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L’INSTITUTION DE LA SAINTE EUCHARISTIE,
DON DE DIEU

Mgr Donald William Wuerl,
archevêque de Washington, D.C., États-Unis

Lundi le 16 juin 2008

 

Éminences, Excellences, chers frères prêtres et diacres, hommes et femmes dans la vie consacrée et chers invités, frères et soeurs dans le Seigneur.

Aujourd’hui, nous allons réfléchir et on m’a demandé de guider votre réflexion sur l’institution de l’Eucharistie. L’un des moments les plus dramatiques dans l’année liturgique a lieu pendant la Semaine Sainte, parce qu’à ce moment-là nous nous préparons à commémorer les événements de notre salut. La Semaine Sainte elle–même est insérée dans l’année liturgique qui a comme but de nous aider à nous rappeler et à revivre les événements de notre salut. Et l’Église a mis de côté cette période de temps afin que nous puissions nous rappeler non seulement ce que Jésus a enduré, sa Passion et sa mort, mais ce qu’il a accompli pour nous pendant ses actions, c’est-à-dire notre rédemption, notre salut. Alors à mesure que nous avançons pendant toute l’année liturgique en commençant avec l’Avent et l’Épiphanie et sa manifestation, ensuite la Semaine Sainte, le Carême et Pâques, ce qu’on nous demande de faire, c’est de nous rappeler ce que le Christ a accompli pour nous. Et au commencement de la Semaine Sainte, lorsque nous nous réunissons le Dimanche des rameaux, on nous demande d’écouter l’un des trois évangiles synoptiques, celui de Marc, Mathieu ou Luc et la narration de la Passion et de la mort de Jésus. Cette narration est répétée plusieurs fois. Le Vendredi Saint, c’est la narration de saint Jean.

Ces chapitres et les quatre évangiles sont au coeur même de l’histoire de Jésus. La Passion, c’est le centre de tout l’Évangile qui a été passé d’abord oralement, ensuite écrit afin que ce ne soit jamais oublié ou changé. Il est vrai que dans l’Évangile, tout ce qui est écrit là est important. L’enseignement de Jésus est très important et ça forme le cadre de notre vie. On raconte les miracles très significatifs parce que ça nous donne plus d’élan au niveau de la croyance. Et ça nous donne un exemple du pouvoir de Dieu. Le choix des apôtres, des disciples et la préparation de l’Église est aussi un message privilégié qui nous a été révélé dans les pages de l’Évangile, mais rien n’est plus significatif que ce que Jésus nous raconte lorsqu’il s’offre lui-même comme Agneau sacrificiel donné en rançon pour son peuple.

Il y a un certain sens dans lequel tout le reste des Écritures, particulièrement dans les Évangiles, nous guide vers le calvaire, éventuellement la tombe vide et la résurrection du Christ. Dans un sens, tout le reste suit à partir de ces événements sacrés qui déterminent qui nous sommes et comment nous devons vivre.

Lorsque nous regardons les pages du Nouveau Testament et nous voyons jusqu’à quel point il y a beaucoup de lettres qui sont impliquées, les lettres de Paul, les lettres de Pierre, de Jean, nous reconnaissons qu’une grande partie est une explication et une application de la narration de la Passion. Paul, par exemple, dans sa lettre aux Romains, décrit comment dans la mort, et la résurrection du Christ, nous trouverons notre libération et notre justification. Il prend l’événement du calvaire et le conclut en théologie de libération. La lettre aux Éphésiens et les écrits aux Philippiens et aux Colossiens, nous trouvons dans ces épitres paulines une explication logique pour ce que les disciples ont reconnu et ont vécu au calvaire. Éventuellement, la question que l’Église nous pose pendant l’année liturgique et surtout pendant la Semaine Sainte et plus spécialement le Jeudi saint, c’est la question de foi: qui est Jésus et quelle est la signification de sa mort?

