradition des Eglises d'Orient est unie à la pleine communion avec l'Eglise de Rome.

C'est pourquoi les évêques, les supérieurs religieux et les agents pastoraux des Eglises catholiques orientales d'Europe sont sollicités à ressentir cette urgence pour toutes leurs Eglises, en retrouvant et en conservant intégralement leur patrimoine liturgique respectif, patrimoine qui contribue de façon unique à la naissance et au développement de la théologie et de la catéchèse. Cela, à l'exemple de la méthode mystagogique des Pères, ouvre à l'expérience de l'appel et de la vie spirituelle et fait mûrir un esprit oecuménique fort et sûr.(46)

Dans les expériences ecclésiales diversifiées, et à travers des études qui présentent le patrimoine historique, théologique, juridique et spirituel de leurs Eglises d'appartenance, les jeunes orientaux peuvent opportunément trouver des milieux éducatifs capables de faire mûrir le sens universel de leur dévouement au Christ et à l'Eglise.

Les évêques ont pour tâche de promouvoir, d'approcher avec sympathie et d'accompagner avec un soin paternel les jeunes qui, individuellement ou en groupe, demandent à se consacrer à la vie monastique en mettant en valeur le charisme des communautés monastiques, riches de formateurs et de guides spirituels.

Le ministère ordonné et les vocations dans la réciprocité de la communion

22. « Dans beaucoup d'Eglises particulières, la pastorale des vocations a encore besoin de faire la clarté sur les rapports entre ministère ordonné, vocation de consécration spéciale et toutes les autres vocations. Une pastorale des vocations unitaire se fonde sur la nature vocationnelle de l'Eglise et de toute vie humaine comme appel et réponse. Ceci est à la base des efforts unitaires de toute l'Eglise pour toutes les vocations et, en particulier, pour les vocations de consécration spéciale ».(47)

a) Le ministère ordonné

A l'intérieur de cette sensibilité générale, une attention pastorale particulière semble devoir être accordée aujourd'hui au ministère ordonné, qui représente la première modalité spécifique d'annonce de l'Evangile. Il représente « la garantie permanente de la présence sacramentelle, dans la diversité des temps et des lieux, du Christ Rédempteur »,(48) et exprime précisément la dépendance directe de l'Eglise par rapport au Christ qui continue à envoyer son Esprit afin qu'elle ne reste pas fermée sur elle-même, dans son cénacle, mais qu'elle chemine sur les routes du monde pour annoncer la bonne nouvelle.

Cette modalité vocationnelle peut s'exprimer selon trois niveaux: épiscopal (auquel est liée la garantie de la succession apostolique), presbytéral (qui « représente sacramentellement le Christ Tête et Pasteur »)(49) et diaconal (signe sacramentel du Christ serviteur).(50) Le ministère de l'appel à l'égard de ceux qui aspirent aux Ordres sacrés, pour devenir leurs coopérateurs dans la charge apostolique, est confié aux évêques.

Le ministère ordonné fait être l'Eglise, surtout à travers la célébration de l'Eucharistie, « culmen et fons »(51) de la vie chrétienne et de la communauté appelée à faire mémoire du Ressuscité. Toute autre vocation naît dans l'Eglise et fait partie de sa vie. Par conséquent, le ministère ordonné exerce un service de communion dans la communauté et, en vertu de cela, possède la tâche inéluctable de promouvoir toute vocation.

D'où la traduction pastorale: le ministère ordonné pour toutes les vocations et toutes les vocations pour le ministère ordonné dans la réciprocité de la communion. L'évêque, avec son presbytérium, est donc appelé à discerner et à cultiver tous les dons de l'Esprit. Mais en particulier l'attention accordée au séminaire doit devenir la préoccupation de toute l'Eglise diocésaine pour garantir la formation des futurs prêtres et la constitution de communautés eucharistiques comme pleine expression de l'expérience chrétienne.

b) L'attention accordée à toutes les vocations

Le discernement et l'attention de la communauté chrétienne doivent s'appliquer à toutes les vocations, aussi bien à celles qui font désormais partie de la tradition de l'Eglise qu'aux nouveaux dons de l'Esprit: la consécration religieuse dans la vie monastique et dans la vie apostolique, la vocation laïque, le charisme des Instituts séculiers, les sociétés de vie apostolique, la vocation au mariage, les diverses formes laïques d'agrégation-association liées aux Instituts religieux, les vocations missionnaires, les nouvelles formes de vie consacrée.

Ces différents dons de l'Esprit sont présents de diverse façon dans les Eglises d'Europe; mais toutes ces Eglises, en tout cas, sont appelées à donner un témoignage d'accueil et d'attention à toute vocation. Une Eglise est d'autant plus vivante que l'expression des diverses vocations en elle est riche et variée.

Par ailleurs, à une époque comme la nôtre, qui a besoin de prophétie, il est sage de favoriser ces vocations qui sont un signe particulier de « ce que nous serons et qui n'a pas encore été manifesté » (1 Jn 3, 2), comme les vocations de consécration spéciale; mais il est sage également et indispensable de favoriser l'aspect prophétique typique de chaque vocation chrétienne, y compris laïque, afin que l'Eglise soit toujours plus, face au monde, signe des choses futures, de ce Royaume qui est « déjà maintenant et pas encore ».

Marie, mère et modèle de toute vocation

23. Il existe une créature en qui le dialogue entre la liberté de Dieu et la liberté de l'homme se réalise d'une manière parfaite, de sorte que les deux libertés puissent agir entre elles en réalisant pleinement le projet de vocation; une créature qui nous est donnée afin qu'en elle nous puissions contempler un dessein parfait de vocation, celui qui devrait s'accomplir en chacun de nous.

C'est Marie, l'image réussie du rêve de Dieu sur la créature! Elle est, en effet, créature, comme nous, petit fragment où Dieu a pu reverser son amour divin; espérance qui nous est donnée, pour qu'en la voyant nous puissions nous aussi accueillir la Parole, afin qu'elle s'accomplisse en nous.

Marie est la femme où la Très Sainte Trinité peut manifester pleinement sa liberté élective. Comme le dit Saint Bernard, commentant le message de l'ange Gabriel, lors de l'Annonciation: « Ce n'est pas une Vierge trouvée au dernier moment, ni par hasard, mais elle fut choisie avant les siècles; le Très-Haut l'a prédestinée et se l'est préparée ».(52) Saint Augustin lui fait écho: « Avant que le Verbe naisse de la Vierge, il l'avait déjà prédestinée pour être sa mère ».(53)

Marie est l'image du choix divin de toute créature, choix fait depuis toute éternité et souverainement libre, mystérieux et aimant. Choix qui doit bien au-delà de ce que la créature peut penser d'elle: qui lui demande l'impossible et qui lui demande simplement une chose, le courage de faire confiance.

Mais la vierge Marie est aussi le modèle de la liberté humaine dans la réponse à ce choix. Elle est le signe de ce que Dieu peut faire lorsqu'il trouve une créature libre d'accueillir sa proposition. Libre de dire son « oui », libre de se mettre en chemin au long du pèlerinage de la foi, qui sera aussi le pèlerinage de sa vocation de femme appelée à être Mère du Sauveur et Mère de l'Eglise. Ce long voyage s'accomplira au pied de la croix, à travers un « oui » encore plus mystérieux et douloureux qui la rendra pleinement mère; puis une nouvelle fois au cénacle, où elle engendre et continue aujourd'hui encore à engendrer, avec l'Esprit, l'Eglise et chaque vocation.

Enfin, Marie est l'image parfaitement réalisée de la femme, synthèse parfaite du génie féminin et de l'imagination de l'Esprit, qui trouve et choisit en elle l'épouse, vierge mère de Dieu et de l'homme, fille du Très-Haut et mère de tous les vivants. En elle, chaque femme retrouve sa vocation, de vierge, d'épouse et de mère!

TROISIÈME PARTIE

LA PASTORALE DES VOCATIONS:

« ...Chacun les entendait parler
dans sa propre langue » (Ac 2, 6)

Les orientations concrètes de la pastorale des vocations ne découlent pas seulement d'une théologie correcte de la vocation, mais passent par plusieurs principes opérationnels où la perspective de la vocation est l'âme et le critère unificateur de toute la pastorale.

Nous indiquons ici les itinéraires de foi et les lieux concrets où la proposition d'une vocation doit devenir un engagement quotidien de tout pasteur et de tout éducateur.

L'analyse de la situation nous a offert, dans la première partie, le cadre de la réalité européenne actuelle sur le plan des vocations. En revanche, la seconde partie a proposé une réflexion théologique sur la signification et sur le mystère de la vocation, à partir de la réalité de la Trinité jusqu'à saisir son sens dans la vie de l'Eglise.

C'est précisément ce second aspect que nous voudrions maintenant approfondir, en particulier du point de vue de l'application pastorale.

Lors de l'audience accordée aux participants de notre Congrès, Jean-Paul II a affirmé: « Les nouvelles conditions historiques et culturelles exigent que la pastorale des vocations soit perçue comme un des objectifs primordiaux de la communauté chrétienne tout entière ».(54)

L'icône de l'Eglise primitive

24. Les situations historiques changent, mais le point de référence dans la vie du croyant et de la communauté croyante reste identique, ce point de référence que constitue la Parole de Dieu, en particulier lorsqu'elle raconte l'histoire de l'Eglise primitive. Cette histoire de la communauté primitive et la façon dont elle l'a vécue constituent pour nous l'exemplum, le modèle pour être Eglise, notamment en ce qui concerne la pastorale des vocations. Voyons simplement quelques éléments essentiels et particulièrement exemplaires, tels que nous les propose le livre des Actes des Apôtres, au moment où l'Eglise primitive était numériquement très pauvre et faible. La pastorale des vocations a le même âge que l'Eglise; elle naît alors avec elle, dans cette pauvreté habitée à l'improviste par l'Esprit.

A l'aube de cette histoire singulière, en effet, qui est d'ailleurs notre histoire à tous, il y a la promesse de l'Esprit Saint, faite par Jésus avant de monter vers le Père. « Il ne vous appartient pas de connaître les temps et moments que le Père a fixés de sa seule autorité. Mais vous allez recevoir l'Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre » (Ac 1, 7-8). Les Apôtres sont réunis au cénacle, « assidus à la prière avec... Marie, mère de Jésus » (1, 14) et ils s'emploient tout de suite à pourvoir la place laissée vide par Judas en choisissant quelqu'un parmi eux qui a été dès le commencement avec Jésus: afin qu'il devienne avec nous témoin de sa résurrection » (1, 22). Et la promesse s'accomplit: l'Esprit descend, en grand fracas, et remplit la maison et la vie de ceux qui, auparavant, étaient timides et peureux, comme un vrombissement, un vent, un feu... Ils « commencèrent à parler en d'autres langues... et chacun les entendait parler dans son propre idiome » (2, 4.6). Pierre fait alors un discours dans lequel il raconte l'Histoire du salut, « debout... élevant la voix » (2, 14); un discours qui « transperce le coeur » de ceux qui l'écoutent et provoque la question décisive de la vie: « Que devons-nous faire? » (2, 37).

Les Actes décrivent alors la vie de la première communauté, rythmée par plusieurs éléments essentiels, comme l'assiduité dans l'écoute de l'enseignement des Apôtres, l'union fraternelle, la fraction du pain, la prière, le partage des biens matériels; mais avec aussi les sentiments et les biens de l'Esprit (cf. 2, 42-48).

Entre-temps, Pierre et les Apôtres continuent d'accomplir des prodiges au nom de Jésus et d'annoncer le kérygme du salut, en risquant leur vie, mais toujours soutenus par la communauté, au sein de laquelle les croyants « n'a qu'un coeur et qu'une âme » (4, 32). En elle, d'autre part, les exigences commencent aussi à augmenter et à se diversifier, de sorte que des diacres sont institués pour faire face aux nécessités, notamment matérielles, de la communauté, en particulier des plus faibles (cf. 6, 1-7).

Le témoignage, fort et courageux, ne peut pas ne pas provoquer le refus de l'autorité: voici dès lors le premier martyr, Etienne, comme pour souligner que la cause de l'Evangile prend tout de l'homme, même la vie (cf. 6, 8 - 7, 70). Saul, le persécuteur des chrétiens, qui bientôt sera choisi par Dieu pour annoncer aux païens le mystère caché dans les siècles et désormais révélé, apporte même son soutien à la sentence qui condamne Etienne.

Et l'histoire continue, toujours plus comme une histoire sainte: histoire de Dieu qui choisit et appelle les hommes au salut, de façon parfois imprévisible, et histoire des hommes qui se laissent appeler et choisir par Dieu.

Ces quelques notes peuvent nous suffir pour saisir dans la communauté des origines les traces fondamentales de la pastorale d'une Eglise entièrement vocationnelle: sur le plan des méthodes et des contenus, des principes généraux, des itinéraires à parcourir et des stratégies spécifiques pour la réaliser.

Aspects théologiques de la pastorale des vocations

25. Mais quelle théologie fonde, inspire et motive la pastorale des vocations en tant que telle?

La réponse est importante dans notre contexte, car elle sert d'élément médiateur entre la théologie de la vocation et une pratique pastorale cohérente avec celle-ci, qui naisse de cette théologie et qui y retourne. De fait, sur cette interrogation, le Congrès a exprimé l'exigence d'une réflexion et d'une étude ultérieures, dans l'intention de découvrir les motifs qui lient intrinsèquement personnes et communautés dans l'action en faveur des vocations et pour mettre en évidence une meilleure relation entre théologie de la vocation, théologie de la pastorale des vocations et pratique pédagogico-pastorale.

« La pastorale des vocations naît du mystère de l'Eglise et se met à son service ».(55) Le fondement théologique de la pastorale des vocations « ne peut (donc) se faire qu'à partir du mystère de l'Eglise, comme mysterium vocationis ».(56)

Jean-Paul II rappelle clairement à cet égard que le « thème de la vocation est connaturel et essentiel à la pastorale de l'Eglise », c'est-à-dire à sa vie et à sa mission.(57) La vocation définit donc, en un certain sens, l'être profond de l'Eglise, avant même son action. Son nom même, « Ecclesia », indique sa nature vocationnelle, car elle est vraiment une assemblée d'appelés.(58) L'Instrumentum laboris du Congrès relève alors, à juste titre, que « la pastorale des vocations unitaire se fonde sur la nature vocationnelle de l'Eglise ».(59)

En conséquence, la pastorale des vocations, par nature, est une activité ordonnée à l'annonce du Christ et à l'évangélisation de ceux qui croient au Christ. La réponse à notre question est donc la suivante: c'est précisément dans l'appel de l'Eglise à communiquer la foi qu'est enracinée la théologie de la pastorale des vocations. Ceci concerne l'Eglise universelle, mais s'applique tout spécialement à chaque communauté chrétienne,(60) spécialement en cette période de l'histoire du vieux continent. « Pour cette mission sublime consistant à faire fleurir une nouvelle saison d'évangélisation en Europe, il faut aujourd'hui des évangélisateurs particulièrement préparés ».(61)

A ce propos, il convient de rappeler plusieurs points clé mis en relief par le magistère pontifical actuel, afin qu'ils deviennent des points de départ de la pratique pastorale des Eglises particulières.

a) Une fois la dimension vocationnelle de l'Eglise mise en évidence, on comprend que la pastorale des vocations n'est pas un élément accessoire ou secondaire, tendant simplement au recrutement d'agents pastoraux, ni un moment isolé ou sectoriel, déterminé par une situation ecclésiale d'urgence, mais plutôt une activité liée à l'être de l'Eglise et donc aussi intimement insérée dans la pastorale générale de chaque Eglise.(62)

b) Toute vocation chrétienne vient de Dieu, mais arrive à l'Eglise et passe toujours par sa médiation. L'Eglise (« ecclesia »), qui par nature est vocation, est en même temps génératrice et éducatrice de vocations.(63) Par conséquent, « la pastorale des vocations a comme sujet actif, comme protagoniste, la communauté ecclésiale comme telle, dans ses diverses expressions: de l'Eglise universelle à l'Eglise particulière et, analogiquement, de celle-ci à la paroisse et à tous les membres du peuple de Dieu ».(64)

c) Tous les membres de l'Eglise, sans exception, ont la grâce et la responsabilité des vocations. C'est un devoir qui rentre dans le dynamisme vital de l'Eglise et dans son processus de développement. Ce n'est que sur la base de cette conviction que la pastorale des vocations pourra manifester son visage véritablement ecclésial et développer une action concordante, en se servant également d'organismes spécifiques et d'instruments adéquats de communion et de co-responsabilité.(65)

d) L'Eglise particulière découvre sa dimension existentielle et terrestre dans la vocation de tous ses membres à la communion, au témoignage, à la mission, au service de Dieu et des frères... Par conséquent, elle respectera et encouragera la diversité des charismes et des ministères, donc des différentes vocations, qui sont des manifestations de l'unique Esprit.

e) Le pilier de toute la pastorale des vocations est la prière commandée par le Sauveur (Mt 9, 38). Elle engage non seulement les individus mais aussi les communautés ecclésiales tout entières.(66) « Nous devons adresser une prière instante au Maître de la moisson, pour qu'il envoie des ouvriers dans son Eglise, afin de faire face aux urgences de la nouvelle évangélisation ».(67)

Mais l'authentique prière pour les vocations, il est bon de le rappeler, ne mérite ce nom et ne devient efficace que lorsqu'elle crée une cohérence de vie avant tout chez l'orant lui-même, et s'associe, dans le reste de la communauté croyante, à l'annonce explicite et à la catéchèse adéquate, pour favoriser chez ceux qui sont appelés au sacerdoce et à la vie consacrée, comme à toute autre vocation chrétienne, une réponse libre, disponible et généreuse, qui permette à la grâce de la vocation d'opérer.(68)

Principes généraux de la pastorale des vocations

26. Un peu partout, le besoin se fait sentir de donner à la pastorale une empreinte vocationnelle claire. Pour atteindre cet objectif programmatique, tentons de définir plusieurs principes théoricopratiques, que nous déduirons de la théologie de la pastorale et, en particulier, des « points clé » qui lui sont liés. Concentrons ces principes autour de plusieurs affirmations thématiques.

a) La pastorale des vocations est la perspective originelle de la pastorale en général

L'Instrumentum laboris du Congrès sur les vocations l'affirme de façon explicite: « Toute la pastorale, et en particulier celle des jeunes, est naturellement une pastorale des vocations ».(69) En d'autres termes, dire vocation signifie dire dimension constitutive et essentielle de la pastorale ordinaire, car la pastorale tend, depuis le commencement, par nature, au discernement des vocations. C'est un service qu'elle rend à chaque personne, afin que celle-ci puisse comprendre le cheminement qui doit être le sien pour réaliser un projet de vie comme Dieu le veut, selon les nécessités de l'Eglise et du monde d'aujourd'hui.(70)

C'est déjà ce qu'avait affirmé le Congrès latino-américain sur les vocations, en 1994.

