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CONGRÉGATION POUR L'EVANGÉLISATION DES PEUPLES

DISCOURS DU CARDINAL CRESCENZIO SEPE
AU SYMPOSIUM INTERNATIONAL DE VARSOVIE 

Je salue cordialement et je présente mes hommages respectueux à S.Em. le Card. Jozef Glemp, Archevêque de Varsovie et Primat de la Pologne, à S.Em. le Card. Franciszek Macharski, Archevêque de Cracovie, et à S.Exc. Mgr Jozef Kowalczyk, Nonce apostolique, que je remercie pour la cordialité fraternelle avec laquelle il m'a accueilli.

Je remercie également S.Exc. Mgr Tadeusz Goclowski, Archevêque de Dantzig et Président de la Fondation "L'OEuvre du Nouveau Millénaire" qui, aux côtés de l'Agence catholique d'information (la KAI) a promu ce Symposium international pour commémorer ici et dans toute la Pologne "La Journée du Pape".

Je salue enfin tous les Evêques, prêtres, religieux, religieuses, laïcs et laïques, et les représentants des moyens de communications sociales ici présents.

Il me semble que la célébration de la "Journée du Pape" en ce moment est plus que jamais significative et providentielle, puisque dans quelques jours, toute l'Eglise célèbrera le début du ministère pétrinien de Jean-Paul II, qui entame la vingt-cinquième année de son pontificat. Cet événement veut donc être une action de grâce à Dieu pour avoir choisi et donné à l'Eglise ce grand Pape, fils de la glorieuse et bénie nation polonaise.

Je trouve par ailleurs le thème choisi tout à fait opportun et d'une grande actualité: "Jean-Paul II, témoin de l'espérance". Cela caractérise fortement non seulement la personnalité humaine et spirituelle de Karol Wojtyla, mais également son magistère et son service pétrinien en faveur de l'Eglise et de l'humanité tout entière.

Jean-Paul II est un témoin de l'espérance pour tous les peuples, les cultures et les nations, pour tous les hommes et les femmes qui vivent les difficultés de l'existence humaine, mais surtout pour tous ceux qui, sous le poids des pauvretés anciennes et nouvelles, sont à recherche d'un témoin sûr et crédible, pour donner un sens et une valeur à leur existence. "N'ayez pas peur", fut son premier cri depuis la loggia de la Basilique Saint-Pierre - le jour de son élection au Pontificat en octobre 1978 -, "Ouvrez les portes au Christ".

Cette semence d'espérance, Jean-Paul II l'a semée et continue de la semer à pleine main, ouvrant à tous la porte qu'est le Christ et se penchant, comme un bon Samaritain, sur l'humanité blessée, pour la soigner et lui rendre sa dignité de créature de Dieu, faite à son image et à sa ressemblance.

Pour répandre ces semences d'espérance, Jean-Paul II s'est fait "tout pour tous" et, à l'exemple de saint Paul, il s'est rendu, missionnaire et témoin de l'Evangile, auprès de toutes les nations.

Au cours des vingt-quatre années de son pontificat, il s'est constamment rendu dans les nations pour prêcher l'Evangile de Jésus-Christ, en obéissance au mandat du Seigneur, comme premier responsable de la mission universelle de l'Eglise. "Conscient de cette responsabilité, écrit le Saint-Père dans Redemptoris missio, lors de mes rencontres avec les évêques (et avec tous les membres du Peuple de Dieu), je ressens le devoir de m'en entretenir avec eux dans la perspective de la nouvelle évangélisation ou de la mission universelle. J'ai entrepris de parcourir les chemins du monde, pour annoncer l'Evangile, pour "confirmer mes frères" dans la foi, pour consoler l'Eglise, pour rencontrer l'homme. Ce sont des voyages de foi... Ce sont des occasions de catéchèse itinérante, d'annonce évangélique dans le prolongement, à toutes les latitudes, de l'Evangile et du magistère apostolique étendus aux sphères planétaires d'aujourd'hui" (RM, n. 63; cf. Discours au Sacré Collège, 28 juin 1980).

