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La Curia Romana  
 

 

 
 
 

S.Em. Cardinal Robert Sarah                      
Président,                                                                         
Conseil Pontifical Cor Unum 

 

Rencontre avec le Symposium des Conférences Episcopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM)
(Kinshasa, 10-14 juillet 2013)


Eminences,
Excellences,
Chers Pères Evêques,


C’est avec une joie profonde que je vous salue tous, vous qui êtes réunis, ici à Kinshasa, et qui représentez l’Eglise de Dieu qui est en Afrique. Je tiens à vous exprimer ma reconnaissance de m’avoir invité à prendre part à cette réunion du Symposium des Conférences Episcopales d’Afrique et du Madagascar et de pouvoir vous parler du récent Motu Proprio « Intima Ecclesiae natura » touchant au service de la charité que Benoît XVI a promulgué l’an passé. Il s’agit d’un texte majeur, le premier qui vient combler une lacune au niveau canonique, concernant la responsabilité de l’Evêque dans le service organisé de la charité tant au niveau national que diocésain ou paroissial.
C’est avec une grande sollicitude fraternelle que je viens vous encourager dans votre mission, vous qui êtes « les Serviteurs du Christ et les intendants des mystères de Dieu » (1 Co 4,1) dans « la Maison de Dieu – je veux dire l’Eglise du Dieu vivant :- colonne et support de la vérité » (1 Tm 3,15).

En date du 2.12.2012, le Motu Proprio « Intima Ecclesiae natura » a été publié. Il est entré en vigueur le 10.12 2012. Par ce texte, Benoît XVI a explicité, d’un point de vue canonique, certains points concernant sa réflexion théologico-pastorale sur l’exercice de la charité dans l’Eglise. Ce document juridique formalise de façon nouvelle le cadre normatif dans lequel se déploie l’activité caritative de l’Eglise. Ses sources remontent et se réfèrent essentiellement à la pratique des premiers siècles du christianisme (cf DCE n. 21-24), et à la première encyclique de Benoît XVI, Deus Caritas est, dans laquelle il observait que le Code de Droit Canon comportait une lacune en ce qui concerne la responsabilité de l’Evêque dans l’exercice de la charité (cf DCE n. 32). Certes, le Directoire pour le Ministère pastoral des Evêques précise que l’Evêque est le « Président et le Ministre de la charité dans l’Eglise » (n. 194), mais il manquait une normative systématique à l’adresse des différents acteurs du service de la charité. Une telle lacune est aujourd’hui comblée grâce à ce Motu Proprio. Ce texte canonique explicite, non seulement la responsabilité des Evêques, mais aussi l’engagement de chaque baptisé dans l’exercice de la charité. Car l’amour du prochain, enraciné dans l’amour de Dieu, est avant tout une tâche pour chaque fidèle, mais aussi une tâche pour la communauté ecclésiale toute entière, et cela à tous les niveaux : en partant de la paroisse, de l’Eglise diocésaine, de l’Eglise d’une nation jusqu’à l’Eglise universelle dans son ensemble. Nous trouvons ici un écho de ce qui est dit dans l’encyclique Deus Caritas est, au n°20 : « l’amour a aussi besoin d’organisation comme présupposé pour un service communautaire ordonné . La conscience de cette tâche a eu un caractère constitutif dans l’Eglise depuis ses origines  : «Tous ceux qui étaient devenus croyants vivaient ensemble, et ils mettaient tout en commun; ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, pour en partager le prix entre tous selon les besoins de chacun» (Ac 2, 44-45), (DCE n. 20) ». Déjà en 2008, le Conseil Pontifical pour les textes législatifs s’était penché sur ce « vide juridique », dont la solution vient finalement d’être trouvée. Plusieurs phases se sont succédées au cours de son élaboration. Diverses conférences épiscopales ont été consultées ainsi que quelques dicastères. Cette consultation ample et minutieuse a pu permettre à Benoît XVI d’offrir à l’Eglise universelle un document juridique qu’il définit en ces termes : « Je désire donner un cadre juridique organique, par le présent Motu Proprio, qui soit plus apte à ordonner, dans leurs lignes générales, les différentes formes ecclésiales organisées du service de la charité, qui sont étroitement liées à la nature diaconale de l’Église et du ministère épiscopal» (Préambule).


