Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People People on the Move - N° 87, December 2001
Le rôle du Directeur National de la Pastorale des Migrants[1]Rev. P. Abraham-Roch OKOKO-ESSEAU, S.J. IntroductionIl mÂÂÂa été demandé dÂÂÂintervenir sur le rôle du directeur national de la pastorale des migrants. Tout en remerciant le Conseil Pontifical pour lÂÂÂhonneur quÂÂÂil me fait en me retenant parmi les intervenants, je me réjouis de pouvoir partager ici ma petite expérience. La lettre dÂÂÂinvitation que jÂÂÂai reçue faisait clairement ressortir le désir des organisateurs de voir ce thème traité en rapport avec lÂÂÂexpérience vécue. CÂÂÂest ce que je mÂÂÂefforcerai de faire au cours du temps qui mÂÂÂest imparti. Mais jÂÂÂaimerais signaler ici que ce nÂÂÂest pas sans embarras que je vais me livrer à cet exercice. Cet embarras vient du fait que mon expérience est limitée aux deux ans et demi passés à exercer les fonctions de coordonnateur national de la Commission Episcopale pour les Migrants et les Réfugiés au sein de la Conférence Episcopale du Congo. Ma démarche dans cet exposé sera simple. Après avoir présenté les caractéristiques du phénomène migratoire au Congo et les problèmes qui en découlent et qui constituent à mes yeux des défis pour lÂÂÂEglise, jÂÂÂessaierai, à la lumière des normes édictées par lÂÂÂInstruction sur la pastorale des migrants de 1969, des besoins émergeant du terrain et de mon expérience, de définir la manière dont je perçois le rôle dÂÂÂun directeur national. I. Le phenomene migratoire au Congo-BrazzavilleIl est difficile de parler du rôle du directeur national tel quÂÂÂil est vécu au Congo sans décrire préalablement le phénomène migratoire et ce quÂÂÂavait été jusque-là la réponse de lÂÂÂEglise dans ce pays. CÂÂÂest en effet au regard des caractéristiques propres de la migration dans ce pays que lÂÂÂEglise particulière qui sÂÂÂy trouve élabore progressivement sa réponse pastorale et que le directeur national construit son action. Comment le phénomène migratoire se présente-t-il au Congo aujourdÂÂÂhui ? En lÂÂÂabsence dÂÂÂanalyses sur les migrations au Congo faisant autorité, notre Commission Episcopale est réduite à faire de lÂÂÂobservation empirique. Cette observation permet dÂÂÂappréhender à la fois la forme et la nature de la mobilité humaine dans notre pays. SÂÂÂagissant de la forme, on remarque un double mouvement. Un mouvement transfrontalier et un mouvement à lÂÂÂintérieur des frontières nationales. SÂÂÂagissant de la nature de ces mouvements, on peut distinguer une mobilité forcée et une mobilité volontaire. Ceci nous permet dÂÂÂappliquer au phénomène migratoire tel quÂÂÂil se donne à voir au Congo les catégories classiques de « migration interne », « migration internationale », « migration volontaire » et « migration forcée ». CÂÂÂest sur ces catégories que nous allons nous appuyer pour décrire le phénomène migratoire au Congo-Brazzaville aujourdÂÂÂhui. La description proposée ici mettra avant tout en lumière les grandes tendances du phénomène migratoire et les problèmes quÂÂÂil pose. A. La migration interneCommençons par le plus simple à observer, à savoir la « migration interne ». CÂÂÂest celle des populations principalement congolaises à lÂÂÂintérieur des frontières nationales. De nombreux congolais se déplacent chaque année dÂÂÂune région à une autre du pays. Ces déplacements se font principalement entre les villes et des zones rurales vers les zones urbaines, faisant ainsi du Congo un des pays les plus urbanisés dÂÂÂAfrique. En effet, il est aujourdÂÂÂhui communément admis que plus de 70% de la population congolaise habite dans les villes. La politique dÂÂÂaménagement du territoire suivie depuis lÂÂÂindépendance ayant surtout privilégié les villes, les