The Holy See
back up
Search
riga

 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move

N° 103, April 2007

 

 

Une pastorale spécifique pour les Tsiganes à la lumière des Orientations

           

 

 

R. P. René Bernard, S.I.

Ancien Directeur National

de la Pastorale pour les Tsiganes en France

 

La présentation des Orientations pour une pastorale des Tsiganes, présuppose que tout auditeur ait déjà lu avec attention le document du Conseil Pontifical. QuÂ’il lÂ’ait confronté à la réalité de la vie des tsiganes pour en mesurer le bien fondé, exprimer une critique constructive, ouvrir de nouvelles pistes à la recherche. Que ce texte lÂ’ait conduit à mieux percevoir la vérité et lÂ’originalité ainsi que le sens des relations entre tsiganes, entre les tsiganes et gağé de la société majoritaire, avec les communautés chrétiennes et les annonceurs de lÂ’Evangile.

Cet expose ne vise pas à un commentaire plus ou moins audacieux de lÂ’ensemble du texte. Il sÂ’adresse à des chercheurs du Dieu Vivant, du Dieu dÂ’Amour qui nous a appelés à signifier la Présence de Jésus Christ à la population de nos sociétés et parfois des communautés chrétiennes.

Le contact fidèle et répète avec les familles tsiganes nous découvre toute une histoire ensanglantée encore très méconnue et une vision du monde qui nous surprennent et nous dérangent. Conviés à nous inculturer, nous sommes tenus tôt ou tard à prendre acte des points de repère qui sÂ’imposent peu à peu dans cette exploration. Sans cette opération vérité qui nous découvrira bien des diversités dans les traditions, les itinéraires, les situations actuelles des familles tsiganes, nous risquons dÂ’interpréter paroles, réactions vives, évènements selon nos normes et généraliser nos perceptions. Ce qui évacuerait de riches différences et fausserait les relations. DÂ’autant plus que lÂ’évolution si rapide du monde actuel au plan politique, économique, social, religieuse, technique ne laisse pas indemne ce peuple meurtri, qui nÂ’est pas à lÂ’abri des violences de lÂ’époque.

Cet exposé vise à mettre en lumière les données fondamentales qui réclament dÂ’être respectées parce quÂ’elles apparaissent déterminantes pour créer et vivre avec les tsiganes une pastorale vivante. Les données sous-tendent lÂ’ensemble du document du Conseil Pontifical. Elles sont le fruit de nos expériences partagées, des études plus pointues de spécialistes. Elles dynamiseront lÂ’engagement et la réflexion des tsiganes et gağé qui Âœuvrent pour la réconciliation et la communion voulues et offertes par le Christ aux croyants et aux hommes de bonne volonté qui ont faim et soif dÂ’amour gratuit et de justice.

Précisions : Le présent écrit qui vous sera remis présente en marge de nombreux renvois chiffrés – pages et paragraphe du document du Conseil Pontifical – utiles pour relire tel ou tel passage du texte fondateur de la pastorale. Il pourrait ainsi être un outil de travail et de réflexion, pour une équipe qui analyse son expérience à la lumière de lÂ’Evangile de manière à assurer ses initiatives ultérieures et sÂ’enrichir de ses échecs en le dépassant.

Le texte du Conseil Pontifical emploie le mot « tsiganes » pour désigner lÂ’ensemble de cette population issue de la civilisation nomade. JÂ’emploie ce même vocabulaire mais aussi les termes « Roms, Gens du Voyage » choisis par le Conseil et le Parlement de lÂ’Europe pour englober lÂ’ensemble de cette population. Ce double choix nous habitue à ces deux expressions qui nÂ’ignorent pas la diversité des ethnies et des traditions.  

Introduction

Parler dÂ’Orientations – au pluriel – de la pastorale nous invite à des prises de conscience multiples pour explorer un continent émergent, mal connu, réputé difficile à pénétrer et à comprendre, celui des Roms/Gens du VoyageÂ…

Cette perspective est soulignée dés le départ du document [p. 3 l. 29]. Il vise à « inspirer » notre recherche dÂ’une pastorale qui sera marquée par les événements, les nécessites, les exigences de chaque groupe, la foi au Christ Ressuscité dans lÂ’Eglise.

