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  COMMISSION PONTIFICALE POUR
LES BIENS CULTURELS DE L'ÉGLISE

 

 

Rome, le 10 avril l994

 

 

Prot. N. 275/92/12

 

Révérende Mère Générale,
Révérend Père Général,

 

Parmi les sollicitudes propres à la vie ecclésiale, auxquelles le Saint‑Père Jean Paul II accorde toute son attention et fait appel à l'intérêt des responsables des diverses communautés de l'Eglise, vous aurez pu constater une insistance particulière concernant les Biens culturels de l'Eglise, pour lesquels sont souhaités un engagement plus grand et une responsabilité plus vigilante.

A ce vaste patrimoine constitué par les œuvres d'art figuratif, architectonique et par toutes les autres expressions artistiques, grandes ou petites; par les documents d'archives, les volumes manuscrits et imprimés et indirectement, par les musées, les archives et les bibliothèques, il convient d'accorder "la plus grande attention" car ceux-ci sont des véhicules de culture et d'évangélisation et ils deviennent des témoignages éloquents de la foi de l'Eglise.

Depuis 1988, le Pape Jean Paul II a voulu que, parmi les Organismes qui l'assistent dans le service de toute l'Eglise, il y en ait un ‑ de nature universelle et "animatrice" ‑ consacré particulièrement aux Biens culturels déjà mentionnés: la Commission pontificale pour la conservation du Patrimoine artistique et historique de l'Eglise, crée par la Constitution apostolique "Pastor Bonus" (art. 99/104).

Le 25 mars 1993, le Saint‑Père a voulu transformer cette première Commission par le Motu Proprio "Inde a Pontificatus Nostri initio", afin de démontrer que les Biens culturels de l'Eglise ne sont pas tellement un patrimoine "à conserver" mais plutôt un trésor à faire connaître et à utiliser pour la nouvelle évangélisation. Dans cette œuvre, tout "le peuple de Dieu" et non seulement le clergé, est invité à offrir sa contribution. Voilà pourquoi, la nouvelle Commission a été située dans le contexte de l'action plus vaste que l'Eglise accomplit en faveur de la "culture", en la dotant d'une autonomie juridique et organisatrice, en répétant l'importance d'un travail unitaire d'animation et de coordination dans le domaine du patrimoine artistique et historique: c'est la nouvelle Commission pontificale pour les Biens culturels de l'Eglise.

La première activité de la Commission fut d'instaurer un rapport cordial avec les Institutions ecclésiales qui ont une responsabilité directe de conservation, de valorisation et d'éducations à l'égard de ce patrimoine, comme les diocèses, les Commissions épiscopales pour les Biens culturels, les différents organismes consacrés à ce secteur.

 

LES BIENS CULTURELS ET LES FAMILLES RELIGIEUSES

 

Dans cet esprit de connaissance et de collaboration, il me semble juste et opportun de m'adresser à toutes les "Familles religieuses de l'Eglise" en leur qualité de grandes promotrices d'art et de culture au service de la foi et de gardiennes d'une partie extrêmement importante du patrimoine constitue par les archives, les livres, les œuvres artistiques et liturgiques de l'Eglise.

 

Je le fais par l'intermédiaire de cette lettre, à laquelle je confie en premier lieu la tâche de transmettre à toute votre communauté mes sentiments de respect et d'estime pour tout ce gue vous avez déjà fait et faites actuellement, en vue de conserver et de valoriser ces Biens.

L'initiative et le texte de cette lettre circulaire ont obtenu l'adhésion et l'approbation la plus cordiale de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique.

Il me semble indispensable de m'adresser à chaque famille religieuse pour convoquer immédiatement chacune d'elles à répondre, comme il se doit, à l'appel du Saint-Père pour "devenir 'magis magisque' conscients de l'importance et de la nécessité du patrimoine artistique et historique de l'Eglise" afin de le conserver, le valoriser ou de le constituer encore pour notre temps et pour l'avenir.

Voilà pourquoi, je désire rappeler de manière explicite les responsabilités des Familles religieuses à l'égard des Biens culturels de l'Eglise. Grâce à la structure communautaire de la vie consacrée, les religieux présentent un témoignage significatif, et toujours renouvelé, des charismes particuliers des fondateurs. La vie des communautés, dans une fidélité essentielle au projet originel, est à même de s'adapter aux signes des différentes époques et à la nature du peuple dans lequel elle s'enracine, soit dans les pays d'origine, soit en terres lointaines. Il s'ensuit que de nombreuses Familles religieuses bénéficient d'un patrimoine spirituel qui s'est enrichi et organisé progressivement dans une intégration harmonieuse entre "nova et vetera".

