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 Conseil Pontifical pour la Pastoral des Migrants et des Personnes en déplacement

 

Rencontre sur la Pastoral du Tourisme

dans les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord

La Pastorale du Tourisme dans la Mission Evangélisatrice de l'Eglise

S. E. Mgr. Agostino MARCHETTO

Secrétaire du Conseil Pontifical

L'objectif fondamental de notre rencontre est celui de procéder à un échange d'expériences qui nous permette de connaître les activités en relation avec la pastorale du tourisme dans les différents pays. Cela nous permettra dÂ’établir, avec une vision sur le futur, quelques voies de collaboration sur certains des aspects qui nous sont communs. Et oui, parce que la pastorale du tourisme n'est pas nouvelle ou à inventer. Au contraire, le tourisme a été un des phénomènes du monde moderne que l'Eglise a suivi avec beaucoup d'attention et même avec un esprit prophétique. Le tourisme en effet prend une place très important dans la vie du chrétien et, je crois pouvoir l'affirmer, pleine de signification théologique, ce qui revient à dire la même chose du temps libre, qui est temps de loisir, de repos, mais pas seulement. Le tourisme nous rappelle, en outre, une pratique religieuse aussi importante et présente dans toute l'histoire de l'Eglise, celle du pèlerinage; il arrive, de fait, que le tourisme puisse se présenter comme une version sécularisée du pèlerinage. Disposer dÂ’un temps libre plus long, d'autre part, crée l'image dÂ’un espace de liberté, de temps que l'homme peut organiser en pleine autonomie, et en conséquence, qui apparaît - et est considéré - comme un temps particulièrement humain.

Voici signalés, de façon assez peu systématique, certain des thèmes qui doivent faire partie de nos considérations sur le tourisme, dÂ’abord pour l'accepter, et ensuite pour formuler les principes de notre réponse pastorale. Au cours de mon intervention, cependant, je devrai me limiter nécessairement à parler de certains de ses aspects, les plus significatifs, en tenant compte de la réalité concrète des pays ici représentés.

I. Histoire récente du tourisme

Au début du IIIe millénaire, nous pouvons dire avec raison que le tourisme a atteint sa phase de plein développement, capable de vaincre même le trauma du 11 septembre. Car ce phénomène constitue de fait, actuellement, une réalité mondiale, avec un mouvement de 715 millions de touristes internationaux dÂ’après les données correspondantes à lÂ’année 2002, publiées par l'Organisation Mondiale du Tourisme: il sÂ’agit de la principale activité économique dans le monde. Il faut retenir encore aussi que, selon la même O. M. T., on peut faire le calcul pour évaluer le tourisme intérieur, c'est-à-dire les déplacements touristiques à l'intérieur des pays respectifs, en multipliant par dix le chiffre précédent. Ce résultat nous paraît invraisemblable, mais il suffit de penser à y inclure, en parlant de nos pays, les déplacements pour les fins de semaine, les vacances scolaires ou les fêtes religieuses et populaires et ce chiffre nous paraîtra alors quasi raisonnable.

Tout ce mouvement a été rendu possible grâce à l'évolution de la réglementation du temps de travail, qui a accordé un allongement des temps de loisirs. Mais la possibilité a été offerte surtout par lÂ’introduction des congés payés - pour la première fois en 1936 -, car ils ont donné une opportunité insoupçonnée pour le tourisme. Après la parenthèse de la Seconde Guerre Mondiale, dans les années 60 et suivantes, son explosion dans la dimension de masse a été en effet la conséquence de l'introduction généralisée des congés payés.

Il est basé fondamentalement sur la capacité d'organiser le déplacement de grands groupes de personnes selon des programmes préétablis. Plusieurs facteurs entrent ici en considération, que nous nÂ’allons pas maintenant détailler. De toute façon il faut dire que le tourisme de masse sÂ’est développé préférablement comme un tourisme de loisirs sur les plages, avec une forte concentration, de rares activités alternatives et peu de contacts avec la réalité du pays visité. Il fut, dans ses débuts, extrêmement agressif par rapport au milieu ambiant, à la culture des communautés locales et aussi à l'économie des Pays de destination. Tout au long des années, on a bien essayé des modèles différents, mais en maintenant toujours les caractéristiques d'origine. De cette manière, le tourisme de masse garde une place dominante, car il ouvre de nouvelles destinations, mais en causant aussi de graves préjudices, le plus souvent au détriment des aspects sociaux (relation de travail, exploitation sexuelle) et culturels (érosion culturelle, ‘folklorisationÂ’ des coutumes traditionnelles), ainsi que de l'environnement.