Pour sÂ’orienter, il est indispensable de sÂ’appuyer sur des points de repères lumineux dont la validité éprouvée garantit le sérieux de la recherche à préparer et à vivre (p. 7 l. 7).  LÂ’intelligence des situations vécues par les Roms-Gens du Voyage, la compréhension de leur langage et de leur vision du monde, la lecture de leur histoire ensanglantée seront pour les gağé que nous sommes une mise à lÂ’épreuve inédite.

Nous ne possédons ordinairement aucune expérience directe dÂ’un rejet des sociétés majoritaires qui dure depuis plus de six cents ans et marque en profondeur la conscience personnelle et collective de cette population. Ainsi sommes-nous appelés à « une grande conversion de lÂ’esprit, du cÂœur et des attitudes exigée de la part de tous » [p. 5 l. 2]. CÂ’est à dire lÂ’urgence et la nécessité dÂ’être ouvert et disponible à lÂ’Esprit Créateur.

Points de repères, sources dÂ’inspiration.

  1. LÂ’émergence dÂ’un peuple tsigane au niveau européen.

  2. Le rejet, un fossé entre tsiganes et gağé.

  3. Le langage évocateur.

  4. Communauté-Pont.

  5. Le Baptême : rencontre et appel du Christ.

LÂ’émergence « dÂ’un peuple tsigane ».

Un événement de taille nous arrache désarmais à une vision rétrécie, locale et régionale du monde tsigane [p. 7 l. 9 et suivantes]. LÂ’émergence dÂ’un peuple tsigane, non dÂ’une nation, visible, immergé en concentrations plus ou moins denses dans tous les pays de lÂ’Europe a surpris les gouvernements, les sociétés, les Eglises [p. 8 l. 1]. Surprise face à une population, aux familles nombreuses, en augmentations constante, estimée aux environs de dix millions de personnes ou plus. Elle bouleverse la vision acquise sur un espace limité et interroge gouvernements, nations, Eglises sur leur place dans lÂ’Europe en construction [p. 8 § 9]. Surprise face à lÂ’ampleur de la discrimination qui affecte tous les pays et du racisme avec ses violences qui la nourritÂ…[1] [p.8 l. 13]. Surprise face aux nouvelles migrations qui déclenchent des réactions xénophobes et parfois un accueil timide. Ainsi des Tsiganes Kosovars musulmans ont débarqué au sanctuaire de Banneaux en Belgique provoquant une cascade de réactions diversifiées des pèlerins habituels, des commerçants, de la gendarmerie, des autorités sanctuaires que le Recteur a dû traiter. DÂ’autres courants migratoires mettent au contact de tsiganes orthodoxes Â… ou des Eglises évangéliques.

[p. 12 l. 9] Désormais nous avons à réfléchir et à situer notre recherche sur en quartier, une ville, une région à partir de cet horizon européen qui lÂ’englobe.

La prise en charge par le Parlement Européen et le Conseil de lÂ’Europe au nom des droits de lÂ’homme de la population Roms/Gens du Voyage subissant discrimination, racisme, violence se répercute nécessairement sur les communautés chrétiennes de toute lÂ’Eglise appelées à « une pastorale spécifique qui se charge de leur évangélisation et de la promotion humaine » [p. 3 l. 5]. Le bien même de lÂ’évangélisation est déterminé par la vie réelle et souvent accidentée des Roms/Gens du Voyage ou nous avons à percevoir les signes de lÂ’Esprit qui nous précède inscrits dans le quotidien de la vie des hommes, des femmes, des familles de cette population.

