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HOMÉLIE DU CARDINAL JOZEF TOMKO
LORS DE LA MESSE COMMÉMORATIVE DU BICENTENAIRE
DE LA NAISSANCE DE PAULINE JARICOT À LYON (FRANCE)

Dimanche 19 septembre 1999

 

Frères et sœurs,

Le deuxième centenaire de Pauline Jaricot me donne l'heureuse occasion de venir en France célébrer cette femme qui a eu tant d'influence sur l'essor de la mission dans le monde depuis le siècle dernier. Nous nous rassemblons sur cette colline de Fourvière que Pauline aimait tant; et j'aurai la grâce de me rendre près de son tombeau en l'Eglise Saint-Nizier, lieu marquant de son itinéraire spirituel.

Je remercie de tout cœur le Comité épiscopal de la coopération missionnaire de son invitation, et je dis ma gratitude pour leur accueil à Mgr Louis-Marie Billé, Archevêque de Lyon, au Père Emmanuel Lafont et à tous ceux qui les entourent aujourd'hui. Je me réjouis de célébrer l'Eucharistie dans cette ville au riche patrimoine spirituel et à la vivante tradition missionnaire. Dans le monde entier, on rend grâce pour le rayonnement de l'œuvre de la Propagation de la Foi, fondée par Pauline Jaricot, main- tenue vivante et largement développée spécialement en France grâce à de nombreux diocésains de Lyon, fidèles depuis les origines aux intuitions spirituelles, et aux impulsions efficaces de la fondatrice. Avec Mgr Prince, Secrétaire général des oeuvres pontificales missionnaires, je salue cordialement Monsieur Gaétan Boucharlat et tous les animateurs présents de ces institutions admirables.

1. Lorsque nous méditons la Parole de Dieu, dimanche après dimanche, sommes-nous attentifs à l'exigence missionnaire qu'elle comporte toujours, d'une manière ou de l'autre? Avez-vous bien entendu saint Paul dire à son disciple Timothée: «Dieu (...) veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité»?

Vous savez que les dernières paroles du Christ avant l'Ascension ont été l'envoi en mission des disciples. Et les paroles de saint Paul que je viens de citer nous en dévoilent la source fondamentale: la volonté universelle de salut de Dieu. Il n'est pas d'exception, dans aucune région du monde, dans aucune culture: tout être humain est aimé de Dieu qui appelle chacun de nos frères humains à le connaître, à entrer dans l'unité de son amour.

2. Saint Paul ajoutait: «Il n'y a qu'un seul médiateur entre Dieu et les hommes». Là encore, nous trouvons au cœur de notre foi un motif central pour l'évangélisation: la volonté de salut de Dieu et son amour sans limite pour les créatures qu'il aime s'expriment dans la personne du Verbe incarné, du Fils fait homme pour ramener vers le Père ses enfants bien-aimés. Et nous devons concentrer nos pensées et nos sentiments sur la présence vivante du Fils de Dieu parmi nous et en nous.

L'Incarnation du Fils de Dieu est une réalité unique, singulière, inconcevable s'il ne nous était révélé. C'est dans ce fait original que réside l'identité même du christianisme. C'est l'événement qui partage l'histoire entre l'avant et l'après Jésus-Christ. C'est l'événement qui inaugure ces temps qui sont les derniers, comme le dit l'Ecriture.

Nous vivons le temps du salut, marqué par la personne de Jésus-Christ, envoyé par le Père pour révéler son vrai visage, de même que l'Esprit a été envoyé pour poursuivre l'œuvre de Jésus-Christ dans l'humanité, de génération en génération.

Quand nous avons saisi que Jésus a livré sa vie pour nous rassembler en un seul Corps, son appel s'impose à nous afin de le suivre dans l'offrande de notre vie et de notre action. La mission qu'il confie aux chrétiens n'est autre que la continuation de la mission confiée par le Père à son Fils pour sauver le monde par la puissance de l'Esprit Saint.

3. Nous avons reçu de saint Paul des paroles essentielles, directes. Mais nous ne pouvons négliger d'autres messages dans la liturgie de ce jour: la parabole des ouvriers de la vigne comporte aussi un enseignement: le Maître ne cesse d'appeler à travailler à la vigne..., tous, même ceux qui attendent la dernière heure. Le Maître accepte des contributions modestes, et il comble les uns et les autres de ses dons. Sa justice n'est pas celle des hommes; Jésus ose conclure la parabole en affirmant que les derniers seront les premiers, même les petits, les pauvres ou les malades...

Frères et sœurs, quelle que soit votre situation aujourd'hui, acceptez-vous de travailler à la vigne? Même si vous n'avez pas une vocation missionnaire spécifique, vous pouvez et vous devez vous laisser imprégner par l'esprit missionnaire de toute l'Eglise. Longtemps, nous nous étions contentés de déléguer la mission à des aventuriers de la foi, que l'on admirait d'un peu loin... On appréciait leurs récits et on leur accordait un soutien matériel assurément bien nécessaire. Mais aujourd'hui, après le Concile Vatican II, nous devons nous rendre compte de l'urgence de la mission. Le Pape Jean-Paul II, dans sa grande Encyclique sur la Mission écrivait: «Une conscience nouvelle s'affirme, à savoir que la mission concerne tous les chrétiens (...). L'évangélisation missionnaire constitue le premier service que l'Eglise peut rendre à tout homme et à l'humanité entière dans le monde» (Redemptoris missio, n. 2).

