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COURS POUR DIPLOMATES
DES PAYS DE LA MÉDITERRANÉE ET DU MOYEN ORIENT 

(Institut International Jaques Maritain–Fondation la Gregoriana)

Conférence de S.E.R. Mgr. Antonio Maria Vegliò,
Secrétaire de la Congrégation pour les Eglises Orientales

10 mai 2007

Les Eglises Orientales Catholiques
facteurs de dialogue, d’unité et de Paix

 

Le thème sera traité en 6 points :

- 1. Les Eglises Orientales catholiques dans l’Eglise universelle.
- 2. Contexte socio-culturel actuel des Eglises Orientales du Proche et Moyen- Orient.
- 3. Les relations œcuméniques des Eglises Orientales catholiques avec les Eglises orthodoxes dans le Proche et Moyen-Orient.
- 4. Relation des Eglises Orientales catholiques avec les autres religions non chrétiennes au Moyen-Orient.
- 5. La fonction de la Congrégation pour les Eglises Orientales.
- 6. Perspectives pour le futur des Eglises Orientales catholiques.

1. Les Eglises Orientales catholiques dans l’Eglise universelle.

On entend par « Eglises Orientales catholiques » toutes les Eglises d’Orient en pleine communion avec le Siège Apostolique dont le Concile Vatican II traite dans Orientalium Ecclesiarum (OE) du 21 novembre 1964 en souhaitant « qu'elles soient florissantes et puissent remplir la charge qui leur incombe avec une nouvelle vigueur apostolique » (OE 1), dans la perspective que l’Eglise catholique et les Eglises Orientales orthodoxes parviennent à la plénitude de la communion (OE 30) : c’est donc en premier lieu une mission pastorale et en second lieu une mission œcuménique.

Les Eglises Orientales catholiques sont nées lors de circonstances historiques, politiques et religieuses très variées. Indépendamment du contexte historique de leur origine, on peut discerner, dans ces Eglises en pleine communion avec le successeur de Pierre et le Siège Apostolique, la Divine Providence ainsi que le désir des chrétiens d’Orient de répondre à la volonté et à la prière du Seigneur : « Ut omnes unum sint » (Jean 17, 21). Cependant, l’union avec Rome ne signifie pas une rupture avec leurs origines propres et leurs traditions vécues et manifestées depuis les premiers temps de l’Eglise et confirmées par les premiers conciles œcuméniques. L’existence de ces Eglises Orientales en pleine communion catholique témoigne de la catholicité de l’Eglise indivise.

Dans les rites orientaux resplendit la tradition provenant des Apôtres transmise par les Pères. Elle « constitue une part de la révélation divine et du patrimoine indivis de l'Eglise universelle » (OE 1). Le rite est un bien sacré, liturgique, spirituel et disciplinaire, distinct par la culture et les circonstances historiques des peuples, qui s’exprime de manière à professer, célébrer et vivre la foi. Pour conserver ce patrimoine, ces Eglises ont beaucoup souffert et souffrent encore. Les martyrs orientaux sont innombrables, en particulier sous les régimes communistes ; ils ont donné leur vie pour leur fidélité à la foi catholique et au successeur de Pierre.

Le Concile Vatican II prend acte de ce fait et dans la perspective d’une ecclésiologie de communion renouvelée, affirme : « Rendant grâces à Dieu de ce que beaucoup d'Orientaux, Fils de l'Église catholique qui gardent ce patrimoine et désirent en vivre plus purement et pleinement, vivent déjà en pleine communion avec leurs frères qui gardent la tradition occidentale, le Concile déclare que tout ce patrimoine spirituel et liturgique, disciplinaire et théologique, dans ses diverses traditions, fait partie pleinement de la catholicité et de l'apostolicité de l'Église » (UR 17).

Cette diversité des Eglises particulières en concordance entre elles manifeste avec plus d’évidence l'Eglise catholique, une et unique (cf. LG 23).

