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CONSEIL PONTIFICAL POUR LA FAMILLE

CONFÉRENCE DU CARDINAL ENNIO ANTONELLI PRÉSIDENT DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA FAMILLE

La famille, une ressource pour la société

Alençon

 

1. Après Mexico 2009 et avant Milan 2012

Le Conseil Pontifical pour la Famille déploie avant tout une activité courante : relations avec les Evêques et les Conférences Épiscopales; avec les associations familiales, les associations pour la vie; relations avec les organismes du Saint – Siège et avec de nombreuses autres entités civiles et ecclésiastiques; organisation de congrès et de séminaires; participation aux congrès organisés par d’autres institutions.

A la suite de la sixième rencontre mondiale des familles de Mexico, il est apparu opportun de mettre en chantier deux projets : l’un d’ordre plus directement ecclésial, «la famille chrétienne acteur de l’évangélisation» ; l’autre plutôt d’ordre civil, «la famille, une ressource pour la société».

Le premier projet, «la famille chrétienne, acteur de l’évangélisation», voudrait être un service rendu à la communion ecclésiale et à la pastorale familiale. De nombreux pays sont le cadre d’expériences pastorales très belles et très fructueuses mettant en valeur les familles comme acteurs responsables de l’évangélisation au quotidien, dans les relations avec leur milieu, dans la vie sociale et les activités d’Eglise. Nous voudrions recueillir et faire circuler, dans la durée, après un discernement approprié, les expériences les plus significatives et les plus aptes à en inspirer et à en stimuler d’autres. Nous avons déjà eu un séminaire international d’étude à Rome en septembre dernier et nous ferons un congrès plus développé en novembre, toujours à Rome, avec en clôture, le 29, à la basilique Saint Pierre, une veillée de prière présidée par le Saint Père. Nous mettrons alors en circulation un premier lot d’expériences. Ce sera le début du service que nous voulons rendre à la communion et à la communication entre les Eglises. Les principaux sujets concernés par ces expériences sont la préparation au mariage et l’accompagnement des familles. Sur ces deux points, le Dicastère a commencé à élaborer un Vademecum où sont impliquées un bon nombre de réalités d’Eglise issues de nombreux pays.

Le second projet, «la famille, une ressource pour la société», se divise en deux parties : a) l’ étude attentive des nombreuses données statistiques déjà disponibles en vue de mettre en avant comment la famille traditionnelle, même imparfaite, mais fondamentalement saine, bénéficie largement à la société, tandis que les soi-disant nouvelles formes de vie familiale lui sont préjudiciables; b) une nouvelle recherche sociologique en vue de vérifier si, dans l’opinion et d’après les aspirations des personnes, la famille traditionnelle est encore considérée comme la ressource principale pour la société, et par conséquent mérite le soutien nécessaire pour surmonter les obstacles et accomplir sa mission. Cette étude et cette recherche sont proposés aux Conférences Episcopales de quelques pays choisis à titre d’échantillon afin de pouvoir en présenter les résultats à la septième rencontre mondiale des familles à Milan en 2012.

L’objectif du projet est de sensibiliser l’opinion publique des pays concernés grâce à l’éloquence des faits et d’encourager également dans d’autres pays les laïcs et les associations à poursuivre selon la même méthode leur action en faveur de la famille.

Les deux projets dont j’ai parlé m’ont fourni le sujet de mes deux conférences en France. Je développe aujourd’hui le thème du second projet: «la famille, une ressource pour la société».

 

2. Le témoignage de la famille Martin

Exemplaire d’unité et d’ouverture à la société, telle est la famille de Louis et Zélie Martin, les parents de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, que l’Eglise vénère comme bienheureux.

Passons rapidement en revue quelques caractéristiques de cette famille.

- Amour conjugal et harmonie de couple. Zélie écrivait sur le compte de son mari : «Je suis toujours très heureuse avec lui, il me rend la vie bien douce. C’est un saint homme que mon mari, j’en désire un pareil à toutes les femmes.» (Lettre, 1.1. 1863); «Il me tarde bien d’être auprès de toi, mon cher Louis; je t’aime de tout mon cœur, et je sens encore redoubler mon affection par la privation que j’éprouve de ta présence; il me serait impossible de vivre éloignée de toi» (Lettre, 31.8. 1873).

