The Holy See
back up
Search
riga

 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move - N° 88-89, April - December 2002

Déclaration universelle 
sur la diversité culturelle

UNESCO

La Conférence générale de lÂ’Unesco a adopté le 2 novembre 2001 la «Déclaration universelle de lÂ’UNESCO sur la diversité culturelle». Monsieur Matsuura a déclaré à cette occasion : «A lÂ’heure où certains voudraient voir dans la situation internationale actuelle lÂ’expression dÂ’un conflit entre les cultures, les Etats membres de lÂ’UNESCO réunis pour la 31ème session de la Conférence générale de lÂ’Organisation, ont adopté par acclamation aujourdÂ’hui la Déclaration universelle sur la diversité culturelle qui réaffirme leur conviction que le dialogue interculturel constitue le meilleur gage pour la paix, rejetant ainsi catégoriquement la thèse de conflits inéluctables de cultures et de civilisations».

«CÂ’est la première fois que la communauté internationale se dote dÂ’un instrument normatif dÂ’une telle envergure qui érige la diversité culturelle au rang deÂ’ patrimoine commun de lÂ’humanitéaussi nécessaire pour le genre humain que la biodiversité dans lÂ’ordre du vivantÂ’ et fait de sa défense un impératif éthique, inséparable du respect de la dignité de la personne humaine».

«La Déclaration universelle de lÂ’UNESCO sur la diversité culturelle, accompagnée des lignes essentielles dÂ’un Plan dÂ’action, est un instrument déterminant pour humaniser la mondialisation». Il est tout à lÂ’honneur de lÂ’UNESCO dÂ’être à lÂ’avant-garde dÂ’un mouvement qui concerne lÂ’ensemble de lÂ’humanité.

«Cette Déclaration compte désormais parmi les textes fondateurs dÂ’une nouvelle éthique promue par lÂ’UNESCO au début du XXIesiècle.Je souhaite quÂ’elle puisse revêtir un jour la même force que la Déclaration universelle es droits de lÂ’homme».

Voici le texte intégral de la Déclaration:

La Conférence générale

Attachée à la pleine réalisation des droits de l'homme et des libertés fondamentales proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans d'autres instruments universellement reconnus, tels que les deux pactes internationaux de 1966 relatifs l'un aux droits civils et politiques et l'autre aux droits économiques, sociaux et culturels, 

Rappelant que le Préambule de l'Acte constitutif de l'UNESCO affirme Â‘que la dignité de l'homme exigeant la diffusion de la culture et l'éducation de tous en vue de la justice, de la liberté et de la paix, il y a là, pour toutes les nations, des devoirs sacrés à remplir dans un esprit de mutuelle assistanceÂ’, 

Rappelant également son Article premier qui assigne entre autres buts à l'UNESCO de recommander ‘les accords internationaux qu'elle juge utiles pour faciliter la libre circulation des idées par le mot et par l'imageÂ’, et dÂ’assurer dans un esprit de compréhension mutuelle la féconde diversité des cultures,

Se référant aux dispositions ayant trait à la diversité culturelle et à l'exercice des droits culturels figurant dans les instruments internationaux promulgués par l'UNESCO[1]

Réaffirmant que la culture doit être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social et qu'elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances[2]

Constatant que la culture se trouve au cÂœur des débats contemporains sur l'identité, la cohésion sociale et le développement d'une économie fondée sur le savoir, 

Affirmant que la tolérance, le dialogue et la coopération, dans un climat de confiance et de respect mutuels, tissent des liens indissolubles entre diversité culturelle et paix, 

Aspirant à une plus grande solidarité internationale fondée sur la reconnaissance de la diversité culturelle et sur la conscience de lÂ’unité du genre humain, 

Considérant que le processus de mondialisation, facilité par l'évolution rapide des nouvelles technologies de l'information et de la communication même temps quÂ’il constitue un risque pour la diversité culturelle, crée les conditions d'un dialogue renouvelé entre les cultures et les civilisations,

Proclame les principes suivants et adopte la présente Déclaration : 

Identité, diversité et pluralisme 

Article 1 - La diversité culturelle, patrimoine commun de l'humanité

La culture prend des formes diverses à travers le temps et l'espace. Cette diversité s'incarne dans l'originalité et la pluralité des identités qui caractérisent les groupes et les sociétés composant l'humanité. Parce quÂ’elle permet lÂ’échange et lÂ’enrichissement réciproque entre ces identités, elles-mêmes dynamique et de plus en plus composites, la diversité culturelle est source d'innovation et de créativité. Elle est, pour le genre humain, aussi nécessaire qu'est la biodiversité dans l'ordre du vivant. En ce sens, elle constitue le patrimoine commun de l'humanité et elle doit être reconnue et affirmée au bénéfice des générations présentes et des générations futures.