Les Eglises Orientales catholiques qui, à différentes époques, ont voulu rétablir la pleine communion avec le Saint Siège et y sont demeurées fidèles, ont les droits et les obligations liés à cette communion dont elles font partie. Il est donc clair qu’Elles ont, en raison de leur participation à la communion ecclésiastique, le droit d’exister et d’agir pour répondre aux nécessités spirituelles de leurs fidèles.

L’Eglise latine et les Eglises Orientales unies, bien qu’elles soient, en partie, différentes du fait de leurs rites, sont cependant confiées, d’égale manière, au gouvernement pastoral du Pontife Romain qui, par volonté divine, succède à Saint Pierre dans le primat sur l’Eglise universelle. Elles jouissent ainsi d’une égale dignité si bien qu’aucune ne prévaut sur les autres en raison du rite, Elles ont les mêmes droits et sont tenues aux mêmes obligations, comme l’activité missionnaire, c’est-à-dire la prédication de l’Evangile dans le monde entier, sous la direction du Pontife Romain (cf. OE 3). L’Eglise latine, bien que plus nombreuse et plus répandue sur tous les continents, n’est pas supérieure aux Eglises Orientales. L’Eglise n’est ni latine, ni orientale, mais catholique, universelle.

Selon l’image du penseur russe V. Ivanov (1866-1949), l’Eglise universelle respire avec les deux poumons de la tradition orientale et occidentale. En Elle, ceux qui s’abreuvent aux sources de la spiritualité byzantine et ceux qui s’alimentent à la spiritualité latine se rencontrent. Ici, le sens profond du mystère qui domine la liturgie des Eglises Orientales et la mystique essentialité du rite latin se confrontent et s’enrichissent réciproquement. Cette image a été reprise plusieurs fois par Jean Paul II.

Par conséquent, Vatican II déclare que « les Eglises de l'Orient aussi bien que de l'Occident ont le droit et le devoir de se régir selon leurs propres disciplines particulières, puisque, en effet, elles se recommandent par leur antiquité vénérable, elles sont plus adaptées aux habitudes de leurs fidèles et plus aptes à procurer, le bien des âmes » (OE 5). L’autorité suprême du Pontife Romain sur elles demeurant sauve, elles ont le droit d’avoir leur propre norme canonique ; pour cette raison elles sont justement appelées « Ecclesiae sui iuris ».

Il faut donc noter qu’on doit parler d’« Eglises Orientales », au pluriel, parce qu’il y en a plusieurs et elles tirent leur origine des cinq grandes Traditions : celles de Constantinople (Byzantine), d’Alexandrie et d’Antioche ainsi que des Traditions arméniennes et chaldéennes (Babylone). Actuellement, on compte 22 Eglises Orientales dont les plus importantes historiquement et structurellement sont les « Eglises Patriarcales », comme les Eglises Copte (en Egypte), Syro-Catholique, Maronite, Melkite, Chaldéenne et Arménienne, et les « Eglises Archiépiscopales Majeures », comme les Eglises Ukrainienne, Syro-Malabar (Inde), Syro-Malankar (Inde) et Roumaine. Les fidèles de ces 22 Eglises Orientales sui iuris sont aujourd’hui répandus dans le monde entier, loin de leur lieu d’origine. Globalement, elles comptent près de 17.000.000 de fidèles.

2. Contexte socio-culturel actuel des Eglises Orientales du Proche et Moyen-Orient

Les Eglises Orientales catholiques se trouvent aujourd’hui dans des contextes socio-politiques et religieux très différents, souvent étrangers sinon hostiles. Si au Proche et Moyen-Orient le contexte est islamique, en Inde il est hindouiste et bouddhiste. En Europe Centrale et Orientale (pays ex-communistes) les Orientaux unis vivent dans un milieu en majorité orthodoxe, en Occident (Europe, Etats-Unis, Canada, Amérique Latine, Australie, Océanie) il est plutôt latin ou protestant.

