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HOMÉLIE DE SA BÉATITUDE 
LE CARDINAL MAR MOUSSA Ier DAOUD, 
PRÉFET DE LA CONGRÉGATION 
POUR LES ÉGLISES ORIENTALES, 
À L'OCCASION DE LA CANONISATION 
DE LA BIENHEUREUSE RAFQA

Lundi 11 juin 2001


Qu'est-ce qui a mû ces délégations et ces foules du Liban et du voisinage, de l'Europe et des Amériques pour qu'elles quittent leurs pays et leurs travaux et pour qu'elles supportent les peines du voyage?

Qui a amené tous ces croyants:  patriarches, évêques, prêtres, moines, moniales, politiciens, hommes d'affaires, responsables, pères, mères, vieux et jeunes?

Qu'est-ce qui nous réunit aujourd'hui à Rome, en la Basilique Saint-Pierre, dans une commune prière?

Est-ce un motif touristique, un monument archéologique, un congrès scientifique ou artistique?
Non. Ce qui nous a réunis aujourd'hui est une humble moniale qui resta dans son monastère des dizaines d'années, qui n'était ni artiste ni poète, qui n'a pas été particulièrement connue par sa science et sa culture, ni même par certains chefs-d'oeuvre. Elle pratiquait l'ascèse et la mortification et elle préférait la pauvreté et l'abnégation. Elle, c'est Rafqa Choboq Ar-Rayes, la nouvelle sainte de l'Eglise, la sainte du Liban.

La sainteté exerce une grande attraction et un grand pouvoir. Elle meut les esprits. Elle fascine les coeurs et donne élan et courage.

Mais qui est saint?

Le saint n'est pas celui qui opère des miracles et des prodiges. Le saint est un chrétien, comme nous. Il reçoit le baptême et l'Eucharistie que nous recevons. Il a la même foi que la nôtre. La seule différence réside dans le fait qu'il est conscient de son christianisme et qu'il est cohérent avec lui-même. Il croit et met sa foi en pratique.

Ainsi, Rafqa a imité Jésus-Christ et a fait de l'Evangile la règle de sa vie. Devenant une nouvelle image de Jésus-Christ et une nouvelle interprétation de l'Evangile, elle nous a illuminés par un nouveau rayon du ciel, a donné un nouvel éclat à la splendeur de la sainteté, et a répandu un nouveau parfum de la perfection divine.

Le Christ était tout pour sainte Rafqa. Elle l'a cherché et l'a écouté. Elle a compris ses desseins et a exécuté sa volonté. Elle l'a aimé au plus profond de son être.

Pour cela, sainte Rafqa n'est pas morte parce que, avec sa mort, tout a commencé. Je ne parle pas de sa vie au ciel, mais de sa nouvelle vie, sur la terre, avec les hommes.

Sainte Rafqa n'est pas morte parce qu'elle a  vécu dans l'esprit des croyants fascinés par ses vertus, recourant à elle en leurs besoins, confiants dans son intercession.

Par sa mort, Rafqa est entrée dans la gloire de Dieu pour refléter la lumière divine sur le monde et pour participer au pouvoir de Dieu. En effet, par le pouvoir qu'elle détient de Dieu elle peut exaucer nos demandes et entendre nos appels au secours. Plus de 80 ans après sa mort, elle est la plus vivante parmi les vivants.

Parce qu'elle est entièrement consacrée à Dieu, la sainte transcende l'espace et le lieu. Elle est pour toutes les patries et les nations, et pour toutes les générations et les temps.

Rafqa Ar-Rayes était libanaise et aimait sa patrie, le Liban. Elle était maronite et aimait son Eglise maronite. Elle était fille de l'Ordre Libanais maronite et aimait son Ordre.

Mais par sa canonisation, Rafqa n'appartient plus seulement à l'Ordre Libanais maronite, que cet Ordre nous permette de le dire. Elle appartient désormais à tous les Ordres, à toutes les Congrégations religieuses et à toutes les personnes consacrées.

Rafqa n'appartient plus seulement à l'Eglise maronite, que cette Eglise nous permette de le dire. Elle appartient désormais à toutes les Eglises et à toutes les communautés.

Rafqa n'appartient plus seulement au Liban, que ce pays nous permette de le dire. Elle appartient désormais au Liban, au monde arabe, à l'Orient et à l'Occident.

Sinon nous ne serions pas venus du Liban à Rome, ni Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II l'aurait proclamée sainte.

C'est la leçon, je crois, que Rafqa nous donne:  franchir les frontières de nos Ordres et de nos couvents, de nos Eglises et de nos particularités, et voir le Liban inséré dans un monde plus vaste.
L'Eglise catholique est la mère de la vraie mondialisation et la maîtresse de la juste globalisation.
Rafqa est maronite, libanaise, mais aussi syriaque, antiochienne, orientale, catholique.

Le Liban nous a donné Rafqa. Et Rafqa a donné au Liban un nouveau sens. En Rafqa, je vois le Liban. L'un et l'autre revêtent le visage de la souffrance, mais les deux ont une vocation commune, celle d'aller au-delà des frontières.

Sa Sainteté le Pape n'a pas estimé le Liban comme un simple pays. Il a dit:  "le Liban est plus qu'un pays. C'est un message... ". Moi non plus je ne vois pas le Liban comme une superficie de 10.000 km2, mais je vois le Liban comme un esprit qui se manifeste dans le monde et comme un modèle pour les peuples et les nations unies.

Le salut du Liban est d'être le pays à coeur ouvert, au-dessus des intérêts personnels et qui fait primer le bien commun.

Au nom de la Congrégation pour les Eglises orientales, je remercie sa Sainteté le Pape Jean-Paul II pour la canonisation de Rafqa. C'est une grande grâce pour laquelle je félicite l'Eglise maronite bien-aimée, ses évêques, ses prêtres, ses moines, ses moniales, ses religieux, ses religieuses et ses fidèles, et à leur tête, leur père courageux sa Béatitude et Eminence Mar Nasrallah Pierre Sfeir. J'offre également mes voeux à l'Ordre Libanais maronite et à sa tête le Révérend Père Abbé Athanase Jalkh qui prend soin de la frêle plante que l'Eglise syriaque catholique lui a confiée. Comme aussi à la Révérende Mère Marie-Claude Eid, Supérieure générale de l'Ordre des Moniales Libanaises maronites.

Tous mes voeux enfin au Liban et à sa tête S.E. M. le Président de la République le général Emile Lahoud, représenté par son épouse, Mme Andrée Lahoud.

Chers frères et soeurs, par l'intercession de sainte Rafqa et des quatre saints canonisés avec elle, que le Seigneur vous garde et donne au Liban paix, gloire et prospérité.

 

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