J’ai eu un directeur spirituel il y a plusieurs années. Il m’a aidé beaucoup lorsque j’étais à l’école secondaire. Il insistait à chaque jour. À tous et chacun d’entre nous qui allaient lui demander conseil, il nous disait de lire un verset ou deux des Évangiles et je me rappelle lorsqu’il me dit avec beaucoup d’insistance: « Si vous ne lisez rien d’autre excepté la narration de la mort et de la résurrection de Jésus, vous allez finalement vous rendre compte de qui est Jésus et ce que le Christ signifie. »

Cependant, nous faisons plus qu’écouter, nous faisons plus qu’entendre l’histoire des dernières heures du Christ. Nous devenons présents ou plutôt les événements eux-mêmes sont rendus présents pour nous. C’est une expérience totalement nouvelle dans l’histoire humaine, une façon tout à fait nouvelle d’apporter le passé vers le présent. C’est pour cette raison que l’histoire de la Passion et de la mort de Jésus commence avec l’histoire de l’institution de l’Eucharistie. C’est le contexte pour mieux comprendre qui est Jésus et ce que sa mort a accompli. Dans les quatre évangiles, il y a une référence au dernier repas, à la dernière Cène qui est le contexte de l’institution de l’Eucharistie. Chez Mathieu, Marc et Luc, les relations entre la dernière Cène et les événements de notre rédemption sont rendues très explicites dans la narration de l’institution de l’Eucharistie, et Jésus a simplement dit: « Faites ceci en mémoire de Moi. À chaque fois que vous faites ceci, je serai là ».

La nuit avant sa Passion et sa mort, Jésus a établi un nouveau mémorial, une nouvelle façon de nous rappeler, une nouvelle façon de s’insérer dans l’événement de sa mort et de sa résurrection.

Les trois évangiles synoptiques et saint Paul nous donnent encore l’histoire de l’institution de l’eucharistie. Saint Jean, de son côté, rapporte les mots de Jésus dans la synagogue de Capharnaüm lorsqu’il préparait ses disciples à l’institution de l’Eucharistie parce que le Christ s’appelle lui-même, à ce moment-là, le Pain de vie descendu du Ciel, un Pain qui, lorsque mangé, nous apporte la vie éternelle.

Comme saint Paul a décrit d’une façon si merveilleuse la dernière Cène dans sa première lettre aux Corinthiens, nous lisons une partie de la tradition de l’Église, déjà une partie de ce message qui perdure et ceci, pendant la vie des apôtres. Paul écrit : « Alors j’ai reçu du Seigneur ce que je vous dis maintenant, que le Seigneur Jésus, la nuit qu’il fut livré, prit le pain et après avoir rendu grâce, il a dit "Ceci est mon corps, il est pour vous, faites ceci en mémoire de moi." De la même façon, il prit la coupe après le repas en disant :"Cette coupe est la nouvelle alliance en mon Sang. Faites ceci aussi souvent que vous allez boire, ce sera en mémoire de moi." Aussi souvent que vous mangez ce pain et buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il revienne (1 Co 11 :23-26). »

Le mystère de l’Eucharistie. Nous devons proclamer la mort du Seigneur de la même façon qu’il a anticipé, dans sa gloire, qu’il sera avec nous toujours. Le contexte de ce nouveau mémorial institué à la dernière Cène, c’est quelque chose qui a déjà été préparé par ce rituel qui forme le contexte du dernier repas. Pour aider les juifs à bien comprendre et se rappeler de l’événement de leur délivrance de l’Égypte et de la bonté de Dieu qui les a délivrés, c’est une façon de déterminer, pour chacune des générations successives, leur identité afin de ne pas perdre contact avec leurs racines et leur identité.

C’était un âge d’avant la technologie, il n’y avait pas d’appareils photo, pas de photographie, pas de téléphone, pas de caméra, pas d’enregistreuse, toutes les façons par lesquelles les événements aujourd’hui sont rappelés et passés aux générations futures. Comment tout ceci a été rappelé et passé aux générations futures, il y a plusieurs centaines d’années? C’était à travers la célébration et la forme d’histoire, le cadre de référence, les calendriers de la vie pour les gens, dans ce cas-ci, le peuple de Dieu. Ceci était la façon dont les gens pouvaient se rappeler ce qui s’était passé dans le passé et sa signification pour eux dans le présent et pourquoi c’était tellement important de continuer à se rappeler de tout cela dans l’avenir.

Dans le livre de l’Exode, nous lisons comment, aux instructions de Dieu, Moïse a préparé un repas mémorial. Le repas a été ainsi lié intégralement aux circonstances de la libération du peuple. Ce qui s’était passé dans le passé allait être un souvenir qui serait renouvelé dans le présent. Les symboles de l’alimentation, pris en communauté et mangé à toute vitesse en se préparant à se sauver, était ce que Dieu allait réaliser dans l’histoire.