En effet, on peut observer au sein des communautés, que le moment actuel réussit à amalgamer les instances les plus diverses: du passé et de la vie actuelle, de la vie locale et des modèles d'autres cultures et sensibilités, gui sont accueillies dans un don réciproque, étroitement lié à la mission évangélisatrice qui, depuis toujours, voit les religieux engages de manière dynamique et forte. Il est vrai que certaines réalités on été perçues de manière superficielle, mais il est tout aussi certain que, la sensibilité répandue dans les milieux religieux permet de s'adapter aux autres et d'accueillir les valeurs d'autrui moyennant les adaptations opportunes.

Les Biens culture sont des témoignages privilégiés de toute cette activité catholique et spirituelle. C'est pourquoi ils sont considérés non seulement comme des éléments d'intérêt anthropologique et social, mais surtout comme expressions remarquables d'une foi qui grandit dans l'Eglise et trouve des manifestations toujours plus adaptées pour exprimer sa vitalité intérieure.

Dans cette perspective, il convient de "relire" les Biens culturels de 1'Eglise: des cathédrales majestueuses aux humbles objets, des splendides œuvres d'art des grands maîtres aux expressions modestes de l'art pauvre, des grandes œuvres littéraire les plus pénétrantes aux registres de comptabilité apparemment arides, qui suivent pas à pas la vie du peuple de Dieu.

La communauté chrétienne sait que, grâce aux fondations de nouvelles familles religieuses, non seulement de nouvelles expériences de spiritualité ou d'évangélisation ont enrichi l'Église, mais aussi de nouveaux apports d'humanisme on eu de splendides répercussions dans le domaine culturel, artistique, monumental et pédagogique. Il suffit de penser à ces centres de spiritualité, de culture et d'art que furent, et sont encore, les abbayes et les monastères.

Les couvents en sont également une preuve, bien qu'ils soient de proportions plus modestes, ils sont présents dans certains quartiers des villes ou dans les banlieues et outre des écoles de vie spirituelle, ils sont souvent devenus des points de référence pour la culture, l'art, l'urbanisme, la vie sociale et la civilisation.

Aujourd'hui encore, l'Eglise interpelle les familles religieuses et les invite à ne pas négliger cet aspect de leur engagement et de leur témoignage. Cela pourra peut-être sembler secondaire par apport au devoir absolu de la vie évangélique et de l'action évangélisatrice. Mais nous croyons qu'il est un corollaire intrinsèque de ce devoir: lorsqu' une communauté religieuse vit intensément son charisme, celui-ci s'irradie également dans les formes visibles de la culture et de l'art ct celles-ci semblent contaminées quelque peu par l'intensité spirituelle de ces témoins.

La diffusion capillaire dans le monde et la vie des familles religieuses, qui embrasse également de nombreuses générations de fidèles témoins de la vie évangélique, pose quelques questions aux religieux et exige l'adoption radicale de certaines responsabilités.

 

EGLISE ET EDIFICES

 

Une intervention judicieuse est souhaitée aujourd'hui dans le domaine complexe des édifices du culte et de la vie communautaire. Il y a de nombreux pays dans lesquels la diminution des vocations entraîne un nouveau regroupement des religieux et leur redistribution, qui aboutira à la fermeture ct à l'abandon de centres autrefois extrêmement importants pour les familles religieuses et la vie ecclésiale. En revanche, dans d'autres pays, l'expansion soudaine oblige les religieux à affronter des situations différentes. On peut rappeler, par exemple, la nécessité de construire, à partir de rien, de nouveaux édifices et églises pour la vie communautaire dans les régions où l'Eglise a été constituée récemment, ou l'urgence de reconvertir les lieux de culte et de restaurer les maisons religieuses dans les pays où pendant de longues décennies, ces lieux ont été enlevés à leurs propriétaires légitimes, comme on l'a vu dans les pays de l'Europe de l'Est.

Les situations très différentes entre elles demandent des interventions appropriées.