campagnes sont devenues au fur et à mesure de la dégradation des rares structures laissées par lÂÂÂadministration coloniale des milieux répulsifs. Pour se soigner et étudier convenablement, pour espérer trouver du travail et tenter de tirer profit des bienfaits du développement, il faut aller en ville. Les raisons majeures des migrations internes sont donc généralement les études, la formation, le travail et la recherche dÂÂÂune vie meilleure. Ces migrations peuvent souvent être temporaires, mais elles tendent de plus en plus à devenir définitives. Si autrefois, on allait se faire soigner ou travailler en ville et on regagnait la campagne, aujourdÂÂÂhui on sÂÂÂy installe. LÂÂÂune des conséquences de ces déplacements est le développement de la pauvreté et de la misère dans les villes congolaises. Beaucoup de ceux qui viennent chercher des meilleures conditions de vie dans les villes vivent dans les zones périphériques de celles-ci dans des conditions souvent infra-humaines. CÂÂÂest notamment dans ces zones que se développent les grands problèmes qui blessent la dignité humaine : prostitution, drogue, désoeuvrement, violence, éclatement de la structure familiale, alcoolisme, sida, etc. CÂÂÂest aussi dans ces zones que des hommes et des femmes gagnés par le désespoir deviennent la proie facile des sectes qui y prolifèrent et développent souvent des formes dangereuses de religiosité, voire une conception fataliste de la foi. Ce sont là autant de problèmes qui interpellent lÂÂÂEglise. Les migrations internes que je viens de décrire soulèvent une question. Sont-elles forcées ou volontaires ? Certains considèrent les déplacements dus à la pauvreté ou à la misère comme relevant de la migration forcée. Ce nÂÂÂest en tout cas pas mon cas, du moins en ce qui concerne le Congo. Par respect pour ceux qui sont obligés de fuir leur domicile pour se protéger de la violence comme ce fut le cas au Congo pour 800.000 personnes entre décembre 1998 et janvier 2000, je préfère quÂÂÂon ne parle pas de migration forcée pour ceux qui recherchent simplement de meilleures conditions de vie socio-économiques. La migration forcée interne est un phénomène spécifique. Elle renvoie à la situation de ce que le droit international appelle communément les personnes déplacées. Le Congo des années 90 a bien connu ce phénomène avec les conflits socio-politiques qui ont accompagné le processus de transition démocratique. Nul nÂÂÂignore les causes et les conséquences dramatiques de ces déplacements. La presse a abondamment parlé des violations des droits fondamentaux et des destructions qui sÂÂÂen sont suivies. Ces questions ne peuvent pas non plus laisser lÂÂÂEglise indifférente. B. La migration internationalePar opposition à la « migration interne », la « migration internationale » est faite de déplacements des étrangers vers le Congo et de ceux des congolais vers les pays étrangers. Elle sera décrite ici sous les thèmes de lÂÂÂimmigration et de lÂÂÂémigration. Et comme pour la migration interne, des problèmes susceptibles de constituer des défis pastoraux pour lÂÂÂEglise seront mis en lumière. 1. LÂÂÂimmigration au CongoLe Congo est un pays dÂÂÂimmigration. Même sÂÂÂil est difficile dÂÂÂavoir accès aux statistiques précises, le phénomène est néanmoins visible. De nombreux étrangers vivent au Congo depuis des décennies. Commencée sous la colonisation lorsque Brazzaville était la capitale de lÂÂÂAfrique Equatoriale Française (AEF), cette tradition sÂÂÂest poursuivie jusqu'à nos jours. Parmi les étrangers qui vivent actuellement au Congo, on rencontre aussi bien des immigrants volontaires que des immigrants forcés. Les immigrants forcés sont principalement les réfugiés et les exilés politiques. Avec la guerre qui se poursuit actuellement en