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ANNEXES


  • ANNEXE II
    Un geste prophétique de communion et de solidarité


Annexe I.A

I. CONSÉCRATION - VOCATION

Vivre signifie être aimé par Dieu, à tous les instants. Si cela vaut pour toute existence, à plus forte raison pour le consacré et la consacrée qui doivent être conscients de la valeur de la vie en tant que don de Dieu, appel à vivre selon la logique de l'amour divin qui nous a été révélé dans le Christ! « La personne consacrée, dans les différents états de vie suscités par l'Esprit au cours de l'histoire, fait l'expérience de la vérité de Dieu qui est Amour, d'une manière d'autant plus directe et profonde qu'elle se situe sous la Croix du Christ » (VC, 24). Le consacré, en tant que baptisé qui se donne de façon encore plus radicale à Dieu et à ses frères, est une épiphanie de l'amour de Dieu Trinité qui veut se mettre en communion avec les hommes: « La vie reflète cette splendeur de l'amour, parce qu'elle fait profession, par sa fidélité au mystère du Calvaire, de croire à l'amour du Père, du Fils et de l'Esprit-Saint » (Ibidem).

1. Le Grand Jubilé que nous célébrons trouve dans la vie consacrée une splendide concrétisation historique et existentielle du mystère de l'amour de Dieu qui s'est manifesté dans la personne de Jésus-Christ. Le Grand Jubilé, en effet, représente une célébration solennelle pour les 2000 ans de l'Incarnation du Verbe du Père et de son Mystère pascal, réactualisé par la puissance de l'Esprit-Saint. Il s'agit de la concentration la plus haute du Mystère de Dieu-communion, Dieu-Amour: le Père, qui diffuse sa bonté en créant, se met en communion avec ses créatures à travers son Fils, Jésus-Christ, qui comme événement dans l'histoire représente la pleine communion entre Dieu et l'homme. Cette manifestation-communion du Père par son Fils Jésus se réalise, dans l'histoire, à travers l'effusion progressive de l'Esprit, condition indispensable pour que la communion entre Dieu et les hommes se réalise dans l'intimité.

Le projet éternel de Dieu est de rendre les hommes participants de sa vie trinitaire: par Jésus-Christ dans l'Esprit-Saint, l'homme a accès auprès du Père. La Paternité de Dieu ne représente pas un fait sentimental; elle est, plutôt, une réalité qui transfigure l'homme en l'insérant dans l'intimité de sa famille trinitaire. Les chrétiens sont « participants de la nature divine » (2 P 1,4) parce que, comme l'affirme la Lettre aux Ephésiens, « par le Christ les uns et les autres, nous avons accès auprès du Père en un seul Esprit » (cf. Eph 2,18). Etre saint signifie participer de la nature de Dieu Père par le Christ dans l'Esprit-Saint. Les Chrétiens deviennent ainsi « concitoyens des saints, ... de la maison de Dieu » (cf. Ep 2,19). Le dessein éternel de Dieu consiste, donc, à « réunifier toutes les choses dans le Christ » et, dès avant la création du monde, Il « a appelé » les hommes à se mettre en communion avec lui en les introduisant dans le mystère de son Fils incarné: « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui, du haut des cieux, nous a comblés de toutes sortes de bénédictions spirituelles dans le Christ. Ne nous a-t-il pas élu en lui, dès avant la création du monde, pour être saints et sans tache à ses yeux ? Ne nous a-t-il pas, dans son amour, prédestinés à devenir ses enfants adoptifs par Jésus-Christ, selon le bon plaisir de sa volonté ... En nous faisant connaître le mystère de sa volonté, selon le dessein bienveillant qu'il avait d'avance arrêté en lui-même pour le réaliser quand les temps seraient accomplis, à savoir: réunifier toutes choses dans le Christ, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre » (Ep 1,3-6.9-10).

2. Nous avons été élus, dès avant la création du monde, « dans » et « par » le Christ pour être «saints », à savoir, pour participer de la « vie sainte » de Dieu, de sa transcendance infinie. Cela constitue la « consécration » de tout baptisé, ou mieux, on peut dire que, dans le dessein de Dieu, tout être rationnel a cette vocation. La consécration s'identifie avec la divinisation de l'homme et cette dernière avec sa christification qui a lieu avec l'effusion de l'Esprit.

