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 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move

N° 104, August 2007

 

 

CERAO, message À la fin du Colloque sur le thÈme de la Pastorale de la Migration ET SYNTHÈSE FINALe*

 

La Commission Episcopale de l’Apostolat de la Mer, des Migrants et du Tourisme de la Conférence Episcopale Régionale de l’Afrique de l’Ouest (CERAO) a réalisé un colloque sur le thème de la Pastorale de la Migration, du 08 au 10 mai 2007, au Secrétariat Général de la CERAO, à Abidjan.

Ont participé à ce colloque :

  • des Evêques, des prêtres et des laïcs de l’espace CERAO,

  • des Evêques venus de la Conférence Episcopale Régionale Nord Afrique (CERNA) et d’Europe,

  • l’Archevêque Secrétaire du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en Déplacement.

Le colloque a réfléchi et tenté d’approfondir la question de la migration au sein de l’Afrique de l’Ouest et vers l’Europe par l’Océan Atlantique ou la Méditerranée, en vue de se doter d’un plan d’action concerté.

Constatant que la migration est un phénomène de tous les temps et que la vision chrétienne fait de l’histoire humaine, le pèlerinage d’un peuple en marche,

Constatant que le peuplement et le développement des grandes civilisations s’expliquent par le brassage des populations et que l’interculturalité toujours vécue par les peuples -avec plus ou moins de réussite- demeure une des richesses de notre monde contemporain,

Constatant que l’Afrique de l’Ouest continue d’être un espace de brassage permanent pour les peuples en migration régionale ou vers l’Europe,

Constatant enfin que le phénomène de la mondialisation ne doit pas être seulement une question de profit économique, mais une rencontre solidaire des peuples et des personnes,

Le Colloque lance un appel pressant aux gouvernements et aux peuples de nos Etats, aux Associations et Organisations de la société civile, aux religions non chrétiennes, aux Églises et communautés ecclésiales chrétiennes, aux Eglises des pays de départ, de transit et d’arrivée, aux Conférences Episcopales d’Europe, de la CERNA et de la CERAO, pour que le phénomène de la migration soit considéré comme une question de très grande importance pour la Justice, la Paix et le Développement humain dans le monde.

L’expérience montre que si certains émigrent volontairement dans le but de découvrir d’autres espaces et cultures et de rencontrer d’autres peuples, la majeure partie de ceux qui émigrent aujourd’hui le font sous la pression de situations socio-économiques, politiques et religieuses difficiles.

Un développement non centré sur l’intégralité de la personne humaine provoque un mal-être au sein des espaces nationaux et entraîne soit la fuite de cerveaux, soit des jeunes désorientés à la recherche d’un eldorado, non pas d’abord pour s’enrichir, mais pour subvenir aux besoins des leurs, restés sur place et qui s’efforcent de vivre malgré la précarité et souvent au bord du désespoir.

Leurs initiatives, quand elles ne se terminent pas de façon dramatique dans l’océan ou dans les sables du désert, se heurtent souvent à des politiques de rejet qui ne tiennent pas toujours compte de la dignité et des droits fondamentaux de la personne humaine. 

 

C’est pourquoi :

 

Aux Etats

Le Colloque demande d’engager une politique socio-économique soucieuse de justice sociale et favorisant les initiatives locales, avec un soutien particulier aux jeunes et aux femmes. La bonne gouvernance, la démocratie, la liberté d’expression et la créativité soutenue par des facilités bancaires et fiscales pourront les maintenir plus efficacement dans leur pays et faire d’eux des pionniers du développement.

Les Etats doivent se faire le devoir de respecter en toute circonstance, la dimension intégrale de la personne humaine.

 

Aux Associations de développement et aux Organisations de la Société Civile

Le Colloque apprécie le souci qu’elles se donnent pour l’animation et l’éducation des populations et des forces vives. Il leur demande de redoubler encore d’efforts, pour la promotion d’une culture de l’espérance et pour la vulgarisation du Droit et des lois régissant chacune des nations, l’espace CEDEAO et les accords et engagements multilatéraux et internationaux.

