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COMMISSION THÉOLOGIQUE INTERNATIONALE

L’interprétation des dogmes (1989)*

   

1. Problématique

a) La problématique générale philosophique.

Le problème fondamental de l’interprétation.

Le problème de l’interprétation fait partie des problèmes fondamentaux de l’homme. En effet, en tant qu’hommes, nous cherchons à comprendre le monde dans lequel nous vivons et à nous comprendre nous-mêmes. Or, quand nous sommes confrontés à la question de la vérité du réel, nous ne partons jamais de zéro. Le réel qu’il s’agit de comprendre nous rencontre concrètement dans l’interprétation, à travers le système de symboles d’une culture donnée qui se manifeste spécialement dans le langage. La compréhension humaine est donc en relation avec l’histoire de la communauté. Ainsi, pour interpréter, il faut aussi s’approprier et comprendre les témoignages que la tradition a déjà apportés.

La connexion entre interprétation et tradition montre clairement qu’il faut se dégager d’un réalisme naïf. Dans notre connaissance, nous n’avons jamais affaire au réel dans sa nudité mais toujours au réel dans le contexte culturel de l’homme, avec son interprétation par la tradition et son appropriation actuelle.

Par conséquent, le problème fondamental de l’interprétation peut être formulé de la manière suivante : comment pouvons-nous prendre au sérieux le cercle herméneutique entre « sujet » et « objet » sans tomber dans un relativisme qui ne connaît que des interprétations d’interprétations, lesquelles, à leur tour, conduisent sans cesse à de nouvelles interprétations ? N’y a-t-il pas, non en dehors, mais à l’intérieur du processus historique d’interprétation lui-même, une vérité en soi ? Y a-t-il des affirmations qui doivent être admises ou niées dans toutes les cultures et dans toutes les situations historiques ?

Deux raisons de l’actualité du problème.

Le problème de l’interprétation se pose aujourd’hui d’une façon plus aiguë. En raison des ruptures culturelles, la distance entre les témoignages de la tradition et notre situation culturelle actuelle s’est accrue. Dans le monde occidental en particulier, cela a conduit à un changement d’attitudes vis-à-vis des vérités, des valeurs et des conceptions traditionnelles, ainsi qu’à une réévaluation unilatérale du présent par rapport à ce qui vient du passé, et à une considération unilatérale de ce qui est nouveau comme critère de pensée et d’action. Dans la philosophie actuelle, surtout sous l’influence d’auteurs tels que Marx, Nietzsche et Freud, une herméneutique du soupçon est devenue dominante, une herméneutique qui ne considère plus la tradition comme une médiation entre la réalité d’origine et le présent mais qui la ressent comme une aliénation et une oppression. Cependant, si l’homme rejette la mémoire créatrice de la tradition, il s’expose au nihilisme. La crise actuelle (générale et mondiale) de la tradition est devenue l’un des défis spirituels les plus fondamentaux de notre époque.

À cette crise de la tradition s’ajoute aujourd’hui le phénomène de la rencontre universelle des diverses cultures et de leurs différentes traditions. Le problème de l’interprétation se pose non seulement comme celui d’une médiation entre le passé et le présent, mais encore comme la tâche de trouver la médiation entre les différentes traditions culturelles. Aujourd’hui, une telle herméneutique transculturelle est devenue une condition de la survie de l’humanité dans la paix et la liberté.

Trois types d’herméneutique.

On peut distinguer différents types d’herméneutique. L’herméneutique d’orientation positiviste met le pôle objectif au premier plan. Elle a beaucoup contribué à une meilleure connaissance du réel. Mais elle considère unilatéralement la connaissance humaine en fonction de facteurs naturels, biologiques, psychologiques, historiques et socio-économiques, et, par là, méconnaît la signification de la subjectivité humaine dans le processus de la connaissance.

L’herméneutique d’orientation anthropocentrique remédie à cette insuffisance. Mais pour elle, c’est le pôle subjectif qui est, d’une manière unilatérale, décisif. Ainsi, elle réduit la connaissance du réel à la connaissance de sa signification pour la subjectivité humaine ; la question de la vérité du réel est réduite à celle de son sens pour l’homme.

L’herméneutique culturelle comprend le réel par l’intermédiaire de ses réalisations culturelles objectives dans les institutions humaines, les mœurs et les coutumes, particulièrement dans le langage et sur la base de la compréhension subjective de soi-même et du monde qui est marquée par chaque culture et par son système de valeurs. L’importance de cette approche étant reconnue, une question demeure : celle des valeurs transculturelles et de la vérité de l’humanum qui relie les hommes par-delà toutes les différences culturelles.

À la différence des formes plus ou moins réductrices mentionnées jusqu’ici, l’herméneutique métaphysique pose la question de la vérité même du réel. Elle part du fait que la vérité se manifeste dans et par l’intelligence humaine, de telle sorte que dans la lumière de l’intelligence humaine brille la vérité de la réalité elle-même. Puisque la réalité est toujours plus grande et plus profonde que toutes les représentations et tous les concepts que nous en avons, lesquels sont conditionnés par l’histoire et la culture, la nécessité s’impose d’une interprétation critique toujours renouvelée et approfondie de chaque tradition culturelle.

La tâche principale dont nous devons nous acquitter est donc la suivante : en rapport et en discussion avec l’herméneutique contemporaine aussi bien qu’avec les sciences humaines et culturelles modernes, nous devons essayer de parvenir à un renouvellement créatif de la métaphysique et de sa question sur la vérité du réel. Le problème fondamental qui se pose ici est celui du rapport entre vérité et histoire.

La question fondamentale : la vérité dans l’histoire.

Concernant la relation entre vérité et histoire, il est devenu évident que, fondamentalement, il n’y a pas de connaissance humaine qui soit absolument sans présupposés ; bien plutôt, tout savoir et tout langage humains sont déterminés par une structure de précompréhension et de préjugé structurels. Pourtant, dans tout ce que l’homme connaît, dit et fait, et qui est historiquement conditionné, il y a toujours une préappréhension de quelque chose d’ultime, d’inconditionné et d’absolu. Dans toute quête et recherche de la vérité, nous présupposons toujours qu’existent la vérité ainsi que certaines vérités fondamentales (par exemple le principe de non-contradiction). Ainsi, la lumière de la vérité nous précède toujours ; en d’autres termes, elle apparaît avec une évidence objective dans notre intelligence lorsque celle-ci considère la réalité même. Dans le stoïcisme antique déjà, ces données préalables et ces présupposés ont été désignés par le terme de dogmes. Dans cette mesure, en un sens qui demeure encore très général, on peut parler d’une structuration dogmatique fondamentale de l’homme.

Du fait que notre connaissance, notre pensée et notre volonté sont toujours déterminées collectivement par les cultures respectives et spécialement par le langage, cette structure dogmatique fondamentale concerne non seulement les individus mais aussi la société humaine. Aucune société ne peut survivre dans la durée sans des convictions et des valeurs fondamentales communes qui marquent et portent sa culture. L’unité, la compréhension mutuelle et la coexistence pacifique, ainsi que la reconnaissance mutuelle d’une même dignité humaine, présupposent par ailleurs qu’en dépit des profondes différences entre les cultures, il y a un humanum commun et par conséquent une vérité commune à tous les hommes. Aujourd’hui, cette conviction se manifeste surtout dans la reconnaissance des droits universels et inaliénables de chaque personne humaine.

Une telle vérité, qui est universelle par rapport à l’espace et au temps et qui conserve donc toujours sa valeur, n’est certes reconnue comme telle que dans des situations et des discussions historiques particulières, spécialement dans la rencontre des cultures. Il faut pourtant distinguer, d’une part, la contingence de ces conditions de connaissance et de ces contextes de découverte, et, d’autre part, la prétention d’absolu de la vérité reconnue. De par sa nature, la vérité ne peut être qu’unique et donc universelle. Ce que l’on a reconnu une fois comme vérité doit donc être reconnu comme vrai d’une manière qui demeure valable de manière stable.

L’Église, par sa prédication de l’unique Évangile révélé dans le temps mais néanmoins destiné à tous les hommes et à tous les temps, peut venir à la rencontre de cette nature de l’intelligence humaine qui est historique et en même temps ouverte à l’universel. Elle peut la purifier et la conduire à sa perfection la plus profonde.

b) La problématique théologique actuelle.

Le problème particulier de l’évangélisation et de la nouvelle évangélisation.

La théologie catholique part de cette certitude de foi : la paradosis de l’Église, ainsi que les dogmes qu’elle transmet, sont des affirmations authentiques de la vérité qui, dans l’Ancien et le Nouveau Testaments, a été révélée par Dieu ; la vérité révélée, transmise dans la paradosis de l’Église, est universellement valable et immuable dans sa substance.

Cette certitude, en ce qui concerne les dogmes, fut déjà mise en question lors de la Réforme du xvie siècle. D’une façon beaucoup plus aiguë et dans des conditions tout autres, elle est entrée dans une crise globale à la suite de l’Aufklärung moderne et du processus d’évolution moderne de la liberté. Dans les temps modernes, la pensée dogmatique a souvent été critiquée d’emblée comme « dogmatisme » et par conséquent refusée. À la différence de ce qui se passait dans la culture occidentale des siècles passés, marquée dans son ensemble par la foi chrétienne, le langage dogmatique traditionnel de l’Église n’apparaît plus immédiatement compréhensible dans notre culture contemporaine sécularisée, quand il ne prête pas à des malentendus, même pour de nombreux chrétiens. Certains le considèrent même comme un obstacle à la transmission vivante de la foi.

Ce problème s’aggrave lorsque l’Église entreprend de pénétrer dans les cultures africaines et asiatiques avec ses dogmes qui, sous l’aspect purement historique, ont été élaborés dans le contexte de la culture gréco-romaine occidentale. Cela exige bien davantage qu’une simple traduction des dogmes ; pour parvenir à une inculturation, le sens originel du dogme doit être à nouveau compris dans le contexte d’une autre culture. C’est pourquoi le problème de l’interprétation des dogmes est devenu aujourd’hui un problème général de l’évangélisation, spécialement de la nouvelle évangélisation.