La vocation du consacré et de la consacrée est de rendre encore plus visible cette « consécration ». La vie consacrée est une « existence christiforme » qui ne peut se réaliser que « sur la base d'une vocation spéciale et en vertu d'un don particulier de l'Esprit. En elle, la consécration baptismale est amenée à donner une réponse radicale par la sequela Christi, grâce à la pratique des conseils évangéliques » (VC, 14). De cette façon le consacré est élu pour devenir, malgré sa faible humanité, une transparence vivante du mystère jubilaire du Christ. En effet, « dans la vie consacrée, il ne s'agit donc pas seulement de suivre le Christ de tout son cœur, en l'aimant « plus que son père ou que sa mère, plus que son fils ou que sa fille » (cf. Mt 10,37), comme il est demandé, mais de vivre et d'exprimer cela par une adhésion qui est « configuration » de toute l'existence au Christ, dans une orientation radicale qui anticipe la perfection eschatologique, selon les différents charismes et pour autant qu'il est possible d'y parvenir dans le temps » (VC, 16).

Le Christ est « l'image du Dieu invisible » (Col 1,15), et l'homme, quant à lui, est l'image du Christ: «Nous savons aussi qu'avec ceux qui l'aiment, Dieu collabore en toutes choses pour leur bien, eux qui sont ses élus selon son libre dessein. Car ceux qu'il a distingués d'avance, il les a aussi prédestinés à reproduire l'image de son Fils afin qu'il soit le premier-né d'une multitude de frères. Or, ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés; ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés; ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés » (Rm 8,28-30).

Le consacré est appelé à devenir, de façon radicale et encore plus complète, icône vivante du Christ: sa « consécration ultérieure » (VC, 30) est simplement son appel à une christification progressive, à être comme un sacrement vivant de la présence du Christ au milieu des hommes. Les consacrés, en effet, « en se laissant guider par l'Esprit pour avancer constamment sur un chemin de purification, deviennent, jour après jour, des personnes christiformes », prolongement dans l'histoire d'une présence spéciale du Seigneur ressuscité » (VC, 19).

3. Le Jubilé n'est pas une simple commémoration d'un événement passé. Il s'agit d'une réalité qui arrive, de quelque façon, chaque jour, parce que Jésus de Nazareth est vraiment ressuscité, et il est vivant parmi nous et en nous. Ou mieux, l'homme Jésus-Christ qui a vécu il y a vingt siècles, mort et ressuscité, constitue « le Principe et la Fin » (Ap 21,6), « l'Alpha et l'Oméga » (Ap 1,8; 21,6) de toute la création, car c'est en lui que tout a été créé, par Lui et pour Lui; il est antérieur à tout et tout subsiste en Lui (Col 1,16). Il constitue la ligne de partage de l'histoire, le meneur cosmique, le couronnement et le sens de tout événement et de l'univers tout entier.

Le consacré est conscient qu'il a été humblement élu pour rendre visible aujourd'hui le mystère du Christ. Si « la religion qui a pour fondement le Christ Jésus est la religion de la gloire, qui est d'exister dans la nouveauté de la vie à la louange de la gloire de Dieu (cf. Ép 1,12) » et si « l'homme (vivens homo) est une épiphanie de la gloire de Dieu, appelé à vivre de la plénitude de la vie en Dieu » (TMA, 6), à plus forte raison le consacré, qui a été élu pour témoigner de façon encore plus radicale dans le monde, du mystère du Christ.

S'il est vrai que « l'Année Sainte devra être un chant unique, ininterrompu, de louange à la Trinité, Dieu Suprême », les consacrés ont une autre raison pour chanter des hymnes à la louange de Dieu et le remercier: ils ont été élus par Dieu, par leur consécration religieuse, pour que les hommes et les femmes d'aujourd'hui voient qu'ils peuvent expérimenter le mystère ineffable de Dieu qui, dans la personne du Christ, a fait irruption dans notre histoire.

L'homme contemporain a besoin de constater que les promesses de Dieu, réalisées dans la personne du Christ il y a 2000 ans, s'accomplissent aujourd'hui aussi pour lui. L'homme contemporain, étouffé par des milliers de messages, par le verbiage incessant, a plus que jamais besoin de la « Bonne Nouvelle », de la « Parole » qui se fait chair de sa chair. L'homme d'aujourd'hui en a assez de fausses promesses de bonheur; il a besoin de promesses qui s'accomplissent; il a un besoin désespéré de Salut. L'homme d'aujourd'hui est assoiffé et affamé d'amour, d'amitié, de compréhension; il a besoin de quelqu'un qui l'aide à vaincre ses angoisses, ses peurs, ses incertitudes; il a besoin de quelqu'un qui donne un sens à l'absurdité apparente qui l'entoure.