 

Aux religions non chrétiennes

Le Colloque les encourage à viser à travers leurs actions religieuses, le bien-être matériel et spirituel de la personne humaine, appelée à s’engager aussi pour le bien de la nation, de l’Afrique et pour le bien commun universel. Voici pourquoi il nous faut mettre en chaque être humain, l’espérance de construire son avenir et de bâtir son bonheur, à partir des ressources locales. 

 

Aux Eglises et communautés ecclésiales chrétiennes

Le Colloque demande, dans le souci d’un œcuménisme authentique, d’être à l’écoute des jeunes et de les suivre, à travers des structures appropriées, dans leurs attentes et espérances par une pastorale d’accompagnement, afin de promouvoir en eux, la confiance en eux-mêmes, le sens du développement endogène solidaire et l’amour de la patrie.

 

Aux Conférences Episcopales du Sud et du Nord

Le Colloque demande d’être attentives aux signes des temps, principalement sur les enjeux du phénomène migratoire, de ne pas manquer de jouer un rôle de premier plan, à travers une pastorale spécifique, pour sensibiliser leurs fidèles et l’opinion publique de leurs pays respectifs et d’être aussi en dialogue permanent avec les décideurs politiques.

 

Aux Eglises des pays de départ, de transit et d’arrivée (CERAO, CERNA, Europe)

Le Colloque les encourage à développer dans la concertation, une pastorale de l’hospitalité et de l’accueil envers les migrants, en créant des structures interdiocésaines appropriées.

Un plan d’action tripartite, devant être élaboré à cet effet, prendra en compte leur mission de concevoir une pastorale migratoire de la responsabilisation et un plaidoyer en faveur de la mondialisation de la solidarité.

 

Somme toute, comme le Seigneur nous y invite :

 

« Persévérez dans l’amour fraternel. N’oubliez pas l’hospitalité, car c’est grâce à elle que quelques-uns, à leur insu, hébergèrent des anges. Souvenez-vous des prisonniers, comme si vous étiez emprisonnés avec eux et de ceux qui sont maltraités comme étant vous aussi dans un corps. » (Hébreux 13, 1-3)

 

Abidjan, le 10 mai 2007

 

 

 

Ont signé :

 

Monseigneur Agostino MARCHETTO                                  

Monseigneur Claude SCHOCKERT                          

Monseigneur Vincent LANDEL                                             

Monseigneur Barthélemy DJABLA                            

Monseigneur Paul OUEDRAOGO                             

Père Hervé YODE, cjm                                                         

Abbé Bernard TONDE                                                         

Abbé Raymond GOUDJO                                         

Père Isidore OUEDRAOGO                                     

Monsieur Volker Monikes                                         

 

 

Le Colloque:

 

Père Victor ADANGBA, sj

Abbé Nérée ZABSONRE

Père Anselm MAHWERA

Père Célestin IKOMBA

Abbé Barthélemy ADOUKONOU

Abbé Novat KPODA

Abbé Boniface ZIRI

Monsieur Magloire Nicolas DEGBOUE

Monsieur Hyacinthe N’DATIEN

Monsieur Etienne AGBOGBE


 

SYNTHESE FINALE

 

 

I- Idées émergentes

Les 3 exposés (P. Quenum, Mr. Degboué, Mgr Claude Schocker) entendus le mardi 8 mai ont attiré notre attention sur plusieurs questions :

Le contexte ecclésial et social dans lequel nous vivons nous fait constater qu’il existe.

  • Un déficit de développement intégral qui encourage une perte de la centralité de la personne humaine.

  • L’espace national devient invivable pour certains jeunes.

  • La fuite de cerveaux vers les pays du nord.

  • La perte de repère chez beaucoup de jeunes qui veulent partir à tout prix vers des pays du nord au risque de leur vie.

  • Néanmoins, le grand nombre des jeunes, animés d’un esprit de pionniers, s’appliquent à trouver chez eux les moyens d’une vie digne, méritant ainsi d’être encouragés et soutenus.

Face à ce contexte, nous nous sentons interpellés :

  • à prendre nos responsabilités par une réflexion sur les causes de la désertion de l’espace national pour les pays du nord et entreprendre une autocritique véritable et sincère pouvant susciter des actions pastorales concrètes.

  • à prendre au sérieux les valeurs chrétiennes de solidarité, de l’importance de la personne humaine et de sa dignité par la valorisation, la diffusion et l’appropriation de l’enseignement social de l’Église.