En réalité, le Pape ressent cette responsabilité comme un devoir qui engage chacun, et comme une nécessité qui interpelle aujourd'hui encore la communauté ecclésiale tout entière. En effet, s'il est vrai, comme le souligne le Pape lui-même dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, que la mission ad gentes n'en est encore qu'à ses débuts et que l'action missionnaire, ces dernières années, s'est progressivement affaiblie, alors, nous ne pouvons pas ne pas comprendre pourquoi, Lui le premier se fait missionnaire, guide et maître pour enseigner une nouvelle méthode et un nouveau style d'évangélisation et pour sensibiliser les Evêques, les prêtres, les religieux et religieuses, et les laïcs, hommes et femmes, à s'engager à mettre en oeuvre une nouvelle saison missionnaire.

Le commandement du Christ d'"aller" est, après deux mille ans, plus que jamais actuel et urgent quand on pense, par exemple, que sur le continent asiatique vit plus de 60% de la population mondiale et que, sur ces quatre milliards de personnes, les catholiques ne sont que 130 millions (2,6%), concentrés pour la plupart aux Philippines et en Inde, alors que dans les autres nations asiatiques, ils n'atteignent pas même les 0,5%. Il est vrai que la foi ne peut se réduire ni se traduire en données chiffrées mais, à l'époque actuelle qui nous voit témoins et acteurs d'un tournant historique, du deuxième au troisième millénaire de l'ère chrétienne, nous ne pouvons passer à côté de ces données sans y porter attention.

Cela explique pourquoi le Saint-Père nous rappelle continuellement à la tâche de la nouvelle évangélisation, en en faisant un thème qui caractérise son pontificat. Ainsi, je repense souvent à ce devoir collectif de la tâche missionnaire, lorsque, dans la Lettre apostolique déjà citée Novo millennio ineunte, écrite par le Saint-Père au terme du grand Jubilé de l'An 2000, comme pour rédiger une charte constitutionnelle de l'Eglise du troisième millénnaire, je relis l'invitation, devenue désormais à juste titre célèbre, d'avancer courageusement en eaux profondes vers les horizons inexplorés de la nouvelle évangélisation du troisième millénaire. Ce "Duc in altum" du Pape résume parfaitement non seulement le sens de l'année jubilaire, mais l'esprit authentiquement missionnaire de tout le pontificat de Jean-Paul II.

"Aujourd'hui, écrit le Saint-Père dans cette Lettre apostolique, on doit affronter avec courage une situation qui se fait toujours plus diversifiée et plus prenante, dans le contexte de la mondialisation et de la mosaïque nouvelle et changeante de peuples et de cultures qui la caractérise. A maintes reprises, j'ai répété ces dernières années l'appel à la nouvelle évangélisation. Je le reprends maintenant, surtout pour montrer qu'il faut raviver en nous l'élan des origines, en nous laissant pénétrer de l'ardeur de la prédication apostolique qui a suivi la Pentecôte. Nous devons revivre en nous le sentiment enflammé de Paul qui s'exclamait: "Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Evangile!" (1 Co 9, 16)" (NMI, n. 40).

Nous constatons avec joie et admiration, également dans les circonstances actuelles, que nous retrouvons le meilleur exemple d'une telle ardeur apostolique, précisément dans la figure de Jean-Paul II lui-même. Un Souverain Pontife dont l'activité inlassable et inépuisable possède comme dénominateur commun le souci de la tâche missionnaire, le désir impérieux de faire parvenir à chaque homme et à chaque peuple l'annonce chrétienne du salut, dès que s'en présente l'occasion, sans donner trop de poids - me permettrais-je de dire - à des motifs qui pourraient suggérer une action plus lente ou un renvoi dans le temps. Pour le Saint-Père, tout doit être subordonné à l'évangélisation: voilà pourquoi il ne s'est jamais soustrait, ni hier ni aujourd'hui, au contact avec les fidèles lors des audiences, des célébrations, ou des visites. Les très nombreux voyages apostoliques, qui l'ont conduit dans presque tous les lieux du monde, et même plusieurs fois dans les mêmes pays, sont le signe évident de l'ardeur apostolique du Successeur de Pierre qui, comme le père miséricordieux de la parabole, ne se contente pas d'attendre le retour du fils qui s'était éloigné de la maison, mais court à sa rencontre, en le rejoignant jusque dans les localités les plus reculées. Et si, de surcroît, nous regardons les foules immenses qui sont accourues et accourent partout autour du Pape, à qui nous devrions ajouter tous ceux qui l'écoutent à travers la radio et la télévision, tout cela laisse penser que le nombre de "fils prodigues" ramenés à l'espérance de la foi par les paroles de Jean-Paul II est immense.