Mais il nous faut élargir cette perspective: la vocation n'est pas seulement le projet existentiel, mais tous les appels individuels de Dieu, se référant toujours, évidemment, à un plan de vie fondamental, et disséminés tout au long de l'existence. La pastorale authentique rend le croyant vigilant, attentif aux nombreux appels du Seigneur, prêt à capter sa voix et à lui répondre.

La fidélité à ce type d'appels quotidiens rend précisément le jeune d'aujourd'hui capable de reconnaître et d'accueillir « l'appel » de sa vie, et l'adulte de demain non seulement capable de lui être fidèle, mais aussi de découvrir toujours plus sa fraîcheur et sa beauté. Chaque vocation, en effet, est « matinale »; elle est la réponse de chaque matin à un appel nouveau chaque jour.

Voilà pourquoi la pastorale sera imprégnée d'attention à la vocation, pour l'éveiller en chaque croyant. Elle partira de l'intention explicite de placer le croyant face à la proposition de Dieu; elle oeuvrera pour conduire le sujet à prendre ses responsabilités à l'égard du don reçu ou de la Parole de Dieu entendue; elle cherchera, de fait, à entraîner le croyant à se compromettre face à ce Dieu.(71)

b) La pastorale des vocations est la vocation de la pastorale aujourd'hui

En ce sens, on peut dire qu'il faut « vocationnaliser » toute la pastorale, ou faire en sorte que chaque expression de la pastorale manifeste d'une façon claire et sans équivoque un projet ou un don de Dieu fait à la personne et stimule chez elle une volonté de réponse et d'implication personnelle. Ou bien la pastorale chrétienne conduit à cette confrontation avec Dieu, avec tout ce que cela implique en terme de tension, de lutte, parfois de fugue, mais aussi de paix et de joie liées à l'accueil du don, ou alors elle ne mérite pas ce nom.

Cela se manifeste aujourd'hui d'une façon toute particulière, au point de pouvoir affirmer que la pastorale des vocations est la vocation de la pastorale: elle en constitue peut-être l'objectif principal, comme un défi pour la foi des Eglises d'Europe. La vocation est l'affaire la plus sérieuse de la pastorale contemporaine.

Alors, si la pastorale en général est « appelée » à relever ce défi, et si c'est ce qu'on attend d'elle aujourd'hui, elle doit être probablement plus courageuse et franche, plus explicite pour aller au centre et au coeur du message-proposition, dirigée vers la personne plus que vers le groupe, avec des implications plus concrètes et non pas seulement de vagues rappels à une foi abstraite et éloignée de la vie.

Ce devra sans doute être aussi une pastorale plus pro-vocante que consolante; capable, en tout cas, de transmettre le sens dramatique de la vie de l'homme, appelé à faire quelque chose que personne ne pourra faire à sa place.

Dans le passage que nous avons cité, cette attention et cette tension vocationnelles sont évidentes: dans le choix de Matthias, dans le discours courageux (« debout en élevant la voix ») de Pierre à la foule, dans la façon dont le message chrétien est annoncé et reçu (« il transperce le coeur »).

Il apparaît surtout clairement dans sa capacité de changer la vie de ceux qui y adhèrent, comme cela résulte des conversions et du type de vie de la communauté des Actes.

c) La pastorale des vocations est graduelle et convergente

Nous avons déjà implicitement vu qu'il existe différentes sortes d'appels chez l'homme, tout au long de sa vie: appel à la vie, avant tout, puis à l'amour, à la responsabilité du don, puis à la foi, à suivre Jésus, au témoignage particulier de sa foi, à être père ou mère, et à un service particulier pour l'Eglise ou pour la société.

Ceux qui tiennent compte, en premier lieu, de ce riche ensemble de valeurs et de significations humaines et chrétiennes d'où naît le sens de la vocation de la vie et de tout vivant font de l'animation de vocations. Car ces valeurs permettent d'ouvrir la vie à de nombreuses possibilités de vocations, convergeant ensuite vers un choix personnel définitif.

En d'autres termes, une pastorale des vocations correcte exige que les choses se fassent graduellement, en partant des valeurs fondamentales et universelles (le bien extraordinaire de la vie) et des vérités qui sont telles pour tous (la vie est un bien reçu qui tend par nature à devenir bien donné), pour passer ensuite à une spécification progressive, toujours plus personnelle et concrète, croyante et révélée, de l'appel.

Sur un plan plus précisément pédagogique, il est important tout d'abord d'inculquer le sens de la vie et de la gratitude pour celle-ci; pour transmettre ensuite cette attitude fondamentale de responsabilité à l'égard de l'existence, et qui demande par nature une réponse de la part de chacun dans la ligne de la gratuité. De là, on peut ensuite passer à la transcendance de Dieu, Créateur et Père.

Ce n'est qu'à ce moment-là qu'une proposition forte et radicale (comme devrait toujours l'être la vocation chrétienne) devient possible, comme celle de se consacrer à Dieu dans la vie sacerdotale ou consacrée.

d) La pastorale des vocations est à la fois générale et spécifique

En somme, la pastorale des vocations part nécessairement d'une vaste idée de la vocation (et d'un appel adressé à tous en vue de celle-ci), pour se restreindre et se préciser selon l'appel de chacun. En ce sens, la pastorale des vocations est d'abord générale, puis spécifique, respectant un ordre qu'il ne semble pas raisonnable d'inverser et qui déconseille, en général, de proposer immédiatement une vocation particulière, sans aucune catéchèse progressive.

D'un autre côté, toujours en vertu de cet ordre, la pastorale des vocations ne se limite pas à souligner de façon globale le sens de l'existence, mais conduit à une implication personnelle dans un choix précis. Il n'y a pas de séparation, ni encore moins de contraste, entre un appel qui souligne les valeurs communes et fondatrices de l'existence et un appel à servir le Seigneur « selon la mesure de la grâce reçue ».

L'animateur des vocations, chaque éducateur dans la foi, ne doit pas craindre de proposer des choix courageux et de don total, bien que difficiles et non conformes à la mentalité du siècle.

Par conséquent, si chaque éducateur est un animateur de vocations, chaque animateur de vocations est éducateur, et éducateur de toute vocation, en respectant le charisme spécifique. De fait, chaque appel est lié à l'autre, il le suppose et le sollicite, tandis que tous, ensemble, renvoient à la même source et au même objectif qui est l'histoire du salut. Mais chacun possède une modalité spécifique.

L'authentique éducateur des vocations n'indique pas seulement les différences entre un appel et un autre, en respectant les diverses tendances chez les individus appelés, mais il laisse entrevoir et évoque ces « possibilités suprêmes », de radicalisme et de dévouement, qui sont ouvertes à la vocation de chacun et contenues en elle.

Enseigner en profondeur les valeurs de la vie, par exemple, signifie proposer (et apprendre à proposer) un cheminement qui débouche naturellement sur la volonté de suivre le Christ et qui peut conduire au choix d'une sequela typique de l'apôtre, du prêtre ou du (de la) religieuxse, du moine qui abandonne le monde, ou du laïc consacré dans le monde.

D'un autre côté, proposer de suivre le Christ de façon précise comme objectif de vie exige, par nature, une attention et une formation préalables pour acquérir les valeurs élémentaires de la vie, de la foi, de la gratitude-gratuité et de l'imitation du Christ requises de tout chrétien.

Il en résulte une stratégie vocationnelle théologiquement mieux fondée et aussi plus efficace sur le plan pédagogique. Certains craignent que l'élargissement de l'idée de vocation puisse nuire à la promotion spécifique des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée; en réalité, c'est exactement le contraire.

Le caractère graduel de l'annonce de la vocation permet, en effet, de passer de l'objectif au subjectif et du général au particulier, sans anticiper ni brûler les étapes des propositions, mais en les faisant converger entre elles et vers la proposition décisive pour la personne, qu'il faudra indiquer au moment opportun et mesurer attentivement, selon un rythme qui tienne compte du destinataire en question.

L'ordre harmonieux et progressif rend beaucoup plus provocante et accessible la proposition décisive faite à la personne. Concrètement, plus on forme le jeune à passer naturellement de la gratitude pour le don reçu de la vie à la gratuité du bien donné, plus il sera possible de lui proposer de se donner totalement à Dieu comme résultat naturel et, pour certains, inéluctable.

e) la pastorale des vocations est universelle et permanente

Il s'agit d'une double universalité: en référence aux personnes auxquelles elle s'adresse et en référence àl'âge de la vie auquel elle est faite.

Avant tout, la pastorale des vocations ne connaît pas de frontières. Comme nous l'avons dit plus haut, elle ne s'adresse pas seulement à quelques personnes privilégiées ou qui ont déjà fait une option de foi, ni même uniquement à ceux de la part de qui il semble licite de s'attendre à une réponse positive, mais elle est adressée à tous, précisément parce qu'elle est fondée sur les valeurs élémentaires de l'existence. Ce n'est pas une pastorale d'élite, mais populaire; ce n'est pas une récompense pour les plus méritants, mais une grâce et un don de Dieu pour chaque personne, car tout vivant est appelé par Dieu. Elle ne doit pas non plus être conçue comme quelque chose que seuls certains pourraient comprendre ou estimer intéressante pour leur vie, car tout être humain est inévitablement désireux de se connaître et de connaître le sens de la vie et sa place dans l'histoire.

En outre, ce n'est pas une proposition qui est faite une seule fois dans la vie (à l'enseigne du « à prendre ou à laisser ») et qui est retirée, dans la pratique, après un refus de la part du destinataire. Elle doit être, au contraire, comme une sollicitation continuelle, faite de différentes façons, en la proposant avec une intelligence qui ne se rend pas devant un désintéressement initial, qui souvent n'est qu'apparent ou défensif.

Il faut également corriger l'idée que la pastorale des vocations est exclusivement une pastorale de la jeunesse, car à tout âge de la vie résonne une invitation du Seigneur à Le suivre; et ce n'est qu'au moment de la mort qu'une vocation pourra être considérée comme complètement réalisée. Bien plus, la mort est l'appel par excellence, de même qu'il y a un appel dans la vieillesse, lors du passage d'une saison de la vie à une autre, dans les situations de crise.

Il existe une jeunesse de l'esprit qui demeure dans le temps, dans la mesure où l'individu se sent continuellement appelé et où il cherche et trouve à chacun cycle vital une tâche différente à accomplir, une manière spécifique d'être, de servir et d'aimer, une nouveauté de vie et de mission à accomplir.(72) En ce sens la pastorale des vocations est liée à la formation permanente de la personne, et elle est elle-même permanente. « Toute la vie et chaque vie sont une réponse ».(73)

Dans les Actes, Pierre et les Apôtres ne font absolument pas de différences de personnes; ils parlent à tous, jeunes et vieux, juifs et étrangers: tous les Parthes, Mèdes et Elamites indiquent la grande masse, sans différences ni exclusions, à laquelle s'adressent l'annonce et la pro-vocation, avec l'art de parler à chacun « dans son propre idiome », selon ses exigences, problèmes, attentes, défenses, âges ou phases de la vie.

C'est un miracle de Pentecôte et donc un don extraordinaire de l'Esprit. Mais l'Esprit est toujours avec nous...

f) La pastorale des vocations est personnelle et communautaire

Cela peut sembler contradictoire, mais en réalité ce principe décrit bien la nature ambivalente, en un certain sens, de la pastorale des vocations, capable — lorsqu'elle est authentique — de composer deux polarités du sujet et de la communauté. Du point de vue de l'animation des vocations, il est urgent aujourd'hui de passer d'une pastorale des vocations gérée par un agent pastoral seul à une pastorale toujours plus conçue comme une action communautaire, de toute la communauté sous ses diverses expressions: groupes, mouvements, paroisses, diocèses, instituts religieux et séculiers...

L'Eglise est davantage appelée à être entièrement vocationnelle: en son sein « chaque évangélisateur doit prendre conscience qu'il devient une "lampe" pour les vocations, capable de susciter une expérience religieuse qui conduise les enfants, les adolescents, les jeunes et les adultes à un contact personnel avec le Christ, à une rencontre où se révèlent les vocations spécifiques ».(74)

De la même façon, le destinataire de la pastorale des vocations est encore toute l'Eglise. Si c'est toute la communauté ecclésiale qui appelle, c'est encore toute la communauté ecclésiale qui est appelée, sans aucune exception. Le pôle émetteur et le pôle récepteur s'identifient en quelque sorte à l'intérieur des diverses articulations ministérielles du tissu ecclésial. Mais le principe est important; il est le reflet de cette mystérieuse identification entre celui qui appelle et l'appelé à l'intérieur de la réalité trinitaire.

En ce sens, la pastorale des vocations est communautaire. Toujours en ce sens il est beau que tous les Apôtres, le jour de la Pentecôte, s'adressent à la foule et qu'ensuite Pierre prenne la parole au nom des Douze. De même lorsqu'il s'agit de choisir Matthias, Etienne ou encore Barnabé et Saul, toute la communauté prend part au discernement par la prière, le jeûne et l'imposition des mains.

En même temps, cependant, c'est l'individu qui doit se faire l'interprète de la proposition de vocation, c'est le croyant qui, en vertu de sa foi, doit en quelque sorte prendre en charge la vocation de l'autre.

Le ministère de l'appel à la vocation ne revient donc pas seulement aux prêtres ou aux personnes consacrées, mais à tout croyant, aux parents, aux catéchistes et aux éducateurs.

S'il est vrai que l'appel doit être adressé à tous, il est tout aussi vrai cependant que ce même appel doit être personnalisé, adressé à une personne précise, à sa conscience, à l'intérieur d'une relation tout à fait personnelle.

Il existe un moment dans la dynamique vocationnelle où la proposition est faite par une personne à une personne et a besoin de tout le climat particulier que seule la relation individuelle peut garantir. Il est vrai, alors, qui Pierre et Etienne parlent à la foule; mais Saul a ensuite besoin d'Ananie pour discerner ce que Dieu veut de lui (9, 13-17), de même que l'eunuque avec Philippe (8, 26-39).

g) La pastorale des vocations est la perspective unitaire et de synthèse de la pastorale

Le point de départ est aussi le point d'arrivée. Ainsi la pastorale des vocations se pose en catégorie unificatrice de la pastorale en général, destination naturelle de toute peine, lieu d'abordage des diverses dimensions, presque comme une sorte d'élément de vérification de la pastorale authentique.

Répétons-le: si la pastorale n'arrive pas à « transpercer le coeur » et à placer l'auditeur face à la question stratégique (« que dois-je faire? »), ce n'est pas une pastorale chrétienne, mais une hypothèse de travail inoffensive.

En conséquence, la pastorale des vocations se situe et doit se situer en rapport avec toutes les autres dimensions, par exemple avec la dimension familiale et culturelle, liturgique et sacramentelle, avec la catéchèse et le cheminement de foi dans le catéchuménat; avec les différents groupes d'animation et de formation chrétiennes (non seulement avec les enfants et les jeunes, mais avec les parents, les fiancés, les malades et les personnes âgées...) et de mouvement (du mouvement pour la vie aux diverses initiatives de solidarité sociale).(75)

La pastorale des vocations est surtout la perspective unificatrice de la pastorale de la jeunesse.

Il ne faut pas oublier que l'âge évolutif est une période riche en projets. Une authentique pastorale de la jeunesse ne peut donc pas éluder la dimension de la vocation; au contraire, elle doit l'assumer, car proposer Jésus-Christ signifie proposer un projet de vie précis.

D'où une collaboration pastorale féconde, bien qu'en distinguant les deux milieux de vie: parce que la pastorale de la jeunesse englobe d'autres problématiques que la problématique purement vocationnelle, et parce que la pastorale des vocations ne concerne pas seulement le monde des jeunes, mais un horizon beaucoup plus large ayant des problématiques spécifiques.

En outre, pensons à l'importance que pourrait avoir une pastorale des vocations et familiale qui éduquerait progressivement les parents à être les premiers animateurs-éducateurs des vocations. Ou aux bienfaits que pourrait présenter une pastorale des vocations parmi les malades, qui ne les invite pas seulement à offrir leurs souffrances pour les vocations sacerdotales, mais qui les aide à vivre l'événement de la maladie, avec toute la charge de mystère qu'elle contient, comme vocation personnelle, que le malade-croyant a le « devoir » de vivre pour et dans l'Eglise et le « droit » d'être aidé à vivre dans l'Eglise.

