|
||
PLENARIA 2004Hervé Barreau, LÂÉglise face à la non-croyance Francis Baldacchino, A Response from Kenya
Avec ce numéro, se termine la publication des réponses au questionnaire sur la non-croyance (voir Cultures et Foi, 4/2002). In this issue we conclude the publication of the numerous responses to the questionnaire on non-belief (see Cultures and Faith, 4/2002). In questo numero terminiamo la pubblicazione delle numerose risposte al Questionario sulla non credenza (vedi Culture e Fede, 4/2002). En este número terminamos la publicación de las numerosas respuestas al cuestionario sobre la increencia (Culturas y Fe, 4/2002).
LÂÉglise face à la non-croyance
La position que je voudrais défendre, car je ne suis pas le seul, me semble-t-il, à en être convaincu, est que lÂÉglise, de par son ouverture au monde, recommandée jusquÂà lÂimprudence depuis le Concile de Vatican II, sÂest rendue aveugle, chez nombre de ses représentants officiels, à des lames de fond dÂindifférence et/ou dÂhostilité à lÂégard de lÂÉvangile, qui ne se trouve plus, du coup, appréhendé dans sa teneur et sa logique propres même parmi ceux qui se disent encore chrétiens. Quatre courants culturels principaux concourent à ce danger de submersion du christianisme, tel quÂil se trouve induit par les idéologies contemporaines : le matérialisme occidental, le scientisme dirigé contre nos traditions religieuses, le rationalisme érigé en religion de lÂhumanité, la séduction des religions orientales.
1. LÂemprise du matérialisme occidental
CÂest devenu une banalité de constater quÂen dehors de circonstances exceptionnelles telles que les déplacements du pape Jean-Paul II ou lÂattraction de personnalités charismatiques, un discours un peu cohérent sur la vocation spirituelle de lÂhomme et les exigences évangéliques qui y font face, est devenu inaudible et donc laissé de côté. Seuls des prédicateurs courageux tiennent encore ce discours dans des retraites fermées ou des pèlerinages entre amis.
La mentalité régnante dans les pays favorisés de lÂOccident interdit lÂaccès direct aux sources vives de lÂÉvangile du fait que les esprits sont emprisonnés par la prégnance des valeurs matérielles, quÂil est commode de résumer par les valeurs du confort, du sexe et du pouvoir social.
Les valeurs du confort rendent inintelligible le message chrétien sur la souffrance. Certes on accepte toujours volontiers que des âmes généreuses se dévouent au soulagement de la douleur, mais on nÂaccepte plus que la souffrance fasse partie de la vie humaine quand celle-ci est vécue de façon honnête et authentique. Là réside une des raisons de la violence contemporaine. Mais on préfère ne pas la voir, tant elle serait troublante, et la plupart des théologiens contemporains refusent lÂenseignement traditionnel sur la valeur rédemptrice de la souffrance.
Les valeurs du sexe rendent inintelligible la vie consacrée et le célibat du prêtre, perçus comme des instruments de domination et non de disponibilité au Royaume. On ne veut pas croire que lÂamour du Christ justifie le sacrifice dÂune intimité amoureuse et dÂune vie de famille. On ne respecte plus, comme des vocations éminentes, lÂengagement religieux et sacerdotal au service de Dieu et de lÂÉglise. Beaucoup de chrétiens attendent même une modification de la discipline catholique sur ce point, considérée comme appartenant à un autre âge de lÂhumanité.
Les valeurs du pouvoir social rendent inintelligibles les services cachés et désintéressés. On accepte évidemment dÂen profiter à lÂoccasion, mais on refuse dÂy voir le témoignage de la venue du Royaume de Dieu en ce monde. Le surnaturel apparaît comme le luxe de ceux qui sÂy adonnent, et dont on soupçonne la sincérité, au point de leur interdire éventuellement lÂexpression de leur foi, considérée comme dissonante par rapport à lÂexpression commune. La sainteté, en particulier, est perçue comme une valeur du passé, dont il est légitime de cueillir les fruits, mais qui est une aberration pour le temps présent, une folie dont il faut se garder, quÂon soit à lÂextérieur ou à lÂintérieur de lÂÉglise.