Durant les années 80 et 90, il y a eu une forte réaction contre ce type de tourisme et, en conséquence, il y a eu une ouverture sur de nouveaux modèles. Deux facteurs pousseront cette réaction. En premier lieu, ce fut une réaction de lÂ’industrie touristique elle-même, en voyant que ce phénomène de masse allait épuiser les ressources disponibles, par exemple les plages, pour cause de dégradation. Cependant, un facteur décisif fut, d'autre part, la généralisation dÂ’un nouveau type de touristes, plus intéressés par les aspects culturels de leur voyage, avec une meilleure conscience écologique et avec un plus grand désir de meubler leur voyage avec des activités complémentaires, comme le sport, l'aventure, la connaissance des environs, de l'histoire et des populations. Pour répondre à ces nouveaux intérêts, lÂ’industrie touristique a donc créé de nouveaux modèles, de nouveaux types de tourisme, que la publicité des agences offre aujourd'hui comme « écologique », « personnalisé », « exotique », « ethnique », « solidaire », etc.

Il serait cependant exagéré de parler, comme il a été dit, d'un changement du tourisme. Sa version de masse demeurera un secteur important du phénomène actuel, et la massification est devenue, par-là même, inéluctable avec tout nouveau modèle créé. Le tourisme d'hiver a atteint, par exemple dans le centre même de l'Europe, un degré de massification quasi insupportable. On peut dire la même chose du tourisme culturel. Il suffit de rappeler un exemple, celui de la ville de Florence, en Italie, ou la Cathédrale de Paris, avec plus de 10 millions de visiteurs par an. Il y a aussi un autre exemple, toute proportion gardée, le fameux Paris-Dakar.

Mais que ce soit en partie pour tenir compte des exigences dÂ’une plus grande conscience sociale et, en partie, pour s'assurer une expansion toujours plus grande, l'industrie touristique a adopté des codes de conduite plus acceptables. Les agences touristiques elles-mêmes, autant dans leurs associations que dans les Organisations internationales du secteur, proposent maintenant de nouveaux paramètres pour un tourisme qui soit plus respectueux de l'environnement, plus adapté au développement des peuples, en définitive, plus humain. Il faut souligner, dans ce sens, lÂ’adoption du « Code d'Ethique Mondiale pour le Tourisme », approuvé par lÂ’Organisation Mondiale du Tourisme en 1999, et la « Déclaration pour un tourisme responsable dans ses destinations », publié à lÂ’occasion du Sommet de Johannesburg, en août 2002.

Dans ce document, quÂ’il faut lire dans le contexte du débat actuel sur la globalisation et sur les exigences d'un développement durable, la communauté d'accueil en constitue le point central d'attention. C'est une nouvelle manière de considérer lÂ’apport du tourisme au développement des pays récepteurs concernés.

Le tourisme, en effet, est considéré comme un facteur de première importance pour le développement. Durant les années d'expansion du tourisme de masse, beaucoup de Gouvernements ont vu dans ce phénomène une voie rapide vers le développement, parce que l'exploitation touristique requiert relativement peu d'investissements, emploie une main dÂ’oeuvre relativement sans grande préparation et crée des revenus immédiats. Ces caractéristiques ont donc beaucoup dÂ’attrait pour nombre de Gouvernements, mais en réalité tous ces « bénéfices » ont été plus substantiels pour les pays des agences touristiques que pour les populations dÂ’accueil. De toutes façons, dans la réalité, le tourisme est la principale exportation pour un tiers des pays en voie de développement, et il occupe une place importante dans 83 % d'entre eux. CÂ’est dans cette perspective aussi, quÂ’il faudrait penser à notre présence ici.

