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Cardinal Robert Sarah                                      Burundi                                  
Président,                                                         Sanctuaire Marial Mont Sion Gikungu
Conseil Pontifical Cor Unum                            1er mars 2011

HOMÉLIE

Messe pour les Familles
au Sanctuaire Marial de Mont Sion Gikungu

 

Lectures :
Sir 35, 1612
Ps 40
Mc 10, 28-31


Bien chers Frères et Sœurs,

Monseigneur le Secrétaire du Conseil Pontifical Cor Unum, Monseigneur Giovanni Pietro Dal Toso, et moi-même éprouvons une grande joie à être parmi vous, ce soir, dans ce sanctuaire marial. Et je me réjouis de vous apporter toute l’affection et la bénédiction du Saint-Père, le Pape Benoît XVI. Ce soir il prie intensément avec nous, pour vous et pour toutes vos familles, sans oublier la Grande famille de la Nation Burundaise.

Nous avons raison de célébrer l’Eucharistie de ce soir pour les familles. Depuis plusieurs années, on observe, en effet, des attaques violentes contre la famille telle que voulue et instituée par Dieu, ainsi qu’une dégradation accélérée du respect dû à la vie humaine. En ce qui concerne le massacre quotidien de milliers d’enfants à naître, dans plusieurs pays, et même dans certains milieux chrétiens, la conscience morale s’est obscurcie au point que les vérités aussi élémentaires sur la grandeur, la dignité et le respect absolu que l’on doit à tout être humain, ne sont plus perçues par tous. Il appartient alors à l’Eglise catholique de porter témoignage, devant tous les hommes, de l’égale dignité de tous les êtres humains et du droit de tous à la vie. Le législateur qui légalise l’avortement ne peut, en aucune manière, ignorer, non seulement qu’il prive l’enfant de la protection de la loi, mais de plus, qu’il cautionne le meurtre ignoble d’un innocent. En proclamant haut et fort, aujourd’hui, que l’être humain le plus faible, c’est-à-dire l’enfant à naître, mérite d’être honoré au titre de son humanité, l’Eglise ne fait que répéter une vérité au nom de laquelle ont été contestés, combattus et condamnés l’esclavage, la domination d’un peuple par un autre et l’extermination nazie du peuple juif.
Après les attaques contre la vie, certaines idéologies et politiques occidentales combattent également, aujourd’hui, la famille et le mariage traditionnels entre un homme et une femme et promeuvent d’autres types de familles et de mariages au mépris des lois de la nature, des lois divines et des traditions morales les plus honorables et les plus respectées dans toutes les cultures du monde. La foi chrétienne et l’Eglise doivent proclamer « à temps et à contre-temps que l’Amour conjugal révèle sa vraie nature et sa vraie noblesse quand on le considère dans sa source suprême, Dieu, qui est Amour, « le Père de qui toute paternité tire son nom, au ciel et sur la terre ». Le mariage n’est pas l’effet du hasard ou un produit de l’évolution des forces naturelles inconscientes : c’est une sage institution du Créateur pour réaliser dans l’humanité son dessein d’Amour. Par le moyen de la donation personnelle réciproque, qui leur est propre et exclusive, les époux tendent à la communion de leurs êtres en vue d’un mutuel perfectionnement personnel pour collaborer avec Dieu à la génération et à l’éducation de nouvelles vies. »
L’amour conjugal est un amour fidèle et exclusif jusqu’à la mort. Ce n’est donc pas un simple transport  d’instinct et de sentiment, mais aussi et surtout un acte de la volonté libre, destiné à se maintenir et à grandir à travers les joies et les douleurs de la vie quotidienne, de sorte que les époux deviennent un seul cœur et une seule âme et atteignent ensemble « leur perfection humaine » (Paul VI,  Humanae Vitae ). Ceux qui promeuvent d’autres types de familles ou de mariages tellement différents de ceux composés d’un homme et d’une femme et qui donc sont radicalement en opposition à la loi divine, ceux qui banalisent les relations pré-conjugales ou favorisent l’homosexualité, blessent mortellement la famille et compromettent gravement la qualité du tissu social et l’avenir même de la société.