[p. 4 l. 35 dernier §] La dimension européenne des Roms/GdV nous met en demeure de partager et réfléchir nos expériences pastorales, tout spécialement entre lÂ’Europe Centrale et de lÂ’Est et lÂ’Europe Occidentale. Les itinéraires diversifiés des familles tsiganes dÂ’Occident et de lÂ’Est de lÂ’Europe, les problématiques de lÂ’évangélisation, apparaissent différentes. Le constat des migrations, la place de ce peuple en Europe ne nous permettent plus de ne pas nous enrichir de nos expériences partagées. Le sérieux de notre recherche pastorale avec les tsiganes est à ce prix.

[p. 5 l. 2 et suivantes] Elle se révèle dÂ’autant plus urgente par la présence active de « nouveaux mouvements religieux » [p. 10 § 19] peu ou pas Âœcuméniques, ce qui détériore lÂ’unité des familles tsiganes. Ces communautés purement tsiganes réunies au nom du Christ reçoivent lÂ’Evangile par des pasteurs de leur milieu soumis au même rejet. Même si lÂ’annonce de la parole de Dieu reste parfois moralisante, rivée à la lettre de lÂ’Evangile, la relation au Christ sÂ’instaure et provoque des changements de comportement. Ce constat qui exige un discernement nous interroge sur la vérité de nos relations avec les tsiganes et la catholicité accueillante et visible de notre Eglise.  

II. Point de repère : le rejet, un fossé entre tsiganes et gağé

Le rejet des tsiganes sÂ’impose dÂ’entrée de jeu comme une exclusion incontestable qui a traversé les siècles, engendré de multiples injustices, justifié des tentatives dÂ’élimination physique, autorisé la déportation des familles par les nazis. Selon lÂ’opinion courante la mise à lÂ’écart généralisée de cette population, la discrimination active dans tous les pays, le refus des sociétés de reconnaître lÂ’humanité propre aux tsiganes proviendraient à lÂ’évidence de leur incapacité congénitale à sÂ’insérer dans les sociétés. Asociaux, les tsiganes se condamneraient eux-mêmes à vivre enclaves dans des sociétés organisées qui les encercleraient. Celle est lÂ’opinion courante peu ou pas soumise à la critique qui fait loi et nourrit des discours péjoratifs.

Dans ce contexte, lÂ’Eglise Catholique, trop longtemps silencieuse, apparaît comme lÂ’Eglise des gağé. Le porteur de lÂ’Evangile, quand il prend contact avec générosité, est classé par les familles comme lÂ’émissaire gağé. Ses paroles amicales seront mises à lÂ’épreuve de la vie et de ses injustices, confrontées à la pauvreté et à la misère de certains quartiers. Le droit à la parole ne lui est pas octroyé par son statut de prêtre, de religieux ou religieuse, de laïc chrétien, ni acquis par son désir affirmé dÂ’être reconnu ami et serviteur du Christ.

[p. 11 § 20] Il sera testé, parfois rudement. La reconnaissance naîtra peu à peu de ses actes solidaires, de la gratuité et de la vérité de ses actes et de ses paroles, quand la violence du rejet atteindra le milieu familial. Le droit à la parole et à lÂ’écoute nÂ’est jamais offert et assuré pour toujours. Il est soumis aux fluctuations des événements qui affectent la vie familiale. Le gağé même sÂ’il partage les joies et les souffrances des tsiganes ne peut prétendre être un tsigane et ne le sera jamais. Son droit à la parole et à être entendu se nourrit de sa présence porteuse dÂ’un amour gratuit et de sa capacité à provoquer la prise de parole des tsiganes, a lÂ’entendre sans la déformer, à lÂ’apprécier. Il va de soi que le porteur de la parole reste tributaire des relations ponctuelles que les tsiganes vivent avec dÂ’autres représentants de lÂ’Eglise. Si elles se révèlent éprouvantes, elles se répercuteront sur la démarche du porteur habituel de lÂ’Eglise, moins libre de ses propositions.  Etre accueilli par les tsiganes, sÂ’insérer dans la vie dÂ’un groupe qui subit toujours la violence du rejet, cette entreprise réclame de temps.  Nous risquons de minimiser le rejet dans nos réflexions, de ne plus en mesurer la pesanteur quotidienne, de ne pas le ressentir comme un écharde, de lÂ’évacuer de nos catéchèses et de la liturgie et ainsi de mal respecter lÂ’identité tsigane. 