RDC, le nombre des réfugiés ayant trouvé asile au Congo a dépassé le seuil de 150.000 personnes. Ils sont dans leur grande majorité originaires des pays voisins ou de la sous-région en guerre comme la RDC, le Rwanda et lÂÂÂAngola (Cabinda). Il apparaît clairement ici que la question de la régionalisation des conflits doit interpeller lÂÂÂEglise dans sa recherche de solutions au problème de la migration forcée. Quant aux migrants volontaires, ce sont généralement des étudiants, des fonctionnaires internationaux, des cadres dÂÂÂambassades et dÂÂÂentreprises étrangères, des commerçants et des personnes venues tenter leur chance dans un pays relativement riche mais sous peuplé, sans oublier ceux que le hasard du mariage a conduit à vivre au Congo. Dans ce groupe de migrants volontaires, on dénombre aussi bien des saisonniers, des temporaires que des personnes qui ont choisi de sÂÂÂinstaller définitivement au Congo. Il y a beaucoup de catholiques chez les immigrants vivant au Congo, mais on dénombre aussi des musulmans et des adeptes de nouveaux mouvements religieux parmi eux. Les adeptes de ces mouvements sont souvent des anciens fidèles catholiques. Un problème qui ne peut manquer de nous interpeller. Il est difficile de parler de lÂÂÂimmigration au Congo sans évoquer de nouvelles formes dÂÂÂimmigration qui se veulent certes temporaires, mais dont la nature est manifestement criminelle. Il sÂÂÂagit de personnes qui profitent de la vulnérabilité dÂÂÂhommes et de femmes persécutés ou tout simplement de la quête de meilleures conditions de vie de certains jeunes pour leur extorquer dÂÂÂénormes sommes dÂÂÂargent en échange dÂÂÂune aide pour un départ à lÂÂÂétranger. Même si le phénomène ne se pose pas encore à grande échelle, il ne reste pas moins préoccupant. Il appelle une vigilance de lÂÂÂEglise, car il renvoie à un véritable phénomène dÂÂÂexploitation. Un autre problème me semble devoir appeler la vigilance de lÂÂÂEglise. Il sÂÂÂagit du risque de xénophobie à lÂÂÂégard de certains immigrants. Je fais particulièrement référence ici aux réticences exprimées par un nombre non négligeable de citoyens congolais au sujet du processus dÂÂÂintégration des réfugiés rwandais hutu au Congo-Brazzaville. Ils justifient ces réticences par la participation active de quelques-uns de ces réfugiés aux opérations de pacification dans les régions sud du pays ou leur supposée implication dans le génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda. Tout en protégeant ces réfugiés hutu contre des accusations non prouvées, lÂÂÂEglise doit aussi rester vigilante face à des attitudes qui, sous prétexte de rejet éthique, peuvent cacher en réalité des préjugés xénophobes. 2. LÂÂÂémigration des congolaisLÂÂÂémigration nÂÂÂest pas un phénomène inconnu des congolais. En effet, de nombreux congolais partent et vivent aujourdÂÂÂhui à lÂÂÂétranger. Ce mouvement ira en sÂÂÂaccentuant avec la mondialisation. En effet, lorsque ce phénomène sÂÂÂaccompagnera dÂÂÂune ouverture poussée de frontières, davantage de congolais iront à lÂÂÂétranger non pas seulement pour tenter dÂÂÂéchapper à la misère, mais aussi mus par le désir de découvrir dÂÂÂautres réalités et de vivre dÂÂÂautres expériences. La mondialisation entraînera nécessairement une culture de la migration que nous devons nous préparer à affronter pastoralement. LÂÂÂanalyse de lÂÂÂémigration congolaise dÂÂÂaujourdÂÂÂhui montre que les pays européens sont actuellement parmi les principaux pays dÂÂÂaccueil. Si certains y ont été attirés par de meilleures conditions de vie, dÂÂÂautres sÂÂÂy sont installés pour des raisons dÂÂÂétudes, de stages de perfectionnement ou dÂÂÂaffectation professionnelle (étudiants, stagiaires, diplomates et fonctionnaires internationaux). A côté de ces