Redécouvrir le visage du Christ, telle est la finalité première du Jubilé. C'est aussi le défi des consacrés d'en être les protagonistes... 

Annexe I.B

II. COMMUNION - OECUMÉNISME

En cette année jubilaire qui marque le début du troisième millénaire chrétien, qui rappele l'incarnation du Seigneur, l'Eglise est appelée à se redécouvrir encore une fois comme mystère de communion. Le dessein que le Père a d'avance arrêté sur le monde est que les hommes soient et vivent comme enfants adoptifs par le Fils unique (Ep 1,4s) et que Dieu soit « tout en tous » (1 Co 15,28). Le mystère de la communion, fondé sur le Christ, Verbe incarné, mort et ressuscité, et devenu possible pour nous grâce à l'effusion de l'Esprit-Saint, est le mystère même de l'Eglise. La vie consacrée, en tant que don spécial de l'Esprit, a la tâche de rendre visible la communion dans le peuple de Dieu par une vie fraternelle vécue de façon authentique et stable; le monde pourra trouver ainsi dans la communion la réponse à son désir profond d'un rapport authentique avec Dieu et ses frères.

1. Jésus, avant de se donner lui-même pour le salut du monde, prie son Père pour que tous soient un, en indiquant comme paradigme de cette unité son éternel rapport filial: « comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient un en nous... moi en eux et toi en moi, afin que leur unité soit parfaite et que le monde reconnaisse que c'est toi qui m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé » (Jn 17,21-23). Dieu a un seul but pour le monde: que les hommes soient participants de la vie divine qui est amour parfait, réciprocité parfaite de dévouement entre le Père et le Fils dans l'Esprit-Saint. Le Père a créé tout homme, Il a envoyé son Fils unique et Il a répandu l'Esprit pour que chacun soit introduit dans la vie divine et vive en communion avec tous.

L'Eglise, qui naît du sacrifice du Christ et de l'effusion de l'Esprit, n'a aucun autre but que de rendre possible la « communion » des hommes, d'ouvrir la vie trinitaire à toute l'humanité. Et puisque la vie divine est vie trinitaire (de communion), l'Eglise est le « sacrement » où est rendu possible aux hommes de se sauver comme membres de l'unique famille de Dieu.

S. Paul écrit: « Tous, en effet, nous avons été baptisés en un seul Esprit pour ne former qu'un seul corps », (1 Cor 12,13; Eph 4,4). L'Esprit est, en effet, principe de communion parce qu'il est l'expression personnifiée de l'Agape (Amour) divine qui, par sa nature, unit: « l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5). Il est principe d'unité et de communion parce que l'unité de l'Eglise est grâce et don de Dieu: en devenant un seul corps avec le Christ, se constitue l'Eglise, réalisation du dessein éternel de Dieu. Jésus s'est incarné, il est mort et ressuscité afin que cette unité se réalise, pour ramener les hommes, déchirés par le péché, à l'unité avec le Père, le Fils et l'Esprit-Saint (cf. Ep 2,11-22).

2. Si ceci est le mystère de l'Eglise comme communion, les consacrés, appelés à une radicalité spéciale dans la suite du Christ et à une visibilité spéciale de leur conformation avec Lui, sont aussi appelés à montrer au monde la visibilité de l'Eglise comme mystère de communion. La vie fraternelle qui doit caractériser les consacrés, selon les diverses spiritualités, devient le lieu où le mystère ecclésial se donne dans la visibilité de personnes qui se reconnaissent membres les uns des autres dans le Christ. Si le consacré doit actualiser la radicalité de sa vocation baptismale, cela veut dire que sa vocation de consacré est une vocation à l'ecclésialité, à la communion. La justification théologique de la vie consacrée, de ce point de vue, consiste à devenir de plus en plus dans l'Eglise un élément de promotion de vie en communion. On se consacre au Seigneur pour vivre de façon plus radicale sa propre ecclesialité, à savoir son être-communion dont l'origine, le modèle et le terme est la Trinité: «Une tâche importante est confiée à la vie consacrée, notamment à la lumière de la doctrine de l'Eglise comme communion, proposée par le Concile Vatican II avec tant de vigueur. Aux personnes consacrées, il est demandé d'être vraiment expertes en communion et d'en pratiquer la spiritualité » (VC, 46).