Solutions insuffisantes de la théologie herméneutique.

Au début de notre siècle déjà, la théologie moderniste a voulu se poser ce problème. Mais ses tentatives de solution sont demeurées insatisfaisantes, notamment à cause d’une intelligence insuffisante de la révélation et d’une conception pragmatique des dogmes.

La théologie contemporaine d’orientation herméneutique cherche à jeter un pont entre la tradition dogmatique et la pensée moderne en posant la question du sens et de l’importance des dogmes pour l’homme d’aujourd’hui. Mais en procédant de la sorte, on détache la formule dogmatique singulière de sa connexion avec la paradosis, et on l’isole de la foi vécue de l’Église. On substantifie ainsi le dogme ; en outre, en se concentrant sur le problème de la signification pratique, existentielle ou sociale du dogme, on perd de vue la question de sa vérité.

Cette objection vaut également lorsque le dogme est compris comme une simple convention, c’est-à-dire lorsqu’il n’est envisagé que de manière fonctionnelle comme une réglementation du langage ecclésiastique, nécessaire pour l’unité mais fondamentalement provisoire et susceptible d’être dépassée. Ainsi le dogme n’est plus considéré dans sa fonction de médiation obligatoire de la vérité révélée.

Légitimité et limites d’approches nouvelles en relation avec la théorie et la pratique.

Pour la théologie de la libération, le problème de l’herméneutique des dogmes se pose sur le fond de la pauvreté, de la situation d’oppression sociale et politique qui domine de nombreuses régions du tiers-monde ; il devient la question de la relation entre la théorie et la pratique. Cela prend en considération un aspect important de l’idée biblique de la vérité, à savoir qu’il faut « faire la vérité[1] ». Il existe certes une théologie de la libération conforme à l’Évangile et légitime dans l’Église. Elle part de la priorité de la mission spirituelle de l’Église mais elle insiste en même temps sur ses présupposés sociaux et sur ses conséquences sociales[2].

Dans la théologie de la libération radicale, par contre, la libération économique, sociale et politique devient le facteur qui détermine tout ; le rapport entre la théorie et la pratique y est compris dans le sens de l’idéologie matérialiste marxiste. Ici le message de la grâce et de la finalité eschatologique de la vie et du monde disparaît. La foi et les formules dogmatiques de la foi ne sont plus envisagées dans leur propre contenu de vérité mais en fonction de la réalité économique, la seule qui compte dans cette optique. On leur assigne seulement un rôle de moteur dans le processus d’une libération politique révolutionnaire.

D’autres herméneutiques se présentent également aujourd’hui ; en dépit de leurs différences, elles ont pour point commun de déplacer le juste milieu herméneutique de la vérité de l’être, en l’occurrence de la révélation comme source de sens, vers une autre composante, en soi légitime mais particulière, dont elles font le centre et le critère du tout. C’est le cas, par exemple, de la théologie féministe radicale. Pour elle, les données révélées ne sont plus la base et la norme pour mettre en valeur la dignité de la femme, ce qu’il est important et légitime de montrer. Au contraire, une certaine conception de l’émancipation devient la seule et ultime clé herméneutique pour l’interprétation de la sainte Écriture et de la Tradition.

De cette façon, la question de l’interprétation des dogmes nous place devant les problèmes fondamentaux de la théologie. À l’arrière-plan se trouve, en dernière analyse, la question de la compréhension théologique de la vérité et de la réalité. Même du point de vue théologique, cette question débouche dans celle des rapports entre une vérité universelle et toujours valable d’une part, et l’historicité des dogmes d’autre part. Concrètement, il s’agit ici de savoir comment l’Église peut transmettre aujourd’hui son enseignement de la foi avec sa force d’obligation, afin que l’espérance pour le présent et pour l’avenir surgisse de la mémoire de la Tradition. Face aux différentes situations socioculturelles dans lesquelles l’Église vit aujourd’hui, il en va aussi de la question de l’unité et de la pluriformité dans l’exposition dogmatique de la vérité et de la réalité de la révélation.

2. Fondements théologiques

a) Les fondements bibliques.

Tradition et interprétation de la sainte Écriture.

La révélation attestée dans la sainte Écriture s’est accomplie par des paroles et des actes dans l’histoire des rapports de Dieu avec les hommes. L’Ancien Testament est le processus d’une réinterprétation et d’une relecture toujours renouvelées. Il n’a trouvé son interprétation eschatologique et définitive qu’en Jésus-Christ. Car la révélation, préparée dans l’Ancien Testament, n’a trouvé son accomplissement qu’en Jésus-Christ, lorsque advint la plénitude des temps[3]. En tant que Verbe de Dieu fait homme, Jésus est l’interprète du Père[4], la Vérité en personne[5]. Dans tout son être et toute sa vie, par ce qu’il a dit et par les signes qu’il a accomplis, et surtout par sa mort, sa résurrection, son exaltation ainsi que par l’envoi de l’Esprit de Vérité[6], il est la plénitude de la grâce et de la vérité[7].

La vérité qui a été révélée une fois pour toutes en Jésus-Christ ne peut être reconnue et acceptée que dans la foi donnée par le Saint-Esprit. Selon le sens que lui donne la sainte Écriture, cette foi est ce par quoi l’homme s’en remet personnellement à Dieu qui se révèle[8]. Elle comporte l’adhésion aux paroles et aux actes de la révélation, ainsi que leur profession, en particulier l’adhésion au Christ et à la vie nouvelle qu’il a donnée. Par conséquent, elle est tout à la fois acte (fides qua) et contenu (fides quae creditur). Elle est « la garantie des biens que l’on espère, la preuve des réalités qu’on ne voit pas[9] ».

Transmise une fois pour toutes par les Apôtres, la foi est fidèlement gardée dans l’Église comme depositum fidei[10]. L’Église est en effet le Corps du Christ rempli par le Saint-Esprit, et elle a reçu de Jésus-Christ la promesse que le Saint-Esprit la conduira vers la vérité tout entière[11]. « L’Évangile de la vérité[12] » a été confié à l’Église comme peuple de Dieu en marche. Par sa vie, par sa confession de la foi et la liturgie qu’elle célèbre, elle doit témoigner de la foi devant le monde. On peut la désigner comme « colonne et support de la vérité[13] ». Certes, nous ne connaissons maintenant la vérité que comme dans un miroir et en énigme ; c’est seulement dans l’achèvement eschatologique que nous verrons Dieu face à face, tel qu’il est[14]. De cette manière, notre connaissance de la vérité est située dans la tension entre le « déjà là » et le « pas encore ».

Perspectives de l’herméneutique dans l’Écriture.

La façon dont il faut interpréter le message biblique ressort de sa nature même. Car la vérité révélée, telle que la sainte Écriture l’enseigne, est la « fidélité-vérité » historique de Dieu (emeth) : en dernière analyse, elle est la communication que le Père fait de soi-même en Jésus-Christ, pour une présence permanente dans le Saint-Esprit. Elle est attestée par les paroles, les actions et la vie tout entière de l’Église. Ainsi, pour un chrétien, Jésus-Christ est la Parole unique dans la multiplicité des paroles ; toutes les affirmations de l’Ancien Testament comme du Nouveau Testament doivent être comprises à partir de Lui et en vue de Lui. Voilà pourquoi elles forment une unité. Pour les chrétiens, il faut donc interpréter l’Ancien Testament à la lumière de son accomplissement néotestamentaire, et comprendre le Nouveau Testament à la lumière des promesses vétérotestamentaires.

L’Ancien comme le Nouveau Testaments doivent être expliqués et rendus présents dans l’Esprit-Saint qui demeure dans l’Église. Chacun, par le don de la grâce reçu « selon le degré de la foi que Dieu lui a accordé », doit contribuer à l’édification du Corps du Christ, l’Église[15]. C’est pourquoi la deuxième épître de saint Pierre déjà (1, 20) met en garde contre une interprétation arbitraire de la sainte Écriture.

La vérité révélée veut marquer de son empreinte la vie des hommes qui l’ont reçue. Pour saint Paul, le mode indicatif de l’existence dans le Christ et dans l’Esprit doit devenir un mode impératif de passer maintenant à la vie nouvelle. Ce qui importe, c’est de demeurer dans la vérité, non seulement de la saisir toujours mieux sur le plan intellectuel mais de la faire entrer plus profondément dans la vie, de « la faire[16] ». Par là, la vérité se montre comme l’« absolument sûr » et comme le fondement qui soutient l’existence humaine. Plus que toute autre chose, la liturgie ainsi que la prière sont un lieu herméneutique important pour la connaissance et la médiation de la vérité.

Les formules bibliques de confession de foi.

Ce que l’on vient de dire ne vaut pas moins des « homologies », c’est-à-dire des formules de profession de foi qui se trouvent déjà dans les parties les plus anciennes du Nouveau Testament. Celles-ci confessent la foi en Jésus comme Christ[17], Kyrios[18] et Fils de Dieu[19]. Elles témoignent de la foi en la mort et en la résurrection de Jésus[20] ; elles proclament sa mission et sa naissance[21], le sacrifice de sa vie[22] ainsi que sa parousie[23]. La divinité de Jésus, son incarnation et son exaltation sont louées dans des hymnes[24]. De tout cela, il découle que la foi des communautés néotestamentaires ne repose pas sur le témoignage privé de quelques individus mais sur une confession de foi commune à tous, publique et qui oblige tous.

Nous rencontrons cette confession de foi dans le Nouveau Testament sans qu’elle y revête pour autant une monotone uniformité. L’unique vérité s’exprime plutôt dans une grande et multiforme richesse de formules. Il y a même, dans le Nouveau Testament, des formules qui manifestent un progrès dans la connaissance de la vérité : les vérités dont il témoigne peuvent en effet se compléter mutuellement et s’approfondir, mais jamais se contredire. Il s’agit toujours de l’unique mystère du salut de Dieu en Jésus-Christ qui s’est exprimé sous plusieurs formes et sous différents aspects.

b) Déclarations et pratique du Magistère de l’Église.

Les déclarations du Magistère sur l’interprétation des dogmes.