Cette passion pour la prédication apostolique "ne manquera pas de susciter dans l'Eglise un nouvel esprit missionnaire, qui ne saurait être réservé à un groupe de "spécialistes", mais qui devra engager la responsabilité de tous les membres du Peuple de Dieu. Celui qui a vraiment rencontré le Christ ne peut le garder pour lui-même, il doit l'annoncer. Il faut un nouvel élan apostolique qui soit vécu comme un engagement quotidien des communautés et des groupes chrétiens. Cela se fera toutefois dans le respect dû au cheminement toujours diversifié de chaque personne et dans l'attention à l'égard des différentes cultures dans lesquelles le message chrétien doit être introduit, de sorte que les valeurs spécifiques de chaque peuple ne soient pas reniées, mais purifiées et portées à leur plénitude" (ibid.).

Ce passage de la Lettre apostolique nous introduit à un point important de notre réflexion. Jusque là, nous avons évoqué le caractère missionnaire du Saint-Père, pour ainsi dire, en mettant en lumière les aspects pratiques et concrets, c'est-à-dire sa capacité à aller vers les personnes et sa prédication. Mais nous manquerions gravement à la profondeur de la pensée de Jean-Paul II si nous nous limitions à cela. En effet, il est un Pape missionnaire non seulement parce qu'il annonce l'Evangile en première personne, mais aussi parce qu'il a consacré aux thèmes de la mission, avec une profondeur de pensée et une solide connaissance de son objet, des pages significatives de son magistère et, surtout, celle qui est, de l'avis de beaucoup, son Encyclique la plus belle, la Lettre Redemptoris missio, de 1990. Je voudrais revenir sur certains passages de ce document qui, à douze années de distance de sa publication, conserve toute son actualité et sa valeur, et constitue une véritable "magna charta" pour quiconque s'intéresse à la mission, et rappeler en premier lieu une autre page de Novo millennio ineunte où, précisément dans la ligne des orientations déjà tracées dans Redemptoris missio, le Saint-Père met en évidence une série d'aspects importants de sa mission, qui est aussi la nôtre, à commencer par l'exigence d'inculturer l'Evangile dans les diverses cultures du monde. Il écrit à ce propos: "Le christianisme du troisième millénaire devra répondre toujours mieux à cette exigence d'inculturation. Tout en restant pleinement lui-même, dans l'absolue fidélité à l'annonce évangélique et à la tradition ecclésiale, il revêtira aussi le visage des innombrables cultures et des innombrables peuples où il est accueilli et enraciné" (ibid.). Immédiatement après cette affirmation, le Saint-Père rappelle la beauté du visage pluriforme de l'Eglise qui s'est manifestée pendant l'année jubilaire, et qui reste encore vivement imprimée dans mon propre coeur: "Ce n'est peut-être qu'un début, une icône à peine ébauchée de l'avenir que l'esprit de Dieu nous prépare. La proposition du Christ doit être faite à tous avec confiance. On s'adressera aux adultes, aux familles, aux jeunes, aux enfants, sans jamais cacher les exigences les plus radicales du message évangélique, mais en allant au devant des exigences de chacun en ce qui concerne la sensibilité et le langage, selon l'exemple de Paul qui affirmait: "Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns" (1 Co 9, 22)" (ibid.).

C'est également par cette manière d'être "tout à tous" que l'exemple du Saint-Père nous guide de façon sûre: combien de fois l'avons-nous vu se faire entendre par les catégories de personnes les plus disparates, en réussissant à instaurer avec des nations du Nord comme du Sud de la terre, avec des hommes et des femmes, des jeunes ou des personnes âgées, cette capacité d'écoute et cette communion profonde qui sont à la base de la communication authentique.