La vie fraternelle dans laquelle les consacrés sont appelés à vivre leur vocation devient l'expression d'une vie authentiquement ecclésiale: « l'Eglise est essentiellement mystère de communion, “peuple uni de l'unité du Père, du Fils et de l'Esprit-Saint” (S. Cyprien, De Oratione Dominica, 23: PL 4, 553). La vie fraternelle tend à refléter la profondeur et la richesse de ce mystère, en se construisant comme un espace humain habité par la Trinité, qui prolonge ainsi dans l'histoire les dons de communion propres aux trois Personnes divines » (VC, 41).

La fraternité où les consacrés vivent leur appartenance au Seigneur ne peut pas être réduite simplement à des dynamiques sociologiques ou psychologiques: elle doit être redécouverte et comprise dans son caractère théologal de don et de mystère: « Dans la vie de communauté, on doit pouvoir en quelque sorte saisir que la communion fraternelle, avant d'être un moyen pour une mission déterminée, est un lieu théologal où l'on peut faire l'expérience de la présence mystique du Seigneur ressuscité (cfr. Mt 18,20) » (VC, 42).

En célébrant le grand Jubilé il est vraiment significatif de rappeler que, pendant les deux mille années d'histoire de l'Eglise, les consacrés ont été une présence prophétique et inspiratrice de communion pour toute la communauté ecclésiale: « La vie consacrée a certainement le mérite d'avoir contribué efficacement à maintenir dans l'Eglise l'exigence de la fraternité comme confession de la Trinité » (VC, 41). Il faut que cette impulsion prophétique des consacrés ne disparaisse jamais; au contraire, il faut qu'elle soit reprise sans cesse et alimentée dans ce troisième millénaire chrétien.

3. Pour cette vocation spéciale à l'ecclésialité, qui revient aux consacrés, la vie fraternelle en communion doit être nourrie chaque jour par une prière personnelle et communautaire fidèle, par une écoute constante de la Parole de Dieu, par une révision de vie sincère qui tire du sacrement de la Réconciliation la force pour une renaissance continue, par une imploration tenace de l'unité, « don de l'Esprit à ceux qui se mettent à l'écoute obéissante de l'Evangile ». « C'est précisément Lui, l'Esprit, qui introduit l'âme dans la communion avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ (cfr. 1 Jn 1,3) » (VC, 42). C'est seulement si l'Esprit s'empare de notre humanité, de notre cœur, de notre besoin d'amour et de tendresse, qu'alors les communautés religieuses seront des « petites églises », signe de la présence de l'Esprit.

Dans cette dynamique de vie fraternelle, qui exprime pour l'Eglise et pour le monde un signe de communion authentique avec Dieu et les hommes, on doit donner une place absolument centrale au sacrement de la communion par excellence, la Très Sainte Eucharistie: « Elle est le cœur de la vie ecclésiale, elle l'est aussi pour la vie consacrée. Dans la profession des conseils évangéliques, comment la personne appelée à choisir celui qui seul donne un sens à son existence, ne pourrait-elle pas désirer avec Lui une communion toujours plus profonde par la participation quotidienne au Sacrement qui Le rend présent, au Sacrifice qui rend présent son don d'amour au Golgotha, au repas qui nourrit et soutient le Peuple de Dieu en pèlerinage? » (VC, 95). Il n'est pas possible pour les consacrés d'être des témoins de communion si leur existence n'a pas son cœur dans le Mémorial du Mystère pascal: « De par sa nature, l'Eucharistie est au centre de la vie consacrée, personnelle et communautaire. [...]. En elle, tout consacré est appelé à vivre le Mystère pascal du Christ, s'unissant à Lui dans l'offrande de sa vie au Père par l'Esprit. [...]. Et dans la célébration du mystère du Corps et du Sang du Seigneur, s'affermissent et progressent l'unité et la charité de ceux qui ont consacré à Dieu leur existence » (VC, 95).