Telle est lÂattitude commune, qui exprime le climat de lÂépoque. Mais cette attitude ne sÂimposerait pas avec une telle arrogance, capable de susciter le doute chez ceux qui seraient dÂeux-mêmes portés à la vie spirituelle, si des canons culturels bien précis ne venaient en renforcer lÂascendant et en assurer le prestige. Il faut faire référence ici aux philosophies de Marx, de Freud et de Nietzsche, qui sont des apôtres du matérialisme sous une forme ou une autre. On les désigne dÂordinaire comme des athéismes  ce qui est vrai ; mais on évite de les dénoncer comme des incitations au matérialisme, ce quÂelles sont pourtant, sous une forme grossière ou subtile, comme le montrent dÂailleurs les multiples combinaisons quÂon en a faites. Toutes ensemble elles constituent le soubassement intellectuel du refus de la vie spirituelle ; elles créent une carapace mentale allergique à toute incitation à la sainteté évangélique. CÂest pourquoi il est fort étrange de voir des intellectuels dénoncer, le cas échéant, un matérialisme des mÂurs, quand ils pratiquent eux-mêmes un matérialisme de la pensée, combien plus scandaleux. Quand on a réduit lÂhorizon de lÂexistence humaine aux bornes de ce monde-ci, comment sÂétonner que les malheureux prisonniers de ce monde se livrent à la violence, à la débauche, à toutes les sortes de rapt ?
Pour expliquer que des formes raffinées de matérialisme puissent servir de justification à des formes plus grossières, il faut relever dÂailleurs quÂune doctrine fort répandue est capable de servir de médiation entre les unes et les autres : il sÂagit du darwinisme sous sa forme contemporaine. Il est plus facile, en effet, à lÂhomme de la rue de se considérer comme un animal un peu perfectionné par la formation quÂil a reçue ou celle quÂil sÂest lui-même donnée, que comme un travailleur exploité, un désir frustré, ou une volonté de puissance contrariée. Chacun comprend très facilement quÂil est pris dans « la lutte pour la vie » et quÂil lui faut impérieusement sÂy adapter sÂil veut y gagner une place qui sera, sÂil a un peu de chance, lÂune des meilleures. On nÂa même pas besoin de le lui dire. Si bien que le darwinisme enseigné de la maternelle à lÂUniversité trouve des esprits tout préparés à lÂadopter et quÂil devient le matérialisme partagé presque inconsciemment par tous nos contemporains. Alors, lorsque quelques savants authentiques (citons : P.P.Grassé, Marco Schützenberger, Michaël Denton) sÂappliquent à montrer que le darwinisme sous la seule forme où il est aujourdÂhui biologiquement présentable (mutations génétiques aléatoires / sélection naturelle) est absolument incapable de rendre compte de lÂévolution des espèces vivantes, le peuple ne peut accepter une critique si contraire à tout ce quÂon lui a trop facilement enseigné, et les scientifiques concernés crient au scandale. Les philosophes embarrassés se taisent et les théologiens se courbent devant le conformisme des scientifiques, qui nÂest pourtant quÂun corporatisme frileux. Il est confortable, en effet, pour la science de se présenter comme la gardienne du matérialisme, alors quÂelle devrait être, si elle était pratiquée avec rigueur et considérée sans parti pris, sa plus redoutable objection ! Il faut donc admettre que les scientifiques qui sont les nouveaux clercs de notre civilisation matérialiste ne sont pas prêts à abandonner le pouvoir (spirituel) très conditionné quÂelle leur laisse. Le matérialisme devient ainsi le nouveau ciment (on nÂose parler ici dÂune « religion ») dÂun monde qui sÂenorgueillit de sÂêtre dressé, comme Prométhée, contre les dieux traditionnels. Au lieu de considérer Jésus comme le vrai Prométhée, venu apporter aux mortels le feu de lÂamour divin, selon la conception quÂen avaient les premiers chrétiens, on assimile Sa personne, Sa doctrine, et lÂinstitution quÂIl a fondée, aux créations mythiques dans lesquelles lÂhumanité place son espoir durant un certain temps. La conviction dominante, dans la civilisation matérialiste qui est la nôtre, est que ce temps est passé, même si les mythes chrétiens bercent encore lÂimagination de certains peuples, et quÂil est utile de les évoquer en certaines occasions. Quant à la croyance fondamentale, on est passé du Dieu providence au dieu hasard.