I. L’inspiration théologique du Motu Proprio.

Quelques mots sur l’inspiration théologique du Motu Proprio. Nous la trouvons exprimée dans son préambule. L’encyclique Deus Caritas est, s’ouvre sur la contemplation de l’amour de Dieu Un et Trine, qui s’est incarné en Jésus Christ. Elle met ainsi en lumière l’origine théologique et, plus précisément, trinitaire de toute activité caritative. « Tu vois la Trinité quand tu vois la charité », écrivait saint Augustin » (DCE 19). Le Christ a fondé l’Eglise et celle-ci exprime sa nature profonde dans une triple tâche : « l’annonce de la Parole de Dieu (kerygma-martyria), la célébration des Sacrements (leitourgia), le service de la charité (diakonia). Ces trois tâches s’appellent l’une l’autre et ne peuvent être séparées l’une de l’autre » (cf DCE 25), sous peine de défigurer l’Eglise. Cela signifie, par conséquent, que le service de la charité ne peut exister sans l’annonce de la parole de Dieu et sans la célébration des sacrements. Souvenons-nous que le 8 octobre dernier, au cours de sa méditation qui ouvrait le synode sur la  Nouvelle Evangélisation pour la transmission de la Foi, Benoît XVI nous rappelait la place éminente de la charité dans l’évangélisation, en soulignant que les deux colonnes sur lesquelles se construit la Nouvelle Evangélisation sont : la confessio et la caritas. « “Confessio” et “caritas”, disait-il, sont comme les deux modalités dans lesquelles Dieu nous engage, nous fait agir avec Lui, en Lui et pour l’humanité, pour sa créature »1: L’activité caritative de l’Eglise reflète cette dynamique. C’est Dieu qui nous engage, et il nous fait agir en vue du bien de toute personne humaine créée à son image et sa ressemblance. C’est pourquoi la vraie nature de l’Eglise ne peut se limiter à un discours social ou de pure solidarité humaine. Elle doit refléter l’amour suscité par l’Esprit du Christ. L’Eglise ne peut oublier que l’homme est fait pour la communion avec Dieu. Benoît XVI souligne que « la charité n’est pas pour l’Église une sorte d’activité d’assistance sociale qu’on pourrait aussi laisser à d’autres, mais elle appartient à sa nature, elle est une expression de son essence elle-même, à laquelle elle ne peut renoncer » (DCE 25a). Et c’est au nom de son but le plus noble que l’Eglise devra être subversive et critique envers toutes les réalisations bornées de ce monde. Présente au coeur de toutes les situations humaines, solidaire des pauvres et des opprimés, il ne lui sera pas permis d’identifier son espérance avec l’une des espérances de l’histoire. Bien entendu cela ne pourra pas signifier de sa part désengagement ou critique à bon marché. La vigilance que doit exercer l’Eglise est bien plus onéreuse et difficile. Il s’agit simultanément d’assumer les espérances humaines et de les vérifier à l’aune de la Résurrection. C’est la Résurrection et l’Evangile de Jésus-Christ qui, d’une part, soutiennent tout engagement authentique pour la libération de l’homme et, d’autre part, contestent toute absolutisation des moyens terrestres. Cette dimension ecclésiale de la charité liée à la Parole et aux Sacrements donne les fondements de la nouvelle normative.

Il s’en suit que parce qu’elle est une activité proprement ecclésiale, et une dimension fondamentale de l’Eglise, l’activité caritative, devra être directement rattachée au ministère épiscopal. A cause de la nature épiscopale de l’Eglise, l’Evêque diocésain porte « la responsabilité première de la mise en œuvre, aujourd’hui encore, du programme indiqué dans les Actes des Apôtres (cf. 2, 42-44) » (DCE 32). Ce Motu Proprio explicite le mandat général donné aux Evêques qui figure au can. 394 CIC. Néanmoins l’Evêque ne peut oeuvrer en faisant abstraction du corps auquel il préside. C’est pourquoi tous les fidèles doivent être éduqués à  l’esprit de partage et de charité authentique. Toute communauté chrétienne doit avoir un « cœur qui voit » les misères qui existent autour d’elle (cf art.1 et 9).