- Joie d’être parents malgré les sacrifices. «J’aime les enfants à la folie» (Lettre, 15.12.1872), écrit Zélie. «Nous ne vivions plus que pour eux, c’était tout notre bonheur (…) aussi je désirais en avoir beaucoup, afin de les élever pour le Ciel». (Lettre à Pauline; 4.3.1877)

- Engagement éducatif. D’un commun accord, avec tendresse et fermeté, surtout par l’exemple de la vie de tous les jours (Messe quotidienne, prière à la maison, travail soutenu, climat de joie, courage dans les épreuves, solidarité avec les pauvres, apostolat).

- Responsabilité professionnelle et sociale. Zélie dirige une entreprise de fabrication de dentelle, Louis tient une boutique d’horlogerie et un commerce d’orfèvrerie, aidant de surcroît son épouse. Tous deux s’engagent profondément, avec intelligence, dans le travail, harmonisant les exigences professionnelles et familiales, respectant scrupuleusement les droits des ouvrières et des fournisseurs, observant le repos dominical.

Ils ont soin des pauvres et sont attentifs aux questions sociales (Louis fait partie du Cercle catholique ouvrier).

La famille Martin incarne un modèle familial dont le besoin se fait sentir aujourd’hui plus que jamais. Nous y voyons la confirmation d’un enseignement du Concile Vatican II : «dans la société terrestre elle-même, la sainteté contribue à promouvoir plus d’humanité dans les conditions d’existence.» (Lumen Gentium 40)

3. Crise de la famille dans la société d’aujourd’hui

A partir de la révolution industrielle, le travail générateur de biens et de revenu, attribué surtout à l’homme et rétribué en argent, se concentre dans l’usine, tandis que le travail domestique non rétribué est laissé à la femme. Ainsi l’homme s’éloigne de la famille et abdique sa responsabilité éducative à l’égard des enfants, les privant de la figure paternelle dont le rôle est décisif. De son côté la femme se sent économiquement et socialement discriminée. Elle est tentée de s’identifier au modèle masculin et de chercher, elle aussi, l’affirmation d’elle-même dans le travail extra-familial, dans la profession, dans la carrière.

Elle ressent la famille comme un obstacle à sa réussite personnelle jusqu’à renoncer parfois au mariage et aux enfants. A l’opposé, de nombreuses femmes renoncent au travail ou à un niveau professionnel supérieur pour se consacrer à la famille et aux enfants, souffrant souvent elles aussi de l’incompatibilité entre famille et travail.

Avec le développement du secteur tertiaire et la révolution informatique, les femmes ont de multiples possibilités de travail, et par conséquent d’indépendance financière. Mais la tension demeure forte entre travail et famille. Leurs exigences et leurs horaires s’accordent mal ensemble. Certains vont même jusqu’à considérer la famille comme une gêne pour le développement social, pour la productivité et l’efficacité du système, tandis que la personne seule lui est estimée plus conforme par sa plus grande mobilité, sa disponibilité en temps et en énergie, sa propension à consommer plus.

Dans la culture dominante on voit s’affirmer un processus de privatisation de la famille comprise surtout comme lieu de gratification affective, sentimentale et sexuelle pour les adultes. Le bien-être individuel et l’exercice purement ludique de la sexualité constituent l’idéal de vie promu par la publicité au détriment des liens stables du mariage et de la responsabilité parentale. On ne tient pas compte de l’importance de la stabilité du couple, du bien premier que sont les enfants. On perçoit la famille non comme une petite communauté, sujet de droits et de devoirs, mais comme une somme d’individus cohabitant temporairement sous le même toit par convergence d’intérêts; non comme une ressource pour la société, qu’il incombe de valoriser, mais comme un ensemble de besoins et de désirs individuels à satisfaire.