Plusieurs stratégies de réflexion et d’action ont été proposées qui tiennent compte des niveaux d’apports dans l’Église et dans la société, mais aussi dans la considération de la situation de l’Afrique dans le contexte de la mondialisation.

Il s’agira alors :

  • d’engager une réflexion systémique dans l’Église sur la question des migrations tenant compte non seulement de l’éclairage historique mais aussi de la contribution des sciences sociales.

  • Si notre préoccupation majeure pour ce colloque est d’examiner les migrations Africaines vers les pays du Nord, nous avons conscience d’un même effort à fournir quand aux migrations internes à l’Afrique elle-même. En ce sens, une concertation pastorale épiscopale, régionale, paroissiale devrait être envisagée.

  • S’ouvrir à la recherche de textes et de documents qui existent et qui traitent de la question des migrations.

  • D’engager une réflexion qui ne fasse pas fi de la Parole de Dieu et de l’enseignement de l’Église dans le domaine spécifique de la pastorale des migrants.

  • Avec ce qui est déjà fait, on pourrait aussi bénéficier de l’expérience des autres telles que nos Églises sœurs de France dans ses efforts de dialogue avec les structures étatiques comment elle exerce un rôle prophétique de protection des faibles, des migrants.

  • D’encourager ceux qui restent.

  • D’encourager un dialogue entre les structures d’Église et les structures d’États (dialogue entre CERAO–CEDEAO)

  • De s’appuyer sur les compétences des laïcs.

  • De jouer un rôle dans la vulgarisation des textes de lois et des choix politiques qui favorisent le respect de l’homme tel que nous l’entendons comme chrétien.

  • De favoriser une collaboration et une interaction entre les différentes structures d’Église (laïcat, justice et paix, développement)

  • De susciter l’accompagnement pastoral des immigres africains dans les pays du nord en se basant sur les indications de Erga migrantes caritas Christi et la formation des agents pastoraux, dans les séminaires, dans les maisons de formation, dans les universités.

  • S’intéresser à la situation des immigrés dans les pays du sud.

 

II - Idées émergentes

I. Ce que l’Église Universelle nous dit par la voix de Mgr Marchetto:

  1. La migration peut être une bonne chose même si le contexte qui le génère est parfois empreint d’injustice et vécu dans la souffrance. En effet, elle est un droit positif reconnu à tout homme par la charte de la Déclaration des Droits de l’Homme, assorti également du droit de rester dans son propre pays.

Sur ce point plusieurs d’entre nous ont exprimé quelques réserves compte tenu des drames auxquels ils sont confrontés. Ceux des nôtres qui ont suivi les migrants au Mali, au Maroc et ailleurs en Occident, nous ont fait sentir le drame du vécu des Africains au départ, pendant et à l’arrivée du voyage migratoire. Plus encore, nous ont-ils fait remarquer les conséquences des migrations sur le sous-développement des nations africaines et la paupérisation des peuples qui en découle.

  1. Qu’un directoire national ou régional pour la migration est nécessaire afin de mettre en pratique localement les orientations pastorales émises dans le directoire du Conseil Pontifical.

Cela constitue une invitation à la créativité et à l’imagination que suppose toute mise en œuvre de principes généraux que l’on peut découvrir dans les textes produits par le Conseil.

  1. La mobilité des peuples n’est en général connue que par les drames qui l’entourent. Aussi, la présentation de Mgr Marchetto a permis de découvrir la nature et l’importance du travail que fait le Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en Déplacement.

  1. L’instruction Erga migrantes caritas Christi (EMCC) comme document programme de base sur la sollicitude de l’Église pour toute personne humaine en mobilité, où qu’elle se trouve.

  2. Du point de vue de l’Ecclésiologie de l’Église plutôt liée au territoire,  les migrations suscitent un nouveau type de pastorale conforme à la mobilité des peuples.

  3. S’appuyant sur une saisie des retombées positives de l’émigration sur le développement des pays de départ, Mgr Marchetto encourage un échange régulier d’information entre les Églises de départ et d’arrivée pour l’action pastorale migratoire. Restant acquis que la responsabilité pastorale immédiate est du ressors de l’Église d’arrivée.