Ajoutez à tout cela le commandement spécial du Seigneur de répéter ces cérémonies régulièrement, à tous les ans, dans l’avenir. « Ce jour sera une fête de mémorial pour vous et toutes les générations vont pouvoir la célébrer comme un pèlerinage du Seigneur en étant une institution perpétuelle (…). Puisque c’est ce jour même que je vous ai fait sortir d’Égypte, vous devez donc célébrer ce jour à travers toutes les générations comme institution perpétuelle. » (Ex 12 :14, 17).

Ce que Dieu appelle son peuple à faire, c’est de prendre ce rituel et d’en faire le centre de leur identité en se rappelant ce qui a constitué le peuple et toute cette série d’événements qui ont été bien préservés dans cette répétition annuelle du repas qui est appelée la fête de mémorial. Génération après génération, on partageait l’agneau pascal et le pain sans levain, les pères disaient à leurs enfants les merveilles que Yahvé avait faites pour eux et comment Dieu les avait formés pour être son peuple. Dans cette fête mémorielle, ils ont compris et ont célébré beaucoup plus qu’un festival communautaire, c’était plus que se réunir pour un repas, c’était un événement qui allait les identifier et donner une signification à ce qu’ils étaient. Dans ce repas, le peuple de Dieu savait qu’ils étaient avec leur Seigneur, ils ont renouvelé cette alliance qu’il avait faite avec eux.

Dans le Catéchisme de l’Église catholique, nous lisons comme confirmation de cette ancienne croyance : « Dans le sens des Écritures saintes, le mémorial n’est pas seulement un rappel des événements passés, mais c’est la proclamation du travail immense de Dieu. Et dans la célébration liturgique de ces événements, ils deviennent, dans un certain sens, vraiment présents et réels » (CCC, 1363).

C’est comme ça qu’Israël a compris sa libération d’Égypte et à chaque fois que cela est célébré, les événements de l’Exode sont présents à la mémoire des croyants de sorte qu’ils puissent conformer leur vie. Ce rituel est devenu une partie vitale de la formation du peuple et la façon dont ils se considéraient et s’identifiaient afin de vivre dans cette identité. La relation vitale entre le rituel et l’histoire qui ont eu lieu dans l’Exode est répétée dans le mystère pascal. La crucifixion du Christ, offrande sacrificielle qui nous libère du péché a lieu après la dernière Cène, comme la fuite vers l’Égypte et les événements au Sinaï ont suivi le premier repas de la Pâque, ainsi l’événement du salut suit ce nouveau rituel sacré. Mais le commandement de Jésus (de répéter ce mémorial) établit le dernier repas ou la dernière Cène comme étant la cérémonie pour la représentation des événements de notre salut.

On ne peut pas réfléchir à l’histoire sans se souvenir de cela. Ce que nous faisons, c’est de vivre l’histoire dans l’Eucharistie. Ici, nous rencontrons le Christ au moment de sa mort et de sa résurrection, au moment où nous entrons dans ce mystère. La Pâque qui était le contexte de

la dernière Cène, c’était pour rappeler au peuple juif qu’ils devenaient le peuple de Dieu et leur rappeler leur identité. L’Eucharistie a aussi l’intention d’être mémorial qui, actuellement, rendrait présent l’événement qui a été rappelé non pas comme souvenir, non pas comme quelque chose sur lequel il faut réfléchir, mais plutôt comme réalité. Dans le Nouveau Testament, le mémorial prend une nouvelle signification. Quand l’Église célèbre l’Eucharistie, elle commémore la Pâque du Christ et tout ceci est refait de nouveau et ça devient accessible pour vous, pour moi et à toutes les générations. Le sacrifice du Christ offert une fois pour toute sur la croix devient toujours présent pour nous.