4. Dans cette grande célébration jubilaire, la vie consacrée, en se redécouvrant comme signe de la vie en communion, indique au monde contemporain la réponse que Dieu lui-même donne à l'homme qui désire ardemment une relation véritable avec Lui et avec les hommes. L'homme, en effet, est exigence de communion et de bonheur total. Dans le Christ seulement il reçoit la grâce de son accomplissement.

A notre époque, douloureusement marquée par les individualismes extrêmes qui dressent l'homme contre l'homme et, en même temps, par les collectivismes où la personne est sacrifiée pour l'affirmation d'une ethnie ou d'une nation sur l'autre, le grand jubilé rappelle à tous le mystère de la communion qui nous a été révélée dans le Christ et offerte à tous les hommes, qui jaillit du cœur même de Dieu Trinité. Là, à l'image de l'ineffable mystère divin, les personnes sont appelées à sortir d'elles-mêmes pour trouver leur véritable identité en se donnant aux autres. Là, la vie en communion vécue par les consacrés acquiert un rôle particulièrement urgent aujourd'hui: « En favorisant constamment l'amour fraternel, notamment sous la forme de la vie commune, elle [la vie consacrée] a montré que la participation à la communion trinitaire peut changer les rapports humains et créer un nouveau type de solidarité. De cette manière, elle fait voir aux hommes la beauté de la communion fraternelle et les voies qui y conduisent concrètement. En effet, les personnes consacrées vivent “pour” Dieu et “de” Dieu, et c'est pourquoi elles peuvent confesser la puissance de l'action réconciliatrice de la grâce, qui anéantit les forces de division présentes dans le cœur de l'homme et dans les rapports sociaux » (VC, 41).

La vie consacrée, avec sa bimillénaire expérience de vie fraternelle, est appelée dans ce début du troisième millénaire plus que jamais à témoigner de la communion comme de la réalité où l'homme arrive vraiment à lui-même, se laissant aimer et apprenant à faire de soi un authentique don, dans le respect et dans la valorisation de toutes les différences, qui dans le mystère de la communion deviennent richesse et facteurs d'unité et non plus de division: « Insérées dans les sociétés de ce monde — des sociétés souvent traversées de passions et d'intérêts conflictuels, aspirant à l'unité, mais incertaine sur les voies à prendre —, les communautés de vie consacrée, où se rencontrent comme des frères et des sœurs des personnes d'âges, de langues et de cultures diverses, se situent comme signes d'un dialogue toujours possible et d'une communion capable d'harmoniser toutes les différences » (VC, 51).

Par conséquent, que tous ceux que Dieu a appelés à une conformation spéciale au Christ soient conscients que « l'Eglise confie aux communautés de vie consacrée le devoir particulier de développer la spiritualité de la communion d'abord à l'intérieur d'elles-mêmes, puis dans la communauté ecclésiale et au-delà de ses limites, en poursuivant constamment le dialogue de la charité, surtout là où le monde d'aujourd'hui est déchiré par la haine ethnique ou la folie homicide » (VC, 51).

Mais précisément, face à cette tâche de promoteurs d'unité parmi l'humanité, comment peut-on ne pas sentir la douleur pour les divisions internes au peuple de Dieu et, par conséquent, l'urgence que la pleine communion entre tous les chrétiens se réalise! Il faudra donc que dans la vie consacrée le désir ardent et l'engagement pour l'unité de tous les croyants dans le Christ occupent une place privilégiée. Cela veut dire en premier lieu, faire sienne la prière du Christ lui-même: « que leur unité soit parfaite (Jn 17,23) ». Il faut en être bien conscients, « en définitive, l'unité est un don de l'Esprit-Saint » (TMA 34), c'est pourquoi toute « l'Eglise demande au Seigneur que croisse l'unité entre tous les chrétiens des diverses Confessions jusqu'à atteindre la pleine communion » (TMA 16). Par conséquent la tâche des consacrés à cet égard devient évidente: « En effet, du fait que l'âme de l'œcuménisme est la prière et la conversion, il n'est pas douteux que les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique ont un devoir particulier de cultiver cet engagement. Il est donc urgent que, dans la vie des personnes consacrées, on réserve plus de place à la prière œcuménique et au témoignage authentiquement évangélique, afin que, par la force de l'Esprit-Saint, on puisse abattre les murs des divisions et des préjugés entre les chrétiens » (VC, 100). 