Il faut remercier et avoir beaucoup de vénération pour les Etats qui ont heureusement développé des programmes politiques dans lesquels la famille fait l’objet d’une attention prioritaire. Ces Etats ont pris des mesures favorables à la cellule familiale dans des domaines variés. De telles mesures font honneur à ces gouvernements, car elles permettent à la famille d’être ce qu’elle doit être, c’est-à-dire la première communauté sociale de base. La famille est le lieu où l’on s’aime et s’aimer c’est s’ouvrir à l’autre, c’est dépendre de l’autre pour être pleinement soi-même. Car l’homme se réalise davantage par des richesses venues de plus haut et non par ses seuls efforts. L’homme s’accomplit grâce aux dons qui lui viennent d’en-haut, de Dieu. La famille est le lieu où l’on apprend à être attentifs les uns aux autres et à se rendre service, où l’on se met en question, où l’on dialogue, délibère, projette, décide et exécute ensemble. C’est le lieu de la communion, du vivre ensemble dans la différence, l’estime et le respect mutuels. C’est le lieu où l’on accueille la vie à naître, la vie qui est promesse et joie. La famille, c’est aussi le lieu où l’on apprend le renoncement à soi-même. Elle nous éduque sur comment quitter ses biens, sa famille, ses perspectives humaines les meilleures, pour suivre Jésus qui nous conduit vers un amour, des possessions et un bonheur plus grand, comme nous l’indique l’évangile de ce jour (Mc 10, 28-31). La famille est vraiment une école d’amour et de don de soi.
Les organisations publiques ou privées qui incitent à la destruction de la vie dans sa source ou dans sa fleur, méritent d’être considérées comme des machines de guerre qui tuent l’amour et son fruit et détruisent la famille. Effectivement, dès l’instant où le lieu par excellence de l’accueil de la vie devient un des lieux où la vie est étouffée et anéantie, la famille ne peut que dépérir. Ce dépérissement de la famille a été amorcé par la banalisation de la contraception hormonale dans la quelle certains ont vu l’étape par laquelle il fallait obligatoirement passer pour banaliser l’avortement.
En célébrant l’Eucharistie aujourd’hui pour les familles, nous voulons nous inspirer du sacrement du corps et du sang de Jésus pour bien comprendre et vivre le sens du mariage et de la famille. Dans l’Eucharistie, en effet, se réalise l’amour nuptial du Christ qui se donne à l’Eglise, Son Epouse, en se faisant pour elle nourriture (Cf. Eph 5,21-23). L’amour conjugal entre un homme et une femme est appelé à être signe visible dans le monde de ce « grand mystère » qui arrive à son point culminant dans l’Eucharistie, sacrement du don absolu et total de soi et fondement inébranlable de tout amour humain.
Au moment suprême de sa vie et de sa mission, Jésus prononce les paroles qui révèlent la signification ultime du Corps : « Prenez et mangez-en tous car ceci est mon corps donné pour vous. Faîtes ceci en mémoire de moi ». Ces paroles avec celles qu’il prononce sur le calice manifestent le don total qu’il fait de lui-même dans l’aliment eucharistique et dans le sacrifice de la croix. Toute la vie terrestre de Jésus a été un don de lui-même aux hommes à travers son corps et son sang, pour que ceux-ci en le voyant, en le touchant, en l’écoutant puissent rencontrer, contempler et toucher Dieu (cf. 1 Jn 1, 1-3), « car en lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité (Col 2,9) ». En même temps, c’est à travers l’offrande de son corps de chair que Jésus accomplit la volonté du Père (cf. He 10, 10). En Jésus, le corps donné dans l’Eucharistie, est donc inséparablement expression du don de soi pour la vie du monde (cf. Jn 6,51) et accomplissement de la volonté du Père. Il devrait en être également ainsi pour les chrétiens. Ce sont bien les conséquences que tire Saint Paul, lorsqu’il nous dit : « Je vous exhorte, frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos corps en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu ; c’est là votre culte spirituel ». (Rm 12,1).
