The Holy See
back up
Search
riga

 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move

N° 107 (Suppl.), August 2008

 

 

150° ANNIVERSAIRE

DES APPARITIONS DE LA VIERGE

 

 

S.E. Mgr Jacques PERRIER

Evêque de Tarbes et Lourdes

 

En 2008, Lourdes va fêter le jubilé du 150ème anniversaire des Apparitions. Mais qu'est-ce qu'un jubilé? Nous devrions le savoir puisque le Grand Jubilé de l'an 2000 n'est pas encore très éloigné. Mais rafraîchissons, quand même, nos souvenirs. 

Remontons aux temps bibliques

L'origine du jubilé est biblique. Il faut repartir d'assez loin. L'Ecriture nous dit que, le 7ème jour, Dieu se reposa de toute l'oeuvre de création qu'il avait accomplie. L'homme étant à l'image et ressemblance de Dieu, il doit, lui aussi, se reposer le 7ème jour: c'est le sabbat. Mais l'homme est aussi un terrien. La terre a donc, elle aussi, droit au repos. C'est l'origine, tous les sept ans, de l'année «sabbatique». Elle est devenue une institution pour les universitaires américaines mais, à l'origine, il s'agit d'agriculture. Pendant l'année sabbatique, il est interdit à l'homme de travailler la terre, pour que celle-ci se repose. L'homme doit cultiver la terre mais non l'exploiter au point de l'épuiser: sage vision!

Quand sept années sabbatiques se seront écoulées, donc tous les cinquante ans, sera célébrée une année «jubilaire». Le mot lui-même est dérivé de l'hébreu: le yobel est la trompe qui annonce, dans tout le pays, que l'année jubilaire commence. Le livre du Lévitique (25, 8-17) explique en quoi consiste le jubilé: cette année-là, les dettes doivent être remises; chacun doit pouvoir rentrer dans son patrimoine. C'est l'année d'un nouveau départ. On comprend pourquoi le mot de «jubilé» est associé à la joie: c'est la joie de la libération. L'institution a-t-elle réellement fonctionné? Peut-être pas mais l'utopie elle-même était remarquable. Le jubilé, c'est «l'année de grâce» annoncée par le prophète Isaïe (61,2) et advenue quand le Christ commence sa mission (Luc 4,18). 

Dans l'Eglise d'hier et d'aujourd'hui

L'Eglise catholique a repris cette tradition à partir de l'an 1300. Périodiquement, les papes ont proclamé une année sainte, un jubilé, au cours de laquelle les chrétiens pouvaient obtenir la remise de toute peine liée à leurs péchés: c'est l'indulgence qui a été si dévoyée mais qui est, en son sens profond, le signe le plus achevé de la miséricorde divine. La périodicité des années saintes fut, au début, de 50 ans comme aux temps bibliques, puis de 25 ans. Les plus anciens se rappellent l'année sainte de 1950, au cours de laquelle le pape Pie XII proclama le dogme de l'Assomption. Paul VI n'a pas failli à la tradition en 1975, dans des années pourtant très troublées pour l'Eglise catholique en Europe. Jean-Paul II a fait de l'année sainte 2000 la clé de l'interprétation de tout son pontificat, selon ses propres déclarations.

Mais, en plus des jubilés réguliers, les papes peuvent déclarer des jubilés extraordinaires. Ainsi en 1933 fut célébré le jubilé pour le 1900ème anniversaire de la Rédemption: il fut prolongé, si bien que Lourdes accueillit le cardinal Pacelli, futur pape Pie XII, pour le clore en avril 1935. L'année 1983 aura aussi été un jubilé extraordinaire, pour le 1950ème anniversaire de la Rédemption.  

1858 : année jubilaire

Or, il se trouve que les Apparitions eurent lieu durant une de ces années de jubilés extraordinaires. Dans la situation difficile que connaît le Saint-Siège au milieu du 19ème siècle, le pape Pie IX proclama trois jubilés extraordinaires: 1851, 1854 et 1858. Car, si le jubilé est une fête, c'est d'abord, principalement, une année de prière et de conversion.