2. Le scientisme dirigé contre la tradition judéo-chrétienne
Tous ceux qui font profession de la science ne sont pas « scientistes », sÂil faut entendre par cette expression quÂils croient en la possibilité dÂune explication scientifique de toutes choses. Mais peu acceptent que la connaissance scientifique quÂils enseignent et à laquelle ils apportent, éventuellement, quelque contribution, nÂest quÂun découpage du réel, essentiellement relatif au regard que lÂhomme, en tant quÂobservateur lui-même et doté dÂinstruments perfectionnés dÂobservation, peut porter sur la réalité. La force de la connaissance scientifique, qui naît de cette observation contrôlée, est quÂelle est intersubjective ; cÂest en cela seulement quÂelle peut être dite « objective » ; mais cette objectivité nÂest que la manifestation la plus apparente, et la mieux confirmée, dÂune réalité qui ne se révèle quÂen partie aux regards des scientifiques. CÂest la raison dÂailleurs pour laquelle la science a une histoire qui nÂest jamais terminée, même si des scientifiques, de bonne foi, la croient « presque » terminée, quand ils tiennent à lÂacquis et ne sont pas disposés à en reconsidérer la portée à lÂoccasion de nouvelles découvertes. En attendant, et sans doute pour toujours, les métaphysiciens devraient révéler, à lÂaide de leurs méthodes propres qui font appel à la réflexion et non à la détermination par des principes, dÂautres faces plus profondes de la réalité. Les théologiens, à leur tour, devraient, à la lumière de la foi chrétienne, pouvoir révéler dÂautres faces, encore plus profondes, de cette même réalité. Tel est le schéma idéal qui concorde, me semble-t-il, avec lÂenseignement que Jean-Paul II a donné dans Fides et ratio. Mais une chose est de saluer lÂenseignement de lÂÉglise, autre chose dÂen tenir compte. On va voir, dans ce qui suit, quÂon nÂen tient pas grand compte.
Quand la réalité dont il sÂagit est la réalité matérielle, celle qui est accessible aux sens, on a déjà vu que le conformisme obtenu résultait dÂune conciliation paradoxale, mais nullement innocente, entre la vision de lÂhomme de la rue et celle de lÂhomme de laboratoire. Cette conciliation entretient le matérialisme diffus qui est, pour la grande masse, le principal obstacle à la vie spirituelle.
Mais il faut nécessairement, dans le monde humain, tenir compte de la réalité symbolique, celle que les mots suggèrent, que lÂart (et même la science) manifeste, que les traditions religieuses transmettent. On a vu quÂelle peut être interprétée par les diverses écoles de matérialisme, qui entretiennent un matérialisme savant, attentif, comme lÂest la sociobiologie, à tracer des ponts entre le monde de la vie biologique et le monde de la vie sociale, animale et humaine. Dans cette optique matérialiste, les scientistes, il convient de le remarquer, ont une tâche assez difficile, car le même phénomène humain se prête, cÂest lÂévidence, à plusieurs interprétations, qui ne sont pas toujours compatibles les unes avec les autres. Il convient de relever la stratégie que les scientistes matérialistes ont, en ce domaine et en général, adoptée : sÂil sÂagit de traditions extérieures à la révélation judéo-chrétienne, ou sÂil sÂagit de traditions qui sont « hérétiques » à son égard, on les étudie avec le plus grand soin, on en relève les aspects qui seraient cachés, dit-on, à des regards judéo-chrétiens insensibles à leur beauté. Par exemple on sÂefforce de démontrer que le calendrier maya est supérieur en exactitude au calendrier grégorien (même si le premier est resté « idéal » et nÂa jamais été appliqué), on fait lÂimpossible pour suggérer que les « arts premiers » ont beaucoup plus de force expressive que les arts qui se sont développés à lÂombre de ce quÂon a appelé « le génie du christianisme », on prétend que les sacrifices humains des amérindiens avaient une dignité que nos cérémonies religieuses ont perdue. Dans ce prétendu élargissement de la culture anthropologique, il est difficile de ne pas voir un combat contre la culture judéo-chrétienne, un combat qui a si bien réussi, que les professeurs demandent maintenant des cours d« histoire des religions » pour informer nos pauvres enfants des rudiments de leur passé religieux, faute desquels leur propre environnement leur devient étranger. Quand il sÂagit de la culture musulmane, les scientistes, qui montrent par là que les préoccupations de pouvoir politique et social ne leur sont nullement étrangères, se divisent en deux camps : les uns la louent pour son dépouillement, qui préfigure le désenchantement moderne (et ce nÂest pas sans raison) ; les autres la réprouvent pour son anti-modernisme (et ce nÂest pas sans raison non plus) ; mais il est frappant de constater que les travaux les plus savants, les plus documentés, les plus critiques, sur cette hérésie qui nÂest guère étrange quand on la considère dans son temps dÂéclosion, ne sont pas portés à la connaissance du public ; il faut aller les chercher dans les bibliothèques spécialisées, où les musulmans les plus soucieux dÂauthenticité sur leur propre tradition vont eux-mêmes les chercher, dans une indifférence presque générale. Pour un matérialiste, quÂest-ce quÂune vérité du passé, qui nÂa pas dÂimplication directe aujourdÂhui ?