A ce sujet je voudrais citer un autre passage du préambule du Motu Proprio où Benoît XVI établit un critère fondamental concernant nos organismes catholiques : " Il est important toutefois de se rappeler que « l’action concrète demeure insuffisante si, en elle, l’amour pour l’homme n’est pas perceptible, un amour qui se nourrit de la rencontre avec le Christ » (DCE 34). Par conséquent, dans l’exercice de l’activité caritative, les nombreuses organisations catholiques, ne doivent pas se limiter uniquement à récolter ou à distribuer des fonds, mais doivent toujours témoigner d’une attention spéciale envers la personne qui est dans le besoin, et exercer également une fonction pédagogique précieuse au sein de la communauté chrétienne qui favorise l’éducation au partage, au respect et à l’amour selon la logique de l’évangile du Christ. L’activité caritative de l’Église, en effet, à tous les niveaux, doit éviter le risque de se dissoudre dans une organisation commune d’assistance, en en devenant une simple variante (cf DCE 31) » (Préambule du Motu Proprio)". Il est capital de ne pas mélanger ni confondre l’action caritative de l’Eglise avec les idéologies et les politiques qui ambitionnent de changer, de transformer les sociétés et d’éradiquer la pauvreté. « L’activité caritative chrétienne doit être indépendante par rapport aux partis et aux idéologies. Elle n’est pas un moyen pour changer le monde de manière idéologique et elle n’est pas au service de stratégies mondaines, mais elle est la mise en oeuvre ici et maintenant de l’amour dont l’homme a constamment besoin (DCE 31 b) » + (cf annexe).
Il s’agit donc de comprendre ce texte comme le soucis constant de maintenir vivante l’inspiration fondamentale qui est à la base de l’activité caritative de l’Eglise c’est-à-dire la logique de service que le Christ nous a inspirée. Notre Conseil Pontifical veut le diffuser en sensibilisant en premier lieu les Evêques diocésains et les Conférences épiscopales, mais aussi les organismes caritatifs.


II. Qui est directement concerné par le Motu Proprio ?

1) Les trois types de sujets de la nouvelle normative :
Ce texte s’adresse à trois types de sujets: Ceux qui exercent une autorité dans l’Eglise, la communauté des fidèles et les divers organismes.
a) Ceux qui exercent une autorité dans l’Eglise : L’art. 3 § 1 est une application du can. 312. Il traite de la notion d’ "autorité compétente", avec le soucis de respecter les différents niveaux de responsabilité : Ainsi, au niveau diocésain la compétence revient à l’Evêque, au niveau national, à la Conférence épiscopale et au niveau international, au Saint-Siège. Lorsque le Motu Proprio parle de la « responsabilité de l’Evêque », il faut garder en mémoire ces trois niveaux.
b) La communauté des fidèles et chaque fidèle pris individuellement ; on réaffirme ce qui est énoncé par les canons 215 et 216, soit le droit de constituer des organismes de charité ou des fondations pour financer des initiatives caritatives concrètes. En outre, le Motu Proprio souligne la participation de la communauté chrétienne qui doit être éduquée « à l’esprit de partage et de charité authentique » (art.9§1). Nous sommes donc dans un domaine qui promeut et encourage la liberté des fidèles.
c) Enfin, les organismes catholiques oeuvrant au service de la charité et ayant des typologies diverses. Nous pouvons en identifier au moins quatre :
- Les Caritas : Elles méritent une mention spéciale, puisqu’elles sont considéreés comme l’instrument officiel de l’Evêque dans la pastorale de la charité - comme on peut le déduire également de la normative récente concernant Caritas Internationalis ;
- d’autres organismes constitués par l’autorité de l’Eglise en vue de faire face à certaines situations sociales et de financer des projets de promotion et de développements humains.
- les organismes établis par des Instituts religieux  et par des Sociétés de vie apostolique (art. 1§4);
- les organismes nés de l’initiative des fidèles: Ceux-ci sont concernés par la nouvelle normative dans la mesure où ils ont été reconnus, sous une forme ou une autre, par l’autorité compétente, ou lorsqu’ils portent la dénomination de catholique, ou se réfèrent à l’Eglise, pour, par exemple, organiser des collectes dans les Eglises, et enfin, lorsque dans leurs statuts, ils se déclarent soumis à l’Eglise et à sa doctrine.

Examinons maintenant la responsabilité de ces sujets.