Le chemin historique, depuis Nicée (325) jusqu’à Constantinople I (381), Éphèse (431), Chalcédoine (451), Constantinople II (553) et aux conciles postérieurs de l’Église ancienne, montre que l’histoire des dogmes est le processus d’une interprétation ininterrompue et vivante de la Tradition. Le deuxième concile de Nicée (787) a résumé la doctrine éclairante des Pères : l’Évangile est transmis dans la paradosis de l’Église catholique guidée par le Saint-Esprit[25].

Le concile de Trente (1545-1563) a défendu cette doctrine ; il met les croyants en garde contre une interprétation privée de la sainte Écriture, et il ajoute qu’il appartient à l’Église de juger du véritable sens de l’Écriture et de son interprétation[26]. Le premier concile du Vatican (1869-1870) a réaffirmé la doctrine de Trente[27]. En outre, il a reconnu un développement des dogmes pour autant que ce développement se fasse dans le même sens et selon la même signification (eodem sensu eademque sententia). De cette manière, le concile enseigne que pour ce qui regarde les dogmes, il faut tenir le sens qui a été exposé une fois pour toutes par l’Église. Pour cette raison, il condamne quiconque s’écarte de ce sens sous le prétexte et au nom d’une connaissance supérieure, ou du progrès des sciences, d’une prétendue interprétation plus profonde de la formulation dogmatique, ou d’un progrès scientifique[28]. Cette irréversibilité et cette irréformabilité sont impliquées dans l’infaillibilité de l’Église conduite par le Saint-Esprit, particulièrement dans l’infaillibilité que le pape exerce en matière de foi et de mœurs[29]. Elle trouve son fondement dans le fait que, dans le Saint-Esprit, l’Église participe à la véracité de Dieu qui ne peut ni se tromper ni tromper (qui nec falli nec fallere potest)[30].

Le Magistère de l’Église a défendu cette doctrine contre la lecture purement symbolique et pragmatique des dogmes par les modernistes[31]. Dans son encyclique Humani generis (1950), le pape Pie XII a donné un nouvel avertissement contre un relativisme dogmatique qui abandonne le langage reçu dans l’Église pour exprimer le contenu de la foi dans une terminologie variable au cours de l’histoire[32]. Semblablement, dans son encyclique Mysterium Fidei (1965), le pape Paul VI a insisté sur le fait qu’il faut maintenir les modes exacts d’expression des dogmes fixés par la Tradition.

L’enseignement du deuxième concile du Vatican.

Le concile Vatican II a présenté la doctrine traditionnelle de l’Église dans un contexte plus vaste ; ainsi, il a également mis en valeur la dimension historique des dogmes. Il enseigne que le peuple de Dieu en son entier participe à l’office prophétique du Christ[33] et que, avec l’aide du Saint-Esprit, il y a dans l’Église un progrès dans l’intelligence de la Tradition apostolique[34]. Dans le cadre de la mission et de la responsabilité communes à tous, le concile a fermement affirmé tant la doctrine du magistère authentique appartenant seulement aux évêques[35] que celle de l’infaillibilité de l’Église[36]. Mais le concile voit les évêques surtout comme les prédicateurs de l’Évangile : il ordonne leur office de docteurs à leur office de prédication de l’Évangile[37]. Cette mise en valeur du caractère pastoral du Magistère a attiré l’attention sur la distinction entre, d’une part, le fonds immuable de la foi, c’est-à-dire les vérités de la foi, et, d’autre part, leur mode d’expression. Cela signifie que l’enseignement de l’Église, conservant toujours le même sens et le même contenu, doit être transmis aux hommes d’une manière vivante et qui corresponde aux exigences de leur temps[38].

La Déclaration Mysterium Ecclesiae (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, en 1973) a repris cette distinction et l’a précisée et approfondie contre la méprise d’un relativisme dogmatique. Certes, les dogmes sont historiques en ce sens que leur signification « dépend pour une part de la portée sémantique de la langue employée à une certaine époque et dans certaines circonstances ». Des définitions ultérieures conservent et confirment les définitions précédentes, mais elles les expliquent aussi ; et, le plus souvent, dans une confrontation avec des questions nouvelles et avec des erreurs, elles les rendent vivantes et fructueuses dans l’Église. Cela ne signifie pourtant pas qu’on puisse réduire l’infaillibilité à un immobilisme figé dans la vérité. D’une part, les formules dogmatiques ne déclarent pas la vérité d’une manière simplement indéterminée, changeante ou seulement approximative ; de l’autre, elles ne lui font subir ni transformation ni déformation. Il s’agit de tenir la vérité sous une forme déterminée. Le sens historique des formulations dogmatiques fait ici autorité[39]. Dans sa Lettre apostolique Ecclesia Dei (1988), le pape Jean-Paul II a récemment réaffirmé avec force ce sens d’une tradition vivante. La relation entre la formulation et le contenu du dogme requiert bien sûr une clarification plus approfondie[40].

Qualifications théologiques.

Le fait que la Tradition soit une réalité bien vivante explique que l’on rencontre une grande variété de déclarations du Magistère dont l’importance diffère et dont le caractère obligatoire revêt différents degrés. Pour apprécier ces déclarations avec exactitude et pour les interpréter, la théologie a élaboré la doctrine des qualifications théologiques, qui a été en partie reprise par le Magistère de l’Église. Ces derniers temps, elle est malheureusement plus ou moins tombée dans l’oubli. Mais elle est utile pour l’interprétation des dogmes et devrait donc être renouvelée et développée.

Suivant la doctrine de l’Église, « on doit croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la Parole de Dieu écrite ou transmise par la Tradition et que l’Église propose à croire comme divinement révélé, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel[41] ». Cela concerne les vérités de foi (au sens strict) aussi bien que les vérités touchant la vie morale attestées par la révélation[42].

Des vérités naturelles et des doctrines morales naturelles peuvent indirectement appartenir à la doctrine de l’Église avec force d’obligation quand elles entretiennent un rapport nécessaire et intrinsèque avec les vérités de foi[43]. Néanmoins, Vatican II distingue clairement entre la doctrine de la foi et les principes de l’ordre moral naturel, en tant que pour la première, le concile parle « d’annoncer et d’enseigner authentiquement », mais pour les seconds, « de déclarer et de confirmer avec autorité[44] ».

Puisque l’enseignement du Magistère est un tout vivant, l’accord des croyants ne peut pas se limiter à des vérités formellement définies. Il y a d’autres affirmations du Magistère (du pape, de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ou d’évêques) qui, sans être des définitions définitives, doivent être reçues, selon des degrés différents, avec un assentiment religieux (religiosum obsequium). De telles affirmations font partie du Magistère authentique quand l’intention magistérielle y est déclarée ; on reconnaît celle-ci avant tout par « la nature des documents, ou l’insistance à proposer une certaine doctrine, ou la manière même de s’exprimer[45] ». Le sens précis de cette affirmation conciliaire requiert encore une clarification théologique plus approfondie. Avant tout, pour éviter que son autorité ne s’émousse inutilement, il serait souhaitable que le Magistère de l’Église lui-même indique chaque fois clairement le mode et le degré d’obligation de ses déclarations.

La pratique du Magistère.

La pratique du Magistère ecclésiastique doit tendre à s’accorder avec son caractère pastoral. Sa tâche, qui est de témoigner authentiquement de la vérité de Jésus-Christ, se situe au sein de la mission plus vaste de la cura animarum ; conformément à sa nature pastorale, elle aborde avec prudence et avec discernement des problèmes nouveaux d’ordre social, politique et ecclésial.

On peut observer que, durant les derniers siècles, le Magistère de l’Église a interprété certaines prises de position antérieures face à de nouveaux développements, en particulier lorsqu’une donnée complexe a été suffisamment analysée et éclairée. Cela se vérifie dans l’attitude à l’égard des questions sociales en rapport avec les résultats des sciences modernes de la nature, à l’égard des droits de l’homme et spécialement de la liberté religieuse, à l’égard de la méthode historico-critique, à l’égard du mouvement œcuménique, de l’appréciation des Églises orientales, et de certaines requêtes fondamentales des Réformateurs notamment.

Dans une société structurée de façon pluraliste et dans une église qui prend des formes différenciées, le Magistère remplit sa mission pastorale en recourant toujours davantage à l’argumentation. Dans cette situation, l’héritage de la tradition de la foi ne peut être transmis fructueusement que si le Magistère et les autres instances ayant une responsabilité pastorale et théologique sont disposés à collaborer de façon argumentative, spécialement en vue de décisions définitives du Magistère. Compte tenu des recherches scientifiques et techniques récentes, il semble opportun d’éviter des prises de position trop rapides et de favoriser plutôt des décisions différenciées et des décisions indiquant la direction à suivre.

c) Réflexions théologiques systématiques fondamentales.

Le dogme au sein de la « paradosis » de l’Église.

La proclamation fondamentale de la foi chrétienne consiste dans cette confession : le Logos qui, par anticipation et d’une façon fragmentaire, brille dans toute réalité, et dont la venue fut promise concrètement dans l’Ancien Testament, est apparu sous une forme historique et concrète, dans toute sa plénitude, en Jésus-Christ[46]. À la plénitude du temps[47], la plénitude de la Divinité habite corporellement en Jésus-Christ[48]. En lui se trouvent cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance[49]. Il est en personne le chemin, la vérité et la vie[50].

La présence de l’éternel dans une figure historique concrète fait donc partie de la structure essentielle du mystère chrétien du salut. En lui, l’ouverture indéterminée de l’homme est déterminée concrètement par Dieu. Cette détermination concrète et non équivoque doit être également déterminante pour la confession de notre foi en Jésus-Christ. Le christianisme est donc dogmatique, pour ainsi dire, dans sa structure même.