catégories, on rencontre des congolais installés à lÂÂÂétranger en raison de leur mariage. Ces congolais de lÂÂÂétranger sont généralement des migrants temporaires. A lÂÂÂexception des cas de mariage, ces congolais ne vont pas dÂÂÂabord à lÂÂÂétranger avec lÂÂÂintention de sÂÂÂy installer définitivement. Ils commencent presque toujours par être des migrants temporaires avant de devenir des résidents permanents. CÂÂÂest souvent lÂÂÂattrait de meilleures conditions de vie ou lÂÂÂéchec qui rend tout retour socialement difficile à porter qui provoque le passage du statut de résident temporaire à celui de résident permanent. CÂÂÂest généralement dans cette phase que se situe la fuite des cerveaux et que lÂÂÂon rencontre le plus grand nombre de migrants « sans papiers » avec tous les problèmes que cela suppose. Les congolais qui connaissent cette situation de « sans papiers » vivent souvent dans des conditions difficiles : clandestinité, absence de sécurité sociale, travail au noir, déstructuration des familles, mariages blancs, désaffection religieuse, perte de la foi, etc. Il peut se poser ici des questions de respect de la loi, dÂÂÂaccompagnement pastoral, de défense des droits des travailleurs migrants et de leurs familles, de lutte contre lÂÂÂexploitation et lÂÂÂinjustice sociale devant lesquelles lÂÂÂEglise ne peut se voiler les yeux. II. Responsabilités et fonctions du directeur nationalEn décrivant le phénomène migratoire au Congo, jÂÂÂai chaque fois essayé de mettre en lumière les problèmes qui constituent des défis pour lÂÂÂEglise aujourdÂÂÂhui et qui appellent des réponses pastorales de sa part. LÂÂÂintérêt de cette démarche apparaîtra plus clairement dans la description de la réponse que lÂÂÂEglise du Congo essaie de mettre en place depuis quelque temps à travers sa Commission Episcopale pour les Migrants et les Réfugiés. CÂÂÂest à travers cette même description que je tenterai de dégager les responsabilités et les fonctions dÂÂÂun directeur national de la pastorale des migrants. Mais avant dÂÂÂy arriver - cÂÂÂest en effet lÂÂÂobjet principal de cette communication -, permettez que je fasse le point sur ce quÂÂÂavait été la réponse de lÂÂÂEglise catholique du Congo face au phénomène migration avant la création de la Commission Episcopale pour les Migrants et les Réfugiés (CEMIR). A. La réponse pastorale de lÂÂÂEglise catholiqueJusqu'à une date récente, lÂÂÂEglise du Congo nÂÂÂavait pas considéré le phénomène migratoire comme une priorité pastorale ou une question dÂÂÂintérêt pastoral. CÂÂÂest ce qui explique le côté récent et la lenteur dans la mise en place dÂÂÂune réponse structurée et organisée face aux défis que pose le phénomène migratoire. La Commission Episcopale chargée de couvrir ce domaine nÂÂÂa été formellement créée que le 25 mai 1995 lors de la 23ème session plénière de la Conférence Episcopale du Congo. Un travail apostolique organisé nÂÂÂy a véritablement commencé quÂÂÂen 1998 avec la nomination dÂÂÂun deuxième directeur national appelé « coordonnateur national[2] ». Vous comprenez que dans ces conditions, lÂÂÂexpérience de ce directeur ne peut-être que celle dÂÂÂun pionnier, confronté à la difficulté de travailler sans autre tradition que la voie ouverte par son prédécesseur et lÂÂÂInstruction de la Sacrée Congrégation des Evêques de 1969. LorsquÂÂÂon analyse le magistère des évêques du Congo à travers leurs lettres pastorales et déclarations, on ne trouve aucune trace dÂÂÂun souci explicite pour les migrants. Ce ne sont pourtant pas les occasions qui ont manqué. Je me souviens par exemple de vagues dÂÂÂexpulsion dÂÂÂétrangers qui avaient donné lieu à des atteintes aux droits humains et qui auraient même pu servir de prétexte aux évêques pour développer une pensée sur les migrations.