Par contre, sÂil sÂagit des traces variées, et parfois malheureusement manquantes, quÂa laissées la tradition judéo-chrétienne, alors le mot dÂordre est de trouver une « vérité » scientifique quÂon puisse substituer à la « légende » et au « mythe ». Depuis quelques années, on voit des exégètes et des historiens sÂefforcer de prouver quÂAbraham est une figure imaginaire, que Moïse est une personnalité égyptienne égarée dans une révolte populaire, que lÂhistoire dÂIsraël commence avec les Rois, quand on trouve traces de leurs palais, de leurs armées, et de leur vie fastueuse. Il est évident que si ces hypothèses, qui ne reposent que sur lÂabsence de témoignages actuels suffisamment tangibles concernant des croyances traditionnelles (absence qui nÂest nullement étonnante quand on pense à la prédominance de la transmission orale chez les peuples anciens) étaient vraies, alors il faudrait admettre que le peuple juif ne peut revendiquer plus de trente siècles dÂexistence, et que depuis vingt siècles, il ne doit vraisemblablement son existence quÂà son opposition au christianisme qui sÂest développé en son sein et y fait une continuelle référence. Quant au christianisme lui-même, il faudrait le considérer comme lÂexacerbation des espérances messianiques, spécifiques à lÂhistoire juive, qui ont trouvé dans lÂempire romain les conditions de leur divulgation. Il est tout à fait étonnant, pour un observateur qui nÂa aucune part à la publicité de ces hypothèses, que ni les autorités rabbiniques ni le Magistère de lÂÉglise catholique, nÂaient, à ma connaissance, protesté contre de telles pseudo-affirmations qui, si on les prend au sérieux, sont destructrices de toute foi dans le Dieu dÂIsraël et de Jésus. Ce serait pourtant, me semble-t-il, une bonne occasion de mettre en lumière la consistance propre des traditions religieuses, dont la logique ne repose évidemment pas sur les méthodes de la recherche historico-archéologique contemporaine, mais dont la crédibilité résulte des témoignages accumulés au cours des siècles, et dont lÂétonnante convergence ne peut être due au hasard. Comment se fait-il que les spécialistes dÂherméneutique, qui sont pourtant nombreux dans les Églises chrétiennes, ne se soient pas mobilisés pour dénoncer les prétentions abusives de cette pseudo‑science des religions qui reconstitue leur passé à lÂaide des seuls documents qui, pour elle, sont pertinents ? CÂest comme si les cosmologues dÂaujourdÂhui prétendaient reconstituer lÂhistoire de lÂUnivers à lÂaide des seules lois de la mécanique classique et des phénomènes que cette dernière peut expliquer.
3. Le rationalisme érigé en religion de lÂhumanité
Il est manifeste que le scientisme des historiens contemporains des religions, héritiers de la critique rationaliste du XIXe siècle, est si fragile dans ses conjectures, toujours renouvelées, et toujours susceptibles dÂêtre remises en cause par la découverte de nouveaux documents (quÂon songe, par exemple, à la mine que constitue lÂensemble des manuscrits de Qumram et, en général, la littérature inter-testamentaire) que les esprits les plus raisonnables se gardent de mesurer lÂimpact des croyances religieuses à lÂempan que leur concèdent des érudits, qui, outre leur petite histoire personnelle, ne connaissent bien que leurs livres, les documents archéologiques, et les crédits quÂils peuvent obtenir pour les mettre en valeur. Depuis deux siècles, sinon davantage, les meilleurs esprits ont compris que lÂaffaire se jouait à un autre niveau, et que les croyances religieuses relevaient dÂun besoin humain fondamental quÂon évalue mal quand on ne le considère quÂà partir des facteurs politiques, économiques, ou techno-scientifiques, qui doivent composer avec lui dans la concrétude de la vie. Mais alors le problème est dÂadmettre ou de bannir a priori, comme Renan lÂavait bien compris, la notion même de surnaturel ou de révélation. Ce nÂest plus alors le scientisme, impuissant à cet égard, qui est mobilisé, mais le rationalisme.