III. La langage « évocateur »

LÂ’écoute habituelle du « parler » des Roms/Gens du Voyage distille lÂ’ambiance qui règne et conditionne lÂ’annonce de lÂ’Evangile. Plus dÂ’une fois nous serons décontenancés par des expressions verbales inhabituelles [p. 21 § 63-64]. Elles éveillent en nous la tentation de les absorber dans des catégories de pensée qui sont les nôtres, bien connues. Nous évacuons ainsi une possibilité de découvrir leur vision du monde, de mieux saisir le phénomène de la rencontre des cultures. Comment révéler la Présence du Christ si nous nÂ’enregistrons pas le langage, les signes plus ou moins visibles qui signifient la relation à Dieu dans la relation aux autres à travers les événements vécus ? Il est vrai que nous manions souvent un langage immédiatement spirituel auprès de chrétiens à la foi cultivée.

[p. 10 § 19] Les tsiganes parlent à partir de leur vie immédiate, de leurs rencontres, du déroulement de la vie familiale, de leur travail, de tout ce qui affecte lÂ’entente ou les conflits du quartier ou dÂ’un ensemble familial sur un terrain [p. 14 § 31]. La traversée de périodes de turbulences, même si elle nous invite à la patience, au discernement, est source de compréhensions nouvelles sur les relations internes à un ensemble familial ou entre ethnies. Ainsi nous nous préparons à mieux saisir les prises de parole des tsiganes hors de la préparation du Baptême.

Les motivations des demandes de Baptême risquent parfois dÂ’être éliminées parce que leur expression nÂ’entre pas en consonance immédiate avec les paroles inscrites pour la liturgie. Là encore nos réactions trop rapides nous empêchent de partir de leur langage évocateur. Ainsi la demande de Baptême « pour que le petit ne pleure plus » ne semble pas  recevable au premier abord.

LÂ’expérience humaine qui la fonde renvoie à lÂ’appréhension des pleurs répétés et à la perception de la fragilité du bébé. Ces pleurs pour le père et la mère sont le signe évident dÂ’un danger mortel. La famille les interprète comme un processus de mort possible qui urge le recours à Dieu. Dieu perçu comme Celui qui a pouvoir sur la vie Â… Telle est la relation au Dieu tout-puissant que sous-tend la demande impérieuse.  Elle nÂ’empêche nullement lÂ’intervention dÂ’un médecin. Elle fournit un point de départ appréciable et vrai pour approfondir cette première relation et la connaissance du Dieu, de Jésus-Christ.

Recueillir les paroles prononcées à partir des événements vécus par les personnes et les familles, découvrir la profondeur vitale de ces expressions imagées et nouvelles demande une relecture habituelle de lÂ’expérience dÂ’une équipe au contact des tsiganes. CÂ’est un travail jamais achèveÂ…

De même prendre acte dÂ’un langage défensif vis-à-vis de tel ou tel gağo, quand la famille se sent contestée, voir menacée pare une autorité administrative ou autre.

[p. 16 § 39] Cet accueil des langages pour en déchiffrer le sens profond permet alors dÂ’exercer le discernement des esprits et éventuellement de provoquer une purification des cultures par lÂ’annonce de lÂ’Evangile. Annonce réciproque parce que les tsiganes ne sont pas dépourvus de gestes de partage et dÂ’initiatives personnelles et collective qui nous interrogent. La préparation au Baptême ouvre en espace majeur pour authentifier nos prises de conscience par la relecture du dialogue entrepris. Apprendre à lire la vie de tous les jours, les événements douloureux ou joyeux dans la lumière de la Présence du Christ ouvre aux Tsiganes et aux gağé les chemins pour vive une pastorale qui se crée.  