La communication dans l'intimité. Voilà un autre point décisif. Celle-ci, nous explique toujours le Saint-Père, se fonde sur un dialogue honnête et sincère entre des éléments divers. Mais elle ne s'épuise pas dans le simple échange d'opinion, dans l'énonciation de belles paroles de circonstance. Un dialogue profond peut même ne jaillir que de quelques paroles simples, quand celles-ci deviennent le véhicule d'un témoignage de vie tout à fait cohérent avec ce qui est dit. Cela, une fois encore, est l'élément qui définit la personnalité du Saint-Père, dont les paroles captivent l'attention des auditeurs justement parce que ceux-ci les perçoivent comme vraies, à la fois car elles sont fidèles à ce qu'édicte la Parole de Dieu, et car elles se révèlent conformes à l'oeuvre de celui qui les annonce. Je crois bon de noter, dans un monde comme le nôtre, où le relativisme éthique est la règle, le fait que personne, parmi ceux qui se disent non-croyants ou qui du moins contestent dans son ensemble ou en partie le message chrétien annoncé par Jean-Paul II, n'ait jamais pu lui adresser la moindre critique d'incohérence personnelle. La sainteté de la vie et le témoignage fidèle de l'Evangile sont véritablement les clés du succès de la mission. Nous pouvons facilement souscrire, en nous reconnaissant beaucoup moins de mérite, à ce qu'affirme le Saint-Père dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte: "C'est là une mission qui nous fait frémir quand nous voyons la faiblesse qui si souvent nous rend opaques et remplis d'ombre. Mais cette mission est possible si, nous exposant à la lumière du Christ, nous savons nous ouvrir à la grâce qui fait de nous des hommes nouveaux" (n. 54).

Tout cela doit nous encourager à ne pas avoir peur, à avoir confiance avec un coeur de fils dans l'aide et dans le pardon de Dieu, notre Père. Nous devons le faire en toute occasion et en particulier quand nous sommes appelés à offrir le témoignage de l'espérance qui est en nous.

"Nous ne devons pas craindre, nous enjoint encore le Saint-Père, que puisse être lésée l'identité de l'autre par ce qui est en fait l'annonce joyeuse d'un don offert à tous et qui doit être proposé à tous dans le plus grand respect de la liberté de chacun: le don de la révélation du Dieu-Amour qui "a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique" (Jn 3, 16). Tout cela, comme la déclaration Dominus Iesus l'a aussi souligné récemment, ne peut faire l'objet d'une sorte de négociation dialogique, comme s'il s'agissait pour nous d'une simple opinion, alors que c'est pour nous une grâce qui nous remplit de joie, c'est une nouvelle que nous avons le devoir d'annoncer.

"L'Eglise ne peut donc se soustraire à l'activité missionnaire envers les peuples, et il n'en demeure pas moins que la tâche prioritaire de la missio ad gentes est d'annoncer que c'est dans le Christ, "le Chemin, la Vérité et la Vie" (Jn 14, 6), que les hommes trouvent le salut..." (n. 56).

Nous pourrions réfléchir très longuement sur cette dernière citation, mais je voudrais m'arrêter ici seulement sur une autre belle définition de la mission, née de la plume et de l'expérience de Jean-Paul II, je veux parler de cette annonce joyeuse d'un don offert à tous.