Et lorsque nous centrons nos pensées sur l’Eucharistie, nous reconnaissons son lien immédiat avec la dernière Cène. Les origines de l’Eucharistie se trouvent dans la dernière Cène et lorsqu’on regarde encore le catéchisme pour avoir cet enseignement précis et clair, afin de nous laisser une preuve de son amour et afin de ne pas se séparer de Lui et nous faire partager sa Pâque, il a institué l’Eucharistie comme mémorial de sa mort et de sa résurrection. Et par conséquent, il les a constitué prêtres du Nouveau Testament. Et maintenant, nous voyons un contexte encore plus large pour l’Eucharistie et encore plus récent dans l’Église: l’Eucharistie, le sacerdoce et l’Église.

Ce Congrès eucharistique est là pour nous rappeler encore une fois les événements de notre salut et pour le faire d’une certaine façon à ce que vous et moi, nous puissions participer actuellement dans ces actions salvatrices. L’Église nous demande non seulement de nous rappeler les événements d’il y a deux mille ans mais plutôt d’être des participants à ces événements.

Dans sa dernière encyclique sur l’Eucharistie, le serviteur de Dieu, Jean-Paul II, nous a rappelé l’enseignement ancien de la foi de l’Église, une foi que nous avons vécue hier sur cet autel: « Quand l’Église célèbre l’Eucharistie, le mémorial de la résurrection et de la mort du Christ, c’est un événement central du salut qui devient présent et notre rédemption est accomplie. Contrairement à toute autre forme de souvenir ou de commémoration, la messe, la liturgie eucharistique, grâce au don de Dieu, est devenue l’action qui a le pouvoir de rendre la réalité présente et le contexte est l’Église».

Il n’y a pas tellement longtemps, j’étais sur un vol, dans l’avion, et j’étais sur un siège près de l’allée et je voyais dans la cuisine de l’avion une discussion. Toutes les hôtesses de l’air étaient ensemble, elles avaient une discussion très animée. Je ne pouvais pas exactement entendre ce qui se disait, mais c’était clair de voir que tout le monde était très intéressé à cette discussion et tout d’un coup, une hôtesse est revenue vers là où j’étais assis et elle s’est tenue debout dans l’allée et m’a dit : «Mon père, j’ai une question à vous poser. » J’ai dit : « J’espère que j’ai une réponse pour vous. » Et elle a dit : « Qu’est-ce que l’Église comprend de la deuxième venue du Christ? » Je me suis dit : « J’espère que ça n’a rien à voir avec ce vol! » Et je lui ai présenté un petit sketch à propos de la deuxième venue du Christ et, apparemment, ce que j’ai dit a renforcé ses arguments parce qu’elle s’est levée et elle a dit « Merci, merci beaucoup ». Et l’homme qui était assis à côté de moi s’est tourné vers moi et m’a dit : « Comment saviez-vous ça? » Et je lui ai dit : « Qu’est-ce que vous pensez que je fais? » Il m’a dit : « Oh! Non, non, je ne veux pas dire que vous avez étudié tout cela, je présume que vous êtes un prêtre, donc vous connaissez ces choses-là. Mais comment saviez-vous ce que vous venez juste de lui dire ? Comment saviez-vous que c’était vrai, comment saviez vous que ce que vous venez juste de lui dire était vrai? » Je lui ai dit : « Voulez-vous la réponse courte ou la réponse longue? » Il m’a dit : « C’est un long vol, ça va être long! » C’est la première fois que j’ai eu l’occasion, dans un avion, de donner à un auditoire très captif ma compréhension de la théologie de l’Église et du sacrement de l’Eucharistie. Il avait de très bonnes questions à me poser à mesure qu’il avançait, des questions comme « Certainement, vous ne voulez pas dire ça littéralement lorsqu’on dit que nous croyons que nous faisons partie du Corps du Christ. » C’était un homme bien éduqué. Il m’a dit : « Vous parlez d’une façon symbolique, n’est-ce pas? Vous parlez d’une façon poétique? » J’ai dit : « Est-ce que je ressemble à un poète, est-ce que j’ai l’air d’un poète? Je parle à partir de la tradition de l’Église. Et ce que l’Église nous dit, c’est la vérité. Et l’Église nous parle d’être un avec le Christ dans son Corps afin que nous puissions entrer dans le mystère de la vie et de la résurrection du Christ. » Lorsque nous avons atterri finalement, il m’a fait le compliment de dire qu’il était très intéressé à tout ce que je disais et à mesure qu’on s’avançait vers la porte, il m’a dit : « Avez-vous déjà dit ça à quelqu’un? »

