Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People People on the MoveN° 107 (Suppl.), August 2008
Les pèlerinages comme manifestation de la solidarité interh-umaine
Prof. Dr hab. Antoni Jackowski et M.me Dr Izabela SoŁjan Institut de Géographie et dÂÂAménagement du Territoire de lÂÂUniversité Jagellonne à Cracovie, Pologne Chaire de la Géographie des Religions 1. Introduction Dans lÂÂhistoire de lÂÂhomme, des civilisations et des cultures, la religion occupe lÂÂune des premières places. Elle a toujours joué un rôle primordial  souvent, essentiel  dans la vie des communautés, des nations ou des pays. Les pérégrinations qui trouvent leur origine dans les croyances et dans la religion, accompagnent lÂÂhomme à toutes les étapes du développement des cultures et des civilisations. Ces pérégrinations ont une nature supraconfessionnelle et supratemporelle. Le pèlerinage est lÂÂun des types de pérégrination, entrepris à des fins religieuses que termine la visite dans les lieux sacrés. Autrement dit, le pèlerinage résultait toujours de la volonté des fidèles de côtoyer le sacré (sacrum). Les pèlerinages ont toujours contribué à tisser des relations de solidarité entre les hommes. Déjà à lÂÂépoque païenne, il a existé un réseau développé de lieux sacrés vers lesquels affluaient des membres de diverses tribus. Ils se trouvaient  et se trouvent toujours  sur tous les continents habités par lÂÂhomme, indépendamment de la nature et du niveau de développement dÂÂune religion. Avec le temps, des chemins permanents de pèlerinage se sont formés, suivis incessamment par les pèlerins qui se rendent dans des centres de culte ou en reviennent. On estime quÂÂà lÂÂheure actuelle, quelques centaines de millions de personnes se rendent, chaque année, dans les centres principaux de culte religieux dans le monde entier. Quand on y ajoute les migrations vers des milliers de centres à rayonnement régional et local, le nombre dépassera facilement un milliard de fidèles qui, chaque année, recherchent un contact avec le sacrum. Le motif religieux a été donc lÂÂune des premières inspirations de lÂÂhomme qui le poussait à entreprendre des pérégrinations auxquelles il nÂÂa pas été forcé par des événements de nature politique, économique ou social. Beaucoup dÂÂinformations sur les voyages à caractère religieux sont transmises par: LÂÂAncien Testament, Les Weda hindous ou par les écrits des auteurs de lÂÂAntiquité. Dans la chrétienté, les pèlerinages constituent lÂÂune des expressions publiques et communautaires de la piété. Il faut rechercher leur genèse dans ÂÂLa BibleÂÂ. La notion de pèlerinage quÂÂelle contient, possède une nature de métaphore et concerne le voyage de lÂÂhomme vers lÂÂavenir éternel ou vers Dieu. Selon certains théologiens, le pèlerinage est devenu la métaphore la plus transparente du fait de suivre le Christ : il est le chemin fait de décisions et dÂÂactes qui expriment clairement la volonté de suivre Jésus[1]. Tous les chrétiens sont appelés voyageurs qui  en tenant compte de la nature futile de ce monde  doivent se considérer comme des immigrants, sans domicile fixe, qui se trouvent continuellement en route. ÂÂLe Nouveau TestamentÂÂ, à plusieurs reprises, met en exergue ce fait, notamment dans les épîtres de Saint Paul aux Hébreux et aux Philippiens. Selon ÂÂLes Ecritures SaintesÂÂ, la vie est un voyage permanent, et les fidèles sont considérés comme ÂÂétrangers et voyageurs sur la terre (He 11, 13). Le chrétien  guidé par le Christ  se trouve incessamment en route vers sa vraie patrie, la Jérusalem céleste (He 12, 22  24). Pendant toute sa vie, il participe donc au pèlerinage religieux. Parfois, le pèlerinage a été considéré comme lÂÂune des possibilités de fuir le monde extérieur indifférent à la religion, voire hostile à la religion. Sans doute, lÂÂidentification, dans ÂÂLe Nouveau TestamentÂÂ, de la vie sur la terre à une pérégrination incessante a été lÂÂune des impulsions fondamentales contribuant au développement de la démarche pèlerine dans la chrétienté. Cette forme de piété était comprise comme une réalisation partielle de ce voyage vers «la patrie céleste», effectué sur la terre. Le pèlerinage est devenu donc un phénomène religieux mais, aussi, social et culturel. La conscience que le pèlerinage était un voyage extraordinaire, a engendré une sous-culture particulière, propre aux pérégrinations. Le motif religieux y a été très fort; il déterminait le comportement des pèlerins. Pendant