C’est dans ce contexte que la triple crise du mariage, de la natalité et de l’éducation prend des proportions de plus en plus préoccupantes. Le nombre des divorces dans l’Union Européenne correspond à la moitié des mariages. Les personnes vivant seules, au nombre de cinquante-cinq millions, occupent 29% (vingt-neuf pour cent) des logements, et l’on prévoit pour bientôt une augmentation jusqu’à 40% (quarante pour cent). Les formes de vie commune se multiplient : familles monoparentales, familles recomposées, cohabitation de fait, couples homosexuels. La famille fondée sur le mariage est vue par beaucoup comme un résidu du passé. Les mêmes en présagent la disparition dans un futur proche. Dans l’Union Européenne, 2/3 (deux tiers) des ménages sont sans enfants; le taux moyen de fécondité par femme est de 1, 56 (un virgule cinquante-six), en-dessous du seuil de renouvellement des générations - 2,1 (deux virgule un) par femme -. L’ample propagation chez les jeunes de conduites négatives et de déviances sociales met en relief l’insuffisance de l’éducation. Beaucoup d’entre eux, même favorisés économiquement, grandissent dépourvus d’idéaux et d’espérances, sont vides spirituellement, motivés seulement par les groupes de supporters, ne manifestant d’intérêt que pour les chansons à succès, les vêtements de marque, les voyages vantés par la publicité, les aventures sexuelles. Pour échapper à l’ennui, ils constituent souvent des groupes qui poussent à la transgression : délinquance, vandalisme, drogue, agressions, viols, crimes. Les enfants de parents seuls sont deux fois plus exposés à devenir délinquants que ceux qui vivent avec leurs deux parents. Un quart des enfants de parents séparés présentent deux fois plus de problèmes durables d’équilibre psychique, de rendement scolaire et d’adaptation à la société que les enfants de parents unis. En effet, les enfants ont un besoin vital d’être aimés avant tout par des parents qui s’entendent bien entre eux.

A la crise du mariage, de la natalité et de l’éducation correspond la crise de la société européenne qui semble plutôt usée et décadente. L’opinion publique est sensible surtout au marché et aux droits de l’individu. Il y a un manque d’idéaux, d’espérances, de projets communs. Il y a un manque de joie de vivre et de confiance dans le futur. Avec le vieillissement progressif de la population se profilent de graves problèmes économiques : les forces productives diminueront, les dépenses de retraite augmenteront, ainsi que les dépenses de santé et d’assistance sociale, étant donné qu’en 2050 (deux-mille-cinquante) il y aura 75 (soixante-quinze) retraités pour 100 (cent) travailleurs et que chaque travailleur prendra en charge environ les 2/3 (deux tiers) du coût d’un retraité.

L’équilibre démographique et la constitution de ce qu’on appelle le capital humain sont nécessaires au développement. Il convient de traiter les questions familiales du point de vue des enfants. Si l’intérêt de l’enfant primait, la perception du divorce changerait, comme changeraient celle de la procréation artificielle, de la revendication de l’adoption par des parents seuls ou des couples homosexuels, de la course à la carrière professionnelle, de l’organisation du travail. On redécouvrirait que la famille fondée sur le mariage est véritablement une ressource pour la société, une réalité d’intérêt public qu’on ne peut traiter de la même manière que d’autres formes de vie commune de caractère privé.

 

4. La famille, institution de la gratuité

Les biens peuvent avoir un caractère instrumental quand il servent d’instrument en vue d’autre chose. Ils peuvent avoir un caractère gratuit quand ils sont voulus pour eux-mêmes comme une fin. Du premier type relèvent les choses utiles, telles que les services, la technologie, la richesse; au deuxième type appartiennent la contemplation de la nature, la poésie, la musique, l’art, la fête, l’amitié, la prière. Les biens à caractère instrumental autant que les biens à caractère gratuits sont nécessaires à la vie de l’homme et à son bonheur. Ils doivent être recherchés de manière ordonnée selon l’échelle des valeurs et au moment opportun.

Les personnes, bien qu’on puisse en tirer de grands bénéfices, ne doivent jamais être réduites à de simples instruments. Seul l’amour gratuit est à la hauteur de leur dignité. Il est permis et même nécessaire de chercher dans les autres son intérêt, mais réduire à cela le rapport avec eux serait de l’égoïsme aveugle et un grave désordre moral. Les autres sont un bien en soi et je dois chercher leur bien aussi sérieusement que je cherche le mien. Je dois prendre en charge leur croissance humaine selon mes possibilités, en assumant aussi le sacrifice et en portant le poids de leurs limites et de leur péché, comme Jésus l’a fait envers tous.

De même que le marché est le lieu par excellence de l’échange des biens à caractère instrumental, de même la famille est celui de la gratuité et de l’amour. Dans une famille authentique, chacun considère les autres non pas seulement comme un bien utile pour soi, mais comme un bien en soi, un bien irremplaçable et sans prix. S’il y a une attention privilégiée, c’est pour les plus faibles : les enfants, les malades, les handicapés, les personnes âgées.