Comment pouvons-nous faire ça? Comment pouvons-nous faire entrer quelqu’un dans le mystère de l’Église et comment pouvons-nous les aider à comprendre ce que nous comprenons bien parce que nous sommes liés, connectés et branchés sur le Christ et son Église ? L’une des choses qui est une grande joie pour tous les évêques, c’est de visiter des paroisses. En anticipation de la confirmation ou les visites à l’école, souvent je reçois des lettres, des lettres des étudiants et ce ne sont pas des lettres spontanées. Ils arrivent en petits paquets et on peut facilement dire, à partir de l’écriture, l’âge du correspondant. Et si c’était au crayon, vous savez que ce sont des jeunes de la première année. À mesure que l’écriture est plus raffinée et qu’on passe à des stylos, à ce moment-là on sait qu’on arrive en haut de l’échelle de l’école primaire. Et j’ai gardé une de ces lettres depuis vingt-deux ans et je l’utilise à chaque fois que j’ai une chance. La lettre commence par « Cher Monseigneur, je trouve extraordinaire (…) » et puis là, vous savez que c’est déjà vraiment une véritable lettre. « Je pense que c’est vraiment incroyable que vous connaissez quelqu’un qui connaissait quelqu’un qui connaissait quelqu’un (…) » et en fait, je pense que l’enseignant disait « Vous allez écrire à l’évêque, alors remplissez bien la page. » Ainsi mon jeune interlocuteur continuait : « Et vous saviez, vous qui connaissez quelqu’un qui connaissait quelqu’un qui a connu Jésus. » Et là j’ai pensé : quand j’irai à cette paroisse, non seulement je vais remercier Dominique pour sa lettre, mais en fait je vais le nommer à la Commission théologique du diocèse.

C’est bien ce que nous croyons et que c’est la même raison pour laquelle nous faisons partie de l’Église et que nous arrivons à l’autel du Seigneur, que nous célébrons l’Eucharistie. C’est pour ça que nous sommes tellement concentrés à maintenir cette communion du Christ avec l’Église parce que c’est ici, dans l’Église et par l’Église, que nous connaissons quelqu’un qui connaît Jésus et qui peut attester que, en fait, les mots qu’on entend ici, ce sont les mots de la vie éternelle : « Où irons-nous? Vous avez les paroles, les paroles de la vie éternelle. » Où est-ce qu’on peut aller, sinon à l’église, pour entendre ces paroles? Où on va rencontrer le Christ après deux mille ans pour aller voir ce Christ qui est ressuscité des morts? Seulement dans la célébration eucharistique, ceci est possible et ça, ça devient une réalité.

Dans l’Eucharistie, Jésus a institué le sacrement dans lequel sa Passion, sa mort et sa résurrection deviennent présentes encore et toujours dans nos vies, de façon que ça nous a permis de partager tous les bienfaits de la croix. En fait, Jésus, ce n’est pas un personnage historique. Le Seigneur ressuscité, c’est un compagnon de vie pour nous tous, c’est sa voix qui nous appelle à une union avec lui comme parties de son Corps, son Corps nouveau. En fait, c’est précisément dans cette liturgie que nous nous rappelons de ces moments. Nous avons été baptisés dans la nouvelle vie, nous avons été baptisés dans l’espoir de la

résurrection et nous avons été nourris du Corps et du Sang du Christ. Nous avons déjà les semences de cette vie éternelle. Nous parlons en fait de sortir des péchés parce que nous vivons dans le mystère de la résurrection du Christ. Même l’Église utilise le mot de nouvelle présence pour parler de ce qui se passe à travers la messe. Le terme de saint sacrifice est exact parce que, de façon sacramentelle, vraiment la mort et la résurrection du Christ redeviennent présentes dans sa Présence et par sa Présence à l’autel.

Dans la dernière Cène, Jésus a institué un nouveau sacrifice mémoriel. Le véritable Agneau du Seigneur allait être sacrifié. Par sa croix et sa résurrection, il n’allait pas libérer seulement une personne, une nation de l’asservissement, mais toute l’humanité. Non, pas seulement à l’époque de sa mort et sa résurrection, mais pour toutes les générations, pour toutes les époques, pour chacun et chacune de nous. Il allait créer un peuple nouveau par son don de l’Esprit. C’est ce peuple nouveau qu’est maintenant ce signe de la croix dans le baptême. Une des choses que nous faisons, c’est précisément d’approcher l’enfant, nous disons « je te réclame pour le Seigneur » et nous faisons le signe de la croix. Et nous l’appelons à faire partie de cette famille. Avec l’Eucharistie, on a cette initiation de la vie, de la mort et de la résurrection.