  4. Il faudrait donc parler d’une pastorale de communion qui mettrait en rapport de solidarité et de coopération tous les artisans pastoraux autour des migrants.

  5. Cela traduit en substance ce qu’est l’Église : une, sainte, catholique et apostolique.

  6. La nécessité de former les personnes dans l’accompagnement mes migrants. (séminaires tant dans les Églises des pays de départ, de transit que d’arrivée).

  7. Il y a aussi lieu d’assister ceux qui partent dans les pays de départ.

Face à une telle perspective trop optimiste ou trop positive, certains participants ont fait remarquer, à partir d’expériences concrètes, la tragédie tant des migrants que de l’effritement et l’appauvrissement structurel des pays de départ, nonobstant ce que l’on a pu constater d’effets positifs de bien être dû à la migration.

D’où une approche théologique de la migration qui devrait être polarisée par la justice dans les sphères économiques, politiques, aussi bien dans les relations internationales qui soutiendrait les efforts de développement homogène dans les pays de départ. La personne humaine dont le caractère sacré comme image de Dieu reste intouchable.

 

II. Ce que nous dit l’Église de transit (Mgr Landel)

    1. Expérience d’accompagnement des migrants

  1. Une caractéristique majeure des migrants en zone de transit est qu’ils constituent la plus grande partie de l’Église. Par ailleurs, dans l’Église, la majorité des étudiants risquent de devenir des ‘clandestins potentiels’ ou des ‘partants plus au nord’ et de demeurer ainsi une colonie de migrants.

  2. Les défis de l’accompagnement sont considérables et requièrent des moyens énormes. L’Église n’étant acceptée que comme étrangère ne peut s’immiscer dans l’accompagnement des jeunes marocains, même si des liens d’amitié se crée.

  3. Ce phénomène migratoire ainsi observé dans les pays de transit, tel que le Maroc requiert une stratégie dans la formation du clergé, afin que son champ d’action ne soit pas uniquement celui des chrétiens mais tout homme et toute femme sans distinction de religion ou d’origine.

    2. Ces expériences inspirent de concevoir un nouvel ordre

  1. Quels choix?

  • de créer du travail

  • De promouvoir la présence de chrétien dans les lieux tels Davos ou dans les Fora sociaux.

  • De susciter des intellectuels, des entrepreneurs et des politiciens chrétiens

  • De promouvoir la justice

  1. Devenir de bon samaritain face à tout prochain sans considération de son appartenance religieuse ou raciale.

  • Cela exige que nous soyons du côté du faible, du nécessiteux

  • Rejeter clairement toute sollicitation à collaborer au plan répressif des pays d’abondance.

 

III. Ce que nous dit l’Église de Départ (Mgr P. Ouédraogo)

Les principes qui devront guider l’action pastorale auprès des migrants sont celles qui sont à la base de la doctrine sociale de l’Église et de la pastorale spécifique pour les personnes en mobilité.

  • Il existe une destination universelle des biens de la création

  • Un devoir de solidarité s’impose au niveau national, entre les zones urbaines et rurales et entre région riches et pauvres. Cependant, cette solidarité est encore un projet qu’il est difficile de mondialiser. Il reste que c’est de la mondialisation de la solidarité que viendra une bonne gestion du phénomène migratoire.

  • La dignité de la personne humaine créée à l’image de Dieu et membre de la famille humaine doit rester au centre de toutes les préoccupations et les recherches de solutions étatiques, sociales et ecclésiales.

  • Le lien entre la migration et la pauvreté ne peut être comprise dans une politique de développement intégrale. Cela nous engage à plusieurs types de pastorale.

  • Une pastorale de la responsabilité

  • Une pastorale spécifique d’accompagnement des élites de nos états

  • Une pastorale de plaidoyer

  • Une pastorale d’auto-prise en charge.

Tous ces types de pastorale ne peuvent être envisagés que dans la concertation et la communion.

 

Abidjan, le 10 mai 2007

 


 

* Du 08 au 10 mai 2007 rencontre au Secrétariat Général de la CERAO à Abidjan par la  Commission épiscopale de l’Apostolat de la Mer, des Migrants et du Tourisme (C.E.R.A.O.)

 

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