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INTERVENTION DU CARDINAL TRUJILLO, 
À PROPOS DE LA "NOUVELLE RÉSOLUTION" 
DU PARLEMENT EUROPÉEN EN FAVEUR DE L'AVORTEMENT

 


Il existe des moments dans l'histoire où les problèmes s'accumulent et prennent une importance préoccupante. Cela a lieu tout particulièrement lorsque le manque d'humanité croît et devient plus profond et menaçant. Aujourd'hui, en réalité, ce ne sont pas les aspects secondaires ou marginaux qui sont le plus préoccupants, mais pour ainsi dire tout l'humanum en tant que tel, c'est-à-dire la vérité de l'homme, sa dignité, sa liberté et le respect dû aux personnes considérées de façon individuelle, et aux peuples. Ce qui est avant tout en jeu, c'est la cohérence dans la proclamation et la défense des droits fondamentaux et, avant tout, le droit à la vie (cf. Déclaration universelle des Droits de l'Homme des Nations unies, art. 3).

Lorsque, sur ce droit fondamental et universel, on veut laisser la porte ouverte à toutes les interprétations et au recours à toutes les exceptions à travers le crime de l'avortement (qui est déjà une négation de cette même universalité), nous nous trouvons face à ce que Romano Guardini appelait une "maladie de l'esprit". Et l'esprit devient malade lorsque manque l'oxygène de la vérité, sans lequel la liberté même est menacée.

Le Parlement européen est intervenu sur ce thème à travers diverses "Recommandations" et résolutions (comme c'est le cas aujourd'hui) qui, même si elles n'ont pas force de loi en ce qui concerne les nations d'Europe, mettent pourtant en route, à travers des mécanismes et des modalités provocatrices et finalement moins respectueuses de la souveraineté des peuples, des propositions qui peuvent susciter une grande confusion dans l'opinion publique. Pour atteindre de tels objectifs, la vérité est soumise à diverses manipulations politiques. On tente d'"imposer" une mentalité qui, en réalité, manifeste une maladie déjà avancée de l'esprit. N'est-ce pas ce qui est arrivé, une fois de plus, avec l'une des résolutions approuvées pour rendre "légal, sûr, et accessible" le crime de l'avortement? Cela équivaut à la condamnation et l'exécution d'une personne humaine innocente, même si l'horreur de cette injustice est doublement voilée par des formules ambiguës comme "l'interruption volontaire de grossesse", et par la manoeuvre systématique et tragique, annoncée de façon prophétique  par le Saint-Père Jean-Paul II, qui consiste à faire passer le "délit" pour un "droit" (cf. Evangelium vitae, n. 11). Ce jeu, qui n'est pas un simple jeu de mots, mais a de tragiques conséquences, provoque de profondes plaies à la vérité elle-même. La vérité est ainsi emprisonnée et étouffée, et le droit sacré à la vie est foulé aux pieds par le pire des massacres!

Pour citer le point 12 de la Résolution, le Parlement européen "recommande, pour protéger la santé et les droits génésiques des femmes, que l'avortement soit légalisé, sûr et accessible à tous" (Compte-rendu d'initiative d'Anne Van Lantier). Ces termes ne sont pas nouveaux. En pleine année internationale de la Famille (1994), le Conseil pontifical pour la Famille a reçu une Lettre relativement officielle, à travers l'Ambassadeur des Etats-Unis près le Saint-Siège, dans laquelle on nous rappelait, sur le ton d'une invitation implicite, de cesser de nous opposer aux politiques du Président de l'époque, Bill Clinton, car celles-ci ne visaient qu'à des avortements (je cite les termes de la lettre) "légaux, sûrs et rares". Or, deux aspects retiennent l'attention en ce qui concerne ces concepts:  on n'utilise plus le terme de "rares", car cette "rareté" n'a jamais existé, et n'existe pas, alors qu'en revanche, le massacre, lui, croît dans le monde (c'est presque comme si toute l'Italie était éliminée chaque année) et s'étendra de plus en plus en Europe, précisément comme un droit de tous. Et nous savons bien ce que signifie l'avortement "légal", même si le concept même de "légalité" est radicalement dénaturé, car jamais une loi permettant l'élimination d'un être innocent ne pourra être considérée juste! Il s'agit d'une "légalité" qui ne peut endormir les consciences, et de telles décisions pèsent toujours sur la conscience et sur la responsabilité des législateurs. La "discipline de parti" ne pourra pas non plus atténuer la honte d'une telle attitude, et ce non seulement pour des motifs de foi, mais d'humanité qui, en tant que tels, ne sont pas inaccessibles à la raison. En revanche, la cohérence humaine de tant de législateurs responsables et courageux, qui ont su s'opposer à ces résolutions - dans une assemblée, comme l'observe un journaliste, "coupée en deux" - mérite notre gratitude, et l'histoire le reconnaîtra un jour prochain. En effet, selon les informations, au cours de la session plénière dont il est ici question, il y a eu 280 votes pour, 240 contre et 28 abstentions.