le pèlerinage, tous sont égaux; chaque pèlerin est pour lÂÂautre participant ÂÂfrère ou ÂÂsÂÂurÂÂ, ce qui crée une ambiance familiale, qui se caractérise par un fort sentiment de solidarité réciproque. Celui qui est plus fort aide un plus faible, tous sÂÂoccupent des malades et des handicapés ; la nourriture est répartie équitablement entre tous les pèlerins. Au cours du voyage, un pèlerin, aliéné au début, sÂÂintègre rapidement au groupe, perd le sentiment dÂÂêtre étranger, et devient lentement un membre actif de la communauté. Tout le monde commence à être conscient du fait que le pèlerinage est une grande prière commune qui mène, souvent, à un renouveau radical de la vie de ceux qui y prennent part. La participation au pèlerinage donne le sentiment dÂÂune force intérieure venant de la conscience que lÂÂhomme nÂÂest pas seul, quÂÂil est membre dÂÂune communauté plus grande, qui partage ses idées et opinions et qui comprend de la manière similaire la vérité de la foi confessée. En même temps, le pèlerinage permet toujours aux pèlerins de garder leur identité et leur individualité, ce qui trouve la confirmation, entre autres, dans les témoignages dÂÂhommes de lettres qui avaient pris part aux pérégrinations de ce genre. Notamment, les pèlerinages à pied faisaient toujours naître, chez les pèlerins, un sentiment particulier de communauté. Les relations de ce genre ont toujours une nature interne, englobant le groupe même et une nature externe, liée au chemin parcouru. Les pèlerins voyageant, parfois, même une vingtaine de jours, rencontrent des habitants de différentes régions, représentant différents métiers, habitant des villes et des villages. Il se tisse entre eux un fil invisible de paix et naît le sentiment dÂÂune communauté particulière et de solidarité  aussi bien religieuse que sociale et nationale. On observe un sentiment de solidarité similaire lors des pèlerinages des personnes malades et handicapées (par ex. à Lourdes). Les pèlerinages favorisaient le développement de ses intérêts, permettaient de connaître un autre milieu, dÂÂautres mÂÂurs, dÂÂautres régions et localités. Des exemples positifs ont été, ensuite, transposés dans les paroisses. Les considérations qui précèdent démontrent que le motif religieux du voyage entrepris devrait contribuer à créer des liens entre les hommes et faire naître un sentiment de fraternité et de solidarité réciproque. Disposons-nous, pour le prouver, de preuves convaincantes? Nous tâcherons de le démontrer en présentant quelques exemples. 2. Pèlerinages et solidarité interhumaine Les sciences sociales définissent la solidarité comme ÂÂsoutien mutuel, coopération, coresponsabilité, partage des aspirations dÂÂautrui, des objectifs à réaliser, du comportementÂÂ. La solidarité peut avoir différentes dimensions, par ex. politique, économique, sociale, nationale, professionnelle ou, enfin, religieuse. On observe une solidarité des catholiques lors des croisades, animés par une aspiration universelle, celle de libérer le Sépulcre du Christ des mains des infidèles. Dans la littérature, les croisades sont souvent appelées les ÂÂpèlerinages guerriers ou les ÂÂpèlerinages de chevaliersÂÂ, et les motifs qui se trouvaient à leurs origines, étaient dÂÂune nature aussi bien religieuse que politique. Dans les années 80 du XXe siècle, nous avons eu affaire à une autre solidarité, qui nÂÂa aucunement été liée aux pèlerinages. En Pologne, est né un grand mouvement social portant un nom fortement symbolique ÂÂSolidarność (Solidarité), qui, avec le temps, a entraîné une chute du communisme en Europe. Dans ces événements, à côté du motif politique, lÂÂélément national a revêtu une importance essentielle, mais, dans le fond, se trouvait aussi un motif religieux. Nous mentionnons ces événements pour démontrer quelle richesse de contenus, à lÂÂéchelle globale, peut cacher la notion de ÂÂsolidaritéÂÂ. Mais, la même chose peut être décelée à lÂÂoccasion dÂÂévénements qui se produisent dans un pays, une région, une paroisse ou une petite localité. Des relations similaires peuvent être observées dans le cas dÂÂun pèlerinage qui constitue, en quelque sorte, ÂÂun microcosme de la situation dans le pays ou dans la région. Cette situation nÂÂest pas toujours homogène parce que différents motifs sont susceptibles de se trouver à lÂÂorigine des actions de lÂÂhomme. Si lÂÂon part de lÂÂhypothèse que des éléments dÂÂorigine religieuse forment le motif principal qui poussent