Dans le Proche et Moyen-Orient, la rencontre de l’Islam avec le Christianisme a favorisé la naissance d’un humanisme arabe interreligieux. Malheureusement, ces dernières décennies, les conflits internes et les interventions étrangères ont changé le cadre politico-religieux. Par ailleurs, le changement au niveau mondial, dénommé, globalisation ou mondialisation, implique désormais tous les pays du monde dont les pays arabes du Proche et Moyen-Orient. Ce phénomène nous pousse à nous demander avec inquiétude : dans quelle mesure les chrétiens ont encore leur place dans ces pays musulmans et en Terre Sainte dans un Etat juif ?

A la lumière des conflits politiques, économiques, culturels et religieux entre le monde musulman et l’Occident, la tendance actuelle de nombreux musulmans et en particulier les fondamentalistes, est de rejeter tout ce qui vient de l’extérieur, et surtout de l’Occident, en le refusant en bloc. C’est la tendance des musulmans fanatiques. Pour de semblables motifs, mais opposés, la tendance du chrétien fanatique est de rejeter en bloc tout ce qui vient du monde arabe et musulman. Il s’agit de deux extrémismes, souvent dictés par la peur, qui sont à écarter.

Les Eglises Orientales, catholiques et orthodoxes, se retrouvent dans des situations particulièrement tragiques, comme d’ailleurs tout le christianisme dans le Proche et Moyen-Orient, et précisément en Terre Sainte. Les chrétiens au Liban, Syrie, Irak, Iran, Egypte, Libye, Israël, Territoires de l’Autorité Palestinienne, etc. abandonnent en masse leur patrie ces dernières décennies provoquant une véritable hémorragie. Les guerres continuelles ont provoqué une disparition progressive de la présence chrétienne dans tous ces pays. Les jeunes chrétiens n’y voient plus aucun avenir et émigrent en Occident où ils s’insèrent dans des contextes culturels différents avec des avantages économiques et sociaux, mais bien évidemment, des inconvénients.

Le problème est réel, actuel et urgent. Le phénomène de l’émigration continue en Europe, Etats-Unis, Canada, Amérique Latine et Australie de groupes toujours plus nombreux de personnes en provenance des territoires des Eglises Orientales requiert l’examen, tant des conséquences pastorales et juridiques de leur présence toujours plus consistante, que des contacts qui sont noués à différents niveaux, surtout avec les communautés des diocèses catholiques latins. Le Saint Siège s’y engage et ne cessera pas de le faire afin que les chrétiens restent sur leur terre ; mais désormais, le mouvement migratoire semble irréversible.

Les Papes Jean Paul II (1978-2005) et Benoît XVI (2005-) ne se sont épargnés aucun effort pour avertir l’opinion publique mondiale de la valeur du Christianisme dans ces pays, de son patrimoine humain et spirituel : pour aider et encourager ses habitants soumis à diverses violences, pour favoriser une solution négociée des divergences qui opposent les parties en conflit, et pour implorer du Seigneur la grâce d’une paix patiemment édifiée et durable. Ces derniers années l’Eglise catholique, profondément touchée par la dégradation de la situation et par la recrudescence des combats meurtriers s’est employée dans le monde entier et en particulier en Orient pour que soit mis fin à ce qui doit bien être appelé le massacre des peuples.

Les Souverains Pontifes ont répété leurs appels dans ce sens à de nombreux chefs d’Etats et aux responsables des organisations internationales en rappelant certaines exigences éthiques auxquelles la communauté internationale est tenue face aux peuples, chrétiens ou non, dans ces pays. Dans cette ligne, de nombreux contacts bilatéraux ont eu lieu entre le Saint Siège et les gouvernements des pays qui se proclament amis de ces pays. Certains de ces échanges sont toujours en cours.