Nos évêques étaient restés silencieux à chacune de ces vagues dÂÂÂexpulsion. SÂÂÂils ont jamais parlé de la migration, ce fut surtout comme une conséquence des conflits ethniques ou de la guerre civile; ce qui nÂÂÂest pas considérer le phénomène en lui-même. On peut évidemment sÂÂÂinterroger sur ce silence difficile à interpréter. Etait-il le reflet dÂÂÂune conscience refusant dÂÂÂinclure les étrangers et des non catholiques dans leurs préoccupations pastorales? Considéraient-ils que ce type de question relève exclusivement du politique et non de la mission de lÂÂÂEglise ou avaient-ils peur de se trouver en délicatesse avec les pouvoirs publics? Même sÂÂÂil nÂÂÂy a pas eu de sollicitude particulièrement affirmée pour les migrants dans le magistère des évêques congolais, leur pratique laisse toutefois apparaître autre chose. En effet, malgré les défaillances signalées, on peut aussi y trouver quelques indications dÂÂÂun souci pour les migrants. Je voudrais évoquer ici quelques exemples qui expriment ce souci avant la déterminante étape que constitue la création de la CEMIR.
De lÂÂÂexpression dÂÂÂun souci à lÂÂÂorganisation dÂÂÂune pastorale, il y avait certes encore un chemin à parcourir. CÂÂÂest sans doute pour cela que les évêques décidèrent en 1995 de créer une Commission Episcopale chargée de traiter des problèmes de la migration. Avec le travail initié par cette Commission, on est donc passé au Congo dÂÂÂune réponse pastorale pas du tout pensée ni structurée à un début dÂÂÂorganisation. Des éléments relatifs à cet effort dÂÂÂorganisation seront donnés dans la section qui suit et permettront de mieux cerner ce qui nous semble être le rôle dÂÂÂun directeur national de la pastorale des migrants. B. Le triple rôle du directeur nationalComme directeur national, jÂÂÂai toujours considéré que jÂÂÂavais des responsabilités aussi bien par rapport à lÂÂÂEglise, qui mÂÂÂa confié une mission, que par rapport aux immigrés et aux émigrés que je suis appelé à servir. Ceci mÂÂÂa amené à mÂÂÂinterroger sur ce que je devais faire pour permettre à lÂÂÂEglise du Congo dÂÂÂaccomplir sa mission et quel type de service pastoral je devais proposer aux migrants dans le contexte actuel de notre pays. CÂÂÂest une certaine manière de comprendre ma mission qui mÂÂÂa conduit à prendre un certain nombre dÂÂÂinitiatives pastorales. Et analysant mon cheminement personnel, et en le confrontant aux orientations données dans lÂÂÂInstruction de 1969 plusieurs fois évoquée ici, je peux aujourdÂÂÂhui définir le rôle dÂÂÂun directeur national comme celui dÂÂÂun promoteur, dÂÂÂun organisateur et dÂÂÂun coordonnateur. 1. Le directeur national comme promoteurIl sÂÂÂagit de promouvoir un type de pastorale qui avait jusque-là reçu peu dÂÂÂattention de la part des ordinaires. Malgré la création dÂÂÂune Commission Episcopale pour les Migrants et les Réfugiés, je nÂÂÂai pas lÂÂÂimpression que tous les évêques de mon pays aient totalement perçu la spécificité de la pastorale des migrants. Il me semble quÂÂÂils nÂÂÂont pas encore tous intégré lÂÂÂidée selon laquelle « ceux qui laissent leur famille et leur patrie pour sÂÂÂétablir ailleurs » « ont besoin dÂÂÂégards particuliers correspondant à leurs besoins ». Leur souci semble être dÂÂÂabord le maintien des oeuvres traditionnelles héritées des missionnaires (les paroisses, les séminaires et certaines oeuvres sociales). Ils ont jusque-là considéré que les étrangers devaient purement et simplement sÂÂÂintégrer dans les paroisses existantes. Je pense quÂÂÂils nÂÂÂont pas encore pris toute la mesure ni saisi lÂÂÂenjeu du