IV. Communauté-Pont

[p. 31 § 98] La fossé creusé depuis des siècles entre tsiganes et gağé ne se comble pas par un projet généreux, aussi utile soit-il, dont quelques laïcs et prêtres ou religieux se chargeraient au nom de lÂ’Eglise. La fossé sépare des tsiganes des communautés chrétiennes implantées sur les territoires où ils sont ancrés et voyagent. LÂ’émergence de cette population nombreuse au niveau de lÂ’Europe interroge et bouscule avec force les sociétés hostiles ou indifférentes sue lesquelles elle butte. La construction dÂ’une passerelle entre gağé et Roms/Gens du Voyage qui enjambe le rejet toujours actif sÂ’impose pour que sÂ’amorcent rencontres et dialogues dans toutes les régions. La communauté-pont, maître dÂ’oeuvre, ne saurait réussi que si les communautés chrétiennes sont appelées à entrer dans le dialogue, se préparent à accueillir ces familles quand les acteurs de la communauté-pont auront suscités des tsiganes, hommes et femmes, à prendre la parole avec des gağé soucieux dÂ’un vivre ensemble. Devant la violence du rejet, la médiation dÂ’une communauté-pont apparaît indispensable pour le moment. Dans sa priorité affirmée au service des exclus lÂ’Eglise Catholique joue la vérité de sa parole au niveau de lÂ’Europe par lÂ’engagement  de ses communautés. Le Christ nÂ’a pas aimé à distance les exclus de son époque.

LÂ’urgence de constituer des communautés-pont sÂ’impose face à cette population si nombreuse. Elle rassemble des laïcs, des prêtres, des religieux, des couples tsiganes ou nos qui sont conscients dÂ’avoir à travailler au désenclavement de ces familles dans le respect de leur humanité, de leur vision du monde, de leur foi [p. 19 § 54]. Le partage des événements majeurs qui touchent en profondeur lÂ’ensemble familial crée des liens dÂ’amitié perceptibles. Services réciproques entre tsiganes et gağé, accueil à sa table, démarches des tsiganes soutenus par les gağé, rencontres familiales, partage dans des situations de misère, toute cette petite communauté aura à les vivre, à les porter à la connaissance des communautés chrétiennes du lieu, à les appeler à agir en conséquence. Les démarches préparées ensemble avec les adultes tsiganes les plus ouverts et soucieux de leurs frères pour plus de justices, lÂ’amélioration des conditions de vie fournissent un éventail de situations vécues à relire à la lumière de lÂ’Evangile.

[p. 18 § 47] La naissance dÂ’associations tsiganes manifeste la volonté des hommes, chefs de famille, de prendre la parole pour être les acteurs de leur désenclavement. Ils sont conduits à sÂ’appuyer sur des amis gağé pour fournir des dossiers, engager des actions qui réclament lÂ’intervention de gens compétents. Sur ce terrain se joue le présent et lÂ’avenir de ces familles. La communauté-pont en dialogue avec les tsiganes par sa réflexion et ses propres engagements a mission de signifier que toute action vigoureuse reste au service de tous les tsiganes de toutes les ethnies et vise à la réconciliation avec les gağéÂ… [p. 16 § 42]. Comment envisager et parvenir à la réconciliation tsiganes-gağé dans le respect et la compréhension de deux visions du monde en ce quÂ’elles présentent de meilleur, si les signes de lÂ’accueil du frère, de la fraternité active, du pardon festif ne naissent pas de la vie partagée, du dialogue qui se nourrit de lÂ’actualité. Or aujourdÂ’hui ces signes sont trop rares, trop minces, trop éparpillées pour signifier la catholicité de lÂ’Eglise; lumineuse et ouverte à tousÂ… [p. 17 § 43] et être une invitation radieuse à la communion au Christ. 