L'annonce joyeuse: il s'agit d'un élément important pour comprendre pourquoi Jean-Paul II est le témoin de l'espérance. Combien de fois, trop souvent, à cause de la lassitude, de la fatigue, de la répétitivité d'un travail quotidien, des inévitables difficultés que nous rencontrons au cours de notre vie, l'annonce évangélique court le risque de devenir ennuyeuse, insipide, triste, et donc inefficace. Et pourtant, le Pape l'explique clairement, il s'agit de l'annonce d'un don gratuit de salut offert à tous, sans exclure personne, et c'est donc une joie qui doit être communiquée joyeusement. De ce point de vue, quiconque assiste, ne serait-ce qu'une seule fois, à n'importe quelle apparition publique du Saint-Père, ne peut manquer d'être intimement touché par l'atmosphère de joie authentique, je dirais même de fête, qui entoure toujours Jean-Paul II. Cette joie est le signe de ce véritable échange d'amour qui se crée entre le Successeur de Pierre et les fidèles: l'un annonce avec amour un message d'amour, et son annonce est donc joyeuse; les autres écoutent avec amour, et donc avec joie, cette même annonce. Comme je l'écrivais il y a quelques années: "De la prédication de Pierre, la communauté chrétienne locale - peu importe qu'elle soit grande ou petite, car ce qui compte est que les coeurs soient grands - nourrit son espérance, grandit dans le témoignage de sa foi et multiplie les oeuvres de charité. C'est comme un dialogue d'amour: en se sentant aimés du Pape et, à travers le Saint-Père, de tous les chrétiens qui se reconnaissent en lui, les fidèles ne peuvent pas manquer d'y répondre, à leur tour, par leur amour envers le Pape et envers leurs frères du monde entier". Il est donc logique que tout cela se déroule dans la joie et qu'une telle joie ne fasse jamais défaut, même dans les moments de plus grande fatigue ou de plus grande souffrance du Saint-Père.

Dans l'Encyclique Redemptoris missio, nous trouvons clairement décrit ce sens de l'évangélisation qui, dans l'enseignement de Jean-Paul II, fait naître l'espérance et suscite la joie. A partir d'une donnée évidente qui, tout en cachant les difficultés existantes, s'ouvre avec réalisme à l'esprit missionnaire: "Notre temps offre de nouveaux motifs d'agir en ce domaine: l'écroulement d'idéologies et de systèmes politiques oppressifs; l'ouverture des frontières et l'édification d'un monde plus uni, grâce au développement des communications; dans les peuples, la reconnaissance croissante des valeurs évangéliques que Jésus a incarnées dans sa vie (paix, justice, fraternité, attention aux plus petits); un modèle économique et technique sans âmes, mais qui invite à chercher la vérité sur Dieu, sur l'homme, sur le sens de la vie" (n. 3).

L'espérance ouvre ici à l'optimisme évangélique de qui a "vaincu le monde". C'est une autre qualité missionnaire que nous pouvons apprendre du Saint-Père. Un optimisme conscient, avec réalisme, des nombreuses difficultés qui se profilent sur le chemin de l'Eglise, mais aussi des nombreuses opportunités que les nouveaux aréopages du monde moderne offrent à l'évangélisation, dans la confiance que l'annonce évangélique est l'oeuvre du Seigneur, avant d'être humaine, et que rien ni personne ne peut arrêter ce qui vient de Dieu. Et même le martyre, comme les missionnaires d'aujourd'hui le savent bien eux aussi, loin de bloquer l'évangélisation, devient au contraire la semence de nouvelles générations de chrétiens et toutes choses, celles du ciel comme celles de la terre, seront un jour, selon le dessein de Dieu, récapitulées dans le Christ, comme l'assure l'Apôtre Paul.

A côté de la tentation du découragement, le magistère et l'exemple du Saint-Père nous enseignent à repousser les tentations de cette façon de penser qui tend à réduire le christianisme à une sagesse purement humaine, en quelque sorte une "science pour bien vivre".

Le Pape écrit dans Redemptoris missio: "En un monde fortement sécularisé, est apparue une "sécularisation progressive du salut", ce pourquoi on se bat pour l'homme, certes, mais pour un homme mutilé, ramené à sa seule dimension horizontale. Nous savons au contraire que Jésus est venu apporter le salut intégral qui saisit tout l'homme et tous les hommes, en les ouvrant à la perspective merveilleuse de la filiation divine" (n. 11).

C'est en cela que réside la science de la mission: être des maîtres en humanité. Le Saint-Père l'est au plus haut degré et, comme lui, des milliers de missionnaires, hommes et femmes. Nous apprenons d'eux chaque jour combien l'Evangile du Christ vivifie toutes les cultures, en n'ôtant jamais rien à la condition humaine de chaque peuple, mais en l'élevant, au contraire, à ses plus grandes possibilités.