La vérité de Dieu ne serait pas venue eschatologiquement et définitivement dans l’histoire avec Jésus-Christ si, dans le Saint-Esprit qui nous rappelle toujours à nouveau Jésus-Christ et qui nous conduit dans la vérité tout entière[51], elle n’était pas reçue et confessée publiquement par la communauté des fidèles. En Marie et dans le « oui » sans réserve à l’égard de la volonté salvifique de Dieu qu’elle a prononcé au nom de tout le genre humain, l’Église voit l’archétype de son propre « oui » dans la foi. Dans le Saint-Esprit, l’Église est le Corps du Christ dans lequel et par lequel la sagesse multiforme de Dieu est annoncée au monde entier[52]. Dans sa traditio (paradosis), la communication que le Père fait de lui-même par le Logos dans le Saint-Esprit demeure toujours présente dans l’Église sous de multiples formes : dans sa parole et ses actions, dans sa liturgie et sa prière ainsi que dans sa vie tout entière[53]. Les définitions dogmatiques ne sont qu’un élément à l’intérieur de cette tradition beaucoup plus englobante.

Ainsi nous ne « possédons » la réalité et la vérité du Christ que par la médiation du témoignage de l’Église porté par le Saint-Esprit. Sans l’Église, nous n’« avons » pas de Christ, pas d’Évangile et pas de Bible. Un christianisme a-dogmatique qui ferait abstraction de cette médiation ecclésiale serait une auto-contradiction.

La paradosis de l’Église reprend l’ouverture et l’universalité du langage humain, de ses images et de ses concepts ; elle leur donne leur signification définitive en les purifiant et en les transformant. À la réalité de la nouvelle création correspond donc un langage nouveau, par lequel tous les peuples doivent s’entendre et dans lequel l’unité eschatologique de la nouvelle humanité se prépare. Cela se réalise par le fait que la paradosis prend chair dans les symboles et les langues de tous les peuples, purifie et transforme leurs richesses pour les insérer dans l’économie de l’unique mystère du salut[54]. Dans ce processus historique, l’Église n’ajoute rien de nouveau (non nova) à l’Évangile, mais elle annonce la nouveauté du Christ d’une façon toujours nouvelle (noviter). De son trésor, elle tire sans cesse du neuf qui est en accord avec l’ancien[55].

La continuité au sein de ce processus de la paradosis vivante trouve son ultime fondement dans le fait que l’Église est le sujet de la foi, un sujet qui transcende l’espace et le temps. Pour cette raison, l’Église de tout temps doit garder présente l’histoire antérieure de sa foi, dans sa memoria animée par le Saint-Esprit ; et elle doit la rendre vivante et féconde d’une manière prophétique pour le présent et pour l’avenir.

La doctrine de l’Église (dogmes au sens large).

Au sein de ce tout qu’est la paradosis ecclésiale, on entend par « dogme » au sens large le témoignage doctrinal de l’Église, ayant force d’obligation, à la vérité salvifique de Dieu promise dans l’Ancien Testament, révélée d’une façon définitive et dans sa plénitude par Jésus-Christ, et demeurant présente dans l’Église par le Saint-Esprit. Dans le Nouveau Testament, cette composante doctrinale appartient manifestement à la prédication de la foi dès les origines. Jésus lui-même s’est présenté comme un docteur (Rabbi) et c’est ainsi qu’on s’est adressé à lui. Lui-même enseignait et envoya ses disciples enseigner[56]. Dans les premières communautés, il existait des docteurs[57]. Un mode d’enseignement spécial apparaît avoir accompagné très tôt la paradosis concernant le baptême[58]. L’importance de l’enseignement ressort plus clairement encore dans les écrits apostoliques plus tardifs[59].

L’exposé doctrinal de la vérité révélée témoigne de la Parole de Dieu dans et par la parole de l’homme. Il participe au caractère définitif et eschatologique de la vérité divine apparue en Jésus-Christ, comme à l’historicité et au caractère limité de tout langage humain. La doctrine de l’Église ne peut être comprise et interprétée correctement que dans la foi. Il s’ensuit que :

– Les dogmes doivent être interprétés comme un verbum rememorativum. Il faut les comprendre comme une anamnèse, une interprétation remémorative des magnalia Dei que les témoignages de la révélation rapportent. Pour cette raison, ils doivent être saisis en relation à l’Écriture et à la Tradition et être expliqués par elles. Ils doivent être interprétés dans le contexte de la totalité de l’Ancien et du Nouveau Testaments selon l’analogie de la foi[60].

– Les dogmes doivent être saisis comme un verbum demonstrativum. Ils ne parlent pas seulement d’œuvres salvifiques du passé, mais ils veulent exprimer le salut et signifier son actualité de manière effective ici et maintenant. Ils veulent être lumière et vie. C’est pourquoi ils doivent être interprétés comme vérité salvifique et être transmis d’une manière vivante, avec une force de stimulation et d’interpellation, aux hommes de chaque époque.

– Les dogmes doivent être interprétés comme un verbum prognosticum. Comme témoignage de la vérité et de la réalité du salut eschatologique, les dogmes sont des affirmations anticipatives de l’eschatologie. Ils doivent susciter l’espérance et, en conséquence, être expliqués en fonction de la fin dernière, de l’accomplissement de l’homme et du monde[61], et être saisis comme doxologie.

Les dogmes au sens strict.

L’enseignement magistériel de la vérité révélée peut se réaliser sous des formes diverses et plus ou moins expressément, et selon des degrés variables d’obligation[62]. Dans un sens strict (sens qui n’a été précisé qu’à l’époque moderne), un dogme est une doctrine dans laquelle l’Église prononce une vérité révélée de façon définitive, sous une forme qui oblige universellement la communauté ecclésiale, et de telle sorte que sa négation est rejetée comme une hérésie et sanctionnée par l’anathème. Dans le dogme au sens strict se joignent ainsi une composante doctrinale et une composante juridique ou disciplinaire. De telles affirmations doctrinales de droit sacré ont un fondement incontestable dans la sainte Écriture, en particulier dans le pouvoir de lier et de délier que Jésus a donné à l’Église, et qui a force de loi même au ciel, c’est-à-dire devant Dieu[63]. L’anathème possède aussi un fondement dans le Nouveau Testament[64].

Cette réunion de l’aspect doctrinal et de l’aspect juridique dans une seule proposition correspond au caractère concret et tout à fait déterminé de la foi chrétienne. Mais elle comporte également le danger d’un positivisme comme aussi d’un minimalisme dogmatiques. Pour éviter ces deux dangers, une double intégration des dogmes est nécessaire :

– L’intégration de l’ensemble des dogmes dans la totalité de la doctrine et de la vie ecclésiales. Car « l’Église perpétue dans sa doctrine, sa vie et son culte, et transmet à chaque génération, tout ce qu’elle est elle-même, tout ce qu’elle croit[65] ». Par conséquent, les dogmes doivent être interprétés dans le contexte général de la vie et de la doctrine de l’Église.

– L’intégration de chaque dogme dans la totalité de tous les dogmes. Ils ne sont compréhensibles qu’à partir de leur lien intrinsèque (nexus mysteriorum)[66] et dans leur structure d’ensemble. À cet égard, il faut accorder une attention particulière à l’ordre ou à la « hiérarchie des vérités » dans la doctrine catholique, qui relève des différents modes selon lesquels les dogmes se rapportent au fondement christologique de la foi chrétienne[67]. Sans doute, toutes les vérités révélées doivent être tenues d’une même foi divine, mais leur importance et leur poids se distinguent en fonction de leur relation au mystère du Christ.

La signification théologale des dogmes.

En dernière analyse, toute révélation est la révélation de soi et la communication de soi que Dieu le Père fait par le Fils dans le Saint-Esprit, afin que nous entrions en communion avec lui[68]. Pour cette raison, Dieu est l’unique objet, et englobant tout, de la foi et de la théologie (saint Thomas d’Aquin). Par conséquent, il est exact que « actus credentis non terminatur ad enuntiabile, sed ad rem[69] ». En accord avec cela, la tradition théologique du Moyen Âge a établi au sujet de l’article de foi : « articulus fidei est perceptio divinae veritatis tendens in ipsam[70] ». Cela signifie que l’article de foi est une saisie réelle et vraie de la vérité divine ; il est une forme de médiation doctrinale qui contient la vérité dont il témoigne. Précisément parce qu’il est vrai, il renvoie, au-delà de lui-même, au mystère de la vérité divine. Il s’ensuit que l’interprétation des dogmes est, comme toute interprétation, un chemin qui nous conduit de la parole extérieure au cœur de sa signification et, en dernier ressort, à l’unique et éternelle Parole de Dieu. C’est pourquoi l’interprétation des dogmes ne va pas d’un mot et d’une formule particulière vers d’autres ; elle va plutôt des mots, des images et des concepts à la vérité de la réalité qu’ils contiennent. Il s’ensuit que, en fin de compte, toute connaissance de foi est une anticipation de la vision éternelle de Dieu face à face. De cette signification théologale des dogmes, il s’ensuit que :

– Comme toute autre proposition humaine au sujet de Dieu, les dogmes doivent être compris par analogie, ce qui implique que la similitude des créatures avec le Créateur ne va jamais sans une dissimilitude plus grande encore[71]. L’analogie s’écarte aussi bien d’une compréhension objectivante et chosiste de la foi et des dogmes, que d’une théologie négative excessive qui comprend les dogmes comme de purs « chiffres » d’une transcendance qui demeure en dernier ressort insaisissable, et par là méconnaît la nature historique et concrète du mystère chrétien du salut.

– Le caractère analogue des dogmes ne doit pas être faussement confondu avec une conception purement symbolique qui considère le dogme comme une objectivation postérieure, soit d’une expérience religieuse existentielle originelle, soit d’une certaine pratique sociale ou ecclésiale. Les dogmes doivent plutôt être compris comme une forme doctrinale, ayant valeur d’obligation, de la vérité salvifique de Dieu qui nous est adressée. Ils sont la forme doctrinale dont le contenu est la Parole et la Vérité de Dieu lui-même. Ils doivent donc être interprétés avant tout théologiquement.