Pour ce qui concerne les lieux que l'on abandonne de plus en plus en raison de la crise des vocations, il sera bon d'envisager un programme d'utilisation tenant compte non seulement du facteur économique (vente au meilleur prix possible), mais surtout de la signification historique et spirituelle des bâtiments. Pourtant, il est important de ne pas précipiter certaines décisions sur l'aliénation du patrimoine immobilier, mais il faut tenir compte de la finalité propre de chaque édifice dans la tentative de maintenir l'intégrité de la finalité originelle, surtout pour ce qui regarde les centres liturgiques. Les constructions imposantes qui se trouvent surtout dans les pays d'antique tradition chrétienne, doivent être mises à la disposition en vue d'actions sociales et culturelles à l'intention de la population qui, autrefois, a aidé à construire ces œuvres.

S'il s'agit de récupérer des édifices tombés en désuétude depuis longtemps, il est recommandé d'évaluer le sens réel de cette opération qui doit être menée avec une extrême attention, selon une claire hiérarchie des valeurs aidant à établir les priorités des interventions et la totalité de l'effort nécessaire. Il n'est vraiment pas souhaitable de restaurer à tout prix lorsque l'édifice est très délabré pour réaffirmer un certain prestige dans le milieu des puissances étrangères à l'Eglise; il faut, au contraire, réaffirmer la primauté de la louange à Dieu, sans oublier les souffrances de son peuple qui porte encore des cicatrices visibles des violences subies aussi bien dans les églises que dans les maisons endommagées. Sages administrateurs des biens de l'Esprit, les religieux trouveront de nombreux moyens d'intervention pour la restauration et la construction, en ne provoquant pas de souffrances ultérieures au peuple chrétien. Plus la restauration des édifices sera convenable, la récupération des habitations sera d'autant plus difficile.

Dans la construction de nouveaux édifices, il est souhaitable que les religieux sachent investir toute l'expérience spirituelle, la sensibilité sociale et le goût esthétique qui se sont développés au cours de l'histoire de leur communauté. Les constructions sont marquées par le caractère essentiel qui harmonise la simplicité et le "decorum", la fonctionnalité et la beauté. Les structures ne doivent pas étouffer le message évangélique puisque ces constructions peuvent transmettre les témoignages de l'esprit des béatitudes.

Les conditions économiques difficiles peuvent imposer parfois le renoncement à tout type d'intervention sur les immeubles dont les religieux ont la garde. Cette condition de pauvreté doit susciter chez les religieux une confiance illimitée en la Providence qui ne prive personne de ce qui est nécessaire à la vie quotidienne. S'ils sont pauvres, ils peuvent aider ceux qui sont encore plus pauvres qu'eux, donnant ainsi un témoignage crédible de la primauté de Dieu et des valeurs spirituelles dans un monde qui se laisse facilement contaminer par bien d'autres principes.

 

MATERIEL DE MUSEE :
PROVOCATION POUR RETROUVER SES PROPRES RACINES

 

Au cours de l'histoire, les édifices du culte et les maisons religieuses sont devenus des lieux où on été rassemblés de nombreux témoignages de la foi vécue par les différentes communautés: décoration et instruments musicaux pour le culte, toiles et sculptures, objets grands et petits de la vie quotidienne ayant subi des vicissitudes alternes. Dans plusieurs communautés, depuis un certain temps déjà, on a procédé à une disposition systématique du matériel dans des endroits adaptés. L'effort en vue d'intégrer ces réalités dans un contexte didactique, aidant les religieux et les visiteurs de ces présentations, à parcourir à nouveau l'histoire d'une famille religieuse à travers les événements de la vie quotidienne, dans la communauté et dans l'engagement apostolique, s'est révélé extrêmement positif. Une attention particulière sera accordée aux objets liturgiques; dans la limite du possible et selon l'opportunité, ils devraient être utilisés régulièrement dans certaines célébrations et il faudrait leur assurer les meilleures conditions de conservation, comme l'a été le soin mis à les fabriquer.

Tout le matériel qui s'inscrit dans la catégorie "musée" doit être rassemblé et conservé avec soin. Après un premier relevé, il est bon de procéder à un inventaire général et minutieux, selon les critères méthodiques des disciplines d'aujourd'hui, sans négliger aucun relevé important comme, par exemple, une documentation photographique exhaustive.

Suivant les situations concrètes, surtout en vue de prévenir des détériorations irréversibles et le danger d'altérations et/ou de vols, il est prudent, parfois, de recueillir tout le matériel, dispersé dans différentes maisons périphériques, dans un ou plusieurs centres au niveau provincial ou national. Dans cette opération délicate, il convient d'éviter de causer préjudice aux maisons périphériques, en enlevant des reliques particulièrement importantes pour l'église locale.