Annexe I.C

III. MISSION - TÉMOIGNAGE - MARTYRE

Le Grand Jubilé, « l'année de grâce », n'a d'autre but que de créer les conditions les plus favorables pour l'Eglise, corps du Christ, afin que l'Esprit la renouvelle encore une fois et la purifie, réactualisant pendant le temps jubilaire l'œuvre de libération et de guérison qu'il a réalisée dans la Personne de Jésus de Nazareth il y a vingt siècles: « L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a conféré l'onction, il m'a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, proclamer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, rendre aux opprimés la liberté, proclamer une année de faveur du Seigneur (“une année de jubilé”) » (Lc 4,18-19).

1. Si le charisme de la vie consacrée consiste surtout à être plus conformé au Christ, alors le religieux aussi, en un certain sens, est oint par l'Esprit pour être envoyé dans le monde. Du reste, comme chacun sait, la vie religieuse comme charisme est donnée pour le bien du Corps du Christ qui est l'Eglise. Le document Vita Consecrata affirme: « Le même Esprit, loin de soustraire à l'histoire des hommes les personnes appelées par le Père, les met au service de leurs frères selon les modalités propres de leur état de vie et il les pousse à accomplir des missions particulières, en rapport avec les besoins de l'Eglise et du monde, à travers les charismes propres des différents Instituts. C'est l'origine des multiples formes de vie consacrée, grâce auxquelles l'Eglise est “ornée des dons variés de ses enfants comme une épouse parée pour son époux (cf. Ap 21,2)” et dotée d'une grande diversité de moyens pour accomplir sa mission dans le monde » (VC, 19).

Dans cette année jubilaire les consacrés, en tant que christifiés (« oints » à travers le baptême et la consécration religieuse), se laisseront compénétrer encore davantage par la puissance de l'Esprit pour actualiser avec efficacité leur mission dans le monde: « A l'image de Jésus, Fils bien-aimé “que le Père a consacré et envoyé dans le monde” (Jn 10,36), ceux que Dieu appelle à sa suite sont eux aussi consacrés et envoyés dans le monde pour imiter son exemple et continuer sa mission. Cela s'applique à tous les disciples en général. Toutefois, cela s'applique de manière particulière à ceux qui sont appelés à suivre le Christ “de plus près”, dans la forme spécifique de la vie consacrée, et à faire de Lui le “tout” de leur existence. Leur appel comprend donc l'engagement à se donner totalement à la mission; de plus, sous l'action de l'Esprit-Saint, qui est à l'origine de toute vocation et de tout charisme, la vie consacrée elle-même devient une mission, comme l'a été la vie de Jésus tout entière » (VC, 72).

Jésus le Christ, en effet, celui sur lequel l'Esprit descend et se pose, a vécu toute sa vie comme une mission du Père: son Père l'a envoyé; il ne vient pas de lui-même, mais c'est le Père qui l'a envoyé (Jn 8,42) pour faire sa volonté, et sa volonté est que rien de ce qu'il lui a donné ne soit perdu, mais qu'il le ressuscite au dernier jour (Jn 6,38s). De la même manière le consacré et la consacrée, appelés à se conformer visiblement au Christ, devront vivre leur vie comme mission et faire particulièrement leur l'expression du Christ Ressuscité: « comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20,21)! L'existence concrète des consacrés, donc, avec tous ses dons spécifiques, est appelée à s'exprimer complètement dans la mission pour le salut du monde.

2. Aujourd'hui, l'Eglise ressent de plus en plus l'exigence d'unir à l'œuvre d'évangélisation celle de la «nouvelle évangélisation » et l'on devient conscient aussi du rôle décisif qu'en elle, le consacré et la consacrée doivent jouer. Cette exigence si importante demande, plus qu'un effort d'organisation ou de stratégie, une plus grande docilité à l'action de l'Esprit-Saint, sans laquelle on risque de « se fatiguer en vain ». En effet, « l'évangélisation ne sera jamais possible sans l'action de l'Esprit-Saint », affirmait Paul VI (EN 75), et Jean Paul II, reprenant l'enseignement de son prédécesseur, insiste: « L'Esprit est aussi pour notre époque l'agent principal de la nouvelle évangélisation. Il importera donc de redécouvrir l'Esprit comme Celui qui construit le Royaume de Dieu au cours de l'histoire et prépare sa pleine manifestation en Jésus-Christ, en animant les hommes de l'intérieur et en faisant croître dans la vie des hommes les germes du salut définitif qui adviendra à la fin des temps » (TMA 45).