les hommes à entreprendre un pèlerinage, le phénomène de pèlerinage est une résultante des conditions historiques, politiques, sociales, économiques, culturelles, éducatives etc. En suivant lÂÂhistoire des pèlerinages dans différentes régions du monde quant aux motivations, on observe une certaine régularité. Ainsi, quand la situation est plus ou moins ÂÂnormale les motifs religieux dominent et ceux historiques, culturels ou éducatifs viennent en second lieu. La situation est beaucoup plus complexe dans les cas extrêmes, quand ce sont les motifs politiques qui décident des conditions de lÂÂexistence de lÂÂhomme. Alors, le pèlerinage est susceptible dÂÂêtre une forme de révolte contre le régime et la motivation religieuse nÂÂa plus dÂÂimportance déterminante ; ainsi apparaissent des motifs politiques, historiques ou nationaux (patriotiques), qui contribuent à renforcer un sentiment de solidarité entre les membres de la communauté. Cette solidarité constitue une forme de démonstration de la force vis-à-vis de lÂÂennemi et, en même temps, donne un sentiment de lien très fort avec un groupe confessionnel ou social déterminé ou avec la nation. Ainsi donc le phénomène de solidarité dans les pèlerinages sÂÂest-il particulièrement accentué à lÂÂépoque de menaces ou dÂÂoccupation. Nous tâcherons dÂÂillustrer cette question en nous servant de lÂÂexemple de la Pologne. En effet, la Pologne, à lÂÂéchelle mondiale, possède une place importante et joue un rôle primordial dans les pèlerinages. Malgré une histoire très compliquée et des périodes où les relations politiques rendaient difficiles un développement de formes massives de manifestation de piété  lÂÂhabitude de partir en pèlerinage a survécu. La Pologne compte parmi les pays très peu nombreux dans le monde où une grande activité en matière de pèlerinage persiste incessamment depuis le début de lÂÂEtat. Dans des moments difficiles de lÂÂhistoire, les pèlerinages constituaient un élément essentiel contribuant à former lÂÂidentité nationale des Polonais. Des pèlerinages à pied à Jasna Góra sont devenus un phénomène religieux, social et culturel à lÂÂéchelle mondiale, notamment dans le monde chrétien. 3. Exemple de la Pologne. Essayons de procéder à une typologie des éléments influant sur le sentiment de solidarité lors des pèlerinages en Pologne. En analysant une longue et riche histoire des pérégrinations religieuses sur les terres polonaises, on peut considérer les pèlerinages comme un élément favorisant: - une solidarité de nature religieuse (confessionnelle), - une solidarité politique (nationale), - une solidarité nationale et de la Nation, - une solidarité sociale et culturelle. Le rayonnement des éléments susmentionnés peut avoir une étendue spatiale différenciée: de lÂÂéchelle locale et régionale jusquÂÂà une échelle nationale et internationale. Dans notre étude, nous ne présenterons que les trois premiers aspects. De la manière la plus universelle, les pèlerinages exercent leur influence comme facteur de solidarité religieuse (confessionnelle). Cela se manifeste, avant tout, par lÂÂintégration des communautés confessionnelles déterminées. Les pèlerinages ont joué un rôle essentiel dans lÂÂintégration des fidèles chrétiens (il sÂÂagit, notamment, des fidèles de lÂÂEglise catholique romane et de ceux des Eglises de rite oriental), mais, aussi, ils ont intégré les membres des communautés juives et musulmanes. Puisque la Pologne, pendant des siècles, était un pays multinational et multiconfessionnel, au fil de lÂÂhistoire, sÂÂest créé un ÂÂpaysage sacral particulier, formé dÂÂune mosaïque dÂÂéglises catholiques, dÂÂéglises orthodoxes et dÂÂéglises «uniates», dÂÂéglises protestantes, de synagogues et de mosquées. La coexistence des fidèles de différentes confessions a été la résultante de la tolérance religieuse dans lÂÂancienne Pologne. Nombreux ont été, sur les terres polonaises, des pèlerinages qui, depuis longtemps, présentaient un caractère ÂÂcuménique. A titre dÂÂexemple, citons un centre de culte catholique où venaient, en pèlerinage, des fidèles orthodoxes et des uniates (par ex. Kalwaria Pacławska); un centre orthodoxe visité par les catholiques et les Greco-catholiques (par ex. Potchaïov). A lÂÂheure actuelle, des représentants des jeunes orthodoxes participent aux pèlerinages à pied à Jasna Góra, et des jeunes catholiques, dans les pèlerinages à pied à Grabarka, le centre principal de la religion orthodoxe en Pologne. En parlant des