phénomène migratoire dans la construction du monde actuel. Dans ce contexte particulier, la première tâche du directeur national est de promouvoir la pensée de lÂÂÂEglise sur les migrations et la pastorale des migrants au sein même de lÂÂÂEglise particulière. Promouvoir ici, cÂÂÂest essentiellement mettre en valeur, faire connaître et défendre auprès des évêques, de leurs collaborateurs et des chargés de la formation des futurs prêtres et religieux. JÂÂÂavoue que ce nÂÂÂest pas chose facile. Notre commission épiscopale essaie de faire ce travail de promotion à la fois à travers des contacts directs et la publication dÂÂÂun bulletin trimestriel de liaison, dÂÂÂinformation et de formation appelé « Echos de la CEMIR ». Dans les numéros déjà publiés, nous avons par exemple essayé de faire connaître les messages du Saint Père pour la Journée des Migrants ainsi que les orientations du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et Personnes en Déplacement, et les initiatives de la Commission Internationale Catholique pour les Migrations (CICM). Nous réfléchissons aussi actuellement à la possibilité de créer un cadre de recherche et de réflexion sur les migrations. Ceci non seulement pour les comprendre, mais pour influencer à terme les politiques qui sÂÂÂélaborent dans ce domaine. Ceci mÂÂÂamène à faire une remarque dÂÂÂordre général. Contrairement à dÂÂÂautres Commissions Episcopales chargées de la pastorale des migrations, la nôtre essaie de promouvoir une vision globale et intégrée du soin pastoral des migrants. Cette vision refuse la séparation entre le spirituel et le social et cherche à dépasser le clivage entre assistance spirituelle et assistance sociale. Tout en les distinguant, elle prend en compte tout lÂÂÂhomme avec la soif de Dieu qui lÂÂÂhabite, son besoin de cheminer dans une communauté de foi et de voir sa dignité promue et protégée. Il me semble que cette approche peut trouver une justification dans une lecture conjuguée des points 4 et 5 de lÂÂÂInstruction de la Sacrée Congrégation pour les Evêques sur la Pastorale des Migrants. a. Le directeur national comme organisateurLe travail de promotion appelle nécessairement celui dÂÂÂorganisation. CÂÂÂest pourquoi, comme pionnier, je vois le rôle du directeur national aussi comme celui dÂÂÂun organisateur. CÂÂÂest dÂÂÂailleurs lÂÂÂun des aspects auxquels lÂÂÂInstruction de 1969 donne le plus dÂÂÂimportance. Je me permets de retenir trois points qui se dégagent des n°s 23 et 24 de lÂÂÂInstruction et qui correspondent à notre expérience actuelle. Il sÂÂÂagit des initiatives pastorales appropriés, des aumôniers des émigrés et de la Journée des Migrants. Dans la mesure où nous touchons aux questions de structures, nous sommes en plein dans lÂÂÂorganisation. CÂÂÂest ici que le directeur national doit pouvoir jouer un rôle dÂÂÂorganisateur. Ce rôle dÂÂÂorganisateur impliquera par exemple la planification, la recherche des fonds, la mise en place des structures et pourquoi pas des réseaux de négociation ou de facilitation. Outre le suivi des problèmes principaux des migrations que nous essayons de faire en partie dans le cadre de nos relations avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) et le Comité National dÂÂÂAssistance aux Réfugiés (CNAR), il est demandé au directeur national « de prendre les initiatives pastorales appropriées, grâce auxquelles les migrants seront préparés spirituellement à sÂÂÂadapter aux nouvelles conditions de vie et seront accueillis convenablement...dans les pays dÂÂÂimmigration » ( Cf. 23.1). En conformité avec cette recommandation, notre