Ce n’est pas le rôle de l’Eglise de proposer des solutions techniques, mais, le Pape Benoît XVI, s’adressant au Corps diplomatique à Ankara le 28 novembre 2006 durant sa visite historique en Turquie, soulignait : « Le développement récent du terrorisme et l’évolution de certains conflits régionaux ont par ailleurs mis en évidence la nécessité de respecter les décisions des institutions internationales et aussi de les soutenir, en leur donnant notamment des moyens efficaces pour prévenir les conflits et pour maintenir, grâce à des forces d’interposition, des zones de neutralité entre les belligérants. Tout cela reste pourtant inefficace si ce n’est pas le fruit d’un vrai dialogue, c’est-à-dire d’une sincère rencontre entre les exigences des parties concernées, afin de parvenir à des solutions politiques acceptables et durables, respectueuses des personnes et des peuples. Je pense tout particulièrement au conflit du Moyen-Orient, qui perdure de manière inquiétante en pesant sur toute la vie internationale, au risque de voir se généraliser des conflits périphériques et se diffuser les actions terroristes… J’en appelle une fois de plus, devant vous, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, à la vigilance de la communauté internationale, pour qu’elle ne se dérobe pas à ses responsabilités et qu’elle déploie tous les efforts nécessaires pour promouvoir, entre toutes les parties en cause, le dialogue qui seul permet d’assurer le respect d’autrui, tout en sauvegardant les intérêts légitimes et en refusant le recours à la violence ».[1]

3. Les relations œcuméniques des Eglises Orientales catholiques avec les Eglises orthodoxes dans le Proche et Moyen-Orient.

Les Pontifes Romains, surtout de Léon XIII (1878-1903) à Benoît XVI, n’ont cessé de souligner l’engagement œcuménique spécifique des Eglises Orientales catholiques à promouvoir l’unité entre les Orientaux, catholiques et orthodoxes : unité et communion dans la foi, diversité dans l’expression et dans la célébration de la foi commune basée sur la Sainte Ecriture et la Tradition Apostolique.

Il faut noter que, contrairement à ce qui se passe dans les Pays de l’Europe de l’Est où les relations sont parfois tendues, au Proche et Moyen-Orient la situation est bien meilleure.

Il ne faut pas oublier ici que les Eglises Orientales orthodoxes qui ne sont pas en pleine communion avec l’Eglise catholique, sont régies, fondamentalement, par le même et unique patrimoine. Ainsi les Eglises catholiques d’Orient sont les plus indiquées pour témoigner de l’unité dans la diversité des rites et des traditions.

En Orient, la collaboration est exemplaire entre les fidèles catholiques, les autres chrétiens et leurs pasteurs respectifs. Il s’agit de collaboration pastorale, dans des situations particulières, dans l’activité missionnaire, dans le dialogue avec les autres religions et dans la vie quotidienne, sociale et culturelle (collaboration dans l’étude commune des questions sociales et éthiques, dans la défense de lois justes, dans le développement, dans les besoins humains et dans la sauvegarde de l’environnement, dans le domaine de la santé et des moyens de communications sociales, etc.). Il est évident que, surtout lorsque les principes moraux sont en cause, en particulier la défense de la vie, aucun compromis œcuménique n’est possible.

4. Relation des Eglises Orientales catholiques avec les autres religions non chrétiennes au Moyen-Orient

Il faut distinguer le dialogue œcuménique du dialogue interreligieux; Vatican II a consacré à ce dialogue la Déclaration Nostra Aetate (Nae). Par dialogue interreligieux on entend un processus de rencontre et de confrontation entre l’Eglise et les religions non chrétiennes : Judaïsme, Islam, l’Hindouisme, le Bouddhisme, le Shintoïsme, etc. Tout cela requiert une vraie connaissance et un respect plus profond de ces traditions et de leurs valeurs religieuses.