Ce lien facilite le dynamisme pastoral car, de fait, il lui est congénital: les vocations, comme les charismes, se cherchent entre eux, s'éclairent réciproquement, sont complémentaires les uns des autres. En revanche, isolés ils deviennent incompréhensibles; de même que celui qui reste enfermé dans son secteur de spécialisation ne fait pas une pastorale d'Eglise.

Naturellement, ce discours vaut dans les deux sens: c'est la pastorale, en général, qui doit converger dans l'animation des vocations pour favoriser l'option vocationnelle; mais c'est la pastorale des vocations qui doit, à son tour, demeurer ouverte aux autres dimensions, en s'insérant et en cherchant des débouchés dans ces directions.

Elle constitue donc le point d'aboutissement qui résume les diverses provocations pastorales et qui permet de les faire fructifier dans l'histoire existentielle du croyant. En définitive, la pastorale des vocations requiert

beaucoup d'attention, mais elle offre en échange une dimension destinée à rendre vraie et authentique l'initiative pastorale de chaque secteur. La vocation est le coeur battant de la pastorale unitaire!(76)

Itinéraires de la pastorale des vocations

27. L'icône biblique autour de laquelle nous avons bâti notre réflexion nous permet de faire un pas en avant, en passant des principes théoriques à la définition de plusieurs itinéraires de pastorale des vocations.

Ce sont des cheminements de foi communautaires, correspondant à des fonctions ecclésiales précises et à des dimensions classiques du croyant, au long desquels la foi mûrit et devient toujours plus manifeste ou qui permettent à la vocation de l'individu de se confirmer progressivement, au service de la communauté ecclésiale.

La réflexion et la tradition de l'Eglise indiquent que normalement le discernement d'une vocation advient en suivant plusieurs chemins communautaires précis: la liturgie et la prière, la communion ecclésiale, le service de la charité ou l'expérience de l'amour de Dieu reçu et offert à travers le témoignage. Dans la communauté décrite dans les Actes, c'est grâce à eux que « le nombre des disciples augmentait considérablement à Jérusalem » (Ac 6, 7).

La pastorale devrait aussi emprunter ces routes aujourd'hui pour stimuler et accompagner le cheminement vocationnel des croyants. Une expérience personnelle et communautaire, systématique et engageante dans ces directions, pourrait et devrait aider le croyant à découvrir l'appel à sa vocation.

Cela ferait véritablement de la pastorale une pastorale des vocations.

a) La liturgie et la prière

La liturgie signifie et indique à la fois l'expression, l'origine et l'aliment de chaque vocation et ministère dans l'Eglise. Dans les célébrations liturgiques, on fait mémoire de l'action de Dieu par le Christ dans l'Esprit à laquelle renvoient toutes les dynamiques de la vie du chrétien. Dans la liturgie, qui culmine avec l'Eucharistie, s'exprime la vocation-mission de l'Eglise et de tout croyant dans sa plénitude.

Un appel à la vocation est toujours adressé par la liturgie à ceux qui y participent.(77) Chaque célébration est un événement vocationnel. Dans le mystère célébré, le croyant ne peut pas ne pas reconnaître sa vocation personnelle; il ne peut pas ne pas entendre la voix du Père qui, dans le Fils, par la puissance de l'Esprit, l'appel à se donner à son tour pour le salut du monde.

La prière aussi devient une voie de discernement d'une vocation, non seulement parce que Jésus a invité à prier le maître de la moisson, mais parce que c'est seulement en étant à l'écoute de Dieu que le croyant peut parvenir à découvrir le projet que Dieu a pensé pour lui: dans le mystère contemplé, le croyant découvre son identité, « cachée avec le Christ en Dieu » (Col 3, 3).

Et c'est encore dans la prière que peuvent se mettre en place des attitudes de confiance et d'abandon indispensables pour prononcer le « oui » et surmonter les peurs et les incertitudes. Toute vocation naît de l'in-vocation.

Mais l'expérience personnelle de la prière, en tant que dialogue avec Dieu, appartient aussi à cette dimension: même si elle est « célébrée » dans l'intimité de sa « cellule », elle est relation avec cette paternité d'où dérive toute vocation. Cette dimension est on ne peut plus évidente dans l'expérience de l'Eglise des origines, dont les membres se montraient assidus « à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2, 42). Toute décision, dans cette communauté, était précédée par la prière; chaque choix, surtout pour la mission, survenait dans un contexte liturgique (Ac 6, 1-7; 13, 1-5).

C'est la logique orante que la communauté avait apprise de Jésus lorsque, face aux foules « lasses et prostrées comme des brebis qui n'ont pas de berger, il leur dit ?La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux; priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson' » (Mt 9, 36-38; Lc 10, 2).

Ces dernières années, les communautés chrétiennes d'Europe ont multiplié les initiatives de prière pour les vocations, qui ont trouvé un vaste écho durant le Congrès. La prière à l'intérieur des communautés diocésaines et paroissiales, bien souvent rendue « incessante », jour et nuit, est une des voies les plus suivies pour créer une nouvelle sensibilité et une nouvelle culture des vocations favorable au sacerdoce et à la vie consacrée.

L'icône évangélique du « Maître de la moisson » mène au coeur de la pastorale des vocations: la prière. Une prière qui sait « regarder » le monde avec une sagesse évangélique et chaque homme dans la réalité de ses besoins de vie et de salut. Une prière qui exprime la charité et la « compassion » (Mt 9, 36) du Christ vers l'humanité, qui aujourd'hui encore apparaît comme « un troupeau sans berger » (Mt 9, 36). Une prière qui exprime la foi en la voix puissante du Père, qui seul peut appeler et envoyer travailler dans sa vigne. Une prière qui exprime l'espérance vive en Dieu qui ne laissera jamais l'Eglise manquer d'« ouvriers » (Mt 9, 38) nécessaires pour mener à bien sa mission.

Durant le Congrès, les témoignages sur l'expérience de lectio divina dans une perspective de vocation ont suscité beaucoup d'intérêt. Dans certains diocèses, les « écoles de prière » ou les « écoles de la Parole » sont très répandues. Le principe dont elles s'inspirent est le principe classique contenu dans la constitution Dei Verbum: « Le saint Concile exhorte de façon insistante et spéciale tous les chrétiens (...) à apprendre, par la lecture fréquente des divines Ecritures, 'la science éminente de Jésus-Christ' ».(78)

Quand cette science devient sagesse qui se nourrit par fréquentation habituelle, les yeux et les oreilles des croyants s'ouvrent pour reconnaître la Parole qui appelle sans cesse. Alors le coeur et l'esprit sont en mesure de l'accueillir et de la vivre sans peur.

b) La communion ecclésiale

La première fonction vitale qui jaillit de la liturgie est la manifestation de la communion qui se vit à l'intérieur de l'Eglise, comme peuple réuni dans le Christ par sa croix, comme communauté où toute division est pour toujours dépassée dans l'Esprit de Dieu qui est esprit d'unité (Ep 2, 11-22; Ga 3, 26-28; Jn 17, 9-26).

L'Eglise se propose comme espace humain de fraternité où chaque croyant peut et doit faire l'expérience de cette union entre les hommes et avec Dieu qui est don d'en haut. Les Actes des Apôtres, qui décrivent une communauté de croyants profondément marquée par l'union fraternelle, par la mise en commun des biens matériels et spirituels, des affections et des sentiments (Ac 2, 42-48), au point de n'avoir « qu'un seul coeur et qu'une âme » (Ac 4, 32), constituent un splendide exemple de cette dimension ecclésiale.

Si toute vocation dans l'Eglise est un don à vivre pour les autres, comme service de charité dans la liberté, alors elle est également un don à vivre avec les autres. Mais on ne le découvre qu'en vivant en fraternité.

La fraternité ecclésiale n'est pas seulement une vertu au niveau du comportement, mais un itinéraire de vocation. Ce n'est qu'en la vivant qu'on peut la choisir comme élément fondamental d'un projet de vocation, ou seulement en la goûtant qu'il est possible de s'ouvrir à une vocation qui, quoi qu'il en soit, sera toujours vocation à la fraternité.(79) Au contraire, il est impossible d'être attiré par une vocation si l'on n'expérimente aucune fraternité et si l'on se ferme au rapport avec les autres ou si l'on n'interprète la vocation que comme perfection privée et personnelle.

La vocation est relation; elle est manifestation de l'homme que Dieu a créé pour être ouvert à la relation. Et même la vocation à l'intimité avec Dieu dans la vie monacale implique une capacité d'ouverture et de partage que l'on ne peut acquérir qu'avec l'expérience d'une réelle fraternité. « Le dépassement d'une vision individualiste du ministère et de la consécration, de la vie dans les diverses communautés chrétiennes, représente une contribution historique décisive ».(80)

La vocation est dialogue; c'est se sentir appelé par un Autre et avoir le courage de lui répondre. Comment peut mûrir cette capacité de dialogue chez celui qui n'a pas appris, dans la vie de tous les jours et dans les rapports quotidiens, à se laisser aimer, à répondre, à distinguer le je du tu? Comment celui qui ne se soucie pas de répondre à son frère pourrait-il se faire appeler par le Père?

Le partage avec le frère et avec la communauté des croyants devient alors chemin au long duquel on apprend à faire en sorte que les autres participent à ses projets, pour accueillir enfin sur soi le plan pensé par Dieu, plan qui sera toujours, quoi qu'il en soit, projet de fraternité.

Les centres d'écoute, c'est-à-dire des groupes de croyants qui se rencontrent périodiquement chez eux pour redécouvrir le message chrétien et faire part les uns aux autres de leurs expériences respectives et de leurs dons d'interprétation de la Parole elle-même, constituent une expérience de partage de la Parole, signalée par plusieurs Eglises européennes.

Pour les jeunes, ces centres revêtent un aspect vocationnel grâce à l'écoute de la Parole qui appelle, à la catéchèse et à la prière vécues d'une manière personnelle, qui les implique, plus libre et plus créatrice. Le centre d'écoute les stimule ainsi à la co-responsabilité ecclésiale, car ils peuvent découvrir ici les différentes façons de servir la communauté et, souvent, y faire mûrir leurs vocations spécifiques.

Une autre expérience positive d'itinéraire de vocation dans les Eglises particulières et dans les différents Instituts de vie consacrée est la communauté d'accueil, qui répond à l'invitation de Jésus: « Venez et voyez ». Le Souverain Pontife définit la « règle d'or de la pastorale des vocations ».(81) Dans ces communautés ou centres d'orientation des vocations, grâce à une expérience très spécifique et immédiate, les jeunes peuvent accomplir un véritable chemin de discernement progressif. Ils sont donc accompagnés pour leur permettre, au moment opportun, non seulement de percevoir clairement le projet de Dieu, mais de décider de le choisir et de s'y identifier.

c) Le service de la charité

C'est une des fonctions les plus typiques de la communauté ecclésiale. Elle consiste à vivre l'expérience de la liberté dans le Christ, dans ce sommet suprême qui consiste à servir. « Celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur » (Mt 20, 26), « Si quelqu'un veut être le premier, il sera le serviteur de tous » (Mc 9, 35). Dans l'Eglise primitive, cette leçon semble avoir été très bien apprise, étant donné que le service apparaît comme un de ses éléments structurels, au point que des diacres sont institués pour « le service des tables ».

C'est précisément parce que le croyant vit par grâce l'expérience de liberté dans le Christ qu'il est appelé à être témoin de liberté et agent de libération pour les hommes; de cette libération qui se réalise non par la violence et la domination, mais par le pardon et l'amour, par le don de soi et le service, à l'exemple du Christ Serviteur.

C'est sans doute la voie royale, dans un itinéraire de vocation, pour discerner sa propre vocation, car l'expérience de service, en particulier si elle est bien préparée, conduite et pénétrée de son sens le plus vrai, est une expérience d'une grande humanité qui porte à mieux se connaître et à mieux connaître la dignité d'autrui, ainsi que la beauté de se consacrer aux autres.

Dans l'Eglise, l'authentique serviteur est celui qui a appris que c'est un privilège de laver les pieds de ses frères les plus pauvres, c'est celui qui a conquis la liberté de perdre de son temps pour les besoins d'autrui. L'expérience du service est une expérience de grande liberté dans le Christ.

Celui qui sert son frère rencontre inévitablement Dieu et entre en harmonie particulière avec lui. Il ne lui sera pas difficile de découvrir sa volonté sur lui et, surtout, de se sentir attiré à l'accomplir. Ce sera en tout cas une vocation de service pour l'Eglise et pour le monde.

Il en a été ainsi pour de très nombreuses vocations au cours de ces dernières décennies. L'animation des vocations de l'après-Concile est progressivement passée de la « pastorale de la propagande » à la « pastorale du service », en particulier des plus pauvres et des plus nécessiteux.

De nombreux jeunes ont vraiment retrouvé Dieu et se sont retrouvés eux-mêmes, ils ont retrouvé le but de leur vie et le vrai bonheur, en donnant de leur temps et en prêtant attention à leurs frères, allant jusqu'à décider de leur consacrer non pas une partie de leur vie, mais toute leur existence. De fait, la vocation chrétienne est existence pour les autres.

d) Le témoignage-annonce de l'Evangile

Il s'agit de proclamer que Dieu est proche de l'homme tout au long de l'histoire du salut, en particulier dans le Christ, et donc aussi les merveilles de miséricorde du Père pour l'homme, afin qu'il ait la vie en abondance. Cette annonce est à l'origine du cheminement de foi de tout croyant. En effet, la foi est un don reçu de Dieu et manifesté par l'exemple de la communauté croyante et de tant de frères et soeurs en son sein, ainsi que par le biais de l'instruction catéchétique sur les vérités de l'Evangile.

Mais la foi doit être transmise et vient un moment où chaque témoignage devient don actif: le don reçu devient don donné à travers le témoignage et l'annonce personnels.

Le témoignage de la foi implique l'homme tout entier et ne peut être fait que dans la totalité de son existence et de son humanité, de tout son coeur, de tout son esprit, de toutes ses forces, jusqu'au don de sa vie et même de son sang.

Ce crescendo de significations de ce terme est intéressant; c'est un crescendo que nous retrouvons, au fond, dans le passage biblique qui nous guide: il suffit de voir le témoignage-catéchèse de Pierre et des Apôtres le jour de la Pentecôte et, par la suite, la courageuse catéchèse d'Etienne qui culmine lors de son martyre (Ac 6, 8; 7, 60) et des Apôtres « tout joyeux d'avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom (de Jésus) » (Ac 5, 41).

Mais il est plus intéressant encore de découvrir combien ce témoignage-annonce peut devenir un itinéraire spécifique de vocation.

La conscience reconnaissante d'avoir reçu le don de la foi devrait se traduire normalement par un désir et par la volonté de transmettre aux autres ce que l'on a reçu, aussi bien par l'exemple de sa propre vie que par le ministère de la catéchèse. Celle-ci est d'ailleurs « destinée à éclairer les multiples situations de la vie en enseignant à chacun à vivre sa vocation chrétienne dans le monde ».(82) Et, si le catéchiste est également avant tout un témoin, cette dimension de vocation n'en sera que plus évidente.(83)

Le Congrès a confirmé l'importance de la catéchèse dans la perspective des vocations et considéré que la célébration du sacrement de la Confirmation représentait un extraordinaire itinéraire vocationnel pour les pré-adolescents et les adolescents. L'âge de la Confirmation pourrait précisément être « l'âge de la vocation », période qualifiée de l'orientation théologique et pédagogique pour la découverte et la réalisation du don reçu et pour en témoigner.

L'action catéchétique devrait susciter la capacité de reconnaître et de manifester le don de l'Esprit.(84)

La rencontre directe de croyants qui vivent avec fidélité et courage leur vocation, de témoins crédibles qui offrent des expériences concrètes de vocations réussies, peut être décisifs pour aider les confirmants à découvrir et à accueillir l'appel de Dieu.

En tout cas, la vocation est toujours engendrée par la conscience d'un don et par une conscience si reconnaissante qu'elle trouve tout à fait logique de mettre son existence au service des autres pour se charger de leur croissance dans la foi.

Ceux qui vivent avec attention et générosité le témoignage de la foi ne tarderont pas à saisir le projet de Dieu sur eux pour se consacrer à sa réalisation avec toutes leurs énergies.

Des itinéraires pastoraux à l'appel personnel

28. Nous pourrions dire, en résumé, que la condition existentielle de tout croyant se condense dans les dimensions de la liturgie, de la communion ecclésiale, du service de la charité et du témoignage de l'Evangile. C'est sa dignité, sa vocation fondamentale, mais c'est aussi la condition pour que chacun puisse découvrir son identité particulière.

Tout croyant doit donc vivre l'événement commun de la liturgie, de la communion fraternelle, du service caritatif et de l'annonce de l'Evangile, car ce n'est qu'à travers cette expérience qu'il pourra identifier sa façon de vivre particulière avec ces dimensions de la vie chrétienne. Par conséquent, ces itinéraires ecclésiaux doivent être privilégiés car ils représentent en quelque sorte la voie royale de la pastorale des vocations, grâce à laquelle le mystère de la vocation de chacun peut se révéler.

Il s'agit d'ailleurs des itinéraires classiques, qui appartiennent à la vie même de toute communauté voulant se dire chrétienne; ils en révèlent en même temps la solidité ou la précarité. C'est justement pour cela qu'ils représentent non seulement une voie obligée, mais qu'ils offrent surtout une garantie de l'authenticité de la recherche et du discernement.