Commission a dÂÂÂabord obtenu des évêques la nomination des directeurs diocésains de la pastorale des migrations. Sans eux, les orientations et les politiques de la Commission Episcopale resteront lettres mortes. Ces directeurs diocésains, même sÂÂÂils ne jouent pas encore pleinement leur rôle, sont nommés depuis juin 1999. Contrainte par le contexte qui est le nôtre, notre commission épiscopale avait dÂÂÂabord mis lÂÂÂaccent sur la migration forcée. Fonctionnant à la fois comme structure dÂÂÂinspiration pastorale pour les diocèses et comme organe opérationnel dÂÂÂassistance aux migrants et aux réfugiés, notre Commission Episcopale a mis en place un programme socio-pastoral en faveur des réfugiés. En plus de lÂÂÂassistance pastorale (baptême et obsèques), la protection physique et juridique, nous assistons les réfugiés et les demandeurs dÂÂÂasile, en partenariat avec le HCR, dans les domaines de lÂÂÂéducation, de la santé, de la distribution des biens dÂÂÂassistance sociale et des projets générateurs de revenus. Après avoir donné trop longtemps la place à la migration forcée, nous avons fait adopter par nos évêques le 28 janvier 2000 un programme de travail pour faire face aux problèmes des migrants volontaires. Ce programme fut ensuite complété au regard des besoins se faisant sentir. Nos évêques ont donné leur accord de principe à la mise en ÂÂÂuvre des initiatives pastorales suivantes:
LÂÂÂétat de réalisation ou de mise en ÂÂÂuvre de ces initiatives varie. Dans certains domaines les choses avancent plus rapidement que dÂÂÂautres. Ces initiatives peuvent surprendre certains qui auront du mal à y voir de la pastorale. Je rappelle simplement quÂÂÂelle reflète bien notre vision globale et intégrée de la pastorale des migrants. B. Le directeur comme coordonnateurComme on vient de le constater, la réponse de lÂÂÂEglise aux défis de la migration donne actuellement lieu au Congo à une pluralité dÂÂÂinitiatives. Leur mise en ÂÂÂuvre pourra donner lieu, le cas échéant, à des formes de collaboration avec dÂÂÂautres structures ecclésiales (congrégations religieuses, commissions épiscopales, associations, etc.) pour le plus grand bien des migrants. Les relations avec ces structures soeurs appellent un travail de coordination de la part du directeur national. Ce dernier doit assumer la responsabilité de coordonner les initiatives extérieures ayant des implications dans le champ des migrations. Ce rôle nÂÂÂest pas toujours bien perçu par dÂÂÂautres qui ont tendance à lÂÂÂinterpréter comme une volonté de domination ou à considérer leur propre champ dÂÂÂaction comme une chasse gardée. Le rôle de coordination du directeur national ne se limite pas aux initiatives extérieures à la Commission Episcopale pour les Migrants. Il doit sÂÂÂappliquer aussi et surtout dans le champ de compétence de cette dernière. En effet, si le directeur national est responsable de ce qui sÂÂÂy fait devant la conférence épiscopale à qui il fait régulièrement des rapports, les directeurs diocésains sont chargés de la mise en ÂÂÂuvre des orientations et initiatives concrètes à lÂÂÂéchelon de leurs diocèses. Mais ils le font dans le contexte propre des Eglises locales qui peut imposer des aménagements. Le problème dÂÂÂune certaine cohérence et unité peut alors se poser. Le souci de maintenir une cohérence et une unité entre les initiatives dÂÂÂune part et les efforts de mise en ÂÂÂuvre dÂÂÂautre part doit être une préoccupation constante du directeur national. Il ne pourra le faire quÂÂÂen jouant un véritable rôle de coordination entre les directeurs diocésains