Le rationalisme est la doctrine philosophique, selon laquelle lÂensemble du monde humain, de même que la connaissance de lÂUnivers, doit être éclairé et régi par la raison humaine, à lÂexclusion de tout élément qui lui serait transcendant et sÂimposerait par sa seule autorité. Il est clair que, depuis la Renaissance, la pensée occidentale la plus reconnue sÂest réclamée dÂun tel rationalisme, quÂelle a voulu substituer au pouvoir spirituel de lÂÉglise, et a confiné, en conséquence, la religion dans la sphère privée des croyances personnelles, dont lÂexpression pouvait être contrôlée par lÂÉtat. Pour des raisons différentes, mais sensiblement concourantes, les philosophies de Descartes, de Hobbes, de Spinoza, de Hume, de Kant et de Hegel, autorisent un tel rationalisme qui ne se prive pas, chez ses représentants les plus éclairés, dÂintégrer dans leur doctrine et de « laïciser » des éléments de la tradition judéo-chrétienne, en les vidant de toute signification transcendante à la raison humaine qui résiderait, comme par miracle, dans lÂêtre particulier quÂest le cerveau/esprit humain.
On identifie parfois le rationalisme ainsi défini avec la « philosophie des Lumières » qui brilla au XVIIIème siècle. Cette identification ne peut être totale parce que, dÂun côté, la « philosophie des Lumières » nÂa pas eu en Allemagne la signification anti-chrétienne et notamment anti-catholique quÂelle a revêtue en France, et, parce que, dÂautre part, le champ rationnel sÂest diversifié depuis les premiers pas du rationalisme et que, si ce dernier invoque toujours la seule autorité de la raison, il revêt, en fait, des formes assez différentes : néokantisme, néo-hégélianisme, positivisme, pragmatisme, néo-positivisme, post-modernisme, etc... Quoi quÂil en soit, le domaine où la référence de ce rationalisme sous toutes ces formes à la « philosophie des Lumières » est le plus net est le domaine politique et moral, et lÂemprunt le plus développé qui a été fait à cet héritage est la doctrine des « droits de lÂhomme ». Sur ce point, le rationalisme rencontre nécessairement les traditions religieuses, munie chacune de leur anthropologie plus ou moins dépendante dÂun patron commun.
LÂÉglise catholique avait dÂexcellentes raisons de se rallier à la philosophie des « droits de lÂhomme », dans la mesure où elle y voyait, fort légitimement dÂailleurs, une extension de sa doctrine du droit naturel, que le renouveau du thomisme, à partir de lÂEncyclique Aeterni Patris (1879), a ravivée et développée. Néanmoins lÂÉglise ne peut consentir à une interprétation des « droits de lÂhomme », qui serait contraire à sa propre interprétation, fondée sur lÂÉcriture et la Tradition, et autorisée, en particulier, par des auteurs comme S. Paul, S. Augustin, Thomas dÂAquin et son école. LÂÉglise ne sépare pas les droits de lÂhomme des droits de Dieu, et elle rappelle les uns et les autres à ses fidèles dÂEurope et dÂAmérique qui, après avoir imposé leur propre civilisation au monde entier, sont tentés par lÂapostasie. Cette apostasie, dont on a déjà relevé certains signes, se traduit par lÂattitude suivante : assumons lÂhéritage chrétien dans la mesure seulement où il est accepté par les autres composantes de la société civile et politique, et, par conséquent, dépouillé de son origine transcendante et de son intransigeance (en particulier, par exemple, pour lÂavortement et lÂeuthanasie).
Là est sans doute le plus grand péril auquel le christianisme, comme autorité spirituelle, est exposé aujourdÂhui : il est pressé de céder son magistère moral à un autre magistère, qui nÂest pas celui dÂune doctrine toute faite (il y a longtemps quÂon a proclamé la mort des idéologies), mais celui que les États, troublés par les vagues du matérialisme et du terrorisme quÂils nÂont pas su prévenir, voudraient promouvoir, afin de contenir les tendances anarchistes qui se font jour dans un no manÂs land spirituel, tout en faisant appel, au titre de lÂurgence historique, à des représentants du peuple, de la science et des religions (considérées comme simples associations de croyants et non comme dépositaires dÂun Message universel).