4. Comment répondrez-vous à ces appels? Certains en partant au loin; je rends hommage aux missionnaires partis de France à travers le monde; aujourd'hui malgré les difficultés, il en est encore, prêtres, religieux, religieuses ou laïcs. Si cet appel à partir n'est pas une vocation, vous savez bien que l'œuvre d'évangélisation commence à votre porte, dans une société qui bien souvent souffre d'un profond vide spirituel. Votre mission commence dans vos foyers, dans vos quartiers. Avez-vous pris au sérieux les appels du Saint-Père à une «nouvelle évangélisation», c'est-à-dire à renouveler sans cesse votre adhésion au Christ, votre intelligence de son message, votre réflexion sur ses exigences? Savez-vous constituer des communautés fraternelles qui soient en elles-mêmes témoignages, selon la parole de Jésus: «Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres» (Jn 13, 35)?

Le prophète Isaïe que nous avons écouté nous dit: Cherchez le Seigneur. Et saint Paul demande des prières d'intercession pour tous les hommes, oui tous; saint Paul parle d'abord des responsables de la vie publique; mais nous pensons à tous les membres de la famille humaine, qui attendent la Bonne Nouvelle pour fonder leur espérance, pour donner un sens à leur vie, pour stimuler leur amour fraternel, pour découvrir la présence de Dieu Père, Créa- teur et Sauveur en son Fils. Elargissez le champ de votre prière aux dimensions du monde. Je rappellerai ici un mot de Pauline Jaricot: «Jésus est mort pour tous les hommes: pourquoi affaiblir nos cœurs par des désirs plus restreints?» Et je vous demande aussi de ne pas considérer la prière comme une manière facile de vous dispenser d'agir. Rappelez-vous que celui qui prie s'unit de tout son être au Christ pour adhérer à la volonté du Père qui veut que tous les hommes soient sauvés.

5. Le prophète Isaïe nous appelle aussi à la conversion: car la mission, c'est pour tous un appel à la conversion. On ne peut prendre part sincèrement, à la mission de l'Eglise du Christ si l'on ne revient pas sans cesse vers le Seigneur, si le méchant n'abandonne son chemin, si l'on n'entre pas dans ce qu'Isaïe appelle les pensées de Dieu, qui sont au-dessus de nos pensées, si l'on ne cherche pas à suivre les chemins du Seigneur, qui sont élevés au-dessus des nôtres. Tous, nous avons à faire face au mal et au péché, dans le monde, mais d'abord dans notre vie, en accueillant le pardon de Dieu et en acceptant de pardonner à notre tour. La réconciliation est une dimension de la mission. On ne peut prendre part en vérité à la mission si l'on ne se laisse pas réconcilier par Dieu, si l'on ne vit pas une expérience personnelle d'intimité avec le Christ Sauveur, si l'on ne partage pas la lumière que l'on a reçue.

Paul Claudel fait poser par un aveugle cette question adressée aux voyants: «Et vous, que faites-vous de votre lumière?» Cette question se pose à nous tous, qui avons reçu comme un don gratuit la lumière de la foi: que faisons-nous de cette lumière?

6. Au cours de ma conférence, je développerai davantage le sens de la Mission aujourd'hui, mais, dans le cadre de cette liturgie eucharistique, je vous invite à rendre grâce avec moi pour la mission que le Seigneur a voulu confier à son Eglise, pour l'œuvre accomplie par tant d'hommes et de femmes de votre pays, connus ou inconnus, pour le témoignage du martyre donné au cours des siècles jusqu'à nos jours par ceux qui ont vécu jusqu'au bout leur fidélité au Christ Sauveur. Je pense tout spécialement aux missionnaires partis de ce pays et de ce quartier. Pauline Jaricot a bien exprimé l'influence réelle de ces personnes consacrées; elle disait en effet: «Les religieux et les religieuses sont semblables à ces sources cachées dans les hautes montagnes, qui forment les fleuves majestueux dont les villes reçoivent l'abondance et la fécondité». Et, pour les périodes plus récentes, je voudrais rendre hommage aux prêtres et aux coopérants de la mission partis épauler les jeunes Eglises en répondant à l'appel de l'Encyclique Fidei donum.

Je rends grâce pour la générosité des fidèles qui, à la suite de la vénérable Pauline Jaricot, ont encouragé et soutenu l'extraordinaire mouvement missionnaire de ces derniers siècles. Je rends grâce pour tous ceux qui prennent au sérieux la mission confiée par le Seigneur, ici ou au loin.

Nous sommes réunis dans l'illustre sanctuaire marial de Fourvière et nous sommes proches des lieux qui gardent le souvenir des martyrs fondateurs de cette Eglise, saint Potin et ses compa- gnons. Comment ne pas évoquer encore saint Marcellin Champagnat et le P. Colin, les fondateurs des Maristes, ainsi que saint Pierre Chanel, missionnaire martyr en Océanie. Que tous les saints et bienheureux de Lyon soient vos intercesseurs, qu'ils vous aident à garder votre tradition d'enthousiasme missionnaire, à persévérer dans un témoignage authentique de la foi!

 

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