Article 2 - De la diversité culturelle au pluralisme culturel

Dans nos sociétés de plus en plus diversifiées, il est indispensable de mettre en place des politiques destinées à assurer une interaction harmonieuse et un vouloir vivre ensemble de personnes et de groupes aux identités culturelles très variées. Des politiques favorisant l'inclusion et la participation de tous les citoyens sont garantes de la cohésion sociale, de la vitalité de la société civile et de la paix. Ainsi défini, le pluralisme culturel constitue la réponse politique au fait de la diversité culturelle. Indissociable d'un cadre démocratique, le pluralisme culturel est propice aux échanges culturels et à l'épanouissement des capacités créatrices qui nourrissent la vie publique. 

Article 3 - La diversité culturelle, facteur de développement

La diversité culturelle est lÂ’un des moteurs du développement, entendu non seulement comme facteur de croissance économique, mais aussi comme moyen pour les individus et les groupes dÂ’accéder à une existence intellectuelle, affective, morale et spirituelle plus satisfaisante. En élargissant les possibilités de choix qui leur sont offertes, elle leur permet de sÂ’épanouir pleinement

Diversité culturelle et droits de lÂ’homme 

Article 4 - Les droits de l'homme, garants de la diversité culturelle

La défense de la diversité culturelle est inséparable du respect de la dignité de la personne humaine. Elle implique l'engagement de respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales, en particulier les droits des personnes appartenant à des minorités et ceux des peuples autochtones. Nul ne peut invoquer la diversité culturelle pour porter atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, tels que définis par les instruments internationaux universellement reconnus, ni pour en limiter la portée.

Article 5 - Les droits culturels, cadre propice de la diversité culturelle

Les droits culturels sont partie intégrante des droits de l'homme. L'épanouissement d'une diversité créatrice exige la pleine réalisation des droits culturels, tels qu'ils sont définis à l'article 27 de la Déclaration des droits de l'homme et aux articles 13 et 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Toute personne doit ainsi pouvoir s'exprimer, créer et diffuser ses oeuvres dans la langue de son choix et en particulier dans sa langue maternelle ; toute personne doit bénéficier dÂ’une éducation et dÂ’une formation de qualité qui respectent pleinement son identité culturelle; toute personne doit pouvoir participer à la vie culturelle de son choix et exercer ses propres pratiques culturelles, à condition de ne pas porter atteinte aux droits fondamentaux dÂ’autrui.

Article 6 - Vers une diversité culturelle accessible à tous

La libre circulation des idées par le mot et par l'image, doit être garantie, en veillant à ce que toutes les cultures puissent s'exprimer et se faire connaître. La liberté d'expression, le pluralisme des médias, l'égalité d'accès aux expressions artistiques, au savoir scientifique et technologique - y compris sous la forme numérique - et la possibilité, pour toutes les cultures, d'être présentes dans les moyens d'expression et de diffusion, sont les garants de la diversité culturelle.

Diversité culturelle et créativité

Article 7 - Le patrimoine culturel, aux sources de la créativité

Chaque création puise aux racines des traditions culturelles, mais s'épanouit au contact des autres. C'est pourquoi le patrimoine, sous toutes ses formes, doit être préservé, mis en valeur et transmis aux générations futures en tant que témoignage de l'expérience et des aspirations humaines, afin de nourrir la créativité dans toute sa diversité et d'instaurer un véritable dialogue entre les cultures.

Article 8 - Les biens et services culturels, des marchandises pas comme les autres

Face aux mutations économiques et technologiques actuelles, qui ouvrent de vastes perspectives pour la création et l'innovation, une attention particulière doit être accordée à la diversité de l'offre créatrice, à la juste prise en compte des droits des auteurs et des artistes ainsi qu'à la spécificité des biens et services culturels qui, parce qu'ils sont porteurs d'identité, de valeurs et de sens, ne doivent pas être considérés comme des marchandises ou des biens de consommation comme les autres.