Il nÂy a aucune chance pour que le pape actuellement régnant soit conduit à soumettre le Magistère de lÂÉglise, dont il a assumé si courageusement la tâche au milieu dÂun scepticisme général, à un magistère laïc constitué, à lÂappel des autorités politiques, selon lÂopportunité et les circonstances historiques. Mais il nÂest pas exclu que beaucoup de chrétiens soient prêts à accepter cet autre magistère, au nom de la paix et de la fraternité universelle. Alors le rationalisme aurait gagné la bataille quÂil mène contre lÂÉglise depuis deux ou trois siècles : les chrétiens demeurés fidèles au Magistère authentique seraient persécutés, et bien des signes montrent que cette persécution a commencé, sous des formes sournoises.
4. LÂattrait des religions orientales
Dans la mesure où les chrétiens se compromettent avec le rationalisme des puissants et adhèrent, en fait, à la vague « religion des droits de lÂhomme », redéfinie selon les circonstances, dans la même mesure, ils tendent à donner à lÂÉglise le visage dÂun nouveau constantinisme, beaucoup moins légitime que celui dÂautrefois, et qui ne peut que décevoir, sinon révolter les âmes éprises dÂauthenticité spirituelle. On en revient toujours au point cardinal du christianisme : Jésus est venu pour sauver les âmes, et, sÂil a donné des pouvoirs à ses disciples, cÂest pour quÂils continuent sa mission. Or quand les âmes sont déçues ou désorientées par leurs pasteurs, elles se tournent vers dÂautres guides, qui leur semblent correspondre, à tort ou à raison, à leurs aspirations. PuisquÂelles sont tout à fait impuissantes à changer quoi que ce soit dans les structures de lÂÉglise et de la société, elles prêtent naturellement lÂoreille aux enseignements des traditions qui ont été toujours sévères vis-à-vis du matérialisme occidental, en particulier aux religions orientales.
Cela nÂa rien dÂétonnant. Si le salut ne consiste plus à suivre Jésus, serait-ce dans lÂopprobre et la déréliction, mais à se conformer aux arrêtés dÂun Comité Mondial dÂÉthique, alors un certain nombre dÂâmes préféreront tenter lÂexpérience du Bouddha, même si le néo-bouddhisme, qui tend à se développer, a peu de chance de ressembler au bouddhisme authentique. Il faut prendre comme un avertissement, en tout cas, le fait que le nombre des sympathisants du bouddhisme est probablement supérieur en France au nombre des chrétiens protestants (déclarés).
DÂautres peuvent être attirés vers le taoïsme, dont la métaphysique sévère autorise la divination, qui est une tentation permanente de toutes les traditions religieuses. DÂautres peuvent trouver satisfaction dans lÂhindouisme panthéistique, dont lÂidéalisme néo-hégélien était fort proche, au début du XXème siècle.
DÂautres peuvent se réfugier dans une secte néo-chrétienne, néo-païenne, ou néo-orientale (ces qualificatifs ne sont pas exclusifs lÂun de lÂautre), pour trouver accueil, chaleur et guidance spirituelle (en attendant dÂaffreuses désillusions).
Conclusion Je ne sais si la conviction, dont jÂai fait état, au début de ce témoignage, a été suffisamment justifiée par les quatre développements auxquels elle a donné lieu. Ce que je voudrais souligner, en conclusion, cÂest que ces développements, comme on a pu sÂen rendre compte, sÂappellent lÂun lÂautre : le matérialisme a confisqué le scientisme, lequel sÂexerce sur lÂhistoire des religions, qui autorise leur déformation à un point tel que le rationalisme peut prétendre triompher, à moins quÂil se contente de prospérer dans les hautes sphères, tout en abandonnant la masse des hommes à la violence quotidienne et au refuge dans de petites communautés.