2. Quelles sont les responsabilités de l’Evêque ?

L’objectif ici est de mettre en lumière la responsabilité de l’Evêque dans l’action caritative en tant que mission ecclésiale. En effet l’Evêque est appelé “pasteur, guide et premier responsable” du service de la charité. Parmi les premières tâches liées à ce ministère, il y a le devoir d’encourager les fidèles à vivre une charité active et à participer à la mission de l’Eglise (art. 4). Ceci implique pour l’Evêque l’obligation paternelle de se sentir proche des plus pauvres, et d’un point de vue pastoral, une attention particulière pour que l’Eglise, au niveau diocésain et paroissial, vive de la diaconie de la charité à l’exemple du Christ. Nous retrouvons ici la nécessité de veiller à ce que l’essence de l’Eglise, qui se manifeste par l’interdépendance des trois tâches ecclésiales de la diakonia, la leitourgia et la martyria-kerygma, soit pleinement observée et réalisée. Ainsi l’Evêque doit, par des catéchèses, et une formation chrétienne, mais aussi par les sacrements, éduquer les fidèles à l’esprit de partage et de charité authentique. Toute communauté chrétienne doit avoir un « cœur qui voit » les misères qui, tragiquement, subsistent autour d’elle (cf art.1 et 9) et qui sache les accueillir. Elle doit savoir apporter réconfort et consolation aux pauvres et aux souffrants. L’Evêque est tenu d’exhorter les fidèles à oeuvrer dans la charité, soit individuellement soit d’une façon organisée dans des groupes de volontaires catholiques.

Cette responsabilité de l’Evêque implique également qu’il soit le garant de la communion. En sa personne se crée l’unité des trois tâches de l’Eglise en tant qu’il constitue une assurance et une absolue certitude de leur authenticité et de leur interdépendance. Elle fait de l’Evêque également le garant du dialogue qui doit exister au sein des organismes de charité qui se veulent d’une même appartenance chrétienne ou pour ceux qui oeuvrent dans son diocèse et qui proviennent d’autres réalités ecclésiales. La garantie de l’unité passe aussi par le droit de donner son consentement aux initiatives d’organismes catholiques et de veiller à ce que les activités réalisées se déploient conformément à la discipline ecclésiastique et par conséquent, la faculté d’accepter ou non un organisme caritatif sur son diocèse (cf art 13).

Il est clair que l’Evêque ne peut présider tout seul à ce service de la charité ; c’est pourquoi il est suggéré de créer un bureau « ad hoc » qui s’occupe, en son nom et sous son regard vigilant, du service à la charité. Ceci pourrait être le rôle d’une Caritas dont la spécificité tient, contrairement aux autres organismes issus d’associations laïques ou d’instituts religieux, à ce qu’elle représente l’organe officiel de l’Evêque pour la pastorale de la charité. Sa particularité consiste à exercer aussi une fonction pédagogique et de sensibilisation vis-à-vis de la communauté chrétienne. (cf art.9)

Toutefois il n’est pas réaliste ni opportun de limiter la pastorale de la charité de l’Eglise aux seules Caritas. Les organismes caritatifs, dans le monde mais également en Afrique, sont extrêmement nombreux et témoignent de la variété des charismes dans l’Eglise. La tâche de l’Evêque consiste à soutenir cette pluralité d’œuvres et non pas à les étouffer ou à les homologuer, en se souvenant que le devoir de coordination ne consiste pas à supprimer les différentes formes existantes mais à en être le serviteur (cf art 9,2), en suscitant entre elles une fraternelle et féconde collaboration (cf art 6). Cet aspect me semble particulièrement important car, grâce à Dieu, de nombreuses initiatives de charité voient le jour, mais souvent elles s’ignorent. L’Evêque devra donc promouvoir entre elles, mais aussi avec l’Eglise locale, cette communion et cette heureuse harmonie ecclésiale autour de sa Personne. Il est en effet le « Père de famille » qui doit maintenir vivants l’esprit évangélique et la communion ecclésiale de son diocèse.

Il est clair aussi que d’un autre côté, l’Evêque devra éviter la multiplication inutile et nuisible des oeuvres de charité.