Ce grand sacrifice a été accompli par Jésus, le Prêtre, la Victime qui s’est livrée à l’autel de la croix pour notre rédemption. Et ce sacrifice ne peut pas être répété, mais peut être rendu nouvellement présent par chaque génération, pour vous et pour moi.

Les mots et la mélodie de cette belle chanson aux États-Unis qui dit : « Où étais-tu lorsqu’on a sacrifié mon Seigneur ?» me reviennent toujours à l’esprit quand on parle de l’Eucharistie comme sacrifice. « Où est-ce que vous étiez quand on l’a cloué à la croix? Où étiez-vous quand on a crucifié mon Seigneur? » En fait, cet hymne a saisi ce sens, ce désir d’être présent au pied de la croix et, en fait, de partager cette rédemption. Et dans l’Eucharistie, nous entrons dans ce mystère. Nous sommes là, sacramentellement, spirituellement et véritablement. Dans le film La Passion du Christ, que je pense que beaucoup ici ont vu, il y a un moment très émouvant : Marie, la mère de Jésus, essaie de l’atteindre quand il porte la croix. Et à un moment donné, à un moment où elle est aussi près qu’elle peut, dans la foule, pour s’approcher de Jésus, Jésus tombe sous le poids de la croix. C’est quelque chose que nous voyons et nous sentons à chaque fois que nous faisons les stations de la croix. Et dans le film, on voit la mère de Jésus qui dit de loin : « Quand est-ce que tu mettras fin à cela? » Et à ce moment-là, les caméras s’approchent en premier plan dans le visage sanglant du Christ qui regarde sous la croix et dit : « Je suis en train de faire toutes choses nouvelles. »

Tout allait être nouveau, mais pour cela le Christ devait mourir et revenir à une nouvelle vie. Comme une mémoire perpétuelle dans le repas de Pâque avec ses apôtres, il prit le pain et le fit son Corps, il prit la coupe et en fit son Sang. Et puis il a dit : « Faites ceci en mémoire de moi. Faites ceci en mémoire de moi si vous voulez que la création nouvelle soit, si vous voulez être transformés en tant que mes disciples. Faites ceci en mémoire de moi si vous voulez que l’Esprit recrée tout ce qui a besoin de transformation. »

Ça, c’est le repas mémorial pour le peuple nouveau du Seigneur. Et comment est-ce qu’on peut devenir membre de ce nouveau peuple? Comment, vous et moi, nous pouvons devenir membres de cette famille, de ce Règne de Dieu? Avec toute la puissance du Christ qui rentre dans ce monde, avec le don de l’Esprit qui nous atteint, qui nous forme dans son propre Corps par le baptême. Dans le baptême, on est réclamé, on est formé pour ce règne. En fait, si l’Eucharistie est véritablement la source et le sommet de la vie et de la mission de l’Église, il s’ensuit surtout que le chemin de l’initiation chrétienne a pour point de référence la possibilité d’accéder à ce sacrement.

Si nous disons que nous faisons partie du Corps du Christ, le Saint Père nous rappelle que dans l’Eucharistie, dimanche après dimanche, nous devons trouver la nourriture de cette nouvelle réalité spirituelle. Nous ne sommes pas juste des spectateurs de ce mémorial, nous sommes des parties prenantes de cette nouvelle Pâques. Le nouvel rituel institué avec la dernière Cène nous transforme, vous et moi, dans le peuple nouveau du Seigneur et ça, ce n’est pas de la poésie que je fais, ce n’est pas vraiment un langage symbolique, c’est la réalité de notre foi, c’est ce que nous croyons.

Et qu’est-ce que nous, vous et moi, nous apportons précisément à ce banquet quand nous approchons à la table du Seigneur et que nous savons que le Seigneur Jésus nous attend, que c’est le fruit de sa mort et de sa résurrection pour vous et moi : qu’est-ce nous pouvons apporter à cette table à ce moment de renouveau? Nous sommes invités, non seulement à être témoins du mémorial de notre rédemption, mais participants. Mais qu’est-ce que nous voulons apporter? Nous ne voulons pas arriver les mains vides à la table du Seigneur.