La nouvelle « conduite » de l'industrie touristique veut corriger la ligne en vigueur jusqu'ici, en favorisant une meilleure formation des travailleurs, une plus juste utilisation des ressources propres des Pays (agriculture, arts traditionnels, etc.), une présence respectueuse et relationnelle des touristes, et, en définitive, une plus grande participation de la communauté réceptrice dans la planification, lÂ’exploitation et la participation aux bénéfices de l'activité touristique. Ce sont des valeurs implicitement chrétiennes, religieuses. Ainsi, de manière très significative, l'Organisation Mondiale du Tourisme a proposé le thème suivant pour la Journée Mondiale du Tourisme en 2003: « Le tourisme, élément moteur dans la lutte contre la pauvreté, dans la création d'emplois et dans l'harmonie sociale ». C'est un thème humainement important et valable.

Ces paroles promettent un futur optimiste, peut-être utopique, pour le développement du tourisme. Sûrement, et cela nous intéresse, au cours des prochaines années, malgré les difficultés présentes et futures, les résultats statistiques marqueront de nouveaux gains économiques pour le tourisme mondial. Sûrement aussi, il est très incertain que ces résultats signifient réellement une plus grande participation des pays récepteurs aux bénéfices du tourisme, et plus incertain encore que, grâce au tourisme, l'harmonie sociale augmente considérablement.

En disant ceci, je ne mets pas en question les possibilités quÂ’offre le tourisme. Ce phénomène, en effet, possède substantiellement les caractéristiques nécessaires pour être un instrument de connaissance mutuelle, de respect des personnes, apte à faciliter le dialogue entre cultures et religions, pour renforcer la paix et la solidarité entre les nations. D'où notre intérêt et notre rencontre ici à Beyrouth. Mais ces conditions ne produiront des fruits que si tous ceux qui sont impliqués dans le tourisme décident, encore, de travailler pour cela. Tout dépend de l'action conjointe des opérateurs et des travailleurs du secteur, des touristes et des communautés d'accueil. Voilà ce qui est, en résumé, l'objectif qui suscite l'intérêt de l'Eglise pour ce phénomène et qui anime une pratique pastorale comptant aujourd'hui de nombreuses années d'histoire, riche en fruits abondants.

II. Eglise et tourisme

Notre Eglise a suivi avec sollicitude pastorale le vaste processus du développement touristique, en percevant dès la première heure le fait qu'il constitue un défi important pour sa mission évangélisatrice et qu'il introduit des exigences claires de renouveau. Paul VI voulait manifester cela en 1964, lorsqu'il disait : « l'Eglise ne peut ni ne doit se désintéresser d'un phénomène aussi vaste et aussi complexe ; elle est consciente que le tourisme exige que le service pastoral ne se cantonne pas dans des attitudes traditionnelles, mais crée de nouvelles formes qui répondent au zèle apostolique que lui a communiqué le même Sauveur divin ».

Le souci pastoral de l'église s'est exprimé dans de très nombreuses interventions du Magistère Pontifical, et spécialement à travers les messages que Sa Sainteté Jean-Paul II a adressé, ces trois dernières années, à l'occasion de la Journée Mondiale du Tourisme. CÂ’est un enseignement qui ait été recueilli dans deux documents principaux, je veux dire le « Directoire Général pour la Pastorale du Tourisme », publié en 1969 et, plus récemment, les «Orientations pour la Pastorale du Tourisme », publié par notre Conseil Pontifical en 2001. Je désirerais résumer maintenant, sur la base de ces textes, les lignes principales d'une pastorale du tourisme, pour réaffirmer l'importance de notre rencontre. Commençons avec:

a) Les valeurs humaines du tourisme

On apprécie un tel phénomène, en premier lieu, comme une manière dÂ’occuper le temps libre. CÂ’est surtout, ensuite, un espace de temps qui n'est sujet à aucune obligation de travail ni aux devoirs de la vie quotidienne. Et puis dans un monde où l'environnement de travail et les obligations personnelles, sont profondément dominés par la technique, lÂ’Eglise considère le temps libre comme un moyen pour « récupérer le déficit d'humanité », une expression heureuse de Jean-Paul II. Dans ce but on y exhorte à la lecture, à la réflexion sur la vie personnelle, y compris l'exercice physique récupérateur. Le dialogue avec dÂ’autres individus, la vie familiale, la connaissance d'autres cultures et d'autres personnes doit aussi y occuper une place importante. Le tourisme étend le cercle des relations jusqu'à inclure d'autres pays, cultures et religions, car il offre lÂ’opportunité de mieux connaître l'origine et la manière d'être des personnes qui très souvent, avec l'émigration, font partie de la société du touriste lui-même.

Dans cette perspective, on apprécie ce phénomène comme un instrument de connaissance et de dialogue entre les civilisations et les peuples, qui ouvre et stimule la coopération et la solidarité. Pour un tourisme à visage humain, il est sans doute primordial quÂ’à destination il y ait une communauté, avec sa culture et avec sa réalité sociale, et que le touriste ne se contente pas de jouir du paysage et des monuments artistiques, ni non plus qu'il s'enferme dans un monde artificiel, insensible à la réalité qui lÂ’entoure, bien que ce soit - nous devons le reconnaître - la tendance dominante aujourd'hui.

Il est important ici, d'autre part, que les pays d'accueil, les communautés locales, aient une idée de ce que suppose, de leur part, le tourisme; qu'ils apprécient bien lÂ’apport possible à leur développement comme aussi les dangers qui peuvent menacer leur identité culturelle et sociale. Pour être précis, la communauté locale doit faire valoir ses droits pour arriver à imposer au tourisme certaines conditions et limites.

La qualité de lÂ’accueil se fonde, de toute façon, sur la conscience de sa propre identité. Si la communauté locale, y compris les autorités, les travailleurs, la société en général, ont pleinement conscience de leur culture et patrimoine, de leurs valeurs, alors seulement elle sera en mesure d'offrir un accueil authentique, enrichissant pour tous.

Et voici une autre composante fondamentale :

b) Vivre le tourisme en chrétien

Le phénomène que nous considérons est  une activité humaine qui fait partie du monde que le chrétien doit transformer à la lumière de lÂ’Evangile de Jésus Christ. Quelle que soit sa participation dans le domaine du tourisme, comme agent promoteur, comme travailleur, comme faisant partie de la communauté d'accueil ou comme touriste, le fidèle catholique ne doit pas seulement se comporter de façon éthique, mais il doit y voir un moyen pour vivre sa foi et offrir un témoignage évangélisateur.

Les diverses formes du tourisme offrent à chacun selon sa condition, des possibilités spécifiques pour vivre des aspects de la spiritualité chrétienne. Avant tout le temps libre, temps de loisir et de contact avec la nature ou avec l'art, offre l'opportunité d'une profonde méditation sur le don de la Création et dÂ’une réponse contemplative et liturgique de la part de l'homme. Les pages initiales de la Genèse, la méditation sur la Sagesse ou la vocation pascale à l'espérance pour des cieux nouveaux et une terre nouvelle, peuvent illuminer le voyage du touriste chrétien, en l'aidant à mieux apprécier la nature et à s'engager de façon plus décidée dans la sauvegarde de la Création, dans la perspective de la Rédemption.

Il est important que, dans le tourisme, le catholique n'oublie pas ensuite l'aspect liturgique contemplatif que lÂ’on peut inclure dans le temps du repos. C'est un aspect que souvent les conditions de travail ou lÂ’avidité de la part du touriste, pour profiter du temps disponible, porte facilement à lÂ’oublier. C'est pourquoi il est important que les communautés chrétiennes de destinations touristiques prennent comme un de leurs objectifs centraux d'inviter les touristes aux célébrations et à leur vie communautaire en général. Nous proposons - et il ne sÂ’agit pas dÂ’utopie - que le tourisme donne lÂ’occasion dÂ’une « visite ecclésiale », que les touristes aient le désir et l'opportunité de partager la vie de l'Eglise du lieu, dÂ’expérimenter la catholicité de manière palpable, visible.