– Selon la doctrine des Pères, l’interprétation théologique des dogmes n’est pas seulement un processus purement intellectuel. Elle est plus profondément encore un événement spirituel, c’est-à-dire porté par l’Esprit de Vérité, et qui n’est pas possible sans une purification préalable des « yeux du cœur ». Elle présuppose la lumière de la foi donnée par Dieu ainsi qu’une participation à la réalité crue et une expérience spirituelle de cette réalité crue qui sont l’œuvre du Saint-Esprit. C’est surtout dans ce sens plus profond que l’interprétation des dogmes est un problème de relation entre la théorie et la pratique ; elle est indissolublement liée à la vie dans et à partir de la communion avec Jésus-Christ dans l’Église.

3. Critères d’interprétation

a) Dogme et Écriture sainte.

La signification fondamentale de la sainte Écriture.

Les écrits de l’Ancien et du Nouveau Testaments ont été composés sous la motion du Saint-Esprit afin d’être « utiles pour enseigner, réfuter, redresser et former à la justice[72] ». Ces écrits sont rassemblés dans le Canon. Par son Magistère, l’Église a reconnu dans ce Canon le témoignage apostolique de la foi, l’expression authentique et sûre de la foi de l’Église des origines, et ne cesse de le faire[73]. « L’Église a toujours vénéré les divines Écritures comme elle l’a toujours fait aussi pour le Corps même du Seigneur, elle qui ne cesse pas, surtout dans la sainte Liturgie, de prendre le pain de la vie sur la table de la Parole de Dieu et sur celle du Corps du Christ pour l’offrir aux fidèles. » Il faut donc que toute la prédication ecclésiale « soit nourrie et guidée par la sainte Écriture[74] ». L’étude de la sainte Écriture doit être en même temps l’âme de la théologie et de toute prédication[75]. Le témoignage de la sainte Écriture doit donc être aussi le point de départ et le fondement de la compréhension des dogmes.

Crise et résultats positifs de l’exégèse moderne.

Le conflit entre l’exégèse et la dogmatique est un phénomène des temps modernes. À la suite des Lumières (Aufklärung), les instruments de la critique historique ont aussi été développés dans le but de favoriser l’émancipation par rapport à l’autorité dogmatique et ecclésiastique. Cette critique est devenue toujours plus radicale. Bientôt il ne s’est plus agi seulement du conflit entre l’Écriture et le dogme : on commença à remettre en question le texte même de l’Écriture et à le critiquer en relevant de supposées « retouches dogmatiques » dans l’Écriture elle-même. Les méthodes critiques socio-politique et psychologique ont poursuivi dans cette ligne et ont examiné le texte pour découvrir des antagonismes socio-politiques ou des données psychiques refoulées. Ce qui est commun à ces différentes tendances de la critique, c’est qu’elles soupçonnent le dogme de l’Église et l’Écriture elle-même de cacher une réalité originelle qui ne pourrait être mise au jour que par le questionnement critique.

Certes, il ne faut pas négliger l’objectif et le résultat positifs de la critique de la tradition par la pensée des Lumières. La critique historique de l’Écriture a pu mettre en évidence que la Bible elle-même est ecclésiale ; elle s’enracine dans la paradosis de l’Église primitive et la fixation de ses limites canoniques est un processus de décision ecclésial. Ainsi l’exégèse nous ramène au dogme et à la tradition.

Mais la critique historique n’a pas abouti à la conclusion que Jésus lui-même soit absolument « a-dogmatique ». Même aux yeux de la critique historique la plus stricte, il demeure un noyau historique du Jésus terrestre, significativement incontestable. à ce noyau appartient ce qui se manifeste dans les paroles et les actions de Jésus, à savoir son affirmation touchant sa mission, sa personne, sa relation à Dieu, son « Abba ». Cette affirmation contient implicitement l’évolution dogmatique postérieure déjà présente dans le Nouveau Testament et elle constitue le noyau de toutes les définitions dogmatiques. La forme primitive du dogme chrétien est par conséquent cette confession centrale du Nouveau Testament : Jésus le Christ est le Fils de Dieu[76].

La doctrine du concile Vatican II sur l’interprétation de l’Écriture.

Le concile Vatican II a repris les préoccupations positives de la critique historique moderne. Il a souligné que dans l’interprétation de la sainte Écriture, il s’agit de rechercher avec soin « ce que les saints auteurs voulaient vraiment dire et ce qu’il a plu à Dieu de faire passer par leurs paroles ». Pour le découvrir, il faut connaître la situation historique ainsi que les formes de penser, de parler et de raconter de l’époque. L’interprétation historico-critique doit être intégrée comme contribution à l’interprétation théologique et ecclésiale. « Puisque la sainte Écriture doit être lue et interprétée à la lumière du même Esprit qui la fit rédiger », il n’est pas moins nécessaire que l’on « porte attention, avec un souci non moindre, au contenu et à l’unité de toute l’Écriture[77] ».

L’interprétation théologique de l’Écriture doit partir de Jésus-Christ qui en est le centre. Il est le seul interprète (exegesato) du Père[78]. Dès le début, il fait participer ses disciples à cette interprétation puisqu’il les introduit dans son mode de vie, leur confie son message et les dote de sa puissance et de son Esprit qui les conduira vers la vérité tout entière[79]. C’est dans la force de cet Esprit que les Apôtres et leurs disciples ont rapporté et transmis le témoignage de Jésus. L’interprétation du témoignage de Jésus est donc indissolublement liée à l’action de son Esprit dans la continuité de son témoignage (succession apostolique) et au sensus fidei du peuple de Dieu.

Le dogme de l’Église a donc pour objet l’interprétation correcte de l’Écriture. Dans cette interprétation dogmatique – et ayant force d’obligation – de l’Écriture, le Magistère n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu mais bien plutôt à son service[80]. Le Magistère ne juge pas de la Parole de Dieu mais de l’exactitude de son interprétation. Et une époque ne peut pas revenir en deçà de ce qui a été formulé dans le dogme, avec l’assistance du Saint-Esprit, comme clé de lecture de l’Écriture. Cela n’exclut pas que, dans une époque postérieure, de nouveaux points de vue apparaissent, et que l’on cherche de nouvelles formulations. Enfin, le jugement de l’Église en matière de foi est sans cesse approfondi grâce au travail préparatoire des exégètes et à leur recherche attentive de ce que l’Écriture sainte entendait exprimer[81].

Le christocentrisme de l’Écriture comme critère.

Malgré toutes les nouveautés des temps modernes, malgré toutes les transformations radicales d’ordre spirituel, social et culturel intervenues à la suite des Lumières, il reste qu’il faut tenir que le Christ est la révélation définitive de Dieu et qu’il n’y a pas à attendre ni des temps nouveaux, au sens d’un nouvel âge du salut qui surpasserait celui du Christ, ni un autre Évangile. Le temps qui va jusqu’au retour du Christ demeure essentiellement lié à l’« une-fois-pour-toutes » (ephapax) historique de Jésus-Christ, ainsi qu’à la tradition de l’Écriture et de la transmission ecclésiale qui lui rendent témoignage. La Seigneurie présente de Jésus-Christ, bien qu’encore cachée, est la mesure et le jugement par lesquels, dès maintenant, se départagent vérité et mensonge. C’est encore par rapport à Jésus-Christ que se fait aussi la séparation entre ce qui, dans les nouvelles méthodes d’interprétation de l’Écriture, livre le Christ authentique, et ce qui le méconnaît ou même le falsifie.

Bien des perspectives ouvertes par la méthode historico-critique ou d’autres méthodes plus récentes (histoire des religions, structuralisme, sémiotique, histoire sociale, psychologie des profondeurs) peuvent contribuer à faire mieux ressortir la figure du Christ pour les hommes de notre temps. Néanmoins, toutes ces méthodes ne peuvent être fructueuses que dans la mesure où elles sont employées dans l’obéissance de la foi et ne prétendent pas à l’autonomie. La communion ecclésiale demeure le lieu où l’interprétation de l’Écriture est préservée du danger d’être emportée à la dérive par les courants de telle ou telle époque.

b) Le dogme dans la Tradition et la communion de l’Église.

La connexion indissoluble entre Écriture, Tradition et communion de l’Église.

L’unique Évangile qui, comme accomplissement des promesses de l’Ancien Testament, a été révélé une fois pour toutes et en plénitude par Jésus-Christ, demeure durablement la source de toute vérité salvifique et de tout enseignement en matière morale[82]. Grâce à l’assistance du Saint-Esprit, les Apôtres et leurs disciples l’ont transmis par leur prédication orale, leur exemple et les institutions qu’ils ont établies ; sous l’inspiration du même Esprit, ils l’ont aussi confié à des documents écrits[83]. De cette manière, l’Écriture et la Tradition constituent ensemble l’unique dépôt de la foi (depositum fidei) que l’Église doit garder fidèlement[84]. L’Évangile n’a donc pas été donné à l’Église dans des lettres mortes écrites seulement sur du papier ; il est écrit par le Saint-Esprit dans les cœurs des fidèles[85]. Ainsi, grâce au Saint-Esprit, l’Évangile est présent en permanence dans la communion de l’Église, dans sa doctrine, dans sa vie et surtout dans sa liturgie[86].

La sainte Écriture, la Tradition et la communion de l’Église ne sont donc pas des réalités isolées les unes des autres ; elles forment une unité intrinsèque[87] qui trouve son plus profond fondement dans le fait que le Père envoie conjointement sa Parole et son Esprit pour nous les donner. L’Esprit produit les œuvres du salut, il appelle et inspire les prophètes qui annoncent et expliquent ces œuvres, et il crée un peuple qui les confesse dans la foi et qui en témoigne. À la plénitude des temps, il opère l’incarnation de la Parole éternelle de Dieu[88] ; par le baptême, il édifie l’Église, Corps du Christ[89], lui rappelle sans cesse les paroles, l’œuvre et la personne de Jésus-Christ, et l’introduit dans la vérité tout entière[90].

Par l’action du Saint-Esprit, la parole extérieure devient « esprit et vie » dans les croyants. C’est Dieu lui-même qui instruit par son onction[91]. L’Esprit éveille et nourrit le sensus fidelium, c’est-à-dire ce sens intérieur par lequel, sous la conduite du Magistère, le peuple de Dieu reconnaît dans la prédication non pas la parole d’hommes mais celle de Dieu, qu’il accueille, à laquelle il adhère, et qu’il garde avec une indéfectible fidélité[92].

