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  LETTRE DE S.EXC. MGR RENATO RAFFAELE MARTINO
À MGR JOSEPH BRANSON, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION
INTERNATIONALE DE LA PASTORALE CATHOLIQUE DES PRISONS

 

 

Cher Monseigneur,

Je désire vous remercier pour l'invitation à participer à votre Congrès mondial. J'y vois le signe de l'intérêt que votre Commission attache à la collaboration avec le Conseil pontifical "Justice et Paix".

Tout en regrettant de ne pouvoir être parmi vous, c'est donc avec plaisir que j'ai demandé à mon collaborateur principal, S.Exc. Mgr Giampaolo Crepaldi, Secrétaire de notre Dicastère, de me représenter à votre Congrès.

L'aumônier catholique des prisons a une mission bien exigeante: il est appelé à répondre directement à une consigne évangélique (cfr Mt 25, 36-45) pour manifester l'amour de Jésus Christ dans un milieu particulièrement difficile et dans des circonstances souvent dramatiques, en apportant ainsi les germes d'une espérance plus que jamais nécessaire à qui a besoin de se réconcilier avec Dieu et avec les hommes.

Un tel ministère, avant tout d'ordre religieux, ne peut cependant pas faire l'économie d'une réflexion rigoureuse sur les causes sociales de la criminalité, sur les conditions qui marquent la vie dans les prisons, sur les lois qui définissent crimes et peines.

Bref, l'aumônier catholique des prisons se doit donc de connaître l'enseignement social de l'Eglise, que le Conseil pontifical "Justice et Paix" a pour mandat d'approfondir et de diffuser.

La dignité inaliénable de toute personne humaine, même de celle qui s'est tachée d'un délit; la justice qui doit orienter les enquêtes policières, les procédures judiciaires et les peines de détentions; le respect d'un "état de droit" qui est la meilleure garantie des droits humains de tous, y compris de ceux qui se trouvent en prison: voilà autant de principes fondamentaux qui sont promus par le Magistère de l'Eglise, notamment dans le cadre où l'aumônier catholique des prisons accomplit sa charge pastorale.

Le Pape Pie XII déjà, en recevant les participants au premier congrès des aumôniers italiens, en 1947, avait noté qu'une telle charge allait assumer de plus en plus une nature caritative et sociale, tout en invitant les aumôniers à ne pas s'arrêter aux aspects purement sociaux de leur action.

Aujourd'hui, ces aspects se sont développés et le contexte où se situe le ministère des aumôniers est caractérisé par une complexité croissante, au point que même l'appel lancé par le Saint-Père Jean-Paul II à l'occasion du Grand Jubilé de l'An 2000 "pour demander un signe de clémence au bénéfice de tous les détenus" n'a pas trouvé l'écho souhaité.

Le climat d'insécurité pousse l'opinion publique vers une attitude de plus grande sévérité à l'égard des délinquants, une poussée qui n'obtient pas de réponses adéquates au niveau des responsables politiques, en général trop polarisés sur les résultats au moment des élections.

Par conséquent, hélas, l'espace d'une évaluation appropriée des véritables finalités de la peine de détention se réduit et les possibilités d'un plein retour des personnes condamnées dans la vie sociale, une fois la condamnation purgée, se rétrécissent.

Si on ajoute à cela l'excessif surpeuplement des prisons, on arrive à une situation toujours sur le point d'éclater et qui provoque cycliquement des révoltes sanglantes.

Vous avez bien choisi le titre de votre Congrès: Les prisons du troisième millénaire lancent un défi à l'Eglise, à l'Etat, à la Société. En effet, nous devons mesurer pleinement l'ampleur de ce défi, en comp tant sur l'aide de Dieu pour le relever efficacement.

Il s'agit avant tout de nous mettre dans la bonne perspective, celle qui regarde la personne détenue comme la priorité de l'action pastorale.

L'aumônier doit suivre attentivement l'évolution de la problématique relative au système pénitentiaire. Par exemple, il existe un courant de pensée, minoritaire mais en train de se répandre, qui voudrait soustraire l'administration des établissements de peine à l'Etat, sous prétexte que le système public serait trop coûteux et pas tellement efficace. Il s'agirait, aussi dans ce domaine, de promouvoir une sorte de " privatisation", en attribuant par contrat la gestion des prisons à des entités privées.

Il faut éviter qu'un tel choix puisse réduire la peine de détention à un service rentable, dominé par la logique du profit. Toute réforme ne doit pas perdre de vue que la priorité dans ce domaine reste le respect absolu de la dignité de la personne condamnée et de sa récupération dans la société.

L'aumônier catholique des prisons se doit de réfléchir à de telles questions pour offrir le précieux concours de son expérience irremplaçable à l'actualisation de l'enseignement social de l'Eglise.

Enfin, je voudrais rappeler que votre action pastorale comporte des aspects qui requièrent d'être traités dans la plus grande discrétion. En particulier, il faut à tout prix veiller à ce que le secret du sacrement de la Réconciliation soit sauvegardé: il ne faut pas accepter de confesser les personnes détenues dans une ambiance qui n'assure pas l'indispensable confidentialité.

En vous encourageant à persévérer dans votre mission, et en attendant de connaître les résultats de votre Congrès, je prie le Seigneur afin que votre ministère auprès des personnes détenues soit toujours plus fécond.

RENATO RAFFAELE MARTINO
Président

      

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