pèlerinages polonais, il ne faut pas oublier le rôle primordial que ces pérégrinations ont joué dans la formation de lÂÂEtat polonais. Probablement, encore à lÂÂépoque précédant les temps du christianisme, les pérégrinations dans les lieux sacrés constituaient un élément contribuant à lÂÂintégration de la communauté tribale, et à lÂÂintégration des différentes tribus habitant une région. Avec une concentration croissante de populations, ont été instaurés des lieux de culte. Ces lieux avaient un caractère supratribal et constituaient des lieux de refuge. Les guerres locales se déroulaient toujours à côté. Après le baptême de la Pologne (966), les premiers pèlerinages ont eu lieu une trentaine dÂÂannées plus tard. Les origines remontent au martyre de Saint Adalbert et le pèlerinage dÂÂOthon III en 1000 à son sépulcre à Gniezno, la première capitale de lÂÂEtat polonais. La mort par le martyre de St Adalbert, sa canonisation (999), le fait de posséder les reliques de Saint Adalbert et ÂÂle Synode de Gniezno en 1000, ont relevé le rang aussi bien de la Pologne que de Gniezno dans lÂÂEurope chrétienne de lÂÂépoque. En même temps, les reliques de Saint Adalbert ont été lÂÂun des éléments principaux qui ont décidé, plus tard, du statut de royaume accordé à la Pologne, ce qui a renforcé considérablement son prestige sur la scène internationale. La translocation du culte de St Adalbert en dehors des frontières de la Pologne a renforcé les liens aussi bien spirituels que politiques entre la Pologne et le monde chrétien. Le synode de Gniezno a été un pèlerinage et, en même temps, une assemblée politique et un synode de lÂÂEglise. Il a attiré tout élite du monde occidental qui a désormais trouvé, à lÂÂEst, un nouveau point dÂÂancrage pour la chrétienté occidentale et en a repoussé les frontières à lÂÂest. St Adalbert a été reconnu le premier patron de la Pologne et son sépulcre est devenu un lieu de rencontre entre la Pologne et lÂÂEurope chrétienne, un lieu dÂÂintégration entre les Polonais et les habitants dÂÂautres pays européens, notamment slaves. Ainsi, depuis les origines, le culte de St Adalbert avait un caractère religieux, avec de nets accents politiques. A son sépulcre, des rois et empereurs effectuaient des pèlerinages et, jusquÂÂau XIIIe s. sÂÂy sont déroulées les cérémonies de couronnement des rois successifs. Gniezno était le principal centre de pèlerinages de cette époque, où convergeaient des chemins venant de tous les coins des terres polonaises. Ils ont joué un rôle essentiel dans la formation du sentiment dÂÂidentité nationale des habitants de nos terres. Dans ce courant se place aussi Cracovie qui a été, depuis l'1000, le siège de lÂÂévêché et, depuis 1038, la résidence principale des monarques polonais et la capitale de la Pologne. Cracovie a été, en même temps, lÂÂun des centres les plus importants de culte religieux. Cette fonction religieuse est restée liée, notamment, au culte de St Stanislas  évêque et martyre et à celui de Ste Hedwige, épouse du roi Ladislas Jagiełło. Du point de vue de la formation de la conscience nationale, le culte de St Stanislas a eu, sans doute, une importance capitale; St Stanislas est mort par martyre, assassiné à Cracovie, à Skałka, par le roi Boleslas II le Hardi en 1079. Il a été reconnu le patron principal de la Pologne et de Cracovie, et son culte a commencé à se propager, notamment, depuis le XIIe s. Il a été canonisé par le pape Innocent IV (1253). JusquÂÂà ce jour se déroulent, à Cracovie, de solennelles manifestations religieuses à la gloire de ce Saint. Depuis la canonisation de St Stanislas, Cracovie est devenu, pour de longs siècles, le centre de culte religieux le plus important à lÂÂéchelle nationale. La tradition de pèlerinages à pied, faits par les rois polonais qui se rendaient à Skałka de leur château sur la Colline du Wawel, la vieille de la cérémonie du couronnement, remontent, probablement au XIVe s. A côté de lÂÂaspect essentiellement religieux, la procession a aussi été un événement revêtant un rang national, voire international. Plus tard, après le transfert de la capitale à Varsovie (1611), Cracovie a demeuré la capitale spirituelle de la Pologne et le centre de la polonité. Et, enfin, encore un autre exemple pour illustrer la question qui nous intéresse  celui du lien entre le culte religieux et le culte national. Il sÂÂagit des fameux vÂÂux prononcés par le roi Jean Casimir en 1656 à Lvov, par lesquels, après la dépense