A l'égard des consacrés qui sont appelés à évangéliser, le document Vita Consecrata affirme: « Il revient spécifiquement aux personnes consacrées de contribuer à l'évangélisation avant tout par le témoignage d'une vie totalement donnée à Dieu et à leurs frères, par l'imitation du Sauveur qui, par amour de l'homme, s'est fait esclave. Dans l'œuvre du salut, en effet, tout vient de la participation à l'agapê divine. Les personnes consacrées rendent visible, par leur consécration et leur total don de soi, la présence amoureuse et salvifique du Christ, le consacré du Père, envoyé en mission. En se laissant saisir par Lui (cf. Ph 3,12), elles se préparent à devenir, d'une certaine manière, un prolongement de son humanité. La vie consacrée montre avec éloquence que plus on vit dans le Christ, mieux on peut le servir dans les autres, en se portant jusqu'aux avant-postes de la mission et en prenant les plus grands risques » (VC, 76).

Donc, l'évangélisation n'est autre que la diffusion parmi les hommes de la vie du Christ que le consacré expérimente déjà dans l'Esprit-Saint. L'œuvre d'évangélisation la plus grande que le consacré puisse réaliser est de vivre sérieusement son être-Eglise, son « être-en-communion », réalité qui constitue la preuve définitive de la présence et de l'activité de l'Esprit dans son intériorité.

Si nous voulons voir nos communautés consacrées se renouveler et les vocations refleurir, il faut que l'Esprit devienne vraiment le protagoniste au niveau personnel et communautaire de la vie consacrée, dans une authentique dynamique missionnaire. La vie consacrée doit vraiment devenir « vie dans l'Esprit », ce qui veut dire: conversion du « je » (également le « je » de sa propre congrégation ou province), au « nous » de la communion et de la mission ecclésiale; dépassement des forces qui mènent vers la mort pour s'ouvrir à la vie; dépassement d'un faux attachement au passé et ouverture prophétique, nourrie par la vraie Tradition, vers le futur, à la recherche de la volonté de Dieu; dépassement de notre petit provincialisme pour s'ouvrir aux horizons de la catholicité; dépassement de la logique de la chair et du monde pour s'ouvrir à la logique de l'Evangile et du mystère pascal, qui est logique de la croix et de la résurrection. En définitive, il s'agit de renouveler continuellement notre option pour Dieu, suprêmement aimé, dans la suite du Christ, confortés et animés par la puissance de l'Esprit.

3. La mission des consacrés doit être toujours, mais surtout dans cette « année de grâce », comme celle du Christ: « annoncer la bonne nouvelle aux pauvres ». Nos frères et nos sœurs d'aujourd'hui ne souffrent pas seulement de la pauvreté matérielle (la faim, l'éradication de leur terre, la persécution, la guerre, le chômage, la maladie, l'abandon...), mais aussi la pauvreté spirituelle (la solitude, le désespoir, la dégradation morale, la perte des valeurs, l'exploitation...). Les consacrés sont appelés à annoncer à tous ceux-ci la « bonne nouvelle » du salut, de la libération. Les moines et les moniales et les différents religieux et religieuses de vie active, annonceront aux hommes qui souffrent qu'on peut encore espérer, qu'on peut aimer. Eux qui ont expérimenté dans leur vie l'action libératrice du Christ, pourront témoigner des fruits de la Rédemption à tous les hommes. Eux, qui par vocation sont entrés « dans l'année de grâce », diront par leur vie, leurs paroles et leurs œuvres que le royaume de Dieu, inauguré par Jésus-Christ il y a vingt siècles, est puissant et efficace pour tout le monde: il peut et doit pénétrer dans le tissu de notre société, il peut et doit changer le cœur des hommes et des structures sociales, il peut changer l'injustice en justice, le désespoir en espoir, la haine en amour.

Dans les consacrés et dans les consacrées, le Christ continuera encore aujourd'hui à passer « en faisant du bien à tous », Il continuera à essuyer les larmes, à consoler les affligés, à donner à manger aux affamés, à caresser les enfants, à libérer les prisonniers. Il reste, cependant, profondément vrai pour tous les religieux que: « la mission, avant de se caractériser par les œuvres extérieures, consiste à rendre présent au monde le Christ lui-même par le témoignage personnel. Voilà le défi, voilà le but premier de la vie consacrée! Plus on se laisse configurer au Christ, plus on le rend présent et agissant dans le monde pour le salut des hommes » (VC, 72).