Et le premier don, le premier cadeau qu’on peut apporter, c’est celui de la foi. Comme Pierre, nous pouvons répondre, quand Jésus nous demande : « Qui dis-tu que je suis? » Et nous pouvons répondre, n’est-ce pas, et nous répondons comme les disciples de Dieu pendant deux mille ans : « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. »

Comme Marthe a répondu quand il a dit qu’il était la résurrection et la vie et lui a demandé « Crois-tu cela? Crois-tu cela? » : « Oui, Seigneur, je le crois. » Et d’une certaine façon, cette réponse doit être la nôtre, notre don quand nous nous approchons pour recevoir l’Eucharistie et que l’hostie nous est présentée avec la déclaration « Le Corps du Christ », qu’est-ce que nous disons? Nous disons « Amen, je crois. Vous êtes le Christ, celui qui viendra dans le monde ».

Mais nous apportons aussi le don de l’espoir. Parce que nous croyons, parce que nous voyons avec les yeux de la foi, parce que nous mettons notre confiance dans les paroles et les mots que Jésus nous a donnés et nous avons confiance, nous pouvons vivre en confiance notre foi comme le Saint Père nous rappelle dans sa lettre encyclique Spe Salvi : « Celui qui a espoir vit de façon différente; celui qui a espoir a reçu le don de la vie nouvelle. » N’est-ce pas que c’est avec confiance que nous nous approchons à l’autel, ce n’est pas avec arrogance, non, parce qu’on a déjà la miséricorde, on a demandé pardon pour tout ce qui pourrait nous retenir de pouvoir approcher dignement à l’autel avec confiance. Nous pouvons approcher cet autel parce que nous savons que dans ce moment, ce moment eucharistique, nous sommes invités à un événement de transformation qui nous touche dans le plus profond de chacun de nous-mêmes, nous pouvons vivre avec les yeux de la foi et vivre dans la confiance, dans l’espoir.

Mais nous portons aussi à l’autel le don de notre amour. Lors de la dernière Cène, Jésus nous a montré qu’étant donné que nous partageons son Corps et son Sang, nous sommes des membres de la même famille, soeurs et frères. Nous n’hésitons pas à dire «Ma soeur, mon frère », quand nous nous saluons, nous le disons parce que c’est notre conviction que nous sommes uns avec le Christ, nous sommes un avec tous ceux et celles qui sont avec lui.

Dans le contexte de l’institution de l’Eucharistie, nous voyons cette scène où Jésus est en train de laver les pieds de ses disciples. C’était le travail du serviteur, pas du maître de la maison.

C’était le signe et le symbole de comment nous devons nous aimer les uns les autres dans le ministère, le service, par notre amour du Seigneur Jésus. Il nous dit que si voulons être son peuple nouveau, nous devons suivre ses pas, si nous allons être transformés par sa mort et sa résurrection dans la vie nouvelle, nous devons aussi voir en chacun de nous des soeurs, des frères, des amis de la même famille spirituelle.

L’amour se traduit en action. Cette proclamation nous y croyons, c'est-à-dire que le Royaume de Dieu est à notre portée, que nous sommes un esprit et qu’il n’y a rien qui nous sépare du Christ ni des uns des autres si nous ouvrons nos coeurs à l’amour.

Et c’est pour cette raison que notre Saint Père Benoit XVI, dans son encyclique Dieu est amour, nous rappelle en fait que la nature la plus profonde de l’Église s’inscrit dans la triple responsabilité de prêcher la Parole du Seigneur, célébrer le sacrement et exercer le ministère de la charité.

Quand vous et moi lisons les Écritures, nous nous rappelons tous les événements qui se sont passés à un autre moment et à un autre endroit. En fait, ces événements salvifiques de cet autre temps, de cet autre endroit, se font présents ici et maintenant. Dans son exhortation apostolique Sacramentum Caritatis, notre Saint Père nous montre que c’est dans l’Église que le Christ, unique Sauveur, rejoint par l’Esprit notre existence dans ses spécificités propres.