La conservation du matériel ne poursuit pas uniquement, ni de manière prépondérante, un intérêt archéologique, mais elle traduit plutôt le désir de mieux connaître les origines de l'histoire humaine et religieuse. Dans cette perspective, le soin des objets d'art artisanal et d'art plus raffiné sensibilise les consciences dans le fait d'affronter, aujourd'hui, aussi bien les conditions sociales complexes que les exigences évangéliques provocantes: c'est seulement dans la fidélité à la matrice culturelle et spirituelle, que l'on peut s'ouvrir à des expériences nouvelles d'humanité et de foi, lesquelles exigent toujours la contribution créatrice du cœur et de l'esprit.

 

MATERIEL D'ARCHIVES :
A L'ÉCOLE DE L'HISTOIRE

 

Un matériel important, dispersé dans tant de maisons religieuses du monde entier, s'intègre dans la catégorie du patrimoine des archives. Le support de ces objets, généralement en papier, les rend particulièrement vulnérables et périssables. Voilà pourquoi, l'attention accordée à ce domaine sera d'autant plus grande qu'elle documente l'histoire vitale et l'expansion de l'Eglise, mère d'enfants innombrables qu'elle rassemble dans l'unité de la foi.

Selon la physionomie spécifique de chaque communauté - insérée dans les centres sociaux et avec des fonctions pastorales particulières ou situées dans un milieu cloîtré, au cœur de la solitude - la nature du matériel se différencie d'un lieu à l'autre. De toute manière, ce matériel doit être inventorié, rassemblé, classé et accessible à tous ceux qui approfondissent les recherches d'archives. Des fiches professionnelles aux livres des matricules, des actes capitulaires aux inventaires du patrimoine, des registres de l'état civil aux indications méticuleuses de la pratique des sacrements: le matériel d'archives offre le fil conducteur permettant de suivre concrètement la vie d'une maison et d'une famille religieuse entière, à travers son développement et ses crises, ses expansions et ses reculs dus à différents facteurs.

Le matériel d'archives se prête donc à toute une série d'analyses interdisciplinaires (de la paléographie à la statistique, de la sociologie aux sciences de la communication, de la démographie à l'économie) qui forment l'horizon historique sur lequel repose la vie religieuse d'aujourd'hui. Et c'est à l'école de l'histoire que le religieux redécouvre les suggestions de l'Esprit, qui appelle à l'apostolat de l'évangélisation et de l'adoration silencieuse. Au-delà d'une impression répandue, les archives de communautés religieuses ne sont pas un endroit où l'on se réfugie dans le passé, mais elles représentent l'endroit où l'on s'ouvre au futur.

Afin que ce programme puisse se réaliser, il convient d'examiner soigneusement l'opportunité de concentrer, en certains endroits appropriés, le matériel et de le rendre accessible, même à distance, grâce aux procédés de reproduction photographique ou par ordinateur. La collaboration entre les différents institutions intéressées est extrêmement positive et elle embrasse un large éventail de possibilités allant de l'échange d'informations à la rédaction d'une banque commune de données.

 

LES LIVRES :
SEVE DE VIE NOUVELLE

 

Un autre secteur de grand intérêt est constitué par la collection de livres des familles religieuses. Ce matériel est un autre miroir qui reflète en profondeur les engagements religieux et culturels de l'Eglise. Ce secteur comprend une large gamme de "témoins" allant des manuscrits médiévaux sur parchemins aux publications imprimées plus récentes, des vieilles notes scolaires à des recueils de lettres, des manuscrits de réflexions approfondies sur les différents domaines de la recherche théologique et scientifique aux séries de compilations érudites, des dessins et des projets architecturaux aux partitions musicales composées pour les grandes chapelles et des lieux plus simples et plus populaires.