miraculeuse de Jasna Gora contre les Suédois (1655), il a proclamé la Sainte Vierge Reine de la Pologne. On considère que depuis les vÂÂux de Jean Casimir à Lvov, le culte de la Vierge, toujours très répandu en Pologne, a pris le caractère dÂÂun culte à lÂÂéchelle nationale et de lÂÂEtat. Il sÂÂest accentué, notamment, pendant les partages de la Pologne et, aussi, sous le régime communiste. Les centres de culte religieux, et, notamment de culte marial, ont toujours joué une fonction dÂÂintégration très importante; ils intégraient les polonais venant de différents coins du pays et ayant un statut socio-professionnel très divers. Cela sÂÂest laissé observer, notamment, pendant de nombreux pèlerinages, qui ont joué un rôle essentiel dans lÂÂintégration nationale des Polonais. Déjà aux XVIe et XVIIe s. ont commencé à se pérenniser des traditions de pèlerinages permanents, à caractère local et régional, qui ont persisté jusquÂÂà nos jours. Des pèlerinages en groupes et ceux individuels, à petite et à longue distance, sont devenus une coutume généralisée et universelle, commune à toutes les couches sociales, une coutume des rois et celle des serfs. Depuis les vÂÂux de Lvov, faits par le roi Jean Casimir, personne nÂÂa plus osé interdire aux serfs de participer aux pèlerinages. Les pèlerinages et les sanctuaires ont joué un rôle particulier dans lÂÂintégration national et celle de lÂÂEtat et ont contribué à renforcer la solidarité des polonais durant les partages de la Pologne (1772-1918). Rappelons que les pays occupants, et, notamment, la Prusse et la Russie, et, au début aussi lÂÂAutriche, ont cherché à anéantir tout ce qui restait lié à la Pologne et à la polonité. Ceci concernait, aussi, la vie religieuse. Les autorités des pays occupants ont, entre autres, rendu difficile ou, tout simplement, empêché lÂÂorganisation des pèlerinages et les pèlerinages eux-mêmes. Malgré ces difficultés, ou plutôt, grâce à celles-ci, les sanctuaires polonais et, notamment ceux qui attiraient des pèlerinages, ont commencé à exercer une extraordinaire force dÂÂattraction. A lÂÂencontre de la politique souvent très répressive, lÂÂEglise a commencé à jouer le rôle dÂÂun maillon unifiant la Nation. Il sÂÂest produit une jonction, inconnue dans dÂÂautres pays européens, entre la conscience religieuse et la conscience nationale. La vie religieuse polonaise de cette époque se caractérisait par un phénomène bien spécifique, celui des pratiques religieuses de masse, y compris des pèlerinages. Ceux-ci, à côté des contenus religieux, véhiculaient aussi des contenus patriotiques et, souvent, ont constitué une sorte de manifestation contre les pays occupants. Les sanctuaires de pèlerinage ont aussi commencé à jouer un rôle essentiel en tant que lieux de liens sociaux et symbole de la liberté. A travers les rencontres entre les polonais, venant des différents coins se trouvant sous lÂÂoccupation de trois pays occupants, ces hauts lieux de pèlerinage ont joué un grand rôle dans le processus dÂÂintégration nationale. Dans un lieu saint, il a été possible de se réjouir de la liberté de lÂÂesprit ; dans ce lieu, personne ne sÂÂest senti gêné, il sÂÂy déroulait une grande fête, une grande manifestation de liberté à laquelle participaient des polonais venus de toutes les terres occupées. Une telle fête de liberté était un événement inconnu dans les autres pays. Déjà après lÂÂInsurrection de Novembre (1830-1831), les coutumes religieuses et patriotiques ont pérennisé la conviction que la foi est un élément de la liberté et quÂÂelle constitue une partie intégrante de la tradition chrétienne de la Pologne. La religion a toujours constitué lÂÂun des éléments fondamentaux de la lutte des Polonais pour lÂÂindépendance. Certains pèlerinages ont été organisés vers les grands lieux de lÂÂhistoire de la Pologne (par ex.: à Gniezno, Cracovie, Varsovie, Vilnius). Ces mouvements ont été appelés «pèlerinages nationaux». Chacun des sanctuaires existant contribuait à renforcer aussi bien les liens religieux que les liens locaux, régionaux et nationaux. Les pèlerinages sont devenus lÂÂespace de solidarité nationale, ayant un fort caractère patriotique. Par exemple, de nombreux pèlerinages se rendant de Silésie vers les sanctuaires mariaux étaient le moyen de sauvegarder la polonité et la foi pendant la période du Kulturkampf. La plupart de ces sanctuaires étaient des centres dÂÂéducation et de culture (au sens le plus large de ces termes), qui