L’unique Tradition et la pluralité des traditions.

En dernier ressort, la Tradition (paradosis) n’est rien d’autre que la communication que Dieu le Père fait de soi-même par Jésus-Christ dans le Saint-Esprit, en vue d’une présence toujours nouvelle dans la communauté de l’Église. Dès le début, cette Tradition vivante prend dans l’Église un grand nombre de formes différentes dans des traditions particulières (traditiones). Sa richesse inépuisable s’exprime dans une pluralité de doctrines, chants, symboles, rites, disciplines et institutions. La Tradition montre aussi sa fécondité par son « inculturation » dans les Églises locales distinctes, selon leurs situations culturelles. Ces traditions variées sont orthodoxes dans la mesure où elles témoignent de l’unique Tradition apostolique et la transmettent.

Le discernement des esprits[93] fait donc aussi partie de l’œuvre du Saint-Esprit qui introduit « dans la vérité tout entière ». Il s’agit ici de distinguer la Tradition reçue du Seigneur[94] et les traditions des hommes[95]. Grâce à l’assistance permanente du Saint-Esprit qui maintient son indéfectibilité, la Tradition apostolique dans l’Église ne peut subir aucune corruption essentielle. Cependant, dans cette Église qui est l’Église sainte et en même temps Église de pécheurs, il arrive que se glissent des traditions humaines qui appauvrissent l’unique Tradition apostolique, ou en majorent certains aspects d’une façon si disproportionnée que son noyau s’en trouve voilé. C’est pourquoi l’Église a sans cesse besoin de purification, de pénitence et de renouvellement à l’égard des traditions qu’on y trouve[96].

Les critères d’un tel « discernement des esprits » découlent de la nature même de la Tradition :

– Puisque c’est l’unique Esprit qui agit dans toute l’histoire du salut, dans l’Écriture et la Tradition ainsi que dans toute la vie de l’Église à travers les siècles, un critère fondamental est la cohérence intrinsèque de la Tradition. Cette cohérence est assurée par le fait que Jésus-Christ est le centre de la révélation. Jésus-Christ lui-même est donc le foyer d’unité pour la Tradition et pour ses multiples formes ; il est le critère du discernement et de l’interprétation. C’est à partir de ce centre que, dans leur correspondance réciproque, l’Écriture et la Tradition, aussi bien que les traditions particulières, doivent être considérées et interprétées.

– Puisque la foi a été transmise une fois pour toutes[97], l’Église est liée de façon permanente à l’héritage des Apôtres. Par conséquent, l’apostolicité est un critère essentiel. L’Église doit se renouveler sans cesse par la mémoire vivante de son origine et interpréter les dogmes à la lumière de cette origine.

– L’unique foi apostolique, qui a été donnée à l’Église dans son entier, prend forme dans les diverses traditions des Églises locales. Un critère essentiel est la catholicité, c’est-à-dire l’accord au sein de la communio de l’Église. L’accord incontesté sur un point de doctrine de foi pendant une longue période constitue un signe pour reconnaître l’apostolicité de cette doctrine.

– Le rapport de la Tradition avec la communio ecclésiale se manifeste et s’actualise avant tout dans la célébration de la liturgie. C’est pourquoi la lex orandi est simultanément la lex credendi[98]. La liturgie est le lieu théologique vivant et englobant de la foi : elle l’est non seulement dans un sens extérieur (dans la mesure où les expressions liturgiques et les expressions doctrinales doivent se correspondre), mais la liturgie actualise aussi le « mystère de la foi ». La communion au Corps eucharistique du Christ sert l’édification et la croissance du Corps ecclésial du Seigneur, la communauté qu’est l’Église[99].

L’interprétation des dogmes au sein de la communion de l’Église.

L’Église est le sacrement, c’est-à-dire tout ensemble le lieu, le signe et l’instrument de la paradosis. Elle annonce l’Évangile des œuvres salvifiques de Dieu (martyria) ; elle transmet la confession de la foi à ceux qu’elle baptise[100], elle confesse sa foi lors de la fraction du pain et dans la prière[101] (leiturgia) ; elle sert Jésus-Christ dans les pauvres, les persécutés, les captifs, les malades et les mourants[102] (diakonia). Les dogmes sont une expression de cette même tradition de la foi dans l’ordre doctrinal. On ne peut donc pas les isoler du contexte de la vie ecclésiale et les interpréter comme des formules purement conceptuelles. Le sens des dogmes et de leur interprétation est bien plutôt sotériologique : ils doivent protéger la communauté ecclésiale contre l’erreur, guérir les blessures de l’erreur et servir la croissance dans la foi vivante.

Le ministère de la paradosis et de son interprétation a été confié à l’Église dans son ensemble. Au sein de l’Église, c’est aux évêques qu’il appartient d’interpréter authentiquement la Tradition de la foi[103], car ils sont établis dans la succession apostolique[104]. En communion avec l’évêque de Rome, à qui le ministère de l’unité a été confié d’une façon particulière, ils ont collégialement pouvoir de définir des dogmes et de les interpréter authentiquement. Cela peut être fait par l’ensemble des évêques en union avec le pape, ou par le pape seul, chef du collège des évêques[105].

Dans l’Église, la tâche d’interpréter les dogmes revient aussi à des témoins et à des enseignants qui sont en communion avec les évêques. Le témoignage concordant des Pères de l’Église (unanimis consensus Patrum)[106], le témoignage de ceux qui ont subi le martyre pour la foi ainsi que celui des autres saints reconnus (canonisés) par l’Église, en particulier des saints Docteurs de l’Église, ont ici une importance toute particulière.

Au service du « consensus fidelium ».

Un critère essentiel pour le discernement des esprits est l’édification de l’unité du Corps du Christ[107]. C’est la raison pour laquelle l’action du Saint-Esprit dans l’Église se manifeste aussi dans la « réception mutuelle ». La sainte Écriture comme la Tradition livrent leur sens avant tout quand elles sont réalisées et actualisées dans la liturgie. Elles sont pleinement reçues par la communauté de l’Église quand elles sont célébrées au sein du « mystère de la foi ».

L’interprétation des dogmes est une forme du service du consensus fidelium, dans lequel le peuple de Dieu, « des évêques jusqu’au dernier des laïcs croyants » (saint Augustin), exprime son consentement général en matière de foi et de mœurs[108]. Les dogmes et leur interprétation doivent renforcer ce consensus des fidèles dans la confession de ce que nous avons « entendu dès le commencement[109] ».

c) Le dogme et son interprétation actuelle.

La nécessité d’une interprétation actuelle.

La Tradition vivante du peuple de Dieu pèlerin à travers l’histoire ne s’arrête pas à un point déterminé de cette histoire ; elle parvient au temps présent qu’elle traverse pour se prolonger dans l’avenir[110]. La définition d’un dogme n’est donc pas seulement le terme d’un développement mais elle est aussi toujours un nouveau commencement. Lorsqu’une vérité de foi est dogmatisée, elle s’intègre pour toujours dans la paradosis qui se poursuit. À la définition font donc suite la réception, c’est-à-dire l’appropriation vivante de ce dogme dans toute la vie de l’Église, et la pénétration plus profonde dans la vérité que ce dogme atteste. En effet, le dogme ne doit pas être un vestige des temps passés : il doit produire des fruits dans la vie de l’Église. Pour cette raison, il ne faut pas voir uniquement sa signification négative ou limitative ; il faut le saisir dans son sens positif qui est d’ouvrir à la vérité.

Une telle interprétation des dogmes pour le présent doit tenir compte de deux principes qui, de prime abord, semblent se contredire : la valeur permanente de la vérité et l’actualité présente de la vérité. Cela signifie qu’on ne peut ni renoncer à la Tradition ou la trahir, ni, sous l’apparence de la fidélité, ne transmettre qu’une tradition figée. Il faut que, de la mémoire de la Tradition, naisse l’espérance pour le présent et pour l’avenir. Une définition ne peut être vraiment signifiante pour le présent que parce qu’elle est vraie et en tant qu’elle est vraie. La validité permanente de la vérité et son actualité vont donc de pair. Seule la vérité rend libre[111].

Les principes directeurs de l’interprétation actuelle.

Puisque l’interprétation actuelle du dogme représente une partie de l’histoire de la Tradition et des dogmes qui poursuit son chemin, elle est guidée et spécifiée par les mêmes principes que cette histoire.

Cela signifie avant tout qu’une telle interprétation pour aujourd’hui n’est pas un processus purement intellectuel, ni non plus existentiel ou social. Semblablement, elle ne consiste pas seulement dans la définition plus exacte de concepts particuliers, ni dans des conclusions logiques, ni dans des refontes ou des reformulations. Elle est inspirée, soutenue et guidée par l’action du Saint-Esprit dans l’Église et dans le cœur de chaque chrétien. Elle s’effectue à la lumière de la foi ; elle reçoit son impulsion des charismes et du témoignage des saints que l’Esprit de Dieu donne à son Église pour une époque déterminée. Dans ce contexte se situent également le témoignage prophétique des mouvements spirituels et la sagesse intérieure jaillissant de l’expérience spirituelle des laïcs remplis de l’Esprit de Dieu[112].

Tout comme la paradosis intégrale de l’Église, l’interprétation actuelle des dogmes se fait dans et par la vie ecclésiale en sa totalité. Elle prend place dans la prédication et la catéchèse, dans la célébration de la liturgie, dans la vie de prière, dans la diaconie, dans le témoignage quotidien des chrétiens ainsi que dans l’ordre juridico-disciplinaire de l’Église. Le témoignage prophétique d’individus ou de groupes chrétiens doit être mesuré par ce critère : est-il, et jusqu’à quel point, en communion avec la vie de l’Église tout entière ? Peut-il être reçu et accepté par elle, dans un processus qui peut être long et parfois même douloureux ?