De fait, ces quatre dimensions et fonctions entraînent, d'un côté, une implication globale du sujet et, de l'autre, elles le conduisent au seuil d'une expérience très personnelle, d'une confrontation pressante, d'un appel impossible à ignorer, d'une décision à prendre, qu'il ne peut pas retarder indéfiniment. Voilà pourquoi la pastorale des vocations devra expressément aider à faire oeuvre de discernement par le biais d'une expérience profondément et globalement ecclésiale, qui conduise tout croyant « à la découverte de sa responsabilité dans l'Eglise et à l'assumer ».(85) Les vocations qui ne naissent pas de cette expérience et de cette insertion dans l'action ecclésiale communautaire risquent d'être viciées à la racine et d'une authenticité douteuse.

Naturellement, ces dimensions seront toutes présentes, coordonnées de manière harmonieuse, pour une expérience qui ne pourra être décisive que si elle englobe tout.

Souvent, en effet, certains jeunes privilégient spontanément l'une ou l'autre de ces fonctions (soit uniquement engagés dans le volontariat, soit trop attirés par la dimension liturgique ou par les grandes théories un peu idéalistes). Dès lors, il sera important que l'éducateur des vocations conduise à un engagement qui ne corresponde pas sur mesure aux goûts du jeune, mais qui corresponde à la mesure objective de l'expérience de foi qui ne peut pas, par définition, être réduite. Seul le respect de cette mesure objective peut laisser entrevoir la mesure subjective.

En ce sens, l'objectivité précède la subjectivité et le jeune doit apprendre à lui donner la priorité s'il veut vraiment se découvrir et découvrir ce qu'il est appelé à être. Ou encore: il doit d'abord réaliser ce qui est requis à tous s'il tient à être lui-même.

Ce n'est pas tout! Car ce qui est objectif, réglé sur la base d'une norme et d'une tradition, visant un objectif précis qui transcende la subjectivité, comporte une force d'attraction et d'attrait vocationnel considérable. Naturellement l'expérience objective devra également devenir subjective ou être reconnue par l'individu comme sienne. Toujours, cependant, à partir d'une source ou d'une vérité que le sujet ne détermine pas lui-même mais qui se prévaut de la riche tradition de la foi chrétienne. En définitive, « la pastorale des vocations possède les étapes fondamentales d'un itinéraire de foi ».(86) Cela implique aussi la progressivité et la convergence de la pastorale des vocations.

Des itinéraires aux communautés chrétiennes

a) La communauté paroissiale

29. Le Congrès européen s'est, entre autres, fixé un objectif: amener la pastorale des vocations au coeur des communautés paroissiales, là où les gens vivent et où les jeunes, en particulier, sont impliqués de manière plus ou moins significative dans une expérience de foi.

Il s'agit de faire sortir la pastorale des vocations des ornières réservées aux spécialistes pour atteindre la périphérie de l'Eglise particulière.

Mais en même temps il est désormais urgent de dépasser la phase d'expérimentation que traversent de nombreuses Eglises d'Europe pour passer à de véritables cheminements pastoraux, greffés dans le tissu des communautés chrétiennes, en mettant en valeur ce qui est déjà éloquent du point de vue des vocations.

Une attention particulière doit être accordée à l'année liturgique qui est une école de foi permanente où tout croyant, aidé par l'Esprit Saint, est appelé à grandir selon Jésus. De l'Avent, temps de l'espérance, à la Pentecôte, en passant par le temps ordinaire, le chemin de l'année liturgique, qui revient de façon cyclique, célèbre et annonce un modèle d'homme appelé à se mesurer au mystère de Jésus, l'« aîné d'une multitude de frères » (Rm 8, 29).

L'anthropologie que l'année liturgique porte à explorer est un authentique dessein vocationnel qui invite chaque croyant à répondre toujours plus à l'appel, en vue d'une mission précise et personnelle dans l'histoire. D'où l'attention accordée aux itinéraires quotidiens où chaque communauté chrétienne est impliquée. La sagesse pastorale requiert en particulier des pasteurs, guides des communautés chrétiennes, une attention minutieuse et un discernement attentif pour faire parler les signes liturgiques, les vécus de l'expérience de foi; car c'est de la présence du Christ aux temps ordinaires de l'homme que viennent les appels de l'Esprit en vue d'une vocation.

Il ne faut pas oublier que le pasteur, surtout le prêtre, responsable d'une communauté chrétienne, est celui qui « cultive directement » toutes les vocations.

En vérité, on ne reconnaît pas partout à plein titre la dimension vocationnelle de la communauté paroissiale; alors qu'au contraire « les Conseils Pastoraux diocésains et paroissiaux, en lien avec les centres nationaux des vocations (sont précisément) les organes compétents dans toutes les communautés et dans tous les secteurs de la pastorale ordinaire ».(87)

Il faut donc encourager l'initiative des paroisses qui ont constitué en leur sein des groupes de responsables de l'animation des vocations et des différentes activités pour résoudre « un problème vital qui est au coeur même de l'Eglise »(88) (groupes de prière, journées et semaines pour les vocations, catéchèses et témoignages et tout ce qui peut contribuer à accorder une grande attention aux vocations).(89)

b) Les « lieux-signe » de la vie-vocation

Pour ce passage délicat et urgent d'une pastorale des vocations basée sur les expériences à une pastorale des vocations basée sur le cheminement, il est nécessaire de faire parler non seulement les appels à la vocation provenant des itinéraires qui traversent la vie quotidienne de la communauté chrétienne, mais il est sage de rendre significatifs les lieux-signe de la vie comme vocation et les lieux pédagogiques de la foi. Une Eglise est vivante si, grâce aux dons de l'Esprit, elle sait percevoir ces lieux et les mettre en valeur.

Les lieux-signe de la nature vocationnelle de l'existence dans une Eglise particulière sont les communautés monastiques, témoins de visage priant de la communauté ecclésiale; les communautés religieuses apostoliques et les fraternités des instituts séculiers.

Dans un contexte culturel fortement attiré par les choses proches et immédiates, à travers le vent glacé de l'individualisme, les communautés orantes et apostoliques ouvrent de vraies horizons de vie authentiquement chrétienne, surtout pour les dernières générations manifestement plus attentives aux signes qu'aux paroles.

La communauté du séminaire diocésain ou interdiocésain est un signe particulier de la nature vocationnelle de la vie. Il vit une histoire singulière au sein de nos Eglises. D'une part, c'est un signe fort car il constitue une promesse de futur. Les jeunes qui y entrent, fils de cette génération, seront les prêtres de demain. Mais ce n'est pas tout: le séminaire rappelle concrètement la nature vocationnelle de la vie et l'urgence du ministère ordonné pour l'existence de la communauté chrétienne.

D'autre part, le séminaire est un signe faible: car il requiert une attention constante de l'Eglise particulière, il sollicite une sérieuse pastorale des vocations pour repartir chaque année avec de nouveaux candidats. La solidarité économique peut aussi être une sollicitation pédagogique pour éduquer le peuple de Dieu à la prière pour toutes les vocations.

c) Les lieux pédagogiques de la foi

En plus des lieux-signe, les lieux pédagogiques de la pastorale des vocations sont précieux. Ils sont constitués par les groupes, les mouvements, les associations et même par l'école.

Au-delà de la différence de physionomie sociologique de telles formes d'agrégation, surtout au niveau des jeunes, il faut apprécier leur valeur pédagogique comme lieux où les gens peuvent être pleinement aidés à atteindre une véritable maturité de foi.

Ce but peut être efficacement poursuivi si l'on prend garde à ne pas négliger trois dimensions de l'expérience chrétienne: la vocation de chacun, la communion de l'Eglise et la mission avec l'Eglise.

d) Des figures de formateurs et de formatrices

Une autre attention pédagogico-pastorale est proposée avec une particulière insistance en ce moment précis de l'histoire: la formation de figures éducatives précises.

La faiblesse et le caractère problématique des lieux pédagogiques de la foi, mis à dure épreuve par la culture de l'individualisme, de l'associationnisme spontané ou par la crise des institutions, est bien connu.

Par ailleurs, le besoin se fait surtout sentir chez les jeunes d'une confrontation, d'un dialogue, de points de référence. Les signaux à cet égard sont nombreux. En somme, il existe une urgence de maîtres de vie spirituelle, de figures significatives, capables d'évoquer le mystère de Dieu et disposés à l'écoute pour aider les personnes à entrer dans un dialogue sérieux avec le Seigneur.

Les personnalités spirituelles fortes ne se réduisent pas seulement à quelques personnes particulièrement dotées de charisme, mais elles sont le résultat d'une formation particulièrement attentive à la primauté absolue de l'Esprit.

Pour former les figures éducatives de notre communauté, il faut accorder une attention particulière dans deux directions: d'une part, il s'agit de rendre explicite et vigilante la conscience d'éducation à la vocation chez toutes les personnes qui sont déjà appelées à oeuvrer dans la communauté aux côtés des enfants et des jeunes (prêtres, religieuxses et laïcs).

De l'autre, il faut soigneusement encourager et former le caractère ministériel éducatif de la femme pour qu'elle soit surtout à côté des jeunes une figure de référence et un guide sage. De fait, la femme est largement présente dans les communautés chrétiennes et chacun connaît la capacité intuitive du « génie féminin » et la vaste expérience de la femme dans le domaine éducatif (famille, école, groupes, communautés).

L'apport de la femme doit donc être considéré comme précieux, pour ne pas dire décisif, dans le cadre du monde de la jeunesse féminine, que l'on ne peut pas traiter comme le monde masculin, car il a besoin d'une réflexion plus attentive et plus spécifique, surtout dans le domaine des vocations.

Cela fait peut-être partie aussi du tournant qui caractérise la pastorale des vocations. Alors que par le passé les vocations féminines étaient également engendrées par des figures significatives de pères spirituels, guides authentiques des personnes et des communautés, aujourd'hui les vocations au « féminin » ont besoin de se référer à des figures féminines, individuelles et communautaires, capables de fournir des propositions de modèles concrets et de valeurs.

e) Les organismes de pastorale des vocations

Pour se présenter comme une perspective unitaire et synthétique de la pastorale en général, la pastorale des vocations doit d'abord exprimer en son sein la synthèse et la communion des charismes et des ministères.

Depuis longtemps déjà, l'Eglise ressent la nécessité de cette coordination(90) qui, grâce à Dieu, a déjà porté des fruits remarquables: organismes paroissiaux et centres diocésains et nationaux des vocations fonctionnent déjà depuis plusieurs années, procurant de multiples bienfaits.

Mais il n'en va pas partout de même. Le Congrès qui vient de se réunir a regretté dans certains cas l'absence ou le manque d'incidence de ces structures dans plusieurs nations européennes(91) et forme des voeux pour que celles-ci soient créées ou amplifiées de façon adéquate le plus tôt possible.

Plusieurs observateurs relèvent aussi que, tandis que les centres nationaux semblent stimuler de façon notoire et constructive la pastorale des vocations dans son ensemble, les centres diocésains ne paraissent pas partout animés de la même volonté de travailler et de collaborer vraiment pour les vocations de tous. Il existe un certain projet global de pastorale unitaire qui tarde encore à devenir une pratique d'Eglise locale et qui semble, d'une certaine façon, s'enrayer lorsqu'il s'agit de passer des propositions générales à la traduction effective dans la réalité diocésaine ou paroissiale. De fait, des perspectives et des pratiques particulières et moins ecclésiales n'ont pas encore tout à fait disparu.(92)

En ce qui concerne les centres diocésains et nationaux, plutôt que de rappeler ici ce que soulignent déjà d'une manière exemplaire divers documents quant à leur fonction, il semble nécessaire de rappeler qu'il ne s'agit pas tant d'une question d'organisation pratique que d'une cohérence avec le nouvel esprit qui doit imprégner la pastorale des vocations dans l'Eglise et, en particulier, dans les Eglises d'Europe. La crise des vocations est également crise de communion pour encourager et faire croître les vocations. Les vocations ne peuvent pas naître là où il n'existe pas d'esprit ecclésial authentiquement vécu.

Le Congrès et ce Document recommandent donc non seulement un regain d'efforts dans ce domaine, en lien plus étroit entre centre national, centres diocésains et organismes paroissiaux, mais ils souhaitent aussi que ces organismes prennent davantage à coeur deux questions: la promotion d'une authentique culture des vocations dans la société civile et ecclésiale, que nous avons déjà soulignée, et la formation d'éducateurs-formateurs des vocations, élément véritablement central et stratégique de l'actuelle pastorale des vocations.(93)

Le Congrès demande en outre que soit sérieusement prise en considération la constitution, pour l'Europe, d'un organisme ou Centre unitaire supranational de la pastorale des vocations, comme signe et expression concrète de communion et de partage, de coordination et d'échange d'expériences et de personnes entre les différentes Eglises nationales,(94) tout en sauvegardant les particularités de chacune.

QUATRIÈME PARTIE

PÉDAGOGIE DES VOCATIONS:

« Notre coeur n'était-il pas tout brûlant
au-dedans de nous » (Lc 24, 32)

Cette partie pédagogique est puisée au sein même de l'Evangile, s'inspirant de l'exemple de cet extraordinaire animateur-éducateur des vocations qu'est Jésus, et en vue d'une animation des vocations rythmée par des attitudes pédagogico-évangéliques précises: semer, accompagner, éduquer, former, discerner.

Nous voici parvenus à la dernière section, celle qui, dans la logique du document, devrait représenter la partie méthodologique et applicative. De fait, nous sommes partis de l'analyse de la situation concrète, pour définir ensuite les éléments théologiques porteurs du thème des vocations, avant de revenir à la vie concrète de nos communautés pour préciser le sens et la direction de la pastorale des vocations.Il nous reste maintenant à considérer la dimension pédagogique de la pastorale des vocations.

Il nous reste maintenant à considérer la dimension pédagogique de la pastorale des vocations.

Crise des vocations et crise d'éducation

30. Très souvent, dans nos Eglises, les objectifs sont clairs, tout comme les stratégies fondamentales, mais les pas à accomplir restent trop vagues pour susciter chez nos jeunes la disponibilité de vocation. Et cela parce que la structure éducative, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Eglise, est trop faible, cette structure qui devrait offrir, en plus de la précision de l'objectif à atteindre, les parcours pédagogiques qui y conduisent. L'Instrumentum laboris le dit encore avec son réalisme habituel: « Nous constatons... la faiblesse de nombreux lieux pédagogiques (groupe, communauté, patronage, école et surtout famille).(95) La crise des vocations est certainement aussi une crise de proposition pédagogique et de chemin éducatif.

Nous tenterons donc d'indiquer, toujours à partir de la Parole de Dieu, cette convergence entre la fin et la méthode, convaincus qu'une bonne théologie se laisse normalement traduire dans la pratique, devient pédagogie et fait entrevoir des parcours, avec le désir sincère d'offrir aux différents agents pastoraux une aide, un instrument utile à tous.

L'Evangile de la vocation

31. Chaque rencontre ou dialogue avec l'Evangile revêt une signification vocationnelle: lorsque Jésus chemine sur les routes de Galilée, il est toujours envoyé par le Père pour appeler l'homme au salut et lui révéler le projet du Père. La bonne nouvelle — l'Evangile — est précisément celle-ci: le Père a appelé l'homme par le Fils dans l'Esprit, il l'a appelé non seulement à la vie mais à la rédemption, et pas seulement à une rédemption méritée par d'autres, mais à une rédemption qui le touche directement, le rendant responsable du salut des autres.

Ce salut actif et passif, reçu et partagé, renferme le sens de toute vocation; il renferme le sens même de l'Eglise, comme communauté de croyants, de saints et de pécheurs, tous « appelés » à participer au même don et à la même responsabilité. C'est l'Evangile de la vocation.

La pédagogie de la vocation

32. A l'intérieur de cet Evangile cherchons une pédagogie qui lui corresponde, celle de Jésus, authentique pédagogie de la vocation. C'est la pédagogie que tout animateur des vocations ou tout évangélisateur devrait savoir appliquer pour amener le jeune à reconnaître le Seigneur qui l'appelle et à lui répondre.

Si le point de référence de la pédagogie des vocations est le mystère du Christ, le Fils de Dieu fait homme, il existe de multiples aspects et dimensions significatives dans son action « vocationnelle ».

Avant tout, Jésus nous est présenté dans les Evangiles beaucoup plus comme un formateur que comme un animateur, précisément parce qu'il oeuvre en lien très étroit avec le Père, qui répand la semence de la Parole et éduque (en tirant du néant), et avec l'Esprit qui accompagne sur le chemin de la sanctification.

Ces aspects ouvrent des perspectives importantes à ceux qui travaillent dans la pastorale des vocations et qui sont appelés par conséquent à être non seulement des animateurs des vocations, mais avant tout semeurs du bon grain de la vocation, puis accompagnateurs sur le chemin qui conduit le coeur à « brûler », éducateurs de la foi et de l'écoute de Dieu qui appelle, formateurs des attitudes humaines et chrétiennes de réponse à l'appel de Dieu;(96) il est enfin appelé à discerner la présence du don qui vient d'en haut.

Ce sont les cinq caractéristiques centrales du ministère vocationnel ou les cinq dimensions du mystère de l'appel qui arrive à l'homme à travers la médiation d'un frère, d'une soeur ou d'une communauté.

Semer

33. « Voici que le semeur est sorti pour semer. Et comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout manger. D'autres sont tombés sur les endroits rocheux où ils n'avaient pas beaucoup de terre, et aussitôt ils ont levé, parce qu'ils n'avaient pas de profondeur de terre; mais, une fois le soleil levé, ils ont été brûlés et, faute de racine, se sont desséchés. D'autres sont tombés sur les épines, et les épines ont monté et les ont étouffés. D'autres sont tombés sur la bonne terre et ont donné du fruit, l'un cent, l'autre soixante, l'autre trente » (Mt 13, 3-8).