Considérons maintenant un troisième point.

c) Le tourisme comme instrument dÂ’évangélisation, de pastorale

Dans ces lignes, et en tenant compte des circonstances particulières des Pays que vous représentez ici, je crois important de voire le rôle que le tourisme peut jouer dans la mission évangélisatrice de l'Eglise. Aborder la Pastorale du Tourisme selon cet aspect, d'un autre côté, rend plus facile de l'insérer dans le contexte de la pastorale ordinaire du Diocèse, des Eparchies, des Paroisses. De cette manière, la Pastorale du Tourisme cessera d'être simplement marginale, un service purement extérieur de la communauté locale, comme un effort qui se réalise en lui volant des ressources et du temps dont elle a besoin pour elle-même.

Il nÂ’y a pas de doute que le thème central qui devra inspirer la pastorale du tourisme dans vos Pays est celui de l'accueil. Dans les Orientations, lÂ’accueil est « le noyau central de la Pastorale du Tourisme » en général. « Son expression la plus profonde » est lÂ’accueil des touristes dans la célébration eucharistique. Je nÂ’ai pas à rappeler ici la richesse théologique et ecclésiologique au cÂœur de la célébration eucharistique. Je me limite à suggérer que cÂ’est précisément de cette richesse que doivent dériver les principes pastoraux fondamentaux pour lÂ’accueil des touristes, et ceci est nécessaire aussi, pour l'acceptation de cette pastorale spécifique dans le contexte territorial de l'ordinaire.

Accueillir au sein de la communauté du lieu, même si c'est de façon transitoire, des frères et soeurs d'autres langues, cultures, racines sociales, mais d'une même foi, signifie pour la communauté une ouverture à l'universalité. L'effort de ses membres pour comprendre les visiteurs, - pour les comprendre non seulement malgré la différence de langues -  est stimulant pour une réflexion sur sa propre foi et pour découvrir de nouvelles formes dÂ’expression. En incorporant les touristes à la célébration, la communauté met son authenticité à l'épreuve. Ici, les ressources du « marketing » tellement utilisées dans la propagande touristique, qui cache la réalité ou l'adapte aux désirs du client, ne valent ou ne devraient pas valoir. Même dans la célébration à laquelle participent les touristes, la communauté confesse ses péchés, prie pour ses besoins, rend grâce à Dieu pour ses richesses. De cette manière, elle se découvre aussi devant le touriste dans toute son authenticité. Et en faisant cela, lÂ’invite à la « communion », à la « charité », afin que sa visite dans le pays étranger soit vraiment une rencontre avec ses frères chrétiens et en humanité. De cette manière, au coeur de son existence croyante, à partir de l'Eucharistie, la communauté locale fait en sorte que les touristes rencontrent dans leur voyage une manière exceptionnelle de vivre la foi, sa catholicité concrète.

Comme pour toute activité pastorale, lÂ’Eucharistie est en effet le sommet et la source dont tout découle, et dÂ’elle surgissent d'autres actions et initiatives que les membres de la communauté veulent réaliser dans leur propre vie. Ainsi, les travailleurs qui s'occupent des touristes, spécialement ceux qui sont en contact plus direct avec eux, pourront exprimer cette spiritualité de l'accueil dans leur attention respectueuse, leur cordialité, honnêteté et leurs invitations explicites à participer aux célébrations de la communauté, sÂ’ils le jugent opportun.

En de nombreuses occasions, selon les structures touristiques qui ont été déployées dans un certain endroit, on offrira ou on recherchera l'occasion de célébrer l'Eucharistie, avec respect, même dans les centres touristiques. Pour faire cela, avant tout, comme c'est évident, on doit considérer très attentivement la situation de lÂ’endroit où se déroulera la célébration. On fera cependant tout son possible pour que, dans les dite célébrations, la présence de la communauté locale ne manque jamais, dans la mesure du possible.