Il revenait aux évêques d'organiser le jubilé dans leurs diocèses respectifs. C'est ce que fit Mgr Laurence, évêque de Tarbes depuis 1844, par un mandement daté du 20 janvier 1858. Il explique à ses curés comment il faudra procéder. Il insiste, en particulier, sur la nécessité d'une prédication intense pendant quinze jours. Pour remplir cette tâche, les curés pourront faire appel à des religieux ou à des confrères.

Arrivé à la période des Apparitions, le curé de Lourdes, l'abbé Peyramale, n'a toujours pas trouvé de prédicateur pour sa paroisse. Il en réfère à l'évêque: que faire? Nous ne connaissons pas la réponse de l'évêque. Mais nous connaissons celle de la Sainte Vierge. Le 18 février, elle demande à Bernadette, sous une forme moins autoritaire que le «mandement», de venir à la grotte de Massabielle les quinze jours qui suivent: «Voulez-vous me faire la grâce...?»

En grande partie, ce que se sont dit la Dame et Bernadette ne nous est pas connu. Bernadette a gardé jalousement ses secrets, comme la Dame le lui avait demandé. Mais nous trouvons les éléments que souhaitaient le pape et l'évêque: une catéchèse de quinze jours, la prière, la pénitence. Le curé Peyramale, avant même d'être convaincu par le nom que la Dame daignera enfin prononcer le 25 mars, reconnaissait que les confessionnaux de l'église étaient pleins et que la ferveur de la population, durant ce Carême 1958, était exceptionnelle.  

« J » comme jubilé

« J » comme joie

A ses origines bibliques, le jubilé était un temps de joie puisqu'il comportait l'annulation des dettes. Qui ne se réjouirait de voir ses dettes disparaître? Or, la misère de la famille Soubirous n'a pas disparu. Les pièges tendus à Bernadette à cet égard n'ont pas fonctionné, que ces pièges soient tendus par des gens bien intentionnés ou des gens mal intentionnés. Bernadette, un temps, a continué de vivre au cachot. Quand elle l'a quitté, ce fut pour aller dans la classe des indigentes. Toute sa vie, elle traîna cet asthme maudit qu'elle avait contracté dans son enfance misérable. Elle s'occupa de pauvres et de pauvresses. Elle soigna des soeurs aux abcès répugn ants. Elle souffrit elle-même de longs mois avant de mourir en 1879. Où est la joie?

Si nous regardons les photos de Bernadette, devenue soeur Marie Bernard, nous sommes impressionnés par le sérieux de son visage. Mais il faut savoir que Bernadette détestait les séances de pose, que la technique de l'époque supposait l'immobilité et que le 19ème siècle aimait, en toutes choses, l'austérité. Il suffit de regarder des photos de mariage ou des photos de classe des temps anciens.

D'après tous les témoins, Bernadette était de tempérament gai et répandait la joie autour d'elle, que ce soit avec les enfants ou avec les soeurs de sa communauté. Au-delà de la gaieté naturelle, elle a trouvé  la joie dans le don de sa vie, dans le service des autres et dans l'union au Christ, le Christ crucifié mais si proche dans l'Eucharistie qu'elle a tant désirée et qu'elle a tant aimée. Dans ses derniers temps, elle se disait plus heureuse sur son lit de douleur qu'une reine sur son trône. Or Bernadette n'était pas femme à inventer des phrases pieuses pour paraître exemplaire.

Lourdes, un jubilé permanent

A Nazareth, dans la synagogue, Jésus s'est appliqué à lui-même les paroles du prophète Isaïe: Dieu «l'a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, rendre la liberté aux opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur» (Luc 4, 18-19). N'est-ce pas ce qui s'accomplit chaque jour à Lourdes, dans les gestes et le sacrement de réconciliation et dans le secret des coeurs? La grâce du jubilé est presque observable, pour qui sait voir.

Quand saint Paul cherche des mots pour décrire le «fruit de l'Esprit», il place la joie en deuxième position: «Le fruit de l'esprit est charité, joie, paix, patience, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi» (Galates 5, 22-23). Peut-on rêver plus belle devise pour Lourdes?

 

top