propageaient parmi la population locale et les pèlerins la langue et la culture polonaises (par ex.: Jasna Góra, Góra Świętej Anny, Piekary Śląskie, Gietrzwałd, Święta Lipka, Wejherowo et beaucoup dÂÂautres). A ces fins servaient, édités spécialement, des livres de cantiques, livres de prières ou de livres dÂÂhistoire de vulgarisation. Góra Świętej Anny, considérée comme une forteresse de la polonité, a été traitée comme lÂÂéquivalent, en Silésie, du Wawel de Cracovie. LÂÂexemple de la Varmia, où vers les sanctuaires mariaux catholiques se dirigeaient, ensemble, des catholiques et des protestants, pour souligner lÂÂappartenance commune à une nation polonaise, témoigne le mieux du rôle de ces hauts lieux de pèlerinage dans la sauvegarde et la protection de la polonité. Dans cette région, le rôle tout particulier dans la propagation et la sauvegarde de lÂÂesprit polonais national incombait, notamment, à Gietrzwałd (ancien nom Dietrichswalde). Les apparitions de la Vierge Marie (du 27 juin au 16 septembre 1877, reconnaissance officielle par lÂÂEglise en 1977) possédait, en lÂÂoccurrence, une importance capitale. La Sainte Vierge est apparue aux simples et pauvres enfants tandis que lÂÂécho et le rayonnement de ces apparitions a englobé presque lÂÂEurope entière. Les Polonais se sont sentis renforcés spirituellement par les apparitions de la Sainte Vierge à Gietrzwałd. La Sainte Vierge sÂÂadresse à eux non pas en allemand mais en polonais, cette langue pourtant proscrite et interdite par les Prussiens. Elle console et réconforte les Polonais sous le joug de lÂÂatroce politique de Kulturkampf. On dit que, grâce aux apparitions de la Vierge Marie, Gietrzwałd a entraîné le réveil national des Polonais de la Varmia. A côté des catholiques, commencent aussi à prendre la route de Gietrzwałd les protestants, notamment de Mazurie. Certaines revues allemandes écrivaient que la participation des protestants aux pèlerinages se rendant à Gietrzwałd avait un caractère massif. On considère souvent quÂÂà Gietrzwałd se sont manifestés les traits les plus caractéristiques de la religiosité polonaise: le culte marial, le caractère massif, la solidarité et la jonction entre la conscience religieuse et la conscience nationale. Les motifs similaires faisaient prendre les chemins aux catholiques et aux uniates polonais, marchant ensemble vers Leśna Podlaska, Chełm ou Żyrowice. Sur les terres polonaises occupées par la Russie, les fidèles faisaient parfois des pèlerinages vers les lieux sacrés même quand le sanctuaire a été fermé ou rendu à lÂÂEglise orthodoxe russe. Même des sanctions très fortes, y compris des déportations en Sibérie, nÂÂarrivaient pas à décourager les fidèles de la visite «dans la maison fermée du Seigneur Dieu». Le sentiment de solidarité nationale a été plus fort que la menace de graves persécutions. Les pèlerinages sont devenus, pendant une certaine période, une entreprise pour le moins périlleuse. Les occupants empêchaient, souvent, lÂÂorganisation des pèlerinages officiels dans les sanctuaires les plus connus. En réponse à ces interdictions, les polonais organisaient fréquemment des pèlerinages nocturnes (par ex. à Góra Świętej Anny, à Gietrzwałd ou à Święta Lipka) ou faisaient des pèlerinages de ÂÂremplacement dans dÂÂautres sanctuaires. Les plus fortes répressions frappaient les pèlerinages qui se rendaient à Jasna Góra. Dans différentes époques, les autorités du pays occupant publiaient des arrêtés limitant les pèlerinages exclusivement aux terres occupées par ledit pays. A lÂÂépoque du Kulturkampf, le gouvernement de la Prusse nÂÂhésitait pas à persécuter les pèlerins se rendant à Jasna Góra. Aux persécutions nÂÂéchappaient pas, non plus, les pèlerins se dirigeant vers dÂÂautres sanctuaires, même ceux, situés sur les terres occupées par la Prusse. Des dispositions plus contraignantes de lÂÂoccupant russe, prises après lÂÂInsurrection de Janvier de 1863, nÂÂautorisaient le passage de la frontière que sur la production dÂÂun passeport en cours de validité et les pèlerinages à Jasna Góra, requéraient, de plus, une autorisation spéciale de lÂÂadministration civile. La situation a partiellement changé seulement après la publication de «lÂÂoukaz de tolérance» de 1905. Il a permis une certaine activation du mouvement pèlerin des terres de la Russie. Sur les terres occupées par lÂÂAutriche, les migrations religieuses nÂÂont pas été possibles quÂÂà lÂÂépoque de lÂÂautonomie politique de la