La famille comme communauté de personnes résulte de l’amour - désir (eros) et de l’amour – don (agapè), profondément imbriqués l’un dans l’autre. L’amour nous pousse à sortir de nous, à nous ouvrir aux autres, à accueillir leur altérité, pour accroître leur bien autant que le nôtre. Pour qu’il y ait interaction, échange, collaboration, valorisation mutuelle, il faut à la fois égalité et différence. De ce point de vue, la différence sexuelle est d’une grande importance. La sexualité, c’est l’altruisme inscrit dans l’âme et dans le corps. L’homme donne à la femme de pouvoir devenir mère, et réciproquement la femme donne à l’homme de pouvoir devenir père. De la sorte, chacun des deux peut atteindre sa maturité humaine, épanouir ses différentes capacités spirituelles et corporelles, devenir pleinement soi-même en ajoutant aux relations filiales et fraternelles celles d’époux et de parent. La dynamique de l’amour tend vers un surcroît de vie et de bien. Pendant qu’ils se donnent l’un à l’autre, les époux s’ouvrent à une éventuelle altérité à venir, l’enfant, en qui ils deviendront «une seule chair» en un sens plénier et permanent.

Dans la famille, l’amour fait partager le vécu quotidien, le présent et le futur, le tout de la vie. Il intègre dans la relation entre les époux l’engagement du mariage, l’affection réciproque, l’attraction sexuelle. Il pousse les parents à donner généreusement aux enfants les biens matériels et spirituels, en s’adonnant à leur éducation et en veillant sur eux avec soin.

Tous les membres de la famille s’éduquent mutuellement. Les époux s’éduquent l’un l’autre; les parents éduquent les enfants et les enfants aussi éduquent les parents. Cependant, la responsabilité des parents envers les enfants est particulière. Une bonne relation éducative comporte tendresse et affection, raison et autorité. Le climat d’amour et de confiance, l’exemple et l’expérience concrète, l’exercice quotidien donnent à l’éducation en famille une efficacité unique. Elle fait intérioriser et assimiler les valeurs, les normes, les enseignements comme des exigences vitales pour la croissance personnelle. Les enfants sont conduits à dépasser le narcissisme infantile, à s’ouvrir aux autres, à affronter les défis et les épreuves de la vie, à développer des personnalités équilibrées, solides et fiables, constructives et créatives. Dans la mesure où la famille est unie et ouverte, elle alimente les vertus sociales en tous ses membres, et spécialement dans les enfants. On peut nommer le respect de la dignité de chaque personne, la confiance en soi, dans les autres et dans les institutions, le sens de la responsabilité envers le bien propre et celui d’autrui , la sincérité, la fidélité, le pardon, le partage, le sens du travail, de la collaboration, de l’initiative, la sobriété, l’économie, la générosité envers les pauvres, l’engagement jusqu’au sacrifice et encore tant d’autres vertus précieuses pour la cohésion et le développement de la société.

Les vertus sociales retentissent aussi positivement sur l’économie. Les entreprises aujourd’hui deviennent de plus en plus immatérielles et relationnelles. Plus qu’au capital physique, elles font appel aux ressources humaines : savoir, idées neuves, goût du travail, capacité à former des projets et à travailler ensemble, engagement pour le bien commun, fiabilité. Le marché, lieu de l’échange utilitaire, a besoin d’énergies morales, de confiance, de gratuité et de solidarité dont la famille est spécialement génératrice comme lieu du don.

C’est l’enseignement de Benoît XVI (seize) dans la dernière encyclique Caritas in Veritate : « Dans les relations marchandes aussi le principe de gratuité et la logique du don, comme expression de la fraternité, peuvent et doivent trouver leur place à l’intérieur de l’activité économique normale.» (Benoît XVI, CV 36). L’hypertrophie de l’utilitarisme qui pousse à rechercher le plus grand profit à tout prix finit par endommager le bien commun de la société et porter atteinte au bonheur individuel qui en réalité dépend plus de la qualité des relations que de l’augmentation des revenus.

 

5. Soutien culturel et politique de la famille

Les familles fondées sur le mariage offrent à la société des biens essentiels par la génération de nouveaux citoyens et l’augmentation des vertus sociales. De ce fait, elles ont droit à une juste reconnaissance culturelle, juridique et économique. Jean-Paul II lançait cet appel, il y a trente ans : «Ce sont les familles qui en premier lieu doivent faire en sorte que les lois et les institutions de l'Etat non seulement s'abstiennent de blesser les droits et les devoirs de la famille, mais encore les soutiennent et les protègent positivement. Il faut à cet égard que les familles aient une conscience toujours plus vive d'être les «protagonistes» de ce qu'on appelle «la politique familiale» et qu'elles assument la responsabilité de transformer la société; dans le cas contraire, elles seront les premières victimes des maux qu'elles se sont contentées de constater avec indifférence.» (Jean-Paul II; Familiaris Consortio, 44).