La pastorale de lÂ’accueil, avec laquelle on répond à l'arrivée des touristes, suscitera sans doute beaucoup d'autres initiatives, comme celles qui, dans la réalité, existent déjà dans vos pays ; et c'est pour cela que nous voulons nous écouter les uns les autres pour apprendre davantage. Dans certains cas, il y aura un lieu spécifique idéal où les touristes pourront passer quelques jours de réflexion personnelle et où ils pourront rencontrer des opportunités de contact plus direct avec la population locale, ou simplement visiter le lieu dÂ’un accueil plus « fraternel », « informel ».

Ainsi, si lÂ’on veut tenir compte de la provenance majoritaire des touristes qui visitent vos pays, on est obligé de faire référence à un aspect qui, selon mon opinion, constitue un service très important de vos Eglises à lÂ’universalité ecclésiale, et je dirais même à lÂ’humanité. Je me réfère au fait que les touristes qui vous rendent visite, ont l'opportunité à travers vous dÂ’avoir un contact plus direct avec l'islam. Comme on l'a dit ci-dessus, et à partir de ma propre expérience, le vivre-ensemble religieux, social et culturel avec l'islam est un des défis majeurs auxquels vos communautés font face. Et cela commence à être le cas aussi dans beaucoup de Nations européennes. Ce n'est pas une question facile à résoudre. Tout vivre-ensemble exige le dialogue et l'adaptation de la part des deux interlocuteurs. Mais la visite au pays où l'islam forme toute la culture et la vie sociale offre pour le moins lÂ’occasion d'acquérir une information, même une vision, plus directe de tout cela. Il est vrai quÂ’une seule brève visite ne pourra pas permettre que cette connaissance se transmette de façon systématique ou complète, mais peut-être faut-il davantage tenir grand compte de la psychologie des touristes, de leur sensibilité, comme de leur réceptivité prononcée à ce qui peut constituer une expérience valide et novatrice. En ce sens, je suis convaincu quÂ’il est urgent que les Eglises locales parfois de traditions richissimes se mettent au service de cette mission qui se présente aujourd'hui comme une grande opportunité de service aux Eglises soeurs d'Europe et du monde entier.

Finalement, il convient aussi d'évaluer les possibilités qui se présentent à lÂ’Eglise, pour développer cette pastorale de l'accueil en collaboration avec les Autorités du Pays et les responsables de l'industrie touristique. C'est une dimension qui appartient avant tout aux Laïcs. Ils doivent rechercher la manière apte à contribuer à faire en sorte que les décisions qui se prennent dans ce domaine, soient imprégnées du sens chrétien et humain que la foi leur donne. Il faudrait aussi que l'Eglise comme telle, dans la mesure  où cela sera possible et opportun, manifeste son opinion, ses suggestions, ses critiques, si c'est nécessaire, afin que le développement touristique procède d'un esprit qui sÂ’inspire des documents que jÂ’ai mentionné au début de mon intervention.

Arrivés à ce point, nous pouvons penser plus concrètement, à la participation des jeunes en tous cela, jeunes qui, maintenant, recherchent à lÂ’étranger la solution de leurs problèmes de vie, laissant vos communautés aussi sans le ressort vital de lÂ’espérance que des familles chrétiennes jeunes représente. Le secteur touristique pourrait avoir, donc, selon ma vision, dans un futur de paix, un attrait possible et profitable.

d) Les pèlerinages

Nous allons aussi, durant cette rencontre, nous occuper enfin des pèlerinages. A ce propos, permettait-moi de rappeler les documents que notre Conseil Pontifical a publié, cÂ’est à dire « Le Pèlerinage », qui est complété par un autre dont le titre est: « Le Sanctuaire ». Je ne veux pas mÂ’étendre sur le pèlerinage comme pratique religieuse, ou sur son importance dans l'histoire de l'Eglise. Vous connaissez tout cela très bien, et vous possédez surtout en général une riche expérience qui peut témoigner de la grâce que reçoivent ceux qui visitent les Lieux Saints ou autres Sanctuaires de vos pays. A partir de nos travaux au Conseil Pontifical, je crois pouvoir affirmer quÂ’un nouveau printemps du Pèlerinage se manifeste dans le monde entier. C'est peut-être lÂ’expression dÂ’un trait qui imprègne chaque fois davantage notre monde, c'est-à-dire la mobilité, Mais c'est aussi, par-dessus tout, la manifestation du désir profond de tout homme de rencontrer Dieu: « Fecisti nos Domine pro Te et inquietum est cor nostrum donec requiescat in Te » (S. Augustin, Conf.).