Nous savons également bien ce que signifie le terme d'"avortement sûr":  cette sécurité ne concerne pas véritablement les enfants tués dans le sein maternel, qui, de source de vie, devient un sépulcre. La sécurité ne concerne que les risques de santé de la mère, dont les "droits" prévalent sur les droits des enfants conçus, comme si ceux-ci étaient de simples appendices et leur appartenaient.

L'unique triste nouveauté est la suivante:  l'avortement sera "accessible", c'est-à-dire facilité et à moindre coût, loin des droits et de la protection de la famille. Une "accessibilité" inexplicable, alors qu'en Europe, diverses nations deviennent plus conscientes de la "protection" des embryons, du moins comme un processus qui deviendra plus exigeant à l'avenir, avec des changements de direction nécessaires, et alors que, dans une réalité pleine d'espérance, l'Administration Bush se place en faveur du droit à la vie des enfants dès leur conception et des droits de la famille, avec toute les conséquences politiques que cela implique.

C'est ainsi que l'on ouvrira la voie, une fois introduite une nouvelle définition commode de l'avortement, à la pillule "du lendemain", présentée comme "non abortive" car l'avortement n'aurait lieu qu'après l'implantation de l'embryon dans l'utérus maternel et non pas dès la conception! Dans la recommandation n. 6, on promeut la contraception appelée "d'urgence", comme une "pratique normalisée dans le domaine de la santé sexuelle et de la santé de reproduction". Mais, de façon stratégique, on passe sous silence le fait que, dans ce cas, il n'existe pas de véritable contraception, mais une intervention clairement abortive, à l'égard de l'embryon humain, dont on empêche l'implantation. Il s'agit là d'une "nouvelle morale" soumise à des objectifs politiques et qui représente un défi à la vérité de la procréation humaine. La députée Elizabeth Montfort a raison d'affirmer, à propos des recommandations:  "Il est curieux que le droit à la reproduction consiste en un catalogue de processus qui empêchent précisément cette même reproduction". Telle est l'ambiguïté alarmante de la proclamation de la protection de la santé et des droits de reproduction!

Il s'agit d'un moment sombre et triste pour cette grande Europe, autrefois si ancrée dans les traditions les plus solides, consciente de ses racines chrétiennes, ouverte aux droits de Dieu et des hommes, ouverte à la famille, au don de la vie, aux enfants; l'Europe qui souffre aujourd'hui de l'hiver démographique, malade de l'esprit dans certains secteurs des Parlements, qui devraient suivre comme étoile la priorité de la personne humaine en vue du bien commun et du respect de ses droits, en commençant par ceux des plus faibles.

Un jour viendra, peut-être proche, où, comme cela est déjà arrivé avec l'esclavage et la discrimination raciale, une conscience historique lucide, que la démocratie authentique doit faire mûrir, fera apparaître des sentiments de honte pour les crimes commis contre la vie humaine naissante. Alors se multiplieront les conversions aux droits des nouveau-nés, qui fort heureusement se multiplient déjà aujourd'hui.

 

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