Cet appel n’est pas tombé dans le vide; il connaît une réponse toujours plus vigoureuse dans l’activité des associations familiales. Activités multiformes : animation culturelle dans les écoles, les paroisses, les diocèses, dans les medias (presse, radio, télévision, internet); organisation d’évènements ayant un impact dans l’opinion publique; projets et expériences pilotes de ville amie de la famille; pression sur les responsables des institutions communales, régionales, nationales et internationales pour une administration et une politique en faveur de la famille; promotion de rencontres de réflexion et de proposition; contrôle systématique de l’activité parlementaire; formation d’hommes politiques et de responsables du monde de la culture et de la communication compétents et motivés.

Du côté de l’Eglise, il faut que l’action pastorale aux divers niveaux (national, diocésain, paroissial) motive fortement les famille à adhérer en masse aux associations familiales d’action civile, en cohérence avec l’Evangile, pour peser sur l’opinion publique et la politique. La doctrine sociale chrétienne approuve les valeurs authentiques de la modernité, telles que l’égalité des femmes, la liberté de pensée et de parole, la liberté religieuse, la laïcité entendue comme le respect du pluralisme religieux et culturel en place dans la société civile. Mais elle ne confond pas les désirs subjectifs avec les droits de l’homme, qui sont des biens objectifs, les droits des individus avec ceux de la famille, les intérêts privés avec l’intérêt général: ces réalités différentes se traitent de manière différente. Les chrétiens laïcs ont de toute façon d’amples possibilités de collaboration avec les hommes de bonne volonté pour construire une société à la mesure de la famille.

Les associations familiales d’inspiration chrétienne demandent que la famille ne soit pas vue comme la somme d’individus et de besoins individuels, mais comme une ressource nécessaire et précieuse pour la société qui doit la soutenir et la valoriser; elles s’emploient à la réévaluation culturelle de la maternité et de la paternité comme fonctions importantes pour la maturation humaine et l’épanouissement des hommes et des femmes, pour le bien des enfants et de la société; elles revendiquent des mesures pour inciter les couples à la stabilité, à la responsabilité éducative, pour soutenir la natalité. On peut résumer ainsi leurs principales propositions: a) harmonisation travail - famille en offrant aux deux conjoints une variété de possibilités professionnelles (par exemple flexibilité horaire, temps partiel, télétravail, congés et permis divers), en évitant autant la confusion forcée des rôles qu’un dualisme rigide; b) mécanismes de protection pour soutenir le travail intermittent et offrir une sécurité économique raisonnable; c) services de soins pour les enfants et d’aide aux personnes âgées et handicapées; d) fiscalité équitable étalonnée non pas seulement sur le revenu mais aussi sur le nombre de personnes à charge; e) avantages et déductions supplémentaires pour les familles nombreuses; f) retraite anticipée pour les travailleuses ayant eu des enfants; g) prévention de l’avortement moyennant des mesures de soutien à la maternité afin d’offrir aux femmes une alternative concrète; h) protection du droit des enfants à avoir père et mère et à grandir avec les deux parents; i) droit des parents au choix de l’école pour leurs enfants sans charge financière pénalisante; l) regroupement familial des migrants. Ce sont toutes des propositions raisonnables sur lesquelles les chrétiens peuvent collaborer avec de nombreuses personnes de bonne volonté.

 

6. Conclusion

Témoigner, avec l’aide et la grâce de Dieu, de la beauté de la famille fondée sur le mariage, c’est-à-dire sur la volonté de se donner et de s’engager sans réserve. Construire une société amie de la famille. Mais encore avant cela croire en la famille comme facteur irremplaçable d’humanisation, comme ressource fondamentale pour la société, selon l’enseignement de Jean-Paul II dans Familiaris Consortio : « La famille constitue le berceau et le moyen le plus efficace pour humaniser et personnaliser la société (…) La famille possède et irradie encore aujourd'hui des énergies extraordinaires capables d'arracher l'homme à l'anonymat, de l'éveiller à la conscience de sa dignité personnelle, de le revêtir d'une profonde humanité et de l'introduire activement avec son unicité et sa singularité dans le tissu de la société.» (FC 43)

 

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