La foi et l’intelligence vive de la foi sont aussi des actes pleinement et authentiquement humains qui font intervenir toutes les facultés de l’homme : son intelligence, sa volonté et sa sensibilité[113]. La foi doit rendre compte (apo-logia), devant tous les hommes, de la raison (logos) de l’espérance[114]. C’est pourquoi le travail théologique, l’étude historique des sources, le dialogue avec les sciences humaines et culturelles, l’herméneutique et la linguistique, tout comme la philosophie, ont aussi une grande importance pour l’interprétation actuelle des dogmes. Tous ces éléments peuvent stimuler le témoignage de l’Église et préparer sa présentation devant les instances de la raison ; ils ont cependant leur fondement et leur norme dans la prédication, l’enseignement et la vie de l’Église.

Valeur permanente des formules dogmatiques.

La question de l’interprétation actuelle des dogmes se cristallise dans le problème de la valeur permanente des formules dogmatiques[115]. Sans doute faut-il distinguer le contenu toujours valable des dogmes et la forme de leur expression. Le mystère du Christ dépasse les possibilités d’expression de toute époque historique et échappe donc à toute systématisation exhaustive[116]. Dans la rencontre avec les diverses cultures et les signes des temps qui changent, le Saint-Esprit rend, de manière toujours nouvelle, l’unique mystère du Christ présent dans sa nouveauté.

Cependant, on ne peut pas purement séparer contenu et forme d’expression. Le système symbolique du langage n’est pas qu’un revêtement extérieur mais il est en quelque sorte l’incarnation d’une vérité. Cela, sur le fond de l’incarnation de la Parole éternelle, vaut tout particulièrement de la profession de foi de l’Église. Par nature, celle-ci prend une forme concrète et formulable qui, comme expression « symbolique-réelle » du contenu de la foi, contient et rend présent ce qu’elle déclare. C’est pourquoi ses images et ses concepts ne sont pas interchangeables à volonté.

L’étude de l’histoire des dogmes montre clairement que, dans ces dogmes, l’Église n’a pas simplement repris une conceptualisation déjà donnée. Elle a plutôt soumis des concepts déjà existants (le plus souvent empruntés au langage cultivé courant) à un processus de purification et de transformation ou de refonte. Ainsi a-t-elle créé le langage adapté à son message. Que l’on pense, par exemple, à la distinction entre « essence » (ou nature) et « hypostase », ou à l’élaboration du concept de « personne » qui n’était pas présent de cette manière dans la philosophie grecque mais qui est le résultat de la réflexion sur la réalité du mystère chrétien du salut et sur le langage biblique.

Pour une part, le langage dogmatique de l’Église s’est donc formé en débat avec certains systèmes philosophiques, mais il n’est d’aucune façon attaché à un système philosophique déterminé. Dans un processus d’expression verbale de la foi, l’Église s’est créé son propre langage par lequel elle a exprimé en mots des réalités qui n’avaient pas été envisagées auparavant mais qui appartiennent maintenant, précisément en raison de cette expression linguistique, à la paradosis de l’Église et par elle à l’héritage historique de l’humanité.

En tant que communauté de foi, l’Église est une communauté dans la parole de la confession. C’est pourquoi l’unité dans les paroles fondamentales de la foi fait aussi partie, de façon diachronique et synchronique, de l’unité de l’Église. Si l’on ne veut pas perdre de vue la réalité qu’elles expriment, ces paroles fondamentales de la foi ne peuvent pas être dépassées, bien qu’on doive s’efforcer de les assimiler toujours davantage et de développer leur explication dans une variété de modes de prédication. L’inculturation du christianisme dans d’autres cultures, en particulier, peut être l’occasion de cette tâche et en créer l’obligation. La vérité révélée demeure cependant toujours la même « non seulement dans son contenu substantiel mais aussi dans ses formulations linguistiques décisives[117] ».

Critères pour l’interprétation actuelle.

Tous les critères déjà développés dans les chapitres précédents s’appliquent à ce processus de paradosis qui se poursuit dans le temps présent. Il importe avant tout de préserver « l’axe christologique » afin que Jésus-Christ demeure le point de départ, le centre et la mesure de toute interprétation. Pour garantir cela, le critère de l’origine, c’est-à-dire de l’apostolicité, aussi bien que le critère de la communion (koinonia), c’est-à-dire de la catholicité, revêtent une importance primordiale[118].

Outre ces deux critères, déjà traités, le « critère anthropologique » joue également un rôle important dans l’interprétation pour aujourd’hui. Cette affirmation ne signifie évidemment pas que l’homme lui-même, certains de ses besoins et intérêts, ou même des tendances à la mode, puissent être la mesure de la foi et de l’interprétation des dogmes. Cela est déjà exclu par le fait que l’homme est à ses propres yeux une question non résolue, à laquelle Dieu seul est la pleine réponse[119]. Le mystère de l’homme ne s’éclaire qu’en Jésus-Christ : en lui, l’Homme nouveau, Dieu a pleinement manifesté l’homme à l’homme et lui a découvert sa vocation la plus sublime[120]. L’homme n’est donc pas la mesure mais bien plutôt le point de référence de l’explication de la foi ainsi que de l’explication des dogmes. L’homme est le « chemin de l’Église » (via Ecclesiae), dans l’explication de ses dogmes aussi[121].

Le premier concile du Vatican a déjà enseigné qu’une intelligence plus profonde des mystères de la foi est possible si on les considère dans leur analogie avec la connaissance naturelle et si on les met en rapport avec la fin ultime de l’homme[122]. Le deuxième concile du Vatican parle de « signes des temps » qui, d’une part, doivent être interprétés à partir de la foi, mais qui, d’autre part, peuvent aussi susciter une intelligence plus profonde de la foi transmise[123]. L’Église veut ainsi éclairer le mystère de l’homme à la lumière du Christ et coopérer à la recherche d’une solution aux questions les plus urgentes de notre époque[124].

Les sept critères de John Henry Newman.

J. H. Newman a élaboré une critériologie du développement des dogmes qui étend et complète ce que nous venons d’exposer. Corrélativement, cette critériologie peut aussi être appliquée à l’interprétation continue et actualisante des dogmes. Newman énumère sept principes ou critères.

(1) Préservation du « type », c’est-à-dire de la forme fondamentale, des proportions et des rapports entre les parties et le tout. Quand la structure d’ensemble demeure, le type peut être préservé même si certains concepts particuliers changent. Mais cette structure d’ensemble peut être corrompue, même dans des cas où les concepts demeurent les mêmes, s’ils sont intégrés dans un contexte ou un système de coordonnées tout autre.

(2) Continuité des principes : chacune des diverses doctrines comporte des principes existant à un niveau plus profond, même si ceux-ci ne sont souvent connus que plus tard. Une même doctrine, si on la détache du principe qui la fonde, peut être interprétée de différentes façons et conduire à des conclusions opposées. La continuité des principes est donc un critère qui permet de distinguer un juste et légitime développement et une évolution erronée.

(3) Capacité d’assimilation : une idée vivante montre sa force par sa capacité de pénétrer le réel, d’intégrer d’autres idées, de stimuler la pensée et de se développer sans perdre son unité intérieure. Ce pouvoir d’intégration est un critère d’un développement légitime.

(4) Cohérence logique : le développement des dogmes est un processus vital trop englobant pour qu’on le considère seulement comme une explication logique ou une déduction à partir de prémisses données. Il faut néanmoins que, après-coup, il s’avère logiquement cohérent. Inversement, on peut juger d’un développement d’après ses conséquences et le reconnaître à ses fruits comme légitime ou illégitime.

(5) Anticipation de l’avenir : des orientations qui ne s’imposent pleinement et ne montrent leurs conséquences que plus tard peuvent se faire remarquer de bonne heure, même si elles sont isolées et manquent encore de clarté. De telles anticipations sont signes de l’accord du développement postérieur avec l’idée d’origine.

(6) Préservation active de la valeur des développements du passé : un développement est une corruption lorsqu’il contredit la doctrine originelle ou des développements antérieurs. Un vrai développement maintient et conserve les développements et les formulations qui l’ont précédé.

(7) Vigueur durable : la corruption conduit à la dissolution et ne peut pas demeurer durablement. À l’inverse, une vigueur vitale durable est un critère d’un développement fidèle.

L’importance du Magistère pour l’interprétation actuelle.

Les critères que nous venons d’énumérer ne seraient pas complets si nous omettions de rappeler la fonction du Magistère de l’Église auquel a été confiée l’interprétation authentique de la Parole de Dieu, écrite et transmise par la Tradition, et qui exerce son mandat au nom de Jésus-Christ et avec l’assistance du Saint-Esprit[125]. Sa mission ne consiste pas seulement à ratifier ou à confirmer, à la manière d’un « notaire » suprême, le processus d’interprétation dans l’Église. Le Magistère doit aussi le stimuler, l’accompagner, le guider et, pour autant que ce processus parvienne à un terme positif, lui donner par sa validation officielle une autorité objective qui oblige universellement. De cette façon, le Magistère donnera orientation et certitude aux chrétiens qui se trouvent confrontés à une cacophonie d’opinions et à d’interminables disputes théologiques ; cela peut se faire de diverses façons et selon différents degrés d’obligation, depuis la prédication quotidienne, l’exhortation ou l’encouragement jusqu’aux déclarations doctrinales authentiques ou même infaillibles.

« En face de présentations de la doctrine gravement ambiguës, voire incompatibles avec la foi de l’Église, celle-ci a la possibilité de discerner l’erreur et le devoir de l’écarter, en arrivant même au rejet formel de l’hérésie comme remède extrême pour sauvegarder la foi du peuple de Dieu[126]. » « Un christianisme qui ne pourrait plus dire ce qu’il est et ce qu’il n’est pas, ni par où passent ses frontières, n’aurait plus rien à dire[127]. » La fonction apostolique de l’anathème est, aujourd’hui encore, un droit du Magistère de l’Église dont l’exercice peut devenir une obligation[128].

Toute interprétation des dogmes doit servir cette seule fin : que, dans l’Église et en chacun des croyants, la lettre des dogmes devienne « esprit et vie ». Dans l’aujourd’hui toujours renouvelé, l’espérance doit germer de la mémoire de la Traditio de l’Église ; dans la diversité des situations humaines, culturelles, économiques et politiques, dans la pluralité des races, l’unité et la catholicité de la foi doivent être renforcées et promues comme signe et instrument de l’unité et de la paix dans le monde. L’enjeu en est que les hommes obtiennent la vie éternelle en connaissant l’unique vrai Dieu et son Fils Jésus-Christ[129].