Les livres, même dans leurs articulations si diversifiées, s'efforcent de fructifier les talents concédés par Dieu à ses enfants sur le chemin de la recherche de son visage. Il s'agit d'un travail patient et séculaire, qui distille la science humaine jusqu'à la transformer en sagesse des choses de Dieu, dans une profession de foi illustrée par les spéculations intellectuelles et chantée par la musique sacrée. Les bibliothèques ne recueillent pas seulement le matériel poussiéreux destiné à l'oubli; elles contiennent des trésors d'expérience chrétienne vécue et transmise par la parole écrite. Il ne s'agit pas tellement de remplir des étagères mais plutôt de combler le cœur en puisant à la sagesse des pères et des mères dans la foi, sève de vie nouvelle, dans un itinéraire d'approfondissement culturel, partie intégrante du processus de mise à jour individuelle et communautaire pour la croissance individuelle et celle de la famille entière.

Même le matériel composé de livres doit être rangé, inventorié, éventuellement restauré et accessible. Les collections bibliographiques des ordres religieux les plus anciens seront répertoriées et intégrées à des œuvres analogues plus récentes, permettant ainsi la mise à jour souhaitée. Il convient de favoriser les collections centrales, comme dans le cas des archives et des livres. Quant à ces derniers, il importe d'encourager toute forme de collaboration entre les maison de la même famille et entre les diverses institutions ecclésiales.

 

PERSPECTIVES DE TRAVAIL

 

Sur le plan du travail, se profilent différentes perspectives qui devraient être concrétisées par chaque famille religieuse d'une part, par des organismes interreligieux de l'autre.

 

1) Il semble important et nécessaire que les "mutuae relationes" entre évêques et religieux, et par conséquent, entre les diocèses et les familles religieuses, se réalisent efficacement dans ce domaine des biens culturels. Cela pourra s'effectuer :

‑ en recherchant le maximum d'harmonie et de convergence des normes et des directives des Conférences épiscopales nationales et régionales, ainsi que des diocèses;

‑ en offrant de bonne grâce les patrimoines d'art, d'histoire et de culture que possèdent les institutions dirigées par les religieux, à l'ensemble de la communauté chrétienne, afin que ces biens puissent encore imprégner la foi et la culture du peuple de Dieu, en comblant un certain détachement qui semble s'interposer entre l'homme d'aujourd'hui et la grande tradition de pensée et d'art qui, dans les siècles passés, avait uni la foi chrétienne et la culture des peuples;

‑ en insérant dans le circuit vital des amateurs de la pensée et des arts, ces religieux qui auraient des aptitudes particulières à cet égard, de manière à reconstruire ces ponts idéaux entre ceux qui puisent à la foi leur savoir, comme les religieux et tous ceux qui cherchent la vérité dans leurs études et leur expérience artistique; en effet, il n'est permis à aucun de nous de se replier sur soi et de ne pas s'ouvrir à la vie totale de l'Eglise et de l'humanité.

 

2) C'est pourquoi, il nous semble important de résoudre le problème des personnes intéressées directement aux biens culturels. Dans ce sens, il convient de privilégier ces vocations artistiques et culturelles que Dieu suscite pour le bien des instituts et de l'Eglise entière. Le véritable intérêt pour les biens culturels du passé est un témoignage du soin par lequel, dans l'Eglise d'aujourd'hui, on encourage une tradition culturelle renouvelée embrassant tous les domaines des biens culturels historiques. I1 faut faire de son mieux afin que la foi et la culture des chrétiens et des religieux d'aujourd'hui puissent se traduire en des expressions actuelles de l'art chrétien et en témoignages historiques appropriés.

 

3) En outre, les personnes chargées de la conservation des biens Culturels du passé, doivent être préparées avec le sérieux professionnel voulu et pas simplement pour une conservation inerte, mais en vue d'une valorisation consciente et appropriée du patrimoine. Ces spécialistes dans les secteurs variés des biens culturels, pourront ensuite intervenir de manière positive dans la formation et l'instruction des jeunes religieux afin que se développe en eux une responsabilité très vive envers toutes les expressions culturelles de la foi chrétienne.

 

 4) Comme nous l'avons déjà écrit, voici deux ans, aux Supérieures et Supérieurs ayant des Maisons généralices à Rome, une Ecole supérieure pour les responsables des Biens culturels de l'Eglise, a été instaurée à l'Université Grégorienne à Rome, dans l'intention de mettre à la disposition des prêtres, religieux et laïcs intéressés, un organisme capable de les préparer à la tâche délicate et spécifique de la conservation et de l'animation des biens culturels. Cette école est arrivée désormais à sa troisième année et il semble que l'on puisse envisager, bientôt, sa transformation en une véritable faculté ou institut pour les biens culturels. Et l'on peut penser que, suite à l'expérience de cette première, des écoles ou instituts identiques pourraient s'ouvrir dans d'autres parties de l'Eglise. Mais nous voudrions demander aux religieux de ne pas négliger une occasion qui leur permette d'envoyer à Rome les confrères auxquels ils voudraient confier la responsabilité du domaine de l'art sacré, ou des archives et des bibliothèques ou de l'enseignement relatif à ces disciplines ou à l'animation du patrimoine culturel de leur ordre.