Chacun et chacune ici apporte sa propre identité, son propre héritage, son propre engagement. Nous apportons cela au Christ et à son Église. Et dans cet esprit uni par l’Eucharistie, tout cela devient un. Dans toutes nos caractéristiques individuelles, nous faisons partie de quelque chose de tellement plus grand. Dans ce Congrès eucharistique ce que nous voyons, c’est cette expression de la grâce du Seigneur à l’oeuvre, puisque chacun retient sa propre unicité que le Saint Père appelle nos spécificités propres, chacun avec son héritage, ses traditions, ses origines ethniques et culturelles. Tout cela parle de pluralisme, mais quand nous sommes baptisés en un seul esprit pour recevoir le Seigneur dans l’Eucharistie, nous sommes unis dans une seule foi, dans une seule Église et nous sommes en fait un peuple, son peuple. Et on voit que l’on est devant la promesse de la libération, la réconciliation, la liberté et une vie nouvelle.

Parce que nous voyons avec les yeux de la foi, nous voyons, dans l’Église et dans ses sacrements, le Christ qui continue à être avec nous pour nous accompagner, pour nous toucher, pour nous changer, pour nous transformer. L’institution de l’Eucharistie a été faite pour s’assurer que chacun et chacune ici, au Québec, en juin 2008, va être capable de pénétrer le mystère de la croix comme ceux qui étaient au pied de la croix et aussi pour être présents lors de la résurrection, pas comme des spectateurs, mais comme des participants.

Émanant de l’Eucharistie, ce n’est pas seulement le souvenir de sa mort et de sa résurrection, mais la force, la force que nous tirons de cela pour devenir une création toute nouvelle. Un peuple vivant avec l’Esprit Saint, avec un message qu’on apporte au monde, avec une vision que personne d’autre ne peut apporter parce que c’est cela, la vision du Christ : nous sommes son peuple vivant avec le pouvoir d’apporter un royaume de vérité, de justice, de compassion, de bonté, de paix et d’amour.

À chaque dimanche qui est célébration de Pâques, semaine après semaine, les fidèles se réunissent non seulement pour professer la foi, mais pour renouveler la vie du Christ qui est en eux. Chacun de nous est appelé à être un agent actif pour disséminer cette foi, comme le monsieur dans l’avion m’a dit « Est-ce que vous avez parlé de cela à quelqu’un ? Nous, en tant que membres du Royaume, en tant que peuple qui est amené dans le mystère de la vie nouvelle, ne devons-nous pas être les apôtres, les voix de cette vie nouvelle, de ce Royaume, chaque fois que nous venons à la messe? Ne devrions-nous pas amener quelqu’un avec nous, quelqu’un qui n’a pas été avec nous avant et qui devrait être avec nous, amener quelqu’un qui a été peut-être un moment avec nous, mais qui ne l’est plus.

Pour conclure ces pensées, je voudrais juste vous parler d’une petite expérience qui m’est arrivée. Il y a quelques années, dans un congrès de catéchèse, j’ai préparé une petite enveloppe et dans cette enveloppe, j’avais une petite carte et la carte disait : « Tu venais des fois avec nous à la messe, je ne te vois plus. Tu fais partie de notre famille, tu nous manques. On aimerait bien t’avoir parmi nous à nouveau. » Alors j’ai mis cette petite carte dans toutes les poches - je ne l’ai pas fait personnellement, quelqu’un d’autre l’a fait. Et j’ai dit à tous : « Quand vous rentrerez chez vous, il y a quelqu’un sûrement que vous connaissez qui venait avec vous à la messe, peut-être un ami, un collègue, un voisin, quelqu’un que vous rencontrez au centre d’achat : donnez-leur cette invitation. Invitez quelqu’un à partager ce mystère.

Donc, en conclusion, rappelons-nous qu’à chaque messe le célébrant, après qu’il a consacré l’hostie et le calice du Sang précieux et qu’il récite le commandement du Seigneur « Faites ceci en mémoire de moi », s’agenouille en adoration et qu’il se joint au peuple et aux gens dans plusieurs proclamations pour arriver vraiment au coeur de la foi chrétienne. C’est précisément cette foi qui est ici dans ce Congrès eucharistique, cette foi qui nous unit, cette foi faite de gratitude et d’action de grâce. Nous pouvons proclamer que le Christ est mort, le Christ est ressuscité, le Christ reviendra. Merci.

   

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