Pour accueillir les pèlerins qui visitent vos sanctuaires, en particulier ceux qui viennent d'autres pays, il serait opportun de garder présent cette dimension que nous pourrions définir « anthropologique-théologique », qui caractérise beaucoup de pèlerins de nos jours. C'est un discernement nécessaire, étant donné que, dans un groupe, certains vivent lÂ’expérience dÂ’un voyage religieux dans son sens plein, alors que pour dÂ’autres l'intérêt pour l'histoire, pour la culture ou pour la beauté du paysage semble être plus important. La sagesse pastorale consistera à dispenser à tous un accueil adéquat, adapté, toujours cordial et respectueux, afin que tous puissent accéder peu à peu à la richesse salvatrice qu'offrent les Lieux Saints et les Sanctuaires, comme médiation. Ce thème fut précisément l'objet de la réflexion du III° Congrès Européen sur les Sanctuaires et les Pèlerinages, qui s'est tenu en mars 2002, à Montserrat (Espagne), exactement sur le thème « le Sanctuaire, espace pour un accueil fraternel et universel ».

Je crois en particulier que l'on peut très bien appliquer, ici aussi, ce qui a déjà été dit de l'accueil, cÂ’est à dire quÂ’il doit toujours être lÂ’attitude de la communauté locale et pas seulement de personnes individuelles. Dans le cas des Sanctuaires, la communauté locale nÂ’en est pas simplement le gardien, car elle est davantage son interprète, son expert en herméneutique. Ceci constitue une responsabilité et une mission qui doit certainement être exercée bien sûr sans instrumentaliser les sanctuaires, mais dans une attitude aussi qui doit imposer certaines “conditions” aux pèlerins, pour les aider davantage.

Conclusion

Dans un contexte islamique qui considère hautement cette valeur spécifique du tourisme, l'accueil détermine enfin le sens de la Pastorale du Tourisme, spécialement dans les pays ici représentés. Un accueil de l'Eglise, avant tout, qui sÂ’ouvre à tous les visiteurs, à partir de leur histoire de foi concrète, conditionné aussi par leurs circonstances sociales et culturelles. Un accueil qui offre, en premier lieu, avec la visite des monuments et des sanctuaires, ce qui constitue le trésor de ces Sanctuaires, c'est-à-dire la célébration de la foi, la participation à lÂ’Eucharistie, la communion de la charité, dans un contexte culturel et liturgique particulier. Un accueil qui doit se faire évangélisateur et humanisateur, pour aider les visiteurs à vivre la richesse et la beauté de leur temps libre, mais aussi pour les ouvrir à un vivre-ensemble culturel et religieux, pour les introduire à la compréhension de lÂ’histoire et de la tradition des autres pays, pour les ouvrir davantage à la conviction que les peuples forment une unique et universelle famille.

Dans le document « Orientation pour la Pastorale du Tourisme », celui-ci est indiqué comme un des nouveaux aréopages de l'évangélisation du monde contemporain. En vérité, le tourisme apparaît comme un espace ouvert à beaucoup de possibilités évangélisatrices dans un monde global où, pour certains - au contraire - il nÂ’y aurait de « place » ni pour la foi, ni même pour la “religion”. Dans vos pays, que tant de monde critique pour trop de religion, le tourisme peut donc offrir, au contraire, l'ouverture à l'universalité et au vivre-ensemble, que nous devons mettre au service de la construction du Royaume de Dieu.

Le tourisme a une vocation à la liberté et à la paix! La Pastorale du Tourisme travaille pour la liberté vraie et pour la paix dans la justice et lÂ’amour. Et dans cette perspective nous aussi, ici à Beyrouth, au Moyen Orient, célébrons aujourdÂ’hui le 40eme anniversaire de “Pacem in Terris”.
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