Le discours sur l'inculturation nous ramène immédiatement à celui sur la relation avec les fidèles des autres religions du monde: "Le dialogue interreligieux, note le Saint-Père, fait partie de la mission évangélisatrice de l'Eglise. Entendu comme méthode et comme moyen en vue d'une connaissance et d'un enrichissement réciproque, il ne s'oppose pas à la mission ad gentes, au contraire, il lui est spécialement lié et il en est une expression... A la lumière de l'économie du salut, l'Eglise estime qu'il n'y a pas de contradiction entre l'annonce du Christ et le dialogue interreligieux, mais elle sent la nécessité de les coordonner dans le cadre de sa mission ad gentes" (n. 55). Les modalités selon lesquelles il faut réaliser cette rencontre délicate sont, encore une fois, celles que le Pape nous a montrées dans ses rencontres désormais répétées avec les représentants des autres religions. Aucune forme de syncrétisme, le respect réciproque, la fraternité, l'engagement commun sur des points très concrets, telles que les actions en faveur de la paix et du recul de la faim et de la pauvreté. Voilà des événements qui vont de pair avec l'évangélisation.

A cet égard, il m'est impossible de ne pas citer également les paragraphes 59 et 60 de Redemptoris missio, dans lesquels le Saint-Père définit la charité comme la source et le critère de la mission: "... il faut revenir à une vie plus austère afin de favoriser un nouveau modèle de développement intégrant les valeurs éthiques et religieuses. L'activité missionnaire apporte aux pauvres lumière et encouragement pour leur véritable développement. La nouvelle évangélisation devra, entre autres, faire prendre conscience aux riches que l'heure est venue de se montrer réellement frères des pauvres, grâce à une conversion commune au "développement intégral" ouvert sur l'Absolu".

"L'Eglise dans le monde entier - déclarait le Pape au cours de sa première visite au Brésil - veut être l'Eglise des pauvres... elle veut mettre en lumière toute la vérité contenue dans les Béatitudes du Christ, et surtout dans la première: "Bienheureux les pauvres d'esprit". Elle veut enseigner cette vérité et la mettre en pratique, comme Jésus est venu le faire et l'enseigner".

Faire et enseigner. Telle est la voie de l'évangélisation indiquée par Jean-Paul II durant ces longues années de pontificat. Et celle-ci, ce qui est inévitable parce qu'il n'y a de toute façon pas d'autres voies, est la route que l'Eglise doit suivre au troisième millénaire pour être véritablement une Eglise en mission dans le monde.

Je pourrais encore ajouter beaucoup de choses sur les actions et les enseignements du Saint-Père à propos de l'évangélisation et de l'esprit missionnaire, mais il s'agit ici seulement d'une conférence, et non d'un essai sur la missiologie et l'esprit missionnaire du Saint-Père. Que l'on me permette donc de conclure ce trop bref discours avec la prophétie d'espérance que le Pape a placée quasiment à la fin de son Encyclique missionnaire: "... Dieu est en train de préparer un grand printemps que l'on voit déjà poindre. En effet que ce soit dans le monde non chrétien ou dans le monde de chrétienté ancienne, les peuples ont tendance à se rapprocher progressivement des idéaux et des valeurs évangéliques, tendance que l'Eglise s'efforce de favoriser. Aujourd'hui, se manifeste parmi les peuples une grande convergence à l'égard de ces valeurs: le refus de la violence et de la guerre, le respect de la personne humaine et de ses droits, la soif de liberté, de justice et de fraternité, la tendance à surmonter les racismes et les nationalismes, l'affirmation de la dignité de la femme et sa valorisation.

"L'espérance chrétienne nous soutient pour nous engager à fond dans la nouvelle évangélisation et dans la mission universelle, et nous sommes poussés à prier comme Jésus nous l'a enseigné: "Que ton règne vienne, que ta Volonté soit faite sur la terre comme au ciel" (Mt 6, 10)" (Redemptoris missio, n. 86).

Telle est la prière du Pape, telle est la prière de chacun de nous afin que l'Eglise, à l'exemple de Jean-Paul II, continue, avec une espérance joyeuse et déterminée, à annoncer le salut du Christ à toutes les nations.

Que Marie, Mère de l'Eglise et Etoile de l'évangélisation, nous assiste et nous protège.

 

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