Ces conclusions ne reflèteraient pas cependant le point central de ces quatre développements, à savoir que le christianisme sÂadresse au désarroi spirituel pour lui proposer le salut, selon les voies qui lui sont propres. Or le désarroi spirituel , sÂil a des traits communs à une époque, a dÂabord son incidence sur la façon dont chacun sÂoriente dans la vie et choisit son mode dÂexistence. CÂest donc dÂune assistance individuelle dont les âmes ont besoin et dont apparemment elles manquent le plus. Il faudrait que les hommes dÂÉglise, comme les fidèles, tout en sachant respecter la diversité des vocations, créent les conditions où ces vocations, dÂabord à la foi et ensuite à un mode déterminé de témoignage, puissent se dévoiler et sÂexprimer dans la charité. Il nÂy a pas de recette magique ou technique pour créer ces conditions. Mais justement parce quÂil nÂy a pas de recette, un chrétien qui perçoit que le message de lÂÉvangile est valable pour aujourdÂhui comme pour hier, à condition quÂil ne soit pas falsifié ou édulcoré, ne peut considérer quÂavec tristesse la dérive spirituelle que subissent de nombreuses âmes aujourdÂhui, soit quÂelles soient entraînées par un unanimisme dÂessence politico-sociale plus que religieuse, soit quÂelles se tournent vers le marché des religions à la carte, qui font la fortune des gourous. Il ne peut quÂespérer que lÂÉglise forme des apôtres qui sauront allier à une profonde compréhension de la tradition chrétienne, qui sÂest attestée à tous les âges quÂelle a dû traverser, une ouverture aux besoins spirituels de tous et de chacun, et qui se traduise par des initiatives où lÂEsprit Saint aura la première place et où, en conséquence, la prière sera moins lÂexpression dÂune cohésion communautaire que la demande et lÂaccueil des grâces qui viennent du Christ.
Hervé Barreau, Directeur de Recherche honoraire au CNRS, Membre de lÂAcadémie Internationale de Philosophie des Sciences, Bruxelles.
A Response from Kenya
1.1 My Diocese has a population of about 500,000 persons who either are Christians (Catholics or other Christian denominations), Muslims, Hindu or followers of traditional religions.
1.2 No one would declare himself an atheist, even if several of them would still syncretise their faith (whether Christian, Muslim or pagan) with some witchcraft, superstition and magic, especially when modern medicine doe not cure them, or civil law does not give them their rights.
1.3 In fact, one may talk about God anywhere and in the presence of anybody. One may even stand up in a public bus and start preaching his faith.
1.4 There may be a few atheists among the foreigners (British, French and Italians) who have settled in the big towns, and may belong to Free Masons or Satanists. The latter seem to be active among young people. These last two years Russians have started coming to Malindi as tourists. This neither means that they are necessarily atheists nor that they are active among the local population!
1.5 The school curriculum provides three weekly lessons for Christian Religious Education, Islamic Religious Education and Seventh Day Adventists Religious Education. Besides, once a week, each Faith has one lesson for its particular religious heritage.
Unfortunately, because of the lack of interest on the part of the teachers, these lessons are either neglected or not done properly. Each parish priest has to keep insisting with the school heads that the pupils have the right to be taught their religion. Besides, in the Ministry of Education, there have been several attempts to replace religion lessons with civic education; only that the Episcopal Conference department in charge of Religious Education is always pressing the government to give religion its importance. Since more than 40% of the NationÂs education is carried out by the Churches, the government cannot ignore their complaint.
2. The New Faces of Unbelief. Young people who are sitting between two stools: lacking instruction both in the traditional faith and in the newly acquired faith (whether Christian or Islamic); Materialism, consumerism and hedonism, pornography brought in from Europe and America. The great desire to succeed in life: money, promotion, fame, friendships, that make one live as though God did not exist; even though declaring oneself as believer in God. I donÂt know of any significant Church efforts at dialogue with unbelievers, who hardly exist.
3. The Challenge of Alternative Religions. The para-religious phenomena could be the existing element of witchcraft both among traditional religionists and Muslims. This includes both polygamy and belief in spirits, which haunt them continually. Whenever we have the chance to speak in their presence, we mention ChristÂs victory over the devil and the evil spirits, in such a way that a Christian has no fear of being haunted or possessed by devils. The conversion of pagans, even of witches, are normal; but not of Muslims. ThereÂs very little chance of talking to adherents of sects: they are fanatics and intent rather on preaching against the Catholic Church than about their particular denomination. We strengthen our people by giving them thorough preparation before the reception of Sacraments, by delivering effective and rich homilies, by seminars for youth and leaders, and through the small christian communities.
Francis Baldacchino, Bishop of Malindi, Kenya.
|
|