 

5) Dans les programmes économiques des instituts religieux, l'on ne doit pas ignorer le problème des biens culturels: leur valorisation tant sur le plan de la conservation que de la jouissance, constitue notamment un investissement financier sûr. Mais le soin du patrimoine transcende les limites de l'économie et devient une participation aux événements des œuvres et de leurs auteurs dans une expérience de foi commune et renouvelée.

 

6) Dans cette ligne se situent toutes les interventions nécessaires en vue d'accorder plus de place aux biens culturels: la coordination et les ententes au sein de l'Eglise avec les autres institutions diocésaines ou régionales, comme les accords éventuels avec les administrations civiles compétentes; la programmation commune entre les religieux et les églises locales, au niveau de la recherche, tutelle, conservation et jouissance du patrimoine du passé et de la protection des œuvres actuelles. Dans chaque cas, la collaboration est entendue comme un engagement actif et non pas comme un simple règlement des limites de compétence, jalouse de chacune des "parties intéressées".

 

7) En particulier :

‑ nous rappelons l'urgence de la mise à jour d'un inventaire, même photographique, de tout ce que possèdent les maisons religieuses;

‑ il convient de rédiger la documentation nécessaire à la compréhension du matériel (origine, usage, contexte socio-ecclésial);

‑ chaque institut religieux devrait approfondir et certifier, par des instruments de recherche appropriés, le premier cheminement historique dans le contexte plus vaste de l'Eglise et de la société, en insistant particulièrement sur l'œuvre évangélisatrice et la présence orante, qui souligne l'importance de Dieu dans la vie de l'Eglise;

‑ chaque famille religieuse devrait avoir un ou plusieurs centres de documentation de son patrimoine artistique et historique, de manière à pouvoir en jouir davantage et pour réaliser sa promotion permanente.

 

CONCLUSION

En guise de conclusion à cette lettre fraternelle, nous nous permettons de vous demander, Révérendes Mères et Révérends Pères Généraux - comme nous 1'avons d'ailleurs demandé (avec succès) aux Présidents des Conférences épiscopales - d'avoir la courtoisie de nous répondre et d'aider cette Commission pontificale, dont le Saint‑Père attend tellement, à connaître ce qui se fait, les difficultés que vous rencontrez et ce que vous souhaitez, dans votre propre famille religieuse, à propos des sujets qui viennent d'être exposés; et surtout, n'hésitez pas à nous suggérer vos conseils, désirs, observations afin que nous puissions être, toujours mieux et davantage, efficaces et concrets dans notre engagement.

Comme nous l'avons déjà fait à propos des réponses des Présidents des Conférences épiscopales, nous pourrons ensuite rédiger - dans une recension unitaire - toutes les réponses qui nous parviendront, afin de communiquer en retour, ce qui apparaîtra plus important.

Nous voudrions croire que cet échange réciproque entre la Commission pontificale et les familles religieuses, constituera l'occasion d'approfondir ou de rétablir un dialogue fructueux et permanent, qui ne manquera pas de stimuler un retour à la culture et à l'art chrétiennement inspirés, pour lequel tous semblent souhaiter un nouvel engagement.

Dans l'espoir que nos considérations et cet "appel" constitueront un sujet de réflexion dans toutes vos communautés, que notre pensée rejoint en esprit de communion, il nous paraît utile de faire résonner à nouveau les paroles du Saint-Père contenues, précisément, dans le "Motu Proprio" par lequel il a institué cette Commission pontificale pour les Biens culturels: "Par sa nature, la foi tend à s'exprimer sous des formes artistiques et des témoignages historiques dotés d'une force évangélisatrice et d'une valeur culturelle intrinsèques, devant lesquelles l'Eglise est invitée à prêter la plus grande attention".

Tout en vous remerciant, je vous prie d'agréer mes salutations cordiales et dévouées en Jésus-Christ.

 

 

+ FRANCESCO MARCHISANO
Président

 

MONS. PAOLO RABITTI
Secrétaire

 
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