Article 9 - Les politiques culturelles, catalyseur de la créativité

Sans entraver la libre circulation des idées et des ouvres, les politiques culturelles doivent créer les conditions propices à la production et à la diffusion de biens et services culturels diversifiés, grâce à des industries culturelles disposant des moyens de s'affirmer à l'échelle locale et mondiale. Il revient à chaque Etat, dans le respect de ses obligations internationales, de définir sa politique culturelle et de la mettre en oeuvre par les moyens d'action qu'il juge les mieux adaptés, qu'il s'agisse de soutiens opérationnels ou de cadres réglementaires appropriés.

Diversité culturelle et solidarité internationale 

Article 10 - Renforcer les capacités de création et de diffusion à l'échelle mondiale

Les déséquilibres que présentent actuellement les flux et les échanges des biens culturels à l'échelle mondiale, constituent une menace pour la diversité culturelle. Pour la conjurer, il faut renforcer la coopération et la solidarité internationales destinées à permettre aux pays en développement et aux pays en transition de mettre en place des industries culturelles viables et compétitives sur les plans national et international.

Article 11 - Forger des partenariats entre secteur public, secteur privé et société civile

Les seules forces du marché ne peuvent garantir la préservation et la promotion de la diversité culturelle. Il faut donc réaffirmer le rôle primordial des politiques publiques, en partenariat avec le secteur privé et la société civile, dans la promotion dÂ’un développement humain durable.

Article 12 - Le rôle de l'UNESCO

L'UNESCO, de par son mandat et ses fonctions, un rôle fondamentale ò jouer pour:

  1. encourager la prise en compte des principes énoncés par la présente déclaration dans les stratégies de développement élaborées au sein des diverses instances intergouvernementales;
  2. servir d'instance de référence et de concertation entre les États, les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux internationaux, la société civile et le secteur privé pour l'élaboration conjointe de concepts, d'objectifs et de politiques en faveur de la diversité culturelle ; 
  3. poursuivre son action normative dans les domaines liés à la présente Déclaration qui relèvent de sa compétence; 
  4. faciliter la mise en oeuvre du Plan d'action, accompagnant la présente Déclaration”. 

Lignes essentielles d'un Plan d'action pour la mise en Âœuvre de la Déclaration de l'UNESCO sur la diversité culturelle

Les États membres s'engagent à prendre les mesures appropriées pour diffuser largement la Déclaration de l'UNESCO sur la diversité culturelle et pour encourager son application effective, en coopérant notamment à la réalisation des objectifs suivants:

  1. approfondir le débat international sur les questions relatives à la diversité culturelle, en particulier celles qui ont trait à ses liens avec le développement et à son impact sur la formulation des politiques, à l'échelle aussi bien nationale qu'internationale;
  2. progresser dans la définition des principes, des normes et des pratiques propices à la sauvegarde et à la promotion de la diversité culturelle;
  3. favoriser l'échange des connaissances et des meilleures pratiques en matière de pluralisme culturel, visant à faliciter, dans des sociétés diversifiées, l'inclusion et la participation de personnes et de groupes venant d'horizons culturels variés;
  4. avancer dans la compréhension et la clarification du contenu des droits culturels, en tant que partie intégrante des droits de l'homme;
  5. sauvegarder le patrimoine linguistique de l'humanité et soutenir l'expression, la création, et la diffusion dans le plus grand nombre possible de langues;
  6. encourager la diversité linguistique à tous les niveaux de l'éducation, partout où c'est possible, et stimuler l'apprentissage du plurilinguisme dès le plus jeune âge;
  7. susciter, à travers l'éducation, une prise de conscience de la valeur positive de la diversité culturelle et améliorer à cet effet tant la formulation des programmes scolaires que la formation des enseignants;
  8. incorporer dans le processus éducatif, en tant que de besoin, des approches pédagogiques traditionnelles afin de préserver et d'optimiser des méthodes culturellement appropriées pour la communication et la transmission du savoir;
  9. encourager l'«alphabétisation numérique» et accroître la maîtrise des nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui doivent être considérées aussi bien comme des disciplines d'enseignement que comme des outils pédagogiques susceptibles de renforcer l'efficacité des services éducatifs;
  10. promouvoir la diversité linguistique dans l'espace numérique et encourager l'accès gratuit et universel, à travers les réseaux mondiaux, à toutes les informations qui relèvent du domaine public;
  11. stimuler la production, la sauvegarde et la diffusion de contenus diversifiés dans les médias et les réseaux mondiaux d'information et, à cette fin, promouvoir le rôle des services publics de radiodiffusion et de télévision pour le développement de productions audiovisuelles de qualité, en particulier en favorisant la mise en place de mécanismes coopératifs susceptibles d'en faciliter la diffusion;
  12. lutter contre la fracture numérique en favorisant l'accès des pays en développement aux nouvelles technologies, en les aidant à maîtriser les technologies de l'information et en facilitant à la fois la circulation numérique des produits culturels endogènes et l'accès de ces pays aux ressources numériques d'ordre éducatif, culturel et scientifique, disponibles à l'échelle mondiale;
  13. élaborer des politiques de préservation et de mise en valeur du patrimoine culturel et naturel, plus particulièrement ses expression orales et intangibles et combattre le trafic illicite de biens et de services culturels;
  14. respecter et protéger les savoirs traditionnels, notamment ceux des peuples autochtones; reconnaître l'apport des connaissances traditionnelles en matière de protection de l'environnement et de gestion des ressources naturelles et favoriser des synergies entre la science moderne et les savoirs locaux;
  15. soutenir la mobilité des créateurs, des artistes, des chercheurs, des scientifiques et des intellectuels et le développement de programmes et de partenariats internationaux de recherche, tout en s'efforçant de préserver la capacité créatrice des pays en développement et en transition;
  16. assurer une protection adéquate des droits d'auteurs et des droits qui leur sont associés, dans l'intérêt du développement de la créativité contemporaine et d'une rémunération équitable du travail créatif, tout en défendant un droit public d'accès à la culture, conformément à l'article 27 de la Déclaration universelle des droits de l'homme;
  17. aider à l'émergence ou à la consolidation d'industries culturelles dans les pays en développement et les pays en transition et, à cet effet, coopérer au développement des infrastructures et des compétences nécessaires, soutenir l'émergence de marchés locaux viables et faciliter l'accès des biens culturels de ces pays au marché mondial et aux circuits de distribution internationaux;
  18. développer des politiques culturelles susceptibles de promouvoir les principes inscrits dans la présente Déclaration, y compris par le biais de mécanismes de soutien opérationnel et/ou de cadres réglementaires appropriés, dans le respect des obligations internationales propres à chaque État;
  19. associer étroitement les différents secteurs de la société civile à la définition des politiques publiques visant à sauvegarder et promouvoir la diversité culturelle;
  20. reconnaître et encourager la contribution que le secteur privé peut apporter à la valorisation de la diversité culturelle, et faciliter, à cet effet, la mise en place d'espaces de dialogue entre secteur public et secteur privé. 

Les États membres recommandent au Directeur général de prendre en considération le présent Plan d'action pour la mise en oeuvre des programmes de l'UNESCO et de le communiquer aux institutions du système des Nations Unies et aux autres organisations intergouvernementales et non gouvernementales concernées en vue de renforcer la synergie des actions en faveur de la diversité culturelle.

Dernière mise à jour 25/01/02 

Notes:
[1]Parmi lesquels, en particulier, lÂ’Accord de Florence de 1950 et son Protocole de Nairobi de 1976, la Convention universelle sur les droits dÂ’auteur de 1952, la Déclaration de principes de la coopération culturelle internationale de 1966, la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher lÂ’importation, lÂ’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels de 1970, la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de 1972, la Recommandation relative à la condition de lÂ’artiste de 1980 et la Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire de 1989.  
[2] Définition conforme aux conclusions de la Conférence mondiale sur les politiques culturelles (MONDIACULT, Mexico, 1982), de la Commission mondiale de la culture et du développement (Notre diversité créatrice, 1995) et de la Conférence intergouvernementale sur les politiques culturelles pour le développement (Stockholm, 1998).
top