De fait, « L'Eglise catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d'agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu'elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu'elle-même tient et propose, cependant apportent souvent un rayon de la Vérité qui illumine tous les hommes. Toutefois, elle annonce, et elle est tenue d'annoncer sans cesse, le Christ qui est " la voie, la vérité et la vie " (Jean 14, 6), dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s'est réconcilié toutes choses. Elle exhorte donc ses fils pour que, avec prudence et charité, par le dialogue et par la collaboration avec ceux qui suivent d'autres religions, et tout en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socio-culturelles qui se trouvent en eux » (Nae 2).

Le dialogue interreligieux ne peut donc pas faire abstraction de deux principes fondamentaux: - 1° les exigences de la recherche de la vérité sur Dieu dans l’unique religion révélée, et - 2° la liberté de conscience de chaque personne. La collaboration interreligieuse ne signifie pas un relativisme doctrinal ou un compromis sur Dieu et son Eglise, mais un témoignage commun de l’unique religion révélée par Dieu et l’unique Eglise fondée par le Christ. Les Eglises catholiques en Orient dans les pays arabes en contact avec l’Islam, et en Terre Sainte avec le Judaïsme, sont privilégiées dans ce domaine du dialogue interreligieux. La langue, l’histoire et le contexte culturel commun facilitent la compréhension mutuelle et le dialogue constructif.

5. La fonction de la Congrégation pour les Eglises Orientales

Jusqu’en 1917, les affaires de rite oriental étaient traitées par une section spéciale «Pro Negotiis Ritus Orientalis» de la Congrégation de Propaganda Fide. Benoît XV (1914-1922) la rendue autonome, en instituant la «Sacrée Congrégation pour l’Eglise Orientale» par le Motu Proprio «Dei providentis» du 1er mai 1917 en la rendant autonome (nous célébrons donc, cette année 2007, le 90ème anniversaire de la fondation de ce Dicastère du Siège Apostolique). Cette même année 1917, le Pape Benoît XV promulguait le Code de Droit Canon latin qui attribuait à la nouvelle Congrégation « toutes les facultés qu’ont les autres Congrégations pour le rite latin » (can. 257 § 2). Le Pape Pie XI a élargi sa compétence le 25 mars 1938 par le Motu Proprio Sancta Dei Ecclesia. La Constitution Apostolique Regimini Ecclesiae Universae du 15 août 1967 de Paul VI a changé son nom en « Sacrée Congrégation pour les Eglises Orientales » (art. 41-45) puisqu’il y a plusieurs Eglises Orientales sui iuris en communion avec le Siège Apostolique.

La Constitution Apostolique Pastor Bonus sur la Curie Romaine de Jean Paul II en 1988 en a réorganisé les compétences. La Congrégation est compétente pour tout ce qui concerne les Eglises Orientales catholiques, tant pour les personnes que pour les choses. Elle exerce sur les diocèses, les évêques, le clergé, les moines, les religieux et les fidèles des Eglises Orientales les facultés que, par exemple les Congrégations pour les Evêques, pour le Clergé, pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique ont sur les diocèses, sur les évêques, sur le clergé, sur les religieux et les fidèles dans l’Eglise latine. Elle a en outre autorité sur les orientaux et les latins en Egypte, Erythrée, Ethiopie du Nord, Bulgarie, Chypre, Grèce, Iran, Irak, Liban, Territoires de l’Autorité Palestinienne, Israël, Syrie, Jordanie et Turquie.

Cette Congrégation a aussi en charge les fidèles orientaux dispersés dans les territoires latins. La Constitution Apostolique Pastor Bonus art. 59 établit que : « La Congrégation suit aussi avec une attention les communautés de fidèles orientaux qui se trouvent dans les circonscriptions territoriales de l’Eglise latine et pourvoit à leurs besoins spirituels par le moyen de visiteurs et, là où le nombre de fidèles et les circonstances le requièrent, dans la mesure du possible, même par une hiérarchie propre, après consultation de la Congrégation compétente pour la constitution d’Eglises particulières pour le territoire concerné ».