Galicie, cÂÂest-à-dire depuis la fin des années soixante du XIXe s. A cette époque seulement, sous lÂÂoccupation autrichienne, la situation a été la plus favorable  par rapport aux terres occupées par la Russie et la Prusse  au développement des activités de lÂÂEglise dÂÂune grande envergure, y compris en matière dÂÂactivation des migrations de pèlerinage. Cette situation aussi a fait que presque tous les couronnements des icônes de la Vierge Marie sur les terres polonaises à la fin du XIXe et au début du XXe s. ont eu lieu dans les sanctuaires se trouvant sur les terres occupées par lÂÂAutriche. Le rôle essentiel dans lÂÂintégration de la nation par le développement de la solidarité entre les Polonais incombe à Jasna Góra, qui, depuis le XIVe s. est le principal centre de culte marial en Pologne. Y venaient avec pèlerinage des monarques et un simple peuple. Aux XIV/XVe s. la Sainte Vierge de Częstochowa commence à être dotée de son titre de Reine de la Pologne et de Patronne de la Nation. Au XVIIe s. commencent aussi à se former les chemins de pèlerinage. Depuis 1711 jusquÂÂà nos jours a lieu, chaque année, le Pèlerinage de Varsovie. Le centre de Jasna Gora a joué un rôle absolument particulier à lÂÂépoque des partages de la Pologne en contribuant, dÂÂune manière éminente, à renforcer les liens nationaux entre les Polonais. Seulement une solidarité réciproque entre les Polonais créait une chance de survivre aux temps extrêmement durs. A cette époque, lÂÂicône de la Vierge de Czestochowa était considérée comme le deuxième emblème de la Pologne. CÂÂest justement à Jasna Góra que la conscience nationale se liait étroitement à la conscience religieuse. Le culte de la Madonne de Częstochowa, identifiée à la Reine de la Pologne, a été celui quÂÂappréhendaient le plus les autorités des pays occupants. Elles étaient conscientes que sans le déracinement de celui-ci ou, au moins, sans sa limitation, toutes tentatives de priver les Polonais dÂÂidentité nationale étaient infructueuses et vouées à lÂÂéchec. Pour cette raison, elles ont toujours cherché à supprimer les pèlerinages à Jasna Gora ou, en tout cas, à en restreindre, au maximum, lÂÂenvergure. Les autorités tsaristes appelaient expressis verbis la Vierge de Częstochowa ÂÂla principale révolutionnaire du Royaume de Pologne. A la tête des pèlerinages, les pèlerins portaient des étendards arborant lÂÂaigle blanc, emblème de la Pologne et dÂÂautres éléments nationaux et chantaient des chants patriotiques. Les historiens sont absolument dÂÂaccord sur le fait que ces pèlerinages jouaient un rôle irremplaçable dans lÂÂéveil et la formation de la conscience nationale chez les ouvriers et les habitants de villes ayant le statut le plus bas, le plus souvent analphabètes, soumis à la pression de la russification ou de la germanisation. Au XIXe s. Jasna Góra est devenue pour tous les Polonais le symbole de lÂÂidentité et de lÂÂunité nationale. La dimension patriotique de ce lieu a été, aussi, mise en exergue par des pèlerinages effectués par dÂÂéminents auteurs et artistes, très importants pour la culture nationale. Ainsi lÂÂa résumé Henryk Sienkiewicz quand il a écrit, en 1903: ÂÂà Częstochowa, à Jasna Góra bat le cÂÂur immortel du peuple polonaisÂÂ. Pendant la période où la Pologne a perdu son indépendance, Jasna Góra est devenue la deuxième  après Cracovie  capitale spirituelle de la Pologne. Un ÂÂaspect national similaire était à lÂÂorigine des pèlerinages, qui prenaient de plus en plus dÂÂampleur, et qui se rendaient à Ostra Brama à Vilnius, à Gietrzwałd, à Góra Świętej Anny, Piekary Śląskie ou à Kalwaria Zebrzydowska. Les cérémonies accompagnant les couronnements des icônes miraculeuses de la Sainte Vierge sont devenues de grandes manifestations religieuses et patriotiques. Un rôle similaire à celui joué par les pèlerinages pendant lÂÂépoque des partages de la Pologne incombait aux pèlerinages à lÂÂépoque communiste. Les pèlerinages de la fin des années 70 et 80 du XXe s. étaient un facteur important de renforcement non seulement des liens locaux ou régionaux, mais, avant tout, ils créaient lÂÂun des éléments essentiels de la solidarité nationale des Polonais. Les pèlerinages à pied, notamment ceux qui se dirigeaient vers les sanctuaires mariaux, ont joué, dans ce domaine un rôle primordial. La participation au pèlerinage, notamment celui qui se rendait à Jasna Góra, était une forme de protestation contre le régime en place et contre lÂÂétat de