[p. 16 §39] La communauté-pont au contact des tsiganes aura vite conscience dÂ’avoir à décider dÂ’une relecture des événements partagées pour en saisir les sens vécu par les tsiganes et les gağé. Surtout si des paroles et des actes percutants se révèlent déroutants ou même choquants et ne correspondent pas à la perception des gağé que nous sommes. LÂ’Evangile introduit une critique de toute parole et de tout acte personnel ou collectif pour en percevoir la vérité et lÂ’impact en accueillant une culture autre, culture des tsiganes, soumise à la violence cachée ou explicite de la culture majoritaire comme lÂ’histoire des tsiganes en témoigne. Ce discernement critique porte sur le quotidien vécu par les tsiganes et les gağé. Il sÂ’affine peu à peu par les prises de conscience réciproques qui conduisent à la vérité des relations avec les familles, avec les chefs de famille dont les décisions se respectent sur un ensemble familial, voire sur un quartier, un terrain, une aire de passage ou de stationnement long. Il se traduit par de multiples relations de service ou amicales, le partage réciproque des événements majeurs, la liberté dÂ’aller et venir chez lÂ’un ou lÂ’autre, le dialogue à partir de lÂ’Evangile, la prière désirée et partagée. 

V.  Rencontre et appel du Christ dans le Baptême.

[p. 21 § 63] « Sacrement le plus demandé » : la vie des tsiganes doit se dire dans lÂ’approche et le déroulement du Baptême. Les signes de la Présence du Christ et son action renvoient-ils à lÂ’existence des tsiganes.  Voilà qui nous interroge sur la signification de ce sacrement perçue par les tsiganes : la vérité des paroles et des signes échangés.

Constant dÂ’avoir à lutter contre les agressions des puissances de mort qui toucheront tôt ou tard lÂ’enfant comme ils nous affectent. Expérience du rejet des sociétés, fossé dÂ’exclusion creusé et entretenu, flots de haine, diversions, peurs Â… Roms tsiganes frères et sÂœurs des gağé ?

LÂ’action du Christ libère par lÂ’Amour en traversant les obstacles Â… expérience de la Puissance de lÂ’Amour qui renverse les murs de haine, dÂ’indifférence, arrache à lÂ’égoïsme, la violence, crée des liens par le pardon.

Le sacrement présuppose une relation personnelle au Christ. Acte commun du Christ et de tout baptisé qui engage sa liberté, sa responsabilité et combat lÂ’injustice de lÂ’exclusion. DÂ’ou nécessite dÂ’une évangélisation qui se poursuit.

[p. 21 § 62] Le Baptême des tsiganes renvoie à la présence active dÂ’une communauté fraternelle qui nÂ’accepte pas le rejet et le signifie.

[p. 21 § 64] Parfois lÂ’absence ou lÂ’indifférence des communautés contredit la signification du Baptême. Une opération-vérité reste à entreprendre face à cette population de dix à douze millions de personnes pour que la catholicité des gağé soit visible et parle dÂ’elle-même du passage de lÂ’exclusion aux liens de lÂ’amour = Mort et Résurrection du Christ.

[p. 22 § 65] LÂ’accès à la confirmation sÂ’ouvrira à travers des actes et projets communs aux gağé et tsiganes où ceux-ci découvriront comment le Christ par son amour les a inspirés et engagés dans une expérience de gratuité au service de tous, et en priorité des plus pauvres de leurs frères et sÂœurs. LÂ’action de lÂ’Esprit nous conduit à vivre ensemble la vérité de ces sacrements fondateurs.

Tels sont les point de repère majeurs qui nÂ’excluent pas dÂ’autres points lumineux particulièrement nécessaires et adaptés à la diversité des ethnies et des itinéraires vécus [p. 32 § 102]. « Promouvoir une spiritualité de communion », lÂ’Esprit de lÂ’Amour et de Vérité nous accompagne comme il accompagne les Roms/Gens du Voyage.

 

[1] Cfr le rapport final de M. Alvaro Gil-Robles, commissaire aux droits de lÂ’homme sur la situation du droit de lÂ’hoc des Roms/Gens du Voyage, 2006.

 

top