Pastor Bonus place la Congrégation pour les Eglises Orientales en deuxième position, juste après la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

Sont membres, de plein droit, de cette Congrégation, les Patriarches des Eglises Orientales et les Archevêques Majeurs qui leur sont assimilés, ainsi que le Président de Conseil pour l’Unité des Chrétiens (PB art. 57). La norme est justifiée par l’importance de l’institution patriarcale, reconnue déjà par les premiers conciles œcuméniques : les Patriarches des Eglises Orientales, qui président leur Eglise patriarcale comme père et chef, sont traités avec un honneur particulier (cf. CCEO can. 55-56). Quant au Président de Conseil pour l’Unité des Chrétiens la norme veut souligner la nécessité d’une étroite collaboration entre ces deux Dicastères justement à cause de la tâche spéciale des Eglises Orientales catholiques à promouvoir l’unité entre toutes les Eglises Orientales. De même, ce Conseil, lorsqu’il traite d’affaires d’une importance majeure qui touchent les Eglises Orientales non catholiques (Eglises orthodoxes de tradition byzantine et Eglises Orientales antiques) doit d’abord entendre la Congrégation pour les Eglises Orientales (cf. PB art. 137 § 2). Il y a ensuite les membres, cardinaux et évêques, nommés par le Saint Père.

En raison de la diversité des Eglises Orientales, la Congrégation choisie des consulteurs et son personnel de façon à en tenir compte, c’est-à-dire, parmi les orientaux de ces Eglises, mais aussi parmi les latins, qui par expérience et spécialisation sont préparés pour traiter des problèmes qui leur sont soumis.

La Congrégation pour les Eglises Orientales, comme tous les autres Dicastères de la Curie, est au service du Saint Père pour l’assister dans son ministère et plus particulièrement dans les affaires qui concernent les Eglises Orientales. Dans le même temps, elle est au service de toutes les Eglises Orientales catholiques pour les soutenir, les protéger, promouvoir leur vie et leur fonctionnement canonique et préserver leur autonomie interne. Comme cela a été déjà mentionné, elle suit les communautés de fidèles orientaux qui sont dans les territoires de l’Eglise latine.

6. Perspectives pour le futur des Eglises Orientales catholiques.

La présence des Eglises Orientales en pleine communion catholique rend l’Eglise vraiment catholique. C’est la volonté constante des Pontifes Romains que l’Eglise catholique respire avec les deux poumons de l’Orient et de l’Occident et puisse brûler de la charité du Christ comme un seul cœur composé de deux ventricules comme l’a souligné régulièrement Jean Paul II.

C’est un fait connu de nous tous que l’Orient chrétien est plus complexe et multiforme dans son histoire, ses institutions et sa culture que l’Occident chrétien. Le futur des Eglises Orientales dans le catholicisme en général dépend de la redécouverte de leur identité vécue. Sans aucun doute l’immigration massive des fidèles orientaux pose le problème de l’aliénation de leur identité ecclésiale et culturelle. C’est un risque pour des millions d’orientaux déracinés de leur terre et de leurs Eglises mères.

Ces Eglises, comme partie de la communion catholique, ont non seulement le droit d’exister et d’agir pour répondre aux besoins spirituels de leurs fidèles partout où ils se trouvent, mais de progresser et de remplir leur mission avec une nouvelle vigueur dans la fidélité à leurs traditions, témoignage vivant de l’unique Eglise catholique. Fidélité à la Tradition veut dire boire aux sources pour se renouveler continuellement en faisant les ajustements nécessaires provoqués par les mutations des conditions de vie, avec la volonté de répondre aux défis et aux exigences des temps (cf. OE 6). Les Eglises Orientales ont besoin d’une mise à jour et d’un renouvellement pastoral pour répondre aux besoins spirituels de leurs fidèles, là où ils vivent aujourd’hui.