C’est dans l’Eucharistie que l’offrande, que les époux se font l’un à l’autre, trouve son lieu d’expression la plus haute en même temps que la condition de sa réalisation la plus totale. La communion au corps et au sang du Christ les rend capables de vivre fidèlement et pleinement leur amour mutuel et leur don réciproque l’un à l’autre.
L’Eucharistie est décrite par Saint Paul comme la source même du mariage chrétien, dans la mesure où elle représente l’Alliance d’Amour entre le Christ et l’Eglise en tant qu’elle a été scellée dans le sang de la Croix  (Familiaris Consortio N° 57) ».
La prière nourrit, consolide, protège la famille et l’unit profondément à Dieu. En effet la prière individuelle en famille est le moyen quotidien de l’ouverture à Dieu, fondement originel et source de communion vécue en famille. Déjà moyen de sanctification pour tout baptisé, la prière familiale quotidienne, la récitation du chapelet notamment, faite en commun, (époux, parents enfants) manifeste visiblement la communion existant entre les membres de la famille et elle favorise l’union des cœurs par l’intercession pour les intentions communes familiales, comme pour les intentions particulières de chacun des membres.
En ces temps qui sont les nôtres, temps de la globalisation et de grande confusion morale et éthique, les cultures et les peuples africains et asiatiques devront lutter jusqu’à la mort pour protéger les valeurs sacrées de la famille et de la Vie.
Parce que, comme le dit bien le Serviteur de Dieu, le Pape Jean Paul II, « l’avenir de l’humanité passe par la famille ». « Mais nous pouvons aussi affirmer que l’avenir de l’Eglise passe par la famille. Il est donc indispensable et urgent que tout homme de bonne volonté s’emploie de toutes ses forces à sauvegarder et à promouvoir les valeurs et les exigences de la famille » (Familiaris Consortio n° 86).
Si nous insistons sur les contributions africaines, asiatiques et de l’Eglise catholique pour la défense et la sauvegarde de la famille, aujourd’hui menacée, c’est parce que j’ai la ferme conviction que la doctrine catholique du mariage fondée sur la Parole de Dieu, mûrie dans l’Eglise par la longue expérience de l’Amour du Christ, de ce qu’il apporte au cœur de l’homme et de ce qu’il lui demande, est certainement la plus haute, la plus noble, la plus capable d’intégrer dans le développement harmonieux de la personnalité humaine et de la grâce chrétienne, les forces obscures de l’amour humain.
Je crois également que faire appel à nos valeurs africaines authentiques, et remuer le sol africain pour y déposer la semence divine, se situer au niveau de notre culture africaine traditionnelle ou, pour reprendre une expression très actuelle, s’interroger sur l’inculturation de l’Evangile et de la vie chrétienne pratique, n’est pas simplement s’interroger sur la communicabilité à tous du message évangélique. Mais c’est aussi et d’abord s’interroger sur les conditions de possibilités d’une expérience authentique de Dieu donnant la conviction que le Christ est venu arracher l’homme à son égoïsme, à sa misère, à son péché, à ses égarements et l’appeler à la grandeur, au dépassement de soi dans la filiation divine. Jésus est venu nous appeler à redevenir des enfants de Dieu par les voies de l’abnégation et de la générosité pour nous introduire définitivement dans l’ambiance culturelle de Dieu et dans l’Alliance nouvelle et éternelle.
En célébrant cette Eucharistie pour la famille c’est la grâce d’entrer à nouveau dans l’Alliance Nouvelle et éternelle que nous demandons.

Que Dieu nous soit propice et bénisse nos familles.
Amen

 

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