* Ce document de la Commission théologique internationale a été préparé sous la direction de S. ém. Walter Kasper, alors professeur à l’université de Tübingen, par une sous-commission composée des professeurs Jan Ambaum, Giuseppe Colombo, Jean Corbon, Joachim Gnilka, Adrien-Mutien Léonard, Stanislaw Nagy, Henrique de Noronha Galvao, Carl Peter, Christoph Schönborn et Felix Wilfred. Il a été discuté lors de la session plénière du 3 au 8 octobre 1988, et approuvé in forma specifica lors de la session plénière d’octobre 1989. Conformément aux statuts de la CTI, il a été publié avec l’autorisation de S. Ém. le cardinal Joseph Ratzinger, président de la Commission.

Le texte original est en langue allemande. Voir « Die Interpretation der Dogmen », Internationale Katholische Zeitschrift « Communio » 19 (1990), p. 246-266. Nous reprenons ici, avec des corrections, des modifications et des adaptations éditoriales, la traduction française de la CTI qui a été publiée dans La Documentation catholique 87 (1990), p. 489-502. Une version officielle latine a été publiée : « De interpretatione dogmatum », Gregorianum 72 (1991), p. 5-37.

[1] Jn 3, 21.

[2] Voir CTI, « Promotion humaine et salut chrétien » (1976), dans Commission théologique internationale, Textes et documents (1969-1985), Paris, Éd. du Cerf, 1988, p. 155-172.

[3] He 1, 1-3 ; voir Ga 4, 4 ; Ep 1, 10 ; Mc 1, 15.

[4] Jn 1, 14-18.

[5] Jn 14, 6.

[6] Jn 14, 17.

[7] Jn 1, 14 ; Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 4.

[8] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 5.

[9] He 11, 1.

[10] 1 Tm 6, 20 ; 2 Tm 1, 14.

[11] Jn 16, 13.

[12] Ep 1, 13.

[13] 1 Tm 3, 15.

[14] 1 Co 13, 12 ; 1 Jn 3, 2.

[15] Rm 12, 4-8 ; 1 Co 12, 4 s.

[16] Jn 3, 21.

[17] Mt 16, 16 et par.

[18] Rm 10, 9 ; 1 Co 12, 3 ; Ph 2, 11.

[19] Mt 16, 16 ; 14, 33 ; Jn 1, 34.49 ; 1 Jn 4, 15 ; 5, 5, etc.

[20] 1 Co 15, 3-5 ; 1 Th 4, 14 ; Rm 8, 34 ; 14, 9, etc.

[21] Ga 4, 4.

[22] Rm 4, 25 ; 8, 32 ; Ga 2, 20, etc.

[23] 1 Th 1, 10 ; Ph 3, 20 s.

[24] Ph 2, 6-11 ; Col 1, 15-20 ; 1 Tm 3, 16 ; Jn 1, 1-18.

[25] DS 600, 602-603, 609.

[26] DS 1501, 1507.

[27] DS 3007.

[28] DS 3020, 3043.

[29] DS 3074.

[30] DS 3008.

[31] DS 3401-3408, 3420-3426, 3458-3466, 3483.

[32] DS 3881-3883.

[33] Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium sur l’Église, no 12.

[34] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 8.

[35] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, nos 8 et 10.

[36] Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium sur l’Église, no 25.

[37] Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium sur l’Église, no 25 ; voir Décret Christus Dominus sur la charge pastorale des évêques, nos 12-15.

[38] Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et spes, no 62. Voir Jean XXIII, Discours d’ouverture du Concile Vatican II (11 octobre 1962) ; AAS 54 (1962), p. 792.

[39] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Mysterium Ecclesiae sur la doctrine catholique concernant l’Église, no 5.

[40] Sur ce sujet, voir plus bas la section « Les dogmes au sens strict ».

[41] DS 3011.

[42] DS 1501, 3074 : « fides et mores » ; Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium sur l’Église, no 25 : « fides credenda et moribus applicanda ».

[43] Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium sur l’Église, no 25 : « tantum patet quantum divinae Revelationis patet depositum, sancte custodiendum et fideliter exponendum ».

[44] Vatican II, Déclaration Dignitatis humanae sur la liberté religieuse, no 14.

[45] Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium sur l’Église, no 25 ; voir DS 3044-3045.

[46] Jn l, 3-4.14.

[47] Ga 4, 4.

[48] Col 2, 9.

[49] Col 2, 3.

[50] Jn 14, 6.

[51] Jn 14, 26 ; 16, 13.

[52] Ep 3, 10-11 ; voir Rm 16, 25-27 ; Col 1, 26-28.

[53] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 8.

[54] Ep 3, 9.

[55] Vatican II, Déclaration Dignitatis humanae sur la liberté religieuse, no 1.

[56] Mt 28, 20.

[57] Rm 12, 7 ; 1 Co 12, 28 ; Ep 4, 11.

[58] Rm 6, 17.

[59] 1 Tm 1, 10 ; 2 Tm 4, 2 ; Tt 1, 9, etc.

[60] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 12.

[61] DS 3016.

[62] Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium sur l’Église, no 25.

[63] Mt 16, 19 ; 18, 18.

[64] 1 Co 16, 22 ; Ga 1, 8-9 ; voir 1 Co 5, 2-5 ; 2 Jn 10, etc.

[65] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 8.

[66] DS 3016.

[67] Vatican II, Décret Unitatis redintegratio sur l’œcuménisme, no 11.

[68] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 2.

[69] Saint Thomas d’Aquin, Summa theologiae, IIa-IIae, q. 1, a. 2, ad 2. [Note de l’éditeur : « L’acte du croyant ne se termine pas à l’énoncé mais à la réalité ».]

[70] Cité dans l’argument sed contra de la Summa theologiae, IIa-IIae, q. 1, a. 6. [Note de l’éditeur : « L’article de foi est une saisie de la vérité divine tendant à cette vérité même ».]

[71] DS 806.

[72] 2 Tm 3, 16.

[73] DS 1502-1504, 3006, 3029.

[74] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 21.

[75] Ibid., no 24 ; Décret Optatam totius sur la formation des prêtres, no 16.

[76] Mt 16, 16.

[77] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 12.

[78] Jn 1, 18.

[79] Jn 16, 13.

[80] Voir Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 10.

[81] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 12.

[82] DS 1501.

[83] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 7.

[84] 1 Tm 6, 20 ; 2 Tm 1, 14.

[85] 2 Co 3, 3.

[86] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 8.

[87] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, nos 9 et 10 ; voir plus haut les sections « Tradition et interprétation de la sainte Écriture » et « Crise et résultats positifs de l’exégèse moderne ».

[88] Mt 1, 20 ; Lc 1, 35.

[89] 1 Co 12, 13.

[90] Jn 14, 26 ; 15, 26 ; 16, 13-15.

[91] 1 Jn 2, 20.27 ; Jn 6, 45.

[92] Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium sur l’Église, no 12 ; voir no 35.

[93] 1 Co 12, 10 ; 1 Th 5, 21 ; 1 Jn 4, 1.

[94] 1 Co 11, 23.

[95] Mc 7, 8 ; Col 2, 8.

[96] Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium sur l’Église, no 8.

[97] Jude 3.

[98] DS 246.

[99] 1 Co 10, 17.

[100] Rm 6, 17.

[101] Ac 2, 42.

[102] Voir Mt 25.

[103] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 10.

[104] Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium sur l’Église, nos 19 et 20.

[105] Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium sur l’Église, no 25.

[106] DS 1507, 3007.

[107] 1 Co 12, 4-11.

[108] Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium sur l’Église, no 12.

[109] 1 Jn 2, 7.24.

[110] [Note de l’éditeur : dans cette section, y compris dans les sous-titres, l’adjectif « actuel » traduit l’allemand « heutig » (« heutige Interpretation »), avec le sens de « pour aujourd’hui », « actualisé dans le présent », « contemporain », « actualisant ».]

[111] Voir Jn 8, 32.

[112] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 8.

[113] Voir Mc 12, 30 et par.

[114] Voir 1 P 3, 15.

[115] Voir CTI, « L’unité de la foi et le pluralisme théologique » (1972), dans Commission théologique internationale, Textes et documents (1969-1985), Paris, Éd. du Cerf, 1988, p. 51-54, ici p. 53.

[116] Voir Ep 3, 8-10 ; voir le document de la CTI indiqué à la note précédente, p. 51.

[117] CTI, « L’unité de la foi et le pluralisme théologique », dans Commission théologique internationale, Textes et documents (1969-1985), Paris, Éd. du Cerf, 1988, p. 53 (traduction modifiée).

[118] Voir plus haut la section « L’unique Tradition et la pluralité des traditions ».

[119] Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et spes, no 21.

[120] Ibid., no 22.

[121] Voir Jean-Paul II, Lettre encyclique Redemptor hominis, no 14.

[122] DS 3016.

[123] Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et spes, nos 3-4, 10-11, 22, 40, 42-43, 44, 62, etc.

[124] Ibid., no 10.

[125] Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum sur la révélation divine, no 10.

[126] CTI, « L’unité de la foi et le pluralisme théologique » (1972), dans Commission théologique internationale, Textes et documents (1969-1985), Paris, Éd. du Cerf, 1988, p. 51-54, ici p. 52.

[127] J. Ratzinger, Commentaire des thèses I-VIII de la CTI « Unité de la foi et pluralisme théologique » (1972), dans Internationale Theologenkommission, Die Einheit des Glaubens und der theologische Pluralismus, Einsiedeln, 1973, p. 50 : « Ein Christentum, das schlechthin nicht mehr sagen könnte, was es ist und was es nicht ist, wo seine Grenzen verlaufen, hätte nichts mehr zu sagen ».

[128] Internationale Theologenkommission, Die Einheit des Glaubens und der theologische Pluralismus, p. 48 et p. 50-51.

[129] Jn 17, 3.

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