aujourdÂÂÂhui et les aumôniers des migrants demain. CÂÂÂest à travers ce rôle quÂÂÂil pourra aider les évêques à manifester la réalité de la communion ecclésiale y compris dans la pastorale des migrations. ConclusionLe rôle du directeur national peut donc se résumer en trois choses : promouvoir, organiser et coordonner. Promoteur, organisateur et coordonnateur, le directeur national apparaît clairement comme la cheville ouvrière de la pastorale des migrants au niveau national. Sa responsabilité est énorme au regard de lÂÂÂInstruction de 1969 et des problèmes concrets qui surgissent autour du phénomène migratoire. Même si les évêques, en leur qualité de pasteurs, sont les principaux responsables de la pastorale des migrations dans leurs diocèses, le directeur national est celui qui au sein de la Conférence Episcopale nationale doit veiller à ce que la sollicitude pastorale pour les migrants acquière toutes ses lettres de noblesse. La forme que prendra cette sollicitude pastorale dépendra en grande partie de ses propres convictions et de son engagement personnel. Mais que pourra-t-il faire de sérieux et de durable sÂÂÂil ne rencontre aucun écho dans les diocèses et la Conférence Episcopale ? De quelle force disposera-t-il pour faire avancer les choses si les évêques ne soutiennent pas son action ? Malgré son importance dans la pastorale des migrants, un directeur national ne pourra rien sans lÂÂÂappui des évêques. CÂÂÂest donc leur appui et leur engagement aux côtés du directeur national que le Conseil Pontifical doit désormais rechercher. Je suggère quÂÂÂil pense à organiser au plus tôt une réunion conjointe des évêques présidents ou promoteurs et des directeurs nationaux pour obtenir cet appui. Le document fondateur pour le directeur national reste encore lÂÂÂInstruction de 1969. Sans nier le profit que les directeurs nationaux ont tiré de ce document au cours de ces trente dernières années, je ne peux mÂÂÂempêcher de reconnaître quÂÂÂil est aujourdÂÂÂhui un peu dépassé. Le phénomène migratoire ayant connu de profondes modifications et évolutions depuis 1969, la pastorale qui sÂÂÂy intéresse doit les assumer aujourdÂÂÂhui. Une charte de cette pastorale dans laquelle le rôle du directeur national pourra être réexaminé devient une urgence. Je suggère donc que le Conseil Pontifical remplace lÂÂÂInstruction de 1969 par une nouvelle. Celle-ci pourrait par exemple inclure la nécessité dÂÂÂune approche régionale et sous-régionale du traitement pastoral des questions liées à la migration volontaire et forcée. Elle pourrait aussi proposer une vision plus globale et intégrée de la pastorale des migrations. Ce dernier point permettrait de dépasser le clivage entre assistance sociale et assistance spirituelle, et donc de faire disparaître le malaise quÂÂÂéprouvent certaines personnes dans les nombreuses structures catholiques qui manifestent aujourdÂÂÂhui la sollicitude de notre Eglise à lÂÂÂégard des migrants.
Notes:
[1]Cette communication a été préparée pour la Rencontre Mondiale des Directeurs Nationaux de la Pastorale des Migrants ( Rome, 10-12 octobre 2000, Salesianum).
[2]JÂÂÂai été nommé comme « Coordonnateur national » en fin mars de lÂÂÂannée 1998. Mais avant la création dÂÂÂun poste de « Coordonnateur national », la personne qui jouait ce rôle était appelée « Vice-Président ». Ce poste fut occupé pendant près de deux années par un prêtre carmes espagnol. Il sÂÂÂagit du Père Gabriel SERRANO dont lÂÂÂaction est exclusivement limitée à lÂÂÂassistance sociale des réfugiés.
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