Je voudrais m’arrêter également sur la responsabilité de l’Evêque quant à la formation de ceux qui oeuvrent dans le service de la charité. Souvent nous nous contentons de ce qu’une personne nous offre du temps et de l‘énergie pour autrui. Il est évident qu’il ne s’agit pas seulement de faire le bien, mais de bien le faire. A l’exemple du Christ, celui qui oeuvre dans un service de charité doit être humble, ne pas se considérer comme le centre de l’action, et être capable de témoigner de sa vie avec Dieu. Le point crucial touche au choix et à la formation des collaborateurs: ils doivent posséder un veritable sensus ecclesiae et vivre dans la foi et la charité. Ceci leur permet d’affronter et de juger les situations les plus difficiles ou les plus cachées. C’est pourquoi leur formation doit être prise au sérieux autant professionnellement que spirituellement, car comme nous l’avons vu, la charité a son origine en Dieu et veut permettre l’union à Dieu. C’est l’homme tout entier, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu que nous voulons servir. Ainsi l’art. 7§2 du Motu Proprio demande à l’Evêque diocésain de veiller à ce que tous ceux qui travaillent dans la pastorale caritative de l’Eglise aient non seulement la formation professionnelle nécessaire, mais aussi une vie chrétienne authentique et qu’ils acceptent de se former au niveau de leur foi de manière à devenir de vrais témoins du Christ et de l’évangile, et qu’ainsi leur foi se manifeste à travers la charité (cf Ga 5,6).

Un autre aspect mérite également d’être mentionné : l’Evêque a le devoir de demander à l’autorité publique de garantir à l’Eglise l’exercice libre de la charité, et lui-même devra se porter garant du respect de la législation civile par tous les organismes oeuvrant dans son diocèse (art. 5).

Enfin, en ce qui concerne l’autorité ecclésiastique, je signale que Benoît XVI a renforcé les compétences du Conseil Pontifical Cor Unum. Désormais Cor Unum a la responsabilité :
1) de la mise en application à tous les niveaux du Motu Proprio,
2) de veiller à ce que le service de la charité au niveau international soit toujours en communion avec le Saint-Siège et toutes les Eglises particulières (cf art.15).
3) Enfin il a l’autorité et la compétence d’ériger canoniquement des organismes de service de charité au niveau international.


3. Des obligations des organismes caritatifs :

a) Les organismes de charité
Une de leurs premières obligations est de soumettre à l’autorité compétente les statuts en vue de leur approbation. Ceux-ci doivent contenir non seulement les charges institutionnelles et les structures de gouvernement, mais aussi les principes inspirateurs, les finalités poursuivies, le mode de gestion des fonds, le profil de ceux qui sont appelés à y collaborer (art 2§1).
Ils ne doivent pas se situer uniquement dans leur impact social mais se manifester comme instruments de notre identité et de notre être chrétien.

b) Le personnel et le respect de la discipline ecclésiastique
L’art. 7 §1, traite du profil requis pour celui qui oeuvre dans le domaine de la charité. Il demande aux organismes caritatifs d’employer des personnes qui acceptent les critères de la mission de l’Eglise ou du moins qu’elles les respectent. Ceci ne signifie pas que les personnes non-catholiques ne peuvent pas être employées dans des organismes caritatifs catholiques; cependant ces personnes doivent avoir non seulement une bonne connaissance de la doctrine de l’Eglise, mais aussi être capables de respecter scrupuleusement les principes et les critères qui définissent la mission caritative de l’Eglise.

Un autre point, qui me semble important, se trouve à l’art 13. Il exige la communion avec l’Evêque du lieu où l’activité caritative se déploie. Le Motu Proprio affirme en effet: « Reste toujours sauf le droit de l’autorité ecclésiastique du lieu, de donner son consentement aux initiatives des organismes catholiques qui se déploient dans le domaine de sa compétence, dans le respect des normes canoniques et de l’identité propre de chaque organisme et c’est sa tâche de Pasteur de veiller à ce que les activités réalisées dans son propre diocèse se déploient conformément à la discipline ecclésiastique, en les interdisant ou en adoptant éventuellement des mesures nécessaires, si cette discipline n’était pas respectée » ( art.13).