Pour terminer, je crois opportun de citer les paroles de Jean Paul II aux Patriarches des Eglises Orientales catholiques en septembre 1998 : « Les Eglises Orientales catholiques sont, comme les autres Eglises d’Orient, les témoins vivants des traditions qui remontent, par l’intermédiaire des Pères, aux Apôtres ; leur tradition fait partie du patrimoine révélé et indivis de l’Eglise universelle… Au sein de l’Eglise catholique, vos Eglises… offrent, dans leurs territoires propres et la diaspora, leurs richesses liturgiques, spirituelles, théologiques et canoniques spécifiques. Vous, qui êtes Chefs et Pères, avez reçu de l’Esprit Saint la vocation et la mission de conserver et de promouvoir ce patrimoine spécifique, afin que l’Evangile soit donné en toujours plus grande abondance à l’Eglise et au monde. Et le successeur de Pierre a le devoir de vous assister et de vous aider dans cette mission ».[2]

Mais, c’est aussi un devoir de rapporter ici les paroles fermes du Pape Benoît XVI tant sur l’engagement œcuménique, dont Il fait une priorité de Son pontificat dans la ligne de son prédécesseur, que sur le dialogue et la collaboration avec les religions non chrétiennes. Ces engagements impliquent directement les Eglises Orientales catholiques du Proche, Moyen et Extrême-Orient ; c’est aussi une urgence impérative de consolider la paix entre tous les hommes, fils de l’unique Dieu, entre tous les chrétiens, tous baptisés au Nom du Christ, entre tous les fidèles des diverses religions monothéistes qui croient et adorent l’unique Dieu.

Dans la déclaration commune faite au terme de la rencontre à Istanbul au siège du Patriarcat Œcuménique, le 30 novembre 2006, le Pape Benoît XVI et le Patriarche Bartholoméos 1er ont confirmé solennellement l’engagement œcuménique de leurs Eglises : « Cet engagement nous vient de la volonté de notre Seigneur et de notre responsabilité de Pasteurs dans l’Église du Christ. Puisse notre rencontre être un signe et un encouragement pour nous à partager les mêmes sentiments et les mêmes attitudes de fraternité, de collaboration et de communion dans la charité et dans la vérité… Tout cela exige une annonce renouvelée et puissante de l’Évangile, adaptée aux cultures de notre temps. Nos traditions représentent pour nous un patrimoine qui doit être partagé, proposé et actualisé continuellement. C’est pourquoi nous devons renforcer les collaborations et notre témoignage commun devant toutes les nations ».[3]

Quant aux rapports entre chrétiens et musulmans, le Pape, en saluant le Président pour les Affaires Religieuses à Ankara, le 28 novembre, soulignait: « Les chrétiens et les musulmans appartiennent à la famille de ceux qui croient en un Dieu unique et qui, selon leurs traditions respectives, font référence à Abraham. Cette unité humaine et spirituelle de nos origines et de nos destins nous pousse à chercher un itinéraire commun alors que nous faisons notre part de chemin dans cette recherche de valeurs fondamentales qui est si caractéristique de l’homme de notre temps».[4]


Sigles :

OE : Vatican II, Décret Orientalium Ecclesiarum, sur les Eglises Orientales catholiques.

UR : Vatican II, Décret Unitatis Redintegratio, sur l’Œcuménisme.

LG : Vatican II, Constitution Dogmatique Lumen Gentium, sur l’Eglise.

Nae : Vatican II, Déclaration Nostra Aetate sur les religions non chrétiennes.

PB : Constitution Apostolique Pastor Bonus

AAS : Acta Apostolicae Sedis

CCEO : Codex Canonum Ecclesiarum Orientalium

Can. : canon

art. : article


[1] AAS XCVIII (2006), 906.

[2] L’Osservatore Romano del 29 Settembre 1998.

[3] AAS XCVIII (2006), 921 e 923.

[4] AAS XCVIII (2006), 904.

 

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