Ce passage indique en quelque sorte la première étape d'un cheminement pédagogique, la première attitude de la part de celui qui se place comme médiateur entre le Dieu qui appelle et l'homme qui est appelé, et qui s'inspire nécessairement de l'action de Dieu. Le semeur, c'est Dieu le Père; l'Eglise et le monde sont les lieux où il continue à répandre la semence en abondance, avec une liberté absolue et sans exclusions d'aucune sorte, une liberté qui respecte celle du terrain où tombe le grain.

a) Deux libertés en dialogue

La parabole du semeur montre que la vocation chrétienne est un dialogue entre Dieu et la personne humaine. L'interlocuteur principal est Dieu qui appelle qui il veut, quand il veut et comme il veut « conformément à son propre dessein et à sa grâce » (2 Tm 1, 9); qui appelle tous les hommes au salut, sans se laisser limiter par les dispositions de celui qui reçoit l'appel. Mais la liberté de Dieu rencontre la liberté de l'homme, en un dialogue mystérieux et fascinant, fait de paroles et de silences, de messages et d'actions, de regards et de gestes, une liberté qui est parfaite, celle de Dieu, et l'autre imparfaite, celle de l'homme. La vocation est donc totalement activité de Dieu, mais aussi réellement activité de l'homme: travail et pénétration de Dieu au coeur de la liberté humaine, mais aussi peine et lutte de l'homme pour être libre d'accueillir le don.

Celui qui se place à côté d'un frère au long du chemin de discernement d'une vocation entre dans le mystère de la liberté et sait qu'il ne pourra apporter son aide que s'il respecte ce mystère. Même si cela devait correspondre, du moins en apparence, à un moindre résultat. Comme pour le semeur de l'Evangile.

b) Le courage de semer partout

Le respect des deux libertés signifie précisément et avant tout le courage de semer le bon grain de l'Evangile, de la Pâque du Seigneur, de la foi et enfin de la sequela pour se mettre à la suite du Christ. Telle est la condition préalable. Aucune pastorale des vocations ne peut se faire sans ce courage. Et ce n'est pas tout: il faut semer partout, dans le coeur de quiconque, sans aucune préférence ni exception. Si chaque être humain est créature de Dieu, il est également porteur d'un don, d'une vocation particulière qui attend d'être reconnue.

On se plaint souvent dans l'Eglise du manque de réponses au niveau des vocations, mais on ne s'aperçoit pas que souvent la proposition est faite à l'intérieur d'un cercle restreint de personnes et, peut-être, retirée aussitôt après le premier refus. Il est bon de rappeler ici ce que réclamait Paul VI: « Que personne, par notre faute, ignore ce qu'il doit savoir, pour orienter sa vie, différemment et mieux ».(97) Et pourtant, combien de jeunes n'ont jamais entendu de proposition chrétienne quant à leur vie et leur avenir!

Il est singulier d'observer le semeur de la parabole, avec son ample geste de la main qui sème « partout »; il est émouvant de reconnaître en cette image le coeur de Dieu le Père. C'est l'image de Dieu qui sème un plan de salut dans le coeur de tout vivant; ou, si l'on préfère, c'est l'image du « gaspillage » de la générosité divine qui s'étend sur tous car elle veut sauver et appeler tous les hommes à elle.

C'est cette même image du Père qui revient de façon évidente dans l'action de Jésus qui appelle à lui les pécheurs, qui choisit de construire son Eglise avec des gens apparemment inadaptés à cette mission, qui ne connaît pas de barrières et n'établit pas de préférences de personnes.

C'est en se reflétant dans cette image qu'à son tour l'agent des vocations annonce, propose, secoue, avec une générosité identique. Et c'est précisément la certitude de la semence déposée par le Père dans le coeur de chaque créature qui lui donne la force d'aller partout et de semer le bon grain des vocations, de ne pas rester à l'intérieur des espaces habituels et d'affronter de nouveaux environnements, pour tenter des approches insolites et s'adresser à toute personne.

c) Semer au bon moment

La sagesse du semeur le conduit à répandre le bon grain de la vocation au moment propice. Ce qui signifie qu'il ne s'agit pas du tout d'accélérer les temps du choix ou prétendre qu'un pré-adolescent ait la maturité de décision d'un jeune, mais comprendre et respecter le sens de la vocation de la vie humaine.

Chaque saison de l'existence a une signification vocationnelle, à commencer par l'instant où le garçonla fille s'ouvre à la vie et a besoin d'en saisir le sens et tente de s'interroger sur son rôle dans cette vie. Méconnaître cette demande au moment opportun pourrait empêcher le grain de germer: « l'expérience pastorale montre que la première manifestation de la vocation naît, dans la plupart des cas, dans l'enfance et dans l'adolescence. Voilà pourquoi il semble important de retrouver ou de proposer des formules qui puissent susciter, soutenir et accompagner cette première manifestation de vocation »,(98) sans toutefois se limiter à celle-ci. Chaque personne a ses rythmes et ses temps de maturation. L'important est d'avoir un bon semeur à côté de soi.

d) Le plus petit de tous les grains

L'oeuvre du « semeur de vocations » n'est certes pas simple aujourd'hui. Pour les raisons que nous savons: il n'existe pas, à proprement parler, une culture des vocations; le modèle anthropologique dominant semble être celui de l'« homme sans vocation »; le contexte social est neutre sur le plan éthique et privé d'espérance et de modèles de projets. Tous ces éléments semblent concourir à affaiblir la proposition de vocation et nous permettent, peut-être, de lui appliquer ce que Jésus dit à propos du Royaume de Dieu (cf. Mt 13, 31 et suiv.): le grain de la vocation est comme un grain de sénevé qui, lorsqu'il est semé, ou quand il est proposé ou indiqué, est le plus petit de tous les grains; il ne suscite très souvent aucun attrait immédiat; il est même refusé ou démenti, comme étouffé par d'autres attentes et d'autres projets, pas pris au sérieux; ou encore il est considéré comme suspect et avec méfiance, presque comme une semence de malheur.

Alors le jeune refuse, déclare qu'il n'est pas intéressé, qu'il a déjà hypothéqué son avenir (ou que d'autres l'ont fait pour lui); ou encore que cela lui plairait et l'intéresse, mais qu'il n'est pas sûr, que c'est trop difficile et que ça lui fait peur...

Rien d'étranger ni d'absurde dans cette réaction craintive et négative; au fond, le Seigneur l'avait prédit. Le grain de la vocation est le plus petit de tous les grains, il est faible et ne s'impose pas, précisément parce qu'il est l'expression de la liberté de Dieu qui entend respecter jusqu'au bout la liberté de l'homme.

La liberté de celui qui guide le chemin de l'homme est alors nécessaire, elle aussi: une liberté du coeur qui permette de ne pas renoncer devant le refus ou le désintérêt initial.

Jésus dit, toujours dans la brève parabole du grain de sénevé, que « quand il a poussé, c'est la plus grande des plantes potagères » (Mt 13, 32). C'est donc un grain qui possède une force qui n'est pas immédiatement évidente et éclatante et qui a même besoin de beaucoup de soin pour mûrir. Il existe une sorte de secret élémentaire qui fait partie de la sagesse paysanne: pour garantir une récolte à la bonne saison, il faut s'occuper de tout, absolument de tout, du terrain au grain; il faut faire attention à tout, de ce qui le fait croître à ce qui empêche sa croissance; il faut même tenir compte des intempéries impondérables des saisons. Il se passe quelque chose de semblable dans le domaine des vocations. Les semailles ne sont qu'une première étape qui doit être suivie de bien d'autres attentions précises pour que les deux libertés entrent dans le mystère du dialogue de vocation.

Accompagner

34. « Et voici que, ce même jour, deux d'entre eux faisaient route vers un village du nom d'Emmaüs, distant de Jérusalem de soixante stades, et ils conversaient entre eux de tout ce qui était arrivé. Et il advint, comme ils conversaient et discutaient ensemble, que Jésus en personne s'approcha, et il faisait route avec eux; mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître » (Lc 24, 13-16).

Pour décrire les articulations pédagogiques de l'accompagnement, de l'éducation, de la formation, nous choisissons l'épisode des deux disciples d'Emmaüs. C'est un passage significatif car, en plus de la sagesse du contenu et de la méthode pédagogique adoptée par Jésus, il nous semble voir chez les deux disciples l'image de nombreux jeunes d'aujourd'hui, un peu tristes et démotivés, qui semblent avoir perdu le goût de chercher leur vocation.

Le premier pas, ou la première attention dans ce cheminement, est de s'approcher: le semeur, ou celui qui a réveillé chez le jeune la conscience du grain semé sur le terrain de son coeur, devient dès lors accompagnateur.

Dans la partie théologique de cette réflexion, le ministère de l'accompagnement a été désigné comme une caractéristique typique de l'Esprit; c'est en effet l'Esprit du Père et du Fils qui demeure à côté de l'homme pour lui rappeler la Parole du Maître; c'est encore l'Esprit qui demeure dans l'homme pour susciter en lui la conscience qu'il est fils du Père. L'Esprit est donc le modèle auquel doit s'inspirer le grand frère ou la grande soeur qui accompagne un petit frère ou une petite soeur en recherche.

a) Itinéraire de vocation

Une fois défini l'itinéraire pastoral de vocation, demandons-nous maintenant : qu'est-ce qu'un itinéraire de vocation sur le plan pédagogique?

L'itinéraire pédagogique d'une vocation est un voyage orienté vers la maturité de la foi, comme un pèlerinage vers le stade adulte du croyant, appelé à décider de lui-même et de sa vie dans la liberté et la responsabilité, selon la vérité du mystérieux projet pensé par Dieu pour lui. Ce voyage procède par étapes en compagnie d'une soeur ou d'un frère aîné dans la foi, qui connaît la route, la voix et les pas de Dieu, qui aide à reconnaître le Seigneur qui appelle et à discerner au long du chemin la route qui mène à lui pour lui répondre, le tout dans une relation de disciple.

Un itinéraire de vocation est donc avant tout un cheminement avec lui, le Seigneur de la vie, ce « Jésus en personne », comme le note Luc avec beaucoup de précision, qui s'approche du chemin de l'homme, emprunte le même parcours et entre dans son histoire. Mais souvent les yeux de chair ne savent pas le reconnaître. Alors le chemin de l'homme reste solitaire et le discours inutile, tandis que la recherche risque de se perpétuer, en un désir interminable et parfois narcissique de « faire des expériences », notamment celle de la vocation, sans aucun résultat décisif. La première tâche de l'accompagnateur d'une vocation consiste peut-être à indiquer la présence d'un Autre ou de confesser la nature relative de son accompagnement, pour être médiation de cette présence, ou itinéraire vers la découverte de Dieu qui appelle et se fait proche de tout homme.

Comme les deux disciples d'Emmaüs, ou comme Samuel au coeur de la nuit, souvent nos jeunes n'ont pas d'yeux pour voir, pas d'oreilles pour entendre Celui qui marche à côté de chacun et, à la fois avec insistance et délicatesse, prononce leur nom. Le frère qui accompagne est signe de cette insistance et de cette délicatesse; sa tâche consiste à aider à reconnaître la provenance de la voix mystérieuse; il ne parle pas de lui, mais il annonce un Autre qui est déjà présent; comme le faisait Jean-Baptiste.

Le ministère de l'accompagnement des vocations est un ministère humble, de cette humilité sereine et intelligente qui naît de la liberté dans l'Esprit et qui s'exprime « avec le courage de l'écoute de l'amour et du dialogue ». Grâce à cette liberté, la voix de Celui qui appelle résonne avec plus de clarté et de force. Le jeune se trouve alors en face de Dieu, il découvre avec surprise que c'est l'Eternel qui chemine dans le temps à côté de lui et qui l'appelle à un choix pour toujours!

b) Les puits d'eau vive

« Jésus, fatigué par la marche, se tenait assis près du puits... » (Jn 4, 6): c'est le début de ce que nous pourrions considérer comme un colloque vocationnel inédit: la rencontre de Jésus avec la Samaritaine. Cette femme, en effet, à travers cette rencontre, accomplit un itinéraire vers la découverte d'elle-même et du Messie, et devient même, d'une certaine façon, son annonciatrice.

Ce passage fait encore une fois ressortir la liberté souveraine de Jésus qui cherche ses messagers partout et chez tous; mais l'attention, de la part de Celui qui est le chemin de l'homme vers le Père, à croiser la créature sur ses chemins ou à l'attendre là où son attente est plus évidente et intense, est également singulière. C'est ce que l'on peut déduire de l'image symbolique du « puits ». Les puits, dans l'antique société juive, étaient source de vie, condition fondamentale de survie pour un peuple toujours aux prises avec la pénurie d'eau; or c'est précisément autour de ce symbole, l'eau pour et de la vie, que Jésus construit avec une pédagogie très fine son approche de la femme.

Accompagner un jeune veut dire savoir identifier « les puits » d'aujourd'hui: les lieux et les moments, les provocations et les attentes où, tôt ou tard, tous les jeunes doivent passer avec leurs amphores vides, avec leurs questions non posées, avec leur insuffisance affichée et qui n'est bien souvent qu'apparente, avec leur désir profond et ineffaçable d'authenticité et d'avenir.

La pastorale des vocations ne peut pas être « attentiste », mais action de ceux qui cherchent, qui ne s'avouent pas vaincus tant qu'ils n'ont pas trouvé et qui se font trouver au bon endroit ou au bon puits, là où le jeune donne rendez-vous à la vie et à l'avenir.

De ce point de vue, l'accompagnateur des vocations doit être « intelligent », quelqu'un qui n'impose pas nécessairement ses questions, mais qui part de celles du jeune, quelles qu'elles soient. Ou qui est capable — si nécessaire - de « susciter et de découvrir la demande de vocation qui habite le coeur de chaque jeune, mais qui attend d'être creusée par de véritables formateurs de vocations ».(99)

c) Partage et con-vocation

Faire l'accompagnement d'une vocation signifie avant tout partager: le pain de la foi, de l'expérience de Dieu, de la difficulté de la recherche, jusqu'à partager aussi la vocation: ne pas l'imposer, évidemment, mais pour confesser la beauté d'une vie qui se réalise selon le projet de Dieu.

Le registre communicatif typique de l'accompagnement d'une vocation n'est pas un registre didactique ou d'exhortation, ni même un registre amical, d'un côté, et de directeur spirituel, de l'autre (entendu comme celui qui imprime tout de suite une direction précise à la vie d'un autre), mais c'est le registre de la confessio fidei.

Celui qui s'adonne à l'accompagnement des vocations témoigne de son propre choix, ou mieux, du choix que Dieu a fait de lui, il raconte — pas nécessairement en paroles — le cheminement de sa vocation et la découverte continuelle de son identité dans le charisme vocationnel; il raconte donc aussi ou laisse comprendre la peine, la nouveauté, le risque, la surprise, la beauté.

Il en résulte une catéchèse vocationnnelle de personne à personne, de coeur à coeur, riche d'humanité et d'originalité, de passion et de force de conviction, une animation des vocations sage, s'inspirant de l'expérience. Un peu comme l'expérience des premiers disciples de Jésus, qui « vinrent donc et virent où il demeurait, et ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là » (Jn 1, 39). Ce fut une expérience profondément touchante puisque Jean, bien des années plus tard, se souvient encore que « c'était environ la dixième heure ».

L'animation des vocations se fait seulement par contagion, par contact direct, parce que le coeur est plein et l'expérience de la beauté continue à fasciner. « Les jeunes sont très intéressés par le témoignage de vie des personnes qui suivent déjà un cheminement spirituel. Prêtres et religieuxses doivent avoir le courage d'offrir des signes concrets au long de leur chemin spirituel. Voilà pourquoi il est important de passer du temps avec les jeunes, de cheminer à leur niveau, là où ils se trouvent, les écouter et répondre aux questions qui surgissent dans cette rencontre ». (100)

C'est pourquoi l'accompagnateur des vocations est aussi enthousiaste de sa propre vocation et de la possibilité de la transmettre à d'autres; il est le témoin non seulement convaincu, mais content, et donc convaincant et crédible.

Ce n'est qu'ainsi que le message touche la totalité spirituelle de la personne, coeur-esprit-volonté, en proposant quelque chose qui est vrai-beau-bon.

Tel est le sens de la con-vocation: personne ne peut passer à côté d'un annonciateur d'une si « bonne nouvelle » et ne pas se sentir touché, « totalement » appelé, à chaque niveau de sa personnalité, et continuellement appelé, par Dieu, bien sûr, mais aussi par de multiples personnes, idéaux, situations inédites, provocations variées, médiations humaines de l'appel divin.

Alors le signal vocationnel peut être mieux perçu.

Eduquer

35. « Il leur dit: « Quels sont donc ces propos que vous échangez en marchant? ». Et ils s'arrêtèrent, le visage sombre. Prenant la parole, l'un d'eux, nommé Cléophas, lui dit: « Tu es bien le seul habitant de Jérusalem à ignorer ce qui y est arrivé ces jours-ci! ». « Quoi donc? » leur dit-il. Il lui dirent: « Ce qui concerne Jésus le Nazarénien, qui s'est montré un prophète puissant en oeuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple, comment nos grands prêtres et nos chefs l'ont livré pour être condamné à mort et l'ont crucifié. Nous espérions, nous, que c'était lui qui allait délivrer Israël; mais avec tout cela, voilà le troisième jour depuis que ces choses sont arrivées! Quelques femmes qui sont des nôtres nous ont, il est vrai, stupéfiés. S'étant rendues de grand matin au tombeau et n'ayant pas trouvé son corps, elles sont revenues nous dire qu'elles ont même eu la vision d'anges qui le disent vivant. Quelques-uns des nôtres sont allés au tombeau et ont trouvé les choses tout comme les femmes avaient dit; mais lui, ils ne l'ont pas vu! ». Alors il leur dit: « O coeurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu'ont annoncé les Prophètes! Ne fallait-il pas que le Christ endurât toutes ces souffrances pour entrer dans la gloire? ». Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Ecritures ce qui le concernait. Quand ils furent près du village où ils se rendaient, il fit semblant d'aller plus loin. Mais ils le pressèrent en disant: « Reste avec nous, car le soir tombe et le jour touche déjà à son terme ». Il entra donc pour rester avec eux » (Lc 24, 17-29).

Après avoir semé, au long du chemin d'accompagnement, il s'agit d'éduquer le jeune. Eduquer au sens étymologique du verbe, comme pour extraire (e-ducere)de lui sa vérité , ce qu'il a dans son coeur, même ce qu'il ne sait pas et ne connaît pas de lui-même: faiblesses et aspirations, pour encourager la liberté de la réponse à la vocation.

a) Eduquer à la connaissance de soi

Jésus s'approche des deux hommes et leur demande de quoi ils parlent. Il le sait, mais il veut que tous deux se manifestent à eux-mêmes et, en disant leur tristesse et leurs espoirs déçus, que cela les aide à prendre conscience de leur problème et de la véritable raison de leur inquiétude. Ainsi les deux hommes sont pratiquement contraints à relire l'histoire récente, en faisant transparaître le vrai motif de leur tristesse.

« Nous espérions, nous... »; mais l'histoire paraît avoir pris une direction différente de celle de leurs attentes. Bien plus, en réalité ils ont fait toutes les expériences significatives au contact de Jésus, « puissant en oeuvres et en paroles »; mais c'est comme si ce chemin de foi s'était soudain interrompu face à un événement incompréhensible comme la passion et la mort de Celui qui aurait dû libérer Israël.

« Nous espérions, nous, mais... »: comment ne pas reconnaître en cette histoire inachevée l'histoire de tant de jeunes qui semblent intéressés par un discours de vocation, qui se laissent provoquer et manifestent de bonnes dispositions, mais qui s'arrêtent ensuite face au choix à faire? D'une certaine façon, Jésus contraint les deux hommes à admettre l'abîme qui existe entre leurs espérances et le plan de Dieu tel qu'il s'est concrétisé en Jésus : entre leur façon de concevoir le Messie et sa mort sur la croix, entre leurs attentes si humaines et intéressées et le sens d'un salut qui vient d'en haut.

De même, il est important et décisif d'aider les jeunes à mettre au jour une équivoque fondamentale: cette interprétation de la vie trop terrestre et centrée sur le moi qui rend difficile ou même impossible le choix d'une vocation, ou qui fait sentir les exigences de l'appel comme excessives, comme si le projet de Dieu était l'ennemi du besoin de bonheur de l'homme.

Combien de jeunes n'ont pas accueilli l'appel à la vocation, non pas parce qu'ils n'étaient pas généreux ou parce qu'ils étaient indifférents, mais simplement parce qu'ils n'ont pas été aidés à se connaître, à découvrir la racine ambivalente et païenne de certains schémas mentaux et affectifs; et parce qu'ils n'ont pas été aidés à se libérer de leurs peurs et de leurs défenses, conscientes et inconscientes, à l'égard de la vocation même! Combien d'avortements de vocations à cause de ce vide éducatif!

Eduquer signifie avant tout faire ressortir la réalité du moi, tel qu'il est, si l'on veut ensuite le conduire à être comme il doit être: la sincérité est un passage fondamental pour parvenir à la vérité, mais en tout cas une aide extérieure est nécessaire pour voir bien l'intérieur. L'éducateur doit alors connaître les souterrains du coeur humain, pour accompagner le jeune et l'aider à construire son vrai moi.

b) Eduquer au mystère

Le paradoxe naît ici. Lorsque le jeune est conduit aux sources de lui-même et peut voir en face ses faiblesses et ses craintes, il a la sensation de mieux comprendre certains de ses comportements et certaines de ses réactions et, en même temps, il saisit toujours davantage la réalité du mystère comme clef de lecture de la vie et de sa personne.

Il est indispensable que le jeune accepte de ne pas savoir, de ne pas se connaître à fond.

La vie n'est pas entièrement entre ses mains, parce que la vie est mystère et que, d'autre part, le mystère est vie. Ou encore: le mystère est cette partie du moi qui n'a pas encore été découverte, qui n'a pas encore été vécue, qui doit attendre d'être déchiffrée et réalisée; le mystère est cette réalité personnelle qui doit encore grandir, riche de vie et de possibilités existentielles encore intactes: c'est la partie du moi qui doit encore germer.

Dès lors, accepter le mystère est un signe d'intelligence, de liberté intérieure, de désir de futur et de nouveauté, de refus d'une conception répétitive et passive, ennuyeuse et banale de la vie. Voilà pourquoi nous avons dit au début que la pastorale des vocations doit être mystagogique et donc partir et repartir du Mystère de Dieu pour ramener au mystère de l'homme.

La perte du sens du mystère est une des principales causes de la crise des vocations.

En même temps, la catégorie du mystère devient catégorie propédeutique de la foi. Il est possible, et dans certains cas naturel, qu'à ce moment-là le jeune sente naître en lui comme un besoin de révélation, c'est-à-dire le désir que l'Auteur de la vie lui révèle le sens et la place qu'il doit occuper. Qui d'autre, en dehors du Père, peut accomplir cette révélation?

Par ailleurs, il n'est pas important que le jeune découvre tout de suite (ou que le guide ait tout de suite l'intuition de) la route qu'il doit suivre: ce qui compte c'est qu'il découvre et décide de placer en dehors de lui, en Dieu le Père, la recherche du fondement de son existence. Un authentique chemin de vocation porte toujours et dans tous les cas à la découverte de la paternité et de la maternité de Dieu!

c) Eduquer à lire la vie

Dans l'Evangile, Jésus invite en quelque sorte les deux disciples d'Emmaüs à revenir à la vie, à ces événements qui avaient causé leur tristesse à travers une méthode de lecture savante: capable non seulement de recomposer entre eux les événements autour d'une signification centrale, mais de déchiffrer, dans le tissu mystérieux de l'existence humaine, le fil conducteur d'un projet divin. C'est la méthode que l'on pourrait appeler génético-historique, qui fait chercher et trouver dans sa propre biographie les pas et les traces du passage de Dieu et donc aussi sa voix qui appelle. Cette méthode

— est à la fois déductive et inductive, ou historico-biblique: elle part en effet de la vérité révélée et, avec la réalité historique, favorise ainsi le dialogue ininterrompu entre vécu subjectif (les faits cités par les deux disciples) et référence à la Parole (« Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Ecritures ce qui le concernait », Lc 24, 27).

— indique l'aspect normatif de la Parole et l'aspect central du mystère pascal du Christ mort et ressuscité comme des points précis d'interprétation des événements existentiels, sans refuser aucun événement, spécialement les plus difficiles et douloureux (« Ne fallait-il pas que le Christ endurât toutes ces souffrances pour entrer dans la gloire? », Lc 24, 26).

La lecture de la vie devient ainsi une opération hautement spirituelle — pas seulement psychologique — car elle conduit à reconnaître en elle la présence lumineuse et mystérieuse de Dieu et de sa Parole. (101) Et, à l'intérieur de ce mystère, elle permet petit à petit d'apercevoir le grain de la vocation que le Père-semeur a déposé dans les sillons de la vie. Ce grain, bien que petit, commence désormais à être visible et à croître.

d) Eduquer à in-voquer

Si la lecture de la vie est une opération spirituelle, elle conduit nécessairement la personne, non seulement à reconnaître son besoin de révélation, mais à le célébrer, par la prière d'invocation. Eduquer veut dire é-voquer la vérité du moi. Cette évocation naît exactement de l'in-vocation priante, d'une prière qui est plus une prière de confiance que de demande, prière de surprise et de gratitude, mais conçue aussi comme une lutte et une tension, comme une recherche difficile de ses ambitions pour saisir les attentes, les demandes, les désirs de l'Autre: du Père qui, dans le Fils, peut parler à celui qui cherche la voie à suivre.

Alors la prière devient le lieu du discernement de la vocation, pour apprendre à écouter le Dieu qui appelle, car l'origine de toute vocation réside dans une prière d'invocation, patiente et confiante, soutenue non pas par la prétention d'une réponse immédiate, mais par la certitude ou par l'espérance que l'invocation ne peut pas être accueillie, et fera découvrir sa vocation, au moment voulu, à celui qui invoque.

Dans l'épisode d'Emmaüs, tout cela est révélé par une expression essentielle, peut-être la plus belle prière jamais prononcée par un coeur humain: « Reste avec nous, car le soir tombe et le jour touche déjà à son terme » (Lc 24, 29). C'est la supplique de ceux qui savent que sans le Seigneur il fait nuit dans notre vie, que sans sa parole, il n'y a qu'incompréhension et que confusion d'identité. La vie apparaît sans sens et sans vocation. C'est encore l'invocation de ceux qui n'ont peut-être pas découvert leur route, mais qui ont l'intuition qu'en demeurant avec lui ils se retrouvent eux-mêmes, parce que lui seul a « les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 67-68).

Ce type de prière d'in-vocation ne s'apprend pas spontanément, mais a besoin d'un lieu d'apprentissage. Il ne s'apprend pas tout seul, mais avec l'aide de ceux qui ont appris à écouter les silences de Dieu. De même que n'importe qui ne peut pas enseigner cette prière, mais seulement celui qui est fidèle à sa vocation.

Alors, si la prière est la voie naturelle de la recherche d'une vocation, aujourd'hui comme hier ou plus qu'hier, il est nécessaire d'avoir des éducateurs des vocations qui prient, qui enseignent à prier, qui éduquent à l'invocation.

Former

36. « Et il advint, comme il était à table avec eux, qu'il prit le pain, dit la bénédiction, puis le rompit et le leur donna. Leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent... mais il avait disparu de devant eux. Et ils se dirent l'un à l'autre: « Notre coeur n'était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Ecritures? » (Lc 24, 30-32).

La formation est en quelque sorte le moment culminant du processus pédagogique, parce que c'est le moment où le jeune se voit proposer une forme, une façon d'être, dans laquelle il reconnaît son identité, sa vocation, sa norme.

Le Fils, Celui qui est l'empreinte du Père, est le formateur des hommes car il représente l'image selon laquelle le Père a créé les hommes. Voilà pourquoi il invite ceux qui appellent à avoir les mêmes sentiments que lui et à partager sa vie, à avoir sa « forme ». Il est à la fois le formateur et la forme.

Le formateur des vocations est ainsi en tant que médiateur de l'action divine et se place à côté du jeune pour l'aider à « reconnaître » son appel dans cette action et à se faire former en elle.

a) Reconnaître Jésus

Le moment décisif de l'épisode d'Emmaüs est sans aucun doute celui où Jésus prend le pain, le rompt et le leur donne: « Leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent ». Il y a ici une série d'actes de « reconnaissance » liés entre eux.

Avant tout les deux disciples reconnaissent Jésus, ils découvrent la véritable identité du voyageur qui s'est uni à eux, précisément parce que lui seul pouvait faire ce geste, comme tous deux le savaient bien.

Dans une perspective de vocation, cela souligne l'importance de poser des gestes forts, des signaux sans équivoques, des propositions élevées, des projets pour suivre totalement le Christ. (102)

Le jeune a besoin d'être stimulé par de grands idéaux, en vue de quelque chose qui le dépasse et qui est au-dessus de ses moyens, quelque chose pour laquelle il vaut la peine de donner sa vie. L'analyse psychologique le rappelle aussi: demander à un jeune quelque chose qui est en dessous de ses possibilités signifie offenser sa dignité et empêcher sa pleine réalisation. En termes positifs, il faut proposer aux jeunes le maximum de ce qu'il peut donner pour qu'il devienne et soit lui-même.

Et si Jésus est reconnu quand il rompt le pain, la dimension eucharistique devrait sous-tendre chaque chemin de vocation: comme « lieu » typique de la sollicitation de la vocation, comme mystère qui dit le sens général de l'existence humaine, comme objectif final de toute pastorale des vocations qui veuille être chrétienne.

b) Reconnaître la vérité de la vie

Mais alors, dans un processus authentique de formation pour choisir une vocation, une deuxième « reconnaissance » doit avoir lieu: la reconnaissance-découverte, à l'intérieur du signe eucharistique, de la signification de la vie. Si l'Eucharistie est sacrifice du Christ qui sauve l'humanité et si ce sacrifice est corps brisé et sang versé pour le salut de l'humanité, la vie du croyant aussi est appelée à se modeler sur la même corrélation de significations: la vie aussi est un bien reçu qui tend, par nature, à devenir bien donné, comme la vie du Verbe. C'est la vérité de la vie, de chaque vie.

Les conséquences sur le plan des vocations sont évidentes. S'il y a un don au début de l'existence de l'homme, qui le constitue dans son être, alors la vie a un chemin tracé. S'il est don, il ne sera pleinement lui-même que s'il se réalise dans la perspective qui porte à se donner; il ne sera heureux qu'à condition de respecter sa nature. Il pourra faire le choix qu'il veut, mais toujours dans la logique du don, autrement il deviendra un être en contradiction avec lui-même, une réalité « monstrueuse »; il sera libre de décider de l'orientation spécifique, mais il ne sera pas libre de se penser en dehors de la logique du don.

Toute la pastorale des vocations est construite sur cette catéchèse élémentaire du sens de la vie. Si cette vérité anthropologique passe, alors on peut faire n'importe quelle proposition de vocation. La vocation au ministère ordonné ou à la consécration religieuse ou séculière, avec tout ce qu'elle comporte de mystère et de mortification, devient alors la pleine réalisation de l'humain et du don que tout homme a et est au plus profond de lui.

c) La vocation comme reconnaissance

Mais si c'est dans le geste eucharistique que les deux disciples d'Emmaüs « reconnaissent » le Seigneur et chaque croyant le sens de la vie, alors la vocation naît de la « reconnaissance ». Elle naît sur le terrain fécond de la gratitude, car la vocation est réponse et non pas initiative de l'individu: il s'agit d'être choisis, non pas de choisir.

C'est précisément à cette attitude intérieure de gratitude que devrait porter la lecture de toute la vie passée. La découverte d'avoir reçu, sans aucun mérite et par surcroît, devrait « contraindre » psychologiquement le jeune à concevoir l'offrande de soi, dans l'option de la vocation, comme une conséquence inévitable, comme un acte libre, certes, parce que déterminé par l'amour, mais en un certain sens aussi , car en face de l'amour reçu de Dieu il sent qu'il ne peut pas ne pas se donner. Il est bon et tout à fait logique qu'il en aille ainsi; cela n'a rien d'extraordinaire en soi.

La pastorale des vocations tend à enseigner cette logique de la reconnaissance-gratitude; une logique beaucoup plus saine et convaincante, sur le plan humain, et plus fondée sur le plan théologique que la soi-disant « logique du héros », de celui qui n'a pas assez mûri la conscience d'avoir reçu et qui se sent lui-même auteur du don et du choix. Cette logique a bien peu de prise sur la sensibilité du jeune d'aujourd'hui, car elle renverse la vérité de la vie comme bien reçu qui tend naturellement à devenir bien donné.

C'est la sagesse évangélique du « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8) (103) adressée par Jésus aux disciples annonciateurs de sa parole, qui dit la vérité de chaque être humain: personne ne pourrait ne pas se reconnaître en elle.

C'est de cette vérité que dérive la forme que la vie est ensuite appelée à prendre ou c'est de cette figure unique de la foi que naissent ensuite les différentes représentations vocationnelles de la foi.

Alors il devient aussi possible de demander des choix forts et radicaux, comme un appel de consécration spéciale, au sacerdoce et à la vie consacrée. Voilà pourquoi la proposition de Dieu, aussi difficile et singulière qu'elle puisse paraître (et elle l'est en réalité), devient aussi une promotion inouïe des aspirations humaines authentiques et garantit le maximum du bonheur, un bonheur, comblé de gratitude que chante Marie dans le « Magnificat ».

d) Reconnaître Jésus en se reconnaissant disciple

Les yeux des disciples d'Emmaüs s'ouvrent en présence du geste eucharistique de Jésus.

C'est en présence de ce geste que Cléophas et son compagnon perçoivent aussi le sens de leur cheminement, non seulement comme un voyage qui porte à reconnaître Jésus, mais aussi à se reconnaître: « Notre coeur n'était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Ecritures? » (Lc 24, 32).

Il n'y a pas seulement une certaine émotion chez les deux pèlerins qui écoutent l'explication du Maître, mais la sensation que sa vie, son Eucharistie, sa Pâque et son mystère feront toujours plus partie de leur vie, eucharistie, pâque, mystère.

Dans le coeur brûlant, il y a la découverte de la vocation et l'histoire de toute vocation, toujours liée à une expérience de Dieu où la personne se découvre et découvre aussi son identité.

Former une personne à faire un choix de vocation veut dire faire découvrir toujours plus le lien entre expérience de Dieu et découverte du moi, entre théophanie et auto-identité. Ce qu'affirme l'Instrumentum laboris est tout à fait vrai: « Le fait de Le reconnaître Lui, comme le Seigneur de la vie et de l'histoire, comporte aussi l'auto-reconnaissance du fait d'être disciple ». (104) Lorsque l'acte de foi parvient à conjuguer la « reconnaissance christologique » et la « reconnaissance anthropologique », le grain de la vocation est déjà mûr. Bien plus, il est déjà en train de fleurir.

Discerner

37. « A cette heure même, ils partirent et s'en retournèrent à Jérusalem. Ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons, qui dirent: « C'est bien vrai! le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon! ». Et eux de raconter ce qui s'était passé en chemin, et comment ils l'avaient reconnu à la fraction du pain » (Lc 24, 33-35).

Pour que le chemin d'Emmaüs devienne un itinéraire de vocation, il faut un passage de conclusion après la série de « reconnaissances » et « auto-reconnaissances »: le choix effectif du jeune, auquel correspond, de la part de celui qui l'accompagne le long de son cheminement vocationnel, le processus de discernement. Un discernement qui ne s'achèvera certes pas au moment de l'orientation de la vocation, mais qui devra se poursuivre jusqu'à la maturation d'une décision définitive, « pour toute la vie ». (105)

a) Le choix effectif de celui qui est appelé

Capacité de décision

Dans l'épisode évangélique dont s'est inspiré notre réflexion, le choix est bien exprimé au verset 33: « A cette heure même, ils partirent... ».

La note temporelle (« A cette heure même ») montre bien la détermination des deux hommes, provoquée par la parole et par la personne de Jésus, par la rencontre avec lui, et mise en acte par un choix qui comporte une rupture par rapport avec ce qu'ils étaient ou faisaient auparavant; elle indique donc une nouveauté de vie.

C'est précisément cette décision qui fait souvent défaut chez les jeunes d'aujourd'hui.

Pour cette raison, afin d'« aider les jeunes à surmonter l'indécision face aux engagements définitifs, il semble utile de les préparer progressivement à assumer des responsabilités personnelles, (...), leur confier des tâches appropriées à leurs capacités et à leur âge, (...) favoriser une éducation progressive qui leur enseigne à faire de petits choix quotidiens par rapport aux valeurs (gratuité, constance, sobriété, honnêteté...) ». (106)

D'un autre côté, il faut rappeler que très souvent ces peurs et indécisions indiquent non seulement la faiblesse de la structure psychologique de la personne, mais aussi de l'expérience spirituelle et, en particulier, de l'expérience de la vocation comme choix qui vient de Dieu.

Lorsque cette certitude est faible, le sujet s'en remet inévitablement à lui-même et à ses ressources, et quand il constate leur précarité, il n'est pas étrange qu'il se laisse étouffer par la peur de faire un choix définitif.

L'incapacité de prendre une décision n'est pas nécessairement caractéristique de la génération des jeunes d'aujourd'hui: il n'est pas rare qu'elle soit la conséquence d'un accompagnement vocationnel qui n'a pas assez souligné la primauté de Dieu dans le choix ou qui ne lui a pas enseigné à se laisser choisir par lui. (107)

« Retour chez soi »

Le choix d'une vocation indique la nouveauté de vie, mais en réalité c'est également le signe que l'on a retrouvé son identité, presque un « retour chez soi », aux racines du moi. Dans le passage d'Emmaüs, il est symbolisé par l'expression: « ...et s'en retournèrent à Jérusalem » (cf. Mt 10, 22).

Combien de fois aussi les attitudes des adultes, y compris des parents, ont contribué à créer une image négative de la vocation, en particulier au sacerdoce et à la vie consacrée, créant notamment des obstacles à sa réalisation et décourageant ceux qui se sentaient appelés! (108)

Ce problème ne se résout pas par une banale propagande opposée, qui mettrait en relief les aspects positifs et gratifiants de la vocation, mais surtout en soulignant l'idée que la vocation est la pensée de Dieu sur la créature, que c'est le nom donné par Dieu à la personne.

Découvrir et répondre à la vocation des croyants veut dire trouver la pierre sur laquelle est écrit son nom (cf. Ap 2, 17-18) ou retourner aux sources du moi.

Témoignage personnel

A Jérusalem, les deux « trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons, qui dirent: « C'est bien vrai! le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon! ». Et eux de raconter ce qui s'était passé en chemin, et comment ils l'avaient reconnu à la fraction du pain » (Lc 24, 33-35).

L'élément le plus significatif de ce passage, en relation au choix de vocation, est le témoignage des deux hommes, un témoignage particulier, parce qu'il survient dans un contexte communautaire et revêt un sens vocationnel précis.

De fait, lorsque les deux disciples arrivent, l'assemblée est en train de proclamer sa foi par une formule (« C'est bien vrai! le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon! ».) dont nous savons qu'elle figure parmi les témoignages les plus anciens de la foi objective. Cléophas et son compagnon ajoutent, en quelque sorte, leur expérience subjective, qui confirme ce que la communauté était en train de proclamer et qui confirme aussi leur cheminement personnel de croyants et leur cheminement vocationnel.

C'est comme si ce témoignage était le premier fruit de la vocation découverte et retrouvée, qui est tout de suite mise au service de la communauté ecclésiale, comme le veut la nature même de la vocation chrétienne.

Nous retrouvons par ailleurs ce que nous avons déjà dit quant au rapport entre itinéraires ecclésiaux objectifs et itinéraire personnel subjectif, dans un rapport de synergie et de complémentarité: le témoignage de l'individu aide et fait croître la foi de l'Eglise, la foi et le témoignage de l'Eglise suscitent et encouragent le choix de vocation de l'individu.

b) Le discernement effectué par le guide

Dans l'Exhortation Apostolique post-synodale Pastores dabo vobis, Jean-Paul II affirme: « La connaissance de la nature et de la mission du sacerdoce ministériel est le présupposé nécessaire et en même temps le guide le plus sûr et le stimulant le plus fort pour développer dans l'Eglise l'action pastorale, en vue de la promotion et du discernement des vocations sacerdotales et de la formation de ceux qui sont appelés au ministère ordonné ». (109)

Par analogie, on pourrait en dire de même lorsqu'il s'agit du discernement de toute vocation à la vie consacrée. Le présupposé incontournable pour discerner ces vocations consiste, avant tout, à tenir compte de la nature et de la mission de cet état de vie dans l'Eglise. (110)

Ce présupposé dérive directement de la certitude que c'est Dieu qui appelle et donc de la recherche des signes qui indiquent l'appel divin.

Nous indiquons maintenant quelques critères de discernement, que l'on peut répartir selon quatre catégories.

L'ouverture au mystère

Si la fermeture au mystère, caractéristique d'une certaine mentalité moderne, empêche d'être disponible à la vocation, son contraire, c'est-à-dire l'ouverture au mystère, est non seulement une condition positive pour la découverte de sa vocation, mais elle constitue le signe d'une saine option vocationnelle.

a) La certitude subjective authentique d'une vocation est celle qui laisse une place au mystère et à la sensation que sa décision, bien qu'étant ferme, devra continuer à scruter le mystère.

La certitude non authentique, en revanche, est une certitude non seulement faible et incapable d'engendrer une décision, mais aussi son contraire, à savoir la prétention d'avoir déjà tout compris, d'avoir exploré les profondeurs du mystère personnel, prétention qui ne peut que créer des raideurs et une certitude qui, bien souvent, est démentie dans la suite de la vie.

b) L'attitude typiquement d'une vocation est l'expression de la vertu de prudence, plus que l'exhibition d'une capacité personnelle. C'est la raison pour laquelle la sécurité de cette lecture de son propre avenir est celle de l'espérance qui naît de la confiance placée dans un Autre, dont on peut se fier; elle n'est pas le résultat d'une garantie basée sur la certitude que ses propres capacités correspondent aux exigences du rôle choisi.

c) Les capacités d'accueillir et d'intégrer les polarités opposées qui constituent la dialectique naturelle du moi et de la vie humaine sont aussi un bon indice de vocation. Par exemple, un jeune qui est suffisamment conscient de ses aspects positifs et négatifs, de ses idéaux et de ses contradictions, de la partie saine et moins saine de son projet de vocation, et qui ne présume ni ne désespère face à ses aspects négatifs, possède cette capacité.

d) Le jeune qui découvre les signes de l'appel de Dieu, non seulement dans des événements extraordinaires, mais dans son histoire, dans les événements qu'il a appris à lire en tant que croyant, dans ses interrogations, ses angoisses et ses aspirations, entretient une bonne familiarité avec le mystère de la vie comme lieu où il peut percevoir une présence et un appel.

e) Une autre caractéristique fondamentale de celui qui est authentiquement appelé rentre dans cette catégorie: celle de lagratitude. La vocation naît sur le terrain fécond de la gratitude et doit être interprétée avec un élan de générosité et de radicalisme, précisément parce qu'elle naît de la conscience de l'amour reçu.

L'identité dans la vocation

Le second ordre de critères tourne autour du concept d'« identité ». L'option vocationnelle indique et implique en effet la définition de son identité; elle est choix et réalisation du moi idéal, plus que du moi actuel, et devrait conduire la personne à avoir un sens substantiellement positif et stable de son moi.

a) La première condition est que la personne montre qu'elle est en mesure de se détacher de la logique de l'identification aux niveaux corporel (= le corps comme source d'identité positive) et psychique (= ses talents comme garantie unique et prédominante d'estime personnelle) et qu'elle découvre en revanche la positivité radicale liée de manière stable à l'être reçu en don de Dieu (c'est le niveau ontologique), et non pas à la précarité de l'avoir ou du paraître. La vocation chrétienne est ce qui permet à cette positivité de s'accomplir en réalisant au plus haut degré les possibilités du sujet, selon un projet qui normalement le dépasse car il est pensé par Dieu.

b) « Vocation » veut dire fondamentalement « appel »: il y a donc un sujet extérieur, un appel objectif et une disponibilité intérieure à se laisser appeler et à se reconnaître dans un modèle qui n'a pas été créé par l'appelé.

c) Quant à la motivation ou à la modalité du choix de vocation, le critère fondamental est celui de la totalité (ou loi de la totalité), à savoir que la décision est l'expression d'une implication totale des fonctions psychiques (coeur-esprit-volonté) et décision en même temps mentale, éthique et émotive.

d) En particulier, il existe une maturité vocationnelle lorsque la vocation est vécue et interprétée comme un don, mais aussi comme un appel exigeant: à vivre pour les autres, non seulement pour sa propre perfection, et avec les autres, dans l'Eglise mère de toutes les vocations, dans un « sequela Christi » spécifique.

Un projet de vocation riche de mémoire de foi

La troisième dimension sur laquelle l'attention de celui qui discerne devrait se concentrer est relative à la qualité du rapport entre passé et présent, entre mémoire et projet.

a) Avant tout, il est important que le jeune soit substantiellement réconcilié avec son passé: avec l'inévitable partie négative de celui-ci, quelle qu'elle soit, qui fait partie de lui, et avec la partie positive, qu'il devrait être en mesure de reconnaître avec gratitude; réconcilié aussi avec les figures significatives de son passé, avec leurs richesses et leurs faiblesses.

b) Il faut alors considérer avec attention le type de mémoire de son histoire que le jeune entretient, quelle interprétation il donne à sa vie: en termes de remerciements ou de lamentation? S'il se sent consciemment ou inconsciemment encore en attente de recevoir ou ouvert pour donner?

c) L'attitude du jeune face aux traumatismes, plus ou moins graves, de sa vie passée, est particulièrement significative. Projeter de se consacrer à Dieu veut dire, dans tous les cas, se réapproprier de la vie que l'on veut donner, sous tous ses aspects; tendre à intégrer ces éléments moins positifs, en les reconnaissant avec réalisme, en adoptant une attitude responsable et non pas d'autocommisération par rapport à eux. Un jeune « responsable » est un jeune qui s'engage à adopter une attitude active et créative par rapport à un événement négatif ou qui cherche à exploiter de façon intelligente une expérience négative personnelle.

Il faut accorder beaucoup d'attention aux vocations qui naissent des souffrances, des déceptions ou d'incidents variés qui ne sont pas encore bien intégrés. Dans ce cas, un discernement plus attentif est nécessaire, notamment en ayant recours à des spécialistes, pour ne pas faire porter des fardeaux trop lourds sur des épaules trop faibles.

La docilité à la vocation

La dernière phase de l'itinéraire d'une vocation est celle de la décision. Pour cette phase, les critères de maturité d'une vocation semblent être les suivants:

a) la qualité fondamentale est le degré de docibilitas de la personne, c'est-à-dire la liberté intérieure de se laisser conduire par un(e) frèresoeur aîné(e); en particulier lors des phases stratégiques de la ré-élaboration et de la ré-appropriation de son passé, surtout celui qui pose le plus de problèmes et, par conséquent, la liberté d'apprendre et de savoir changer.

b) La docilité est au fond la qualité de la jeunesse, non pas tant sur le plan de l'état civil que comme attitude existentielle globale. Il est important que celui qui demande à entrer au séminaire ou dans la vie consacrée soit vraiment « jeune », avec les vertus et les vulnérabilités typiques de cette période de la vie, avec le désir de faire et le désir de donner le maximum de soi, capable d'établir des rapports sociaux et d'apprécier la beauté de la vie, conscient de ses défauts et de ses potentialités, conscient du don d'avoir été choisi.

c) Un domaine particulièrement digne d'attention, aujourd'hui plus qu'hier est le secteur affectif et sexuel. (111) Il est important que le jeune manifeste les dispositions nécessaires pour acquérir les deux certitudes qui rendent la personne libre sur le plan affectif, c'est-à-dire la certitude qui vient de l'expérience d'avoir déjà été aimé et la certitude, toujours acquise par l'expérience, de se savoir aimé. Concrètement, le jeune devrait faire preuve d'un équilibre humain qui lui permette de savoir rester debout tout seul; il devrait posséder une assurance et une autonomie qui lui facilitent les rapports sociaux et l'amitié cordiale, ainsi qu'un sens de responsabilité qui lui permette de vivre les rapports sociaux en adulte, libre de donner et de recevoir.

d) En ce qui concerne les inconsistances, toujours dans le domaine affectif et sexuel, un discernement circonspect devrait tenir compte du caractère central de ce domaine dans l'évolution générale du jeune et dans la culture (ou sous-culture) actuelle. Il n'est pas si étrange ou si rare que le jeune manifeste des faiblesses spécifiques dans ce secteur.

A quelles conditions peut-on accueillir prudemment la requête de vocation de jeunes présentant ce type de problèmes? La condition est de rencontrer en même temps chez lui trois autres qualités:

1) Que le jeune soit conscient de la racine de son problème, qui très souvent n'est pas sexuel à l'origine.

2) La seconde condition est que le jeune ressente sa faiblesse comme un corps étranger à sa personnalité, comme quelque chose qu'il ne voudrait pas, qui jure avec son idéal et contre lequel il lutte de toutes ses forces.

3) Enfin, il est important de vérifier si le sujet est en mesure de contrôler cette faiblesse, en vue de la dépasser, soit parce que, de fait, il tombe moins souvent, soit parce que ces inclinations perturbent de moins en moins sa vie (notamment psychique) et lui permettent d'accomplir ses devoirs normaux sans créer de tension excessive ni occuper indûment son attention. (112) Ces trois critères doivent tous êtres présents pour permettre un discernement positif.

e) Enfin, la maturité d'une vocation est déterminée par un élément essentiel qui donne véritablement son sens à tout: l'acte de foi. L'option vocationnelle authentique est de tout point de vue l'expression d'une adhésion de foi, et est d'autant plus authentique qu'elle fait partie et constitue l'épilogue d'un cheminement de formation vers la maturité de la foi. A l'intérieur de la logique qui fait une place au mystère, l'acte de foi représente précisément le point central qui permet de maintenir un équilibre entre les polarités parfois opposées de la vie, éternellement en tension entre la certitude de l'appel et la conscience de son inaptitude, entre la sensation de se perdre et de se trouver, entre la grandeur des aspirations et la pesanteur des limites, entre la grâce et la nature,entre Dieu qui appel et l'homme qui répond. Le jeune authentiquement appelé devrait faire preuve de la solidité de l'acte de foi en parvenant à vivre de manière équilibrée avec ces différents pôles d'attraction.

CONCLUSION

Vers le Jubilé

38. Ce document est adressé aux Eglises d'Europe à un moment où le peuple de Dieu se prépare à célébrer un temps de grâce et de miséricorde, de conversion et de renouveau lors du Jubilé de l'an 2000. Le Congrès sur les vocations fait lui aussi partie de ce chemin de préparation et il contribue en quelque sorte à l'orienter, dans deux directions.

La première est une invitation à la conversion. La crise des vocations que nous avons vécue et à laquelle nous avons encore à faire face, ne peut pas ne pas nous faire réfléchir sur nos responsabilités, en tant que croyants appelés à diffuser le don de la foi et à encourager en chaque frère la disponibilité à l'appel.

Tous, de différentes façons, nous devons admettre que nous n'avons pas répondu pleinement à cet appel, que nous avons rendu l'Eglise, l'église de nos familles et de nos milieux de travail, de nos paroisses et de nos diocèses, de nos congrégations religieuses et de nos instituts séculiers, moins fidèle à sa tâche consistant à faire entendre la voix du Père qui appelle à suivre le Fils dans l'Esprit. Nous ne sortirons de la crise des vocations que si ce processus de conversion est sincère et porte des fruits de nouveauté de vie.

La seconde direction que ce document voudrait contribuer à imprimer au long du pèlerinage de l'Eglise vers le Jubilé est une invitation à l'espérance. Invitation qui émerge de l'ensemble du Congrès et que nous voudrions maintenant réaffirmer avec toute la force de notre foi. Peut-être n'existe-t-il aucun secteur de la vie de l'Eglise qui ait autant besoin de s'ouvrir à l'espérance que la pastorale des vocations, en particulier là où la crise se fait le plus sentir.