III. Quelques considérations sur les finances :

J‘aimerais spécialement offrir un commentaire à ce sujet. Car cette question a suscité quelques perplexités, au lendemain de la publication du Motu Proprio. Le Motu Proprio prévoit à son article 10, une vigilance particulière concernant l’affectation des collectes. Ces dernières doivent être affectées aux buts déterminés pour lesquels elles ont été effectuées. Il en va de la transparence de l’organisme. Et nous savons que la transparence financière est un point particulièrement sensible pour l’opinion publique, aujourd’hui. Déjà à l’art. 9§3, il est explicitement dit qu’on ne peut, par le biais de structures paroissiales ou ecclésiales, collecter des fonds ou promouvoir des initiatives contraires à la doctrine de l’Eglise.

L’art. 10§3 stipule que l’Evêque doit éviter que des organismes caritatifs ecclésiaux acceptent d’être financés par des institutions dont l’identité ou les finalités poursuivies, telles qu’elles figurent dans les statuts, sont contraires à l’enseignement de l’Eglise. De même il doit éviter que ces-dits organismes acceptent des financements de la part de gouvernements ou de fondations privées pour promouvoir des initiatives qui, dans leur finalité et les moyens pour les atteindre, sont en désaccord avec la doctrine de l’Eglise. En d’autres termes, si les fonds proposés sont assortis de conditions inacceptables moralement, alors ces financements ne peuvent absolument pas être acceptés ; ceci afin d’éviter de créer un scandale pour les fidèles.

Enfin je veux souligner la sobriété qui doit caractériser la gestion des initiatives caritatives et auxquelles vous êtes déjà attentifs. Je cite: « Particulièrement, l’Evêque doit veiller à ce que la gestion des initiatives qui lui sont soumises donnent un témoignage de sobriété chrétienne. Pour cela, il veillera à ce que les salaires et les frais de gestion, bien que correspondant aux exigences de la justice et aux profils professionnels nécessaires, soient dûment en rapport avec des frais analogues de sa propre Curie diocésaine » (art 10 §4). Cette sobriété est aussi l’un des motifs de confiance, envers nos organismes, de la part des fidèles. En effet les frais administratifs sont toujours examinés avec attention par les donateurs, et font l’objet de comparaisons .


IV. Quelques indications :

Ce Motu Proprio crée une nouvelle situation juridique sur laquelle il va falloir réfléchir et trouver des applications concrètes autant en ce qui concerne les Evêques que les organismes eux-mêmes. Il va certainement falloir porter une attention particulière sur les quelques points énoncés ci-dessous, notamment:
a) L’urgence ou la nécessité d’un réexamen et d’une révision éventuelle des statuts pour garantir le respect et l’application de la nouvelle normative à ses différents niveaux, pour mieux exprimer, par exemple, le lien avec l’Eglise et la fidélité à la Doctrine et aux enseignements du Magistère.
b) Les organismes ont l’obligation filiale et ecclésiale de garder la communion avec les Evêques. Il ne faut pas prendre cette disposition comme un simple problème disciplinaire, mais plutôt comme le signe de notre appartenance à l’Eglise. Cela doit se refléter également dans l’activité déployée à l’étranger où nous sommes appelés à nous insérer dans la pastorale locale et donc à nouer des liens avec l’Evêque du lieu.
c) Il est important d’établir des lieux de rencontre et de réflexion au niveau diocésain. Ces lieux de rencontre et d’échange peuvent contribuer à redéfinir les critères employés pour l’activité caritative, à préciser et programmer la formation à dispenser, à circonscrire les orientations qu’il faut donner aux activités et, au niveau paroissial, à examiner les activités qu’il faut promouvoir et porter à bonne fin (art 6 et 8).
d) Il est également essentiel de promouvoir régulièrement une réflexion sur la formation professionnelle et chrétienne destinée à ceux qui oeuvrent au sein des organismes caritatifs catholiques, car la formation est un sujet fondamental aujourd’hui.
e) Une attention à la situation des organismes créés par des Instituts Religieux, qui parfois n’ont pas de lien institutionnel avec ceux qui les ont créés.

Chers Amis, c’est une grande joie d’avoir reçu ce document. Il nous montre combien Benoît XVI est attentif au service de la charité et par là nous encourage et nous fortifie dans notre mission. Le Pape François nous a rappelé également combien l’Evêque devait être proche de ses brebis et être imprégné de l’odeur des brebis. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de vous parler de ce document important et je vous assure de notre disponibilité pour vous aider à appliquer cette normative.


1 Méditation du Saint-Père au cours de la première Congrégation générale, le 8 octobre 2012


 

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