siège, instauré en 1981 et les répressions politiques qui en découlaient. Les pèlerinages au sanctuaire de Jasna Góra, notamment ceux à pied, sont devenus un symbole dÂÂidentification de lÂÂEglise à la Nation. Le caractère similaire a été propre aux visites pieuses du tombeau du Père Jerzy Popiełuszko, assassiné en 1984 par la police secrète communiste. Pendant la période 1984-1994, au tombeau du Père Jerzy se sont rendus, au total, 12 millions de pèlerins. Les visites, sur le tombeau du Père Jerzy, des chefs de gouvernement et des hommes politiques des pays ÂÂdu monde libreÂÂ, venus avec des visites officielles en Pologne communiste, ont été une forte démonstration. Une signification toute particulière a revêtu la visite du tombeau du prêtre martyre par Jean Paul II lors de son pèlerinage en Pologne en 1987. On ne saurait pas omettre ici lÂÂaspect patriotique qui accompagnait toujours les pèlerinages de Jean Paul II en Pologne et qui était présent dans son message et son enseignement durant de nombreuses rencontres et messes. Caractère massif des pèlerinages à pied à Jasna Góra (environ 200 mille personnes par an) font quÂÂils comptent parmi les mouvements migratoires les plus importants aussi bien en Pologne quÂÂen Europe. Mentionnons aussi le fait que les pèlerinages à pied sont devenus un immense facteur, bien quÂÂil soit informel, de solidarité sociale, nationale, européenne, culturelle, générationnelle ou supra générationnelle. La plupart des grands pèlerinages sont dÂÂenvergure européenne. Selon nous, sur cette envergure ÂÂeuropéenne des pèlerinages de Jasna Góra a eu lÂÂinfluence un important pèlerinage (bien que le nombre de pèlerins y participants soit restreint) de Jasna Góra à Fatima, et, aussi, des voyages pieux, riches déjà dÂÂune tradition de vingtaine dÂÂannée, des Slovaques et des Tchèques à Częstochowa. Dans le premier cas, nous pensons à un modeste pèlerinage dÂÂun groupe de quelques personnes - étudiants et chercheurs de lÂÂUniversité Catholique de Lublin - qui, le 13 mai 1987 est parti du sanctuaire de Jasna Góra pour venir le 13 octobre de la même année à Fatima. LÂÂitinéraire a été long, au total, de 3800 km et est passé par les hauts lieux de pèlerinage en Europe. Dans les pays respectifs, les pèlerins polonais étaient accompagnés de nombreux groupes nationaux (notamment de jeunes) qui les accompagnaient dÂÂune frontière à lÂÂautre. Dans les pays de lÂÂEurope Occidentale ce fait a eu, avant tout, une dimension religieuse et de solidarité, tandis que dans les pays se trouvant dans le giron communiste (RDA, Tchécoslovaquie) aussi une dimension politique. A notre avis, ce pèlerinage a été lÂÂun des éléments dans le processus de décommunisation de lÂÂEurope. Depuis des siècles, Jasna Góra a été un maillon très important dans le processus dÂÂinfluences réciproques entre deux courants principaux de la chrétienté  la chrétienté occidentale (le catholicisme) et orientale (Greco-catholiques, orthodoxes). LÂÂemplacement géographique de Jasna Góra pourrait être qualifié dÂÂÂÂcuménique. LÂÂemplacement central et lÂÂaccessibilité du sanctuaire lui permettent de jouer le rôle particulier dÂÂun centre rayonnant dans toutes les directions géographiques et, plus particulièrement, à lÂÂest et à lÂÂouest de lÂÂEurope  chrétienne par ses racines. Il ne faut pas oublier, non plus, une dimension européenne de développement de pèlerinages à Jasna Góra  ce centre qui joue un rôle capital dans le système dÂÂitinéraires culturels dÂÂEurope, notamment de lÂÂitinéraire monastique et marial. Adam Mickiewicz, dans lÂÂune de ses conférences sur la littérature slave, données à Paris en 1842, parlait de Jasna Góra comme du centre de solidarité des Slaves. Des voix similaires sÂÂélèvent aujourdÂÂhui; mentionnons la proposition de proclamer le 13 août comme jour de pèlerinage à Jasna Góra des peuples slaves et frères. Dans son discours aux jeunes du monde entier, pendant la rencontre à Jasna Góra en 1991, Jean Paul II, en parlant du rôle du sanctuaire de Jasna Góra a souligné quÂÂil ÂÂsÂÂétait profondément inscrit dans lÂÂhistoire dÂÂune nation mais quÂÂen même temps, il sÂÂouvrait largement vers tous les peuples et toutes les nations de lÂÂEurope et du monde entier ÂÂ. 4. Conclusions Des phénomènes et des processus semblables  bien quÂÂils soient dÂÂune moindre envergure  ont été observés dans dÂÂautres pays souffrant sous le joug communiste. Parmi des exemples connus, rappelons la Colline des Croix à