Voilà pourquoi nous réaffirmons, au terme de cette réflexion, notre certitude que le Maître de la moisson ne laissera pas son Eglise manquer d'ouvriers pour sa moisson. Bien plus, si l'espérance repose non pas sur nos prévisions et sur nos calculs, que le passé a souvent démentis, mais « sur Ta parole », alors nous pouvons et voulons croire en une nouvelle floraison de vocations pour les Eglises d'Europe.

Ce document veut être comme un hymne à l'optimisme de la foi remplie d'espérance, pour le réveiller chez les enfants, les adolescents et les jeunes, chez les parents et les éducateurs, chez les pasteurs et les prêtres, chez les personnes consacrées et chez tous ceux qui servent la vie aux côtés des nouvelles générations, dans l'ensemble du peuple de Dieu qui est en Europe.

Prions le Maître de la moisson

39. Notre document, qui a commencé par une action de grâces au Seigneur notre Dieu, ne peut pas s'achever sans une prière à la sainte Trinité, source et destin de toute vocation.

« Dieu le Père, source de l'amour, qui de toute éternité appelle à la vie et qui la donne en abondance, tourne ton regard sur cette terre d'Europe. Appelle-la encore, comme tu l'as appelée autrefois; mais fais surtout en sorte qu'elle soit consciente de Ton appel, de ses racines chrétiennes, de la responsabilité qui en découle. Rends-la consciente de sa vocation à promouvoir une culture de la vie, à respecter l'existence de chaque homme sous toutes ses formes et à chaque instant de cette existence, à unir les peuples, à accueillir l'étranger, à favoriser les formes de vie sociale civiles et démocratiques, afin qu'elle soit toujours davantage une Europe unie dans la paix et la fraternité.

Verbe éternel, qui de toute éternité accueille l'amour du Père et répond à son appel, ouvre le coeur et l'esprit des jeunes de cette terre afin qu'ils apprennent à se laisser aimer par Celui qui les a pensés à l'image de son Fils et, se laissant aimer, qu'ils aient le courage de réaliser cette image qui est la Tienne. Rends les forts et généreux, capables de risquer sur Ta parole, libres de voler haut, fascinés par la beauté de Te suivre. Suscite parmi eux les annonciateurs de Ton Evangile: des prêtres, des diacres, des personnes consacrées, des religieux et des laïcs, des missionnaires, des moines et des moniales qui sachent à leur tour, par leur vie, appeler et proposer de suivre le Christ Sauveur.

Esprit Saint, amour toujours jeune de Dieu, voix de l'Eternel qui ne cesse de résonner et d'appeler, libère le vieux continent de tout esprit de suffisance, de la culture de l'« homme sans vocation », de la peur qui empêche de risquer et rend la vie plate et insipide, du minimalisme qui crée une accoutumance à la médiocrité et qui tue tout élan intérieur et l'authentique esprit de jeunesse dans l'Eglise. Fais redécouvrir à nos jeunes le sens plénier de la « sequela » comme appel à être pleinement eux-mêmes, pleinement et pour toujours jeunes, chacun selon un projet pensé expressément pour lui, unique individu incomparable. Dans une Europe qui risque de devenir toujours plus vieille, fais le don de nouvelles vocations qui sachent témoigner de la « jeunesse » de Dieu et de l'Eglise, universelle et locale, d'Est en Ouest, et qui sachent formuler et encourager des projets de nouvelle sainteté, pour la naissance d'une nouvelle Europe.

Vierge Sainte, jeune fille d'Israël, que le Père a choisie comme épouse de l'Esprit pour engendrer son Fils sur la terre, engendre chez les jeunes d'Europe ce même courage hardi qui fut le tien; ce courage qui, un jour, te rendit libre de croire à un projet plus grand que toi, libre d'espérer que Dieu allait le réaliser. Toi qui es la mère du Prêtre Eternel, nous te confions les jeunes appelés au sacerdoce; toi qui es la première consacrée du Père, nous te confions les jeunes gens et les jeunes filles qui choisissent d'appartenir totalement au Seigneur, unique trésor et bien suprêmement aimé, dans la vie religieuse et consacrée; toi qui as vécu comme aucune créature la solitude de l'intimité la plus entière avec le Seigneur Jésus, nous te confions ceux qui quittent le monde pour se consacrer toute leur vie à la prière de la vie monastique; toi qui as engendré et assisté l'Eglise naissante avec un amour maternel, nous te confions toutes les vocations de cette Eglise, afin qu'elles annoncent à toutes les nations, aujourd'hui comme alors, que Jésus-Christ est le Seigneur, dans l'Esprit Saint, à la gloire de Dieu le Père! Amen ».

Rome, le 6 janvier 1998, Solennité de l'Epiphanie de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Pio Card. Laghi
Président

José Saraiva Martins
Archevêque tit. de Tuburnica
Vice-Président


(1) Ont participé à ce Congrès: 253 délégués provenant de 37 nations européennes et des représentants des différentes catégories vocationnelles (laïcs, personnes consacrées, prêtres, évêques), ainsi que quelques représentants des Eglises soeurs (protestants, orthodoxes et anglicans).

(2) Oeuvre Pontificale pour les vocations ecclésiastiques, La pastorale des vocations dans les Eglises particulières d'Europe. Document de travail du Congrès sur les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée en Europe, Rome 1996, n. 88. Désormais ce texte sera cité sous le sigle IL (Instrumentum Laboris).

(3) Ibidem, 15.

(4) Voir notamment Développements de la pastorale des vocations dans les Eglises particulières, expériences du passé et programmes pour l'avenir, Document final du IIème Congrès international des évêques et autres responsables des vocations ecclésiastiques (document émanant des Congrégations pour les Eglises Orientales, pour les Religieux et les Instituts Séculiers, pour l'Evangélisation des Peuples, pour l'Education Catholique), Rome 10-16 mai 1981; Oeuvre Pontificale pour les vocations ecclésiastiques, Développement de la pastorale des vocations dans les Eglises particulières (document émanant des Congrégations pour l'Education Catholique et pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique), Rome 1992; Déclaration finale du Ier Congrès continental latinoaméricain sur les vocations, Itaici 1994 (publiée in « Seminarium », 31994643-655).

(5) IL, 18.

(6) Cf. Propositions finales du Congrès européen sur les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, 8. A partir de maintenant, nous citerons ce texte en le désignant par le terme Propositions.

(7) IL, 32.

(8) Propositions, 7.

(9) Propositions, 3.

(10) Propositions, 4.

(11) Paul VI, Evangelii Nuntiandi, 2. Voir aussi, à ce sujet, de Jean-Paul II, Christifideles laici, 33-34, et Redemptoris missio, 33-34.

(12) Propositions, 19.

(13) Lumen Gentium, 32; 39-42 (chap. V).

(14) IL, 6.

(15) Propositions, 16.

(16) Propositions,19.

(17) La « culture des vocations » fut le thème du Message pontifical pour la 30ème Journée mondiale de prière pour les vocations, célébrée le 2V1993 (cf. « L'Osservatore Romano », 18XII1992; cf. aussi Congrégation pour l'Education Catholique, O.P.V.E., Messages pontificaux pour la Journée mondiale de prière pour les vocations, Rome 1994, pp. 241-245).

(18) Jean-Paul II, Discours aux participants au Congrès sur les vocations en Europe, in « L'Osservatore Romano », 11V1997, 4.

(19) Ibidem.

(20) Cf. Propositions, 12.

(21) IL, 6.

(22) Discours du Saint-Père, in « L'Osservatore Romano », 11 mai 1997, n. 107.

(23) Cf. Propositions, 20.

(24) Cf. Jean-Paul II, Vita consecrata, 64.

(25) IL, 85.

(26) Une expression analogue a déjà été utilisée dans le Document final du IIème Congrès international des Evêques et autres responsables des vocations ecclésiastiques, cf. Sviluppi, 3. A partir de maintenant, nous citerons ce document sous le sigle DF (Document final).

(27) Propositions, 3.

(28) Paul VI, Populorum progressio, 15.

(29) Gaudium et spes, 22.

(30) A ce propos, une thèse finale du Congrès affirmait: "Dans le contexte européen, il est important de faire ressortir le premier moment vocationnel, celui de la naissance. L'accueil de la vie montre que l'on croit en ce Dieu qui 'voit' et qui 'appelle' dès le sein maternel" (Propositions, 34).

(31) Jean-Paul II, Familiaris consortio, 11.

(32) C'est pourquoi, comme l'affirme une thèse du Congrès, "ce n'est qu'au contact vivant de Jésus-Christ Sauveur que les jeunes peuvent développer la capacité de communion, faire mûrir leur personnalité et décider de Le suivre" (Propositions, 13).

(33) IL, 55.

(34) Sacrosanctum Concilium, 10.

(35) Cf. Veritatis splendor, 23-24.

(36) Cf. Lumen gentium, chap. V.

(37) Cf. Propositions, 16.

(38) Rite de la Confirmation.

(39) Cf. Propositions, 35.

(40) Lumen gentium, 1.

(41) Cf. Propositions, 21.

(42) II Epiclèse.

(43) DF, 18.

(44) DF, 13.

(45) Cf. Propositions, 28.

(46) Ceci fait partie de l'enseignement dispensé avec insistance par Jean-Paul II dans les Lettres Encycliques « Slavorum Apostoli » (1985) et « Ut unum sint » (1995), ainsi que dans l'Exhortation Apostolique « Orientale lumen » (1995).

(47) IL, 58.

(48) Jean-Paul II, Christifideles laici, 55.

(49) Jean-Paul II, Pastores dabo vobis, 15.

(50) « Dans la pastorale spécifique des vocations, une place doit être faite à la vocation au diaconat permanent. Les diacres permanents constituent déjà une présence précieuse dans diverses paroisses et il serait réducteur de ne pas les inclure au nombre des nouvelles vocations de la nouvelle Europe » (Propositions, 18).

(51) Sacrosanctum Concilium, 10.

(52) « In laudibus Virginus Matris », Homilia II, 4: Sancti Bernardi opera, IV, Romae, Editiones Cistercenses, 1966, p. 23.

(53) « In Iohannis Evangelium Tractatus » VIII, 9: CCL 36, p. 87.

(54) Discours de Jean-Paul II aux participants au Congrès sur le thème: « De nouvelles vocations pour une nouvelle Europe » in « L'Osservatore Romano », 11 mai 1997, no 107.

(55) DF, 5.

(56) Cette expression se trouve dans l'Exhortation Apostolique de Jean-Paul II Pastores dabo vobis, no 34. Ce même document indique bien les motifs fondateurs qui lient intrinsèquement la pastorale des vocations à l'Eglise.

(57) Ibidem.

(58) Ibidem.

(59) IL, 58.

(60) L'expression « communauté chrétienne » est, en soi, une expression générale qui entend indiquer une Eglise particulière ou locale, comme par exemple une paroisse. Elle est l'équivalent d'un groupe de chrétiens vivant en un lieu et représente l'Eglise d'une manière actuelle, lorsqu'elle se rassemble pour prier et servir, pour rendre témoignage de l'amour et de la présence du Christ au milieu d'eux. En revanche, l'expression « communauté ecclésiale » possède un sens plus précis, car elle met en évidence la présence des éléments qui constituent l'Eglise, à partir du caractère central du mystère eucharistique. Elle s'applique en propre aux diocèses et aux paroisses qui sont des communautés ecclésiales eucharistiques grâce à la présence du ministère ordonné; les autres le sont par extension de sens. Cf. à ce propos DF, 13-16.

(61) Jean-Paul II, Discours au VIème Symposium des Conférences Episcopales Européennes, 11.10.1985.

(62) Pastores dabo vobis, 34.

(63) Ibidem, 35.

(64) Ibidem, 41.

(65) Cf. ibidem, 41.

(66) Ibidem, 66.

(67) Vita consecrata, 64.

(68) Ibidem.

(69) IL, 59.

(70) Cf. Déclaration, 26.

(71) Cf. Propositions, 25.

(72) Cf. Vita consecrata, 70.

(73) Propositions, 4.

(74) Propositions, 13.

(75) Cf. Propositions, 10.

(76) Cf. Propositions, 10.

(77) « La liturgie apparaît en soi comme un appel. C'est le lieu privilégié où l'ensemble du peuple de Dieu se retrouve d'une manière visible et où se réalise le mystère de la foi » (Propositions, 13).

(78) Dei Verbum, 25.

(79) « Le premier lieu de témoignage est la vie d'une Eglise qui se redécouvre "communion" et où les paroisses et les réalités associatives sont vécues comme communion de communauté » (Propositions, 14).

(80) Propositions, 21.

(81) Vita consecrata, 64.

(82) Lumen gentium, 12; 35; 40-42.

(83) Cf. Catechesi tradendae, 186.

(84) Propositions, 35, où les Evêques se voient une nouvelle fois rappeler la grande opportunité que leur offre la célébration de la Confirmation pour « appeler » les jeunes qui reçoivent ce sacrement.

(85) Propositions, 10.

(86) Propositions, 11.

(87) Propositions, 10.

(88) Pastores dabo vobis, 41.

(89) Cf. les sages indications sur ce thème du Document Final du IIème Congrès International de 1981, DF, 40.

(90) Cf. Optatam totius, 2; DF, 57-59; cf. aussi Développements de la pastorale, 89-91.

(91) Cf. Propositions, 10.

(92) « Parfois — a-t-on remarqué lors du Congrès — on constate une certaine difficulté dans les rapports entre Eglise locale et vie religieuse. Il est important de sortir d'une lecture fonctionnelle de la vie religieuse, même si l'on entrevoit déjà des signes d'orientations nouvelles après le Synode sur la vie consacrée. Cela vaut également pour les Instituts séculiers » (Propositions, 16).

(93) « Dans une situation religieuse et culturelle qui évolue rapidement, il devient indispensable de former des animateurs de base: catéchistes, paroisses, diacres, personnes consacrées, évêques... et de prendre soin de leur formation permanente » (Propositions, 17).

(94) Cf. Propositions, 29, où, parlant de ce Congrès européen pour les vocations, s'exprime le désir que celui-ci, comme geste de charité et d'échange de dons, "pourvoit aussi à une ?banque' de personnes qualifiées pour collaborer à la formation des formateurs". Quant à la constitution de cet organisme, on trouve aussi une sollicitation en ce sens dans l'Instrumentum laboris, 83 et 90h. Une expérience positive se déroule déjà depuis plusieurs années en Amérique latine. A Bogotà (Colombie), au siège du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM), le "Departimento de Vocaciones y Ministerios" (DEVYM) oeuvre de façon stable. Cet organisme a également constitué le point de référence pour la préparation et la célébration du premier Congrès continental pour l'Amérique latine, qui s'est déroulé à Itaici (Sao Paulo, Brésil) du 23 au 27 mai 1994.

(95) IL, 86.

(96) Cf. Propositions, 9.

(97) Paul VI, Regardez le Christ et l'Eglise, Message pour la XVème Journée mondiale de prière pour les vocations (16IV1978), in Insegnamenti di Paolo VI, XVI, 1978, pp. 256-260 (cf. aussi Congrégation pour l'Education Catholique, O.P.V.E., Messages Pontificaux, 127).

(98) Propositions, 15.

(99) Propositions, 9.

(100) Propositions, 22. Et encore: « La naissance de l'intérêt pour l'Evangile et pour une vie qui lui est radicalement consacrée, dépend en grande mesure du témoignage personnel de prêtres et de religieuxses heureux de leur condition. La majorité des candidats à la vie consacrée et au sacerdoce déclarent attribuer leur vocation à une rencontre avec un prêtre ou une personne consacrée » (ibidem, 11).

(101) Propositions, 12.

(102) Ainsi, la Proposition 23 affirme: « Il est important de souligner que les jeunes sont ouverts aux défis et aux propositions forts (qui sont "supérieurs à la moyenne", c'est-à-dire qui ont quelque chose "de plus"!) ».

(103) Qui revient sous forme de provocation dans les paroles de Paul aux Corinthiens : "Qu'as-tu que tu n'aies reçu?" (1 Co 4, 7).

(104) IL, 55.

(105) Propositions, 27.

(106) Propositions, 25.

(107) Cf. Propositions, 25.

(108) Cf. Propositions, 14.

(109) Pastores dabo vobis, 11.

(110) Cf. Jurado, Il discernimento, 262. Cf. aussi L. R. Moran, « Orientaciones doctrinales para una pastoral eclesial de las vocaciones », in Seminarium, 4 (1991), 697-725.

(111) Nous parlons ici d'une maturité affectivo-sexuelle de base, comme condition préalable à l'admission aux voeux religieux et au ministère ordonné, selon les deux voies des Eglises catholiques d'Europe, au ministère comportant le célibat (Eglise occidentale) et au ministère marié (Eglises orientales). Il est important que de la pastorale des vocations à la formation proprement dite les programmes pédagogiques soient cohérents et précis, pour que la préparation au ministère ordonné soit adaptée dans un cas comme dans l'autre, en particulier sur le plan de la solidité affective, et que l'exercice du ministère puisse ainsi atteindre l'objectif de l'annonce de l'amour de Dieu comme origine et terme de l'amour humain.

(112) Voir en ce sens la recommandation du Potissimum Institutioni d'écarter, en ce qui concerne l'homosexualité, non pas ceux qui ont cette tendance, mais "ceux qui ne parviendront pas à maîtriser ces tendances" (39), même si le verbe "maîtriser" doit être compris — selon nous — au sens plénier, non pas simplement comme effort de la volonté, mais avec la liberté progressive à l'égard des tendances elles-mêmes, dans le coeur et en esprit, au niveau de la volonté et des désirs.

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