A l'aube du troisième millénaire chrétien, en rappelant que notre tâche de consacrés est de partager la mission du Christ, il est juste, pour finir, de faire mémoire aussi de tous ceux qui, consacrés à Dieu, ont été fidèles à l'Evangile jusqu'à l'effusion du sang.

Le Christ, le « témoin fidèle » (Ap 1,5), a mené sa mission en aimant « jusqu'au bout » (Jn 13,1), en obéissant jusqu'à la mort sur la croix; dans l'Eglise, son Corps et son Epouse, les personnes consacrées sont appelées à donner le même témoignage de la Vérité de Dieu, prêtes à « répondre à quiconque vous demande raison de l'espérance qui est en vous » (1 P 3,15).

Combien, donc, faut-il rendre grâce à Dieu pour le don de tant de consacrés et de consacrées qui ont donné leur vie pour témoigner de l'amour du Christ pour chaque homme! A cet égard, l'exhortation apostolique Vita Consecrata, rappelant les situations les plus récentes, affirme: « des hommes et des femmes consacrés ont rendu témoignage au Christ Seigneur par le don de leur vie. Ils sont des milliers, ceux qui, contraints à se réfugier dans les catacombes à cause de la persécution de régimes totalitaires ou de groupes violents, entravés dans leur activité missionnaire, dans l'action en faveur des pauvres, dans l'assistance aux malades et aux marginaux, ont vécu et vivent leur consécration au prix de souffrances prolongées et héroïques, et souvent en versant leur sang, étant ainsi pleinement configurés au Seigneur crucifié. L'Eglise a déjà reconnu officiellement la sainteté de certains d'entre eux en les honorant comme des martyrs du Christ. Ils nous éclairent par leur exemple, ils intercèdent pour notre fidélité, ils nous attendent dans la gloire. Vif est le désir que la mémoire de tant de témoins de la foi demeure dans la conscience de l'Eglise comme une invitation à les célébrer et à les imiter » (VC, 86). 

Annexe II

UN GESTE PROPHÉTIQUE DE COMMUNION
ET DE SOLIDARITÉ

La Commission — formée par les Unions USG (Union des Supérieurs Généraux), UISG (Union Internationale des Supérieures Générales) et CMSI (Conférence Mondiale des Instituts Séculiers) — qui collabore avec la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique (CIVCSVA) à la préparation du Jubilé pour la vie consacrée, a estimé positif et efficace de répondre au désir exprimé par beaucoup de souligner l'aspect du pardon, de la solidarité et de l'accueil mutuel, comme l'esprit même du Jubilé le suggère, en faisant un geste prophétique de communion venant de toutes les personnes consacrées, en faveur des plus pauvres. Plusieurs propositions sont actuellement à l'étude.

Poussés par ce désir de communion, nous demandons donc à chaque communauté — même la plus pauvre — d'offrir, selon ses possibilités, une contribution qui veuille exprimer la conscience, de la part de la vie consacrée, de la grande pauvreté qui blesse l'humanité en tout domaine.

Nous voulons accomplir ce geste d'amour pendant le temps de l'Avent, temps d'attente et d'impétration, pour que, commémorant — après 2000 ans — la naissance de Jésus Sauveur et Rédempteur, nos cœurs puissent être renouvelés par son Amour et par un nouvel élan de charité, condition préalable pour obtenir le don de la paix pour les hommes et les nations.

Le fruit de cette collecte sera remis au Saint-Père par les Présidents des Unions, durant la célébration eucharistique qui aura lieu en la Basilique Saint-Pierre le 2 février 2000. Tous les Instituts de vie consacrée résidant à Rome seront présents et, à travers le don offert, chaque communauté du monde sera représentée. Ce geste veut exprimer la communion, vécue dans la foi et dans l'espérance et appuyée par le sacrifice, que tous nous voulons renforcer en nous, dans nos communautés, dans nos nations et dans le monde entier.

Chaque communauté pourra envoyer son offrande à travers la Conférence des pays respectifs ou à travers le Supérieur ou la Supérieure Générale de son Institut. Ces derniers, à leur tour, la donneront à la CIVCSVA qui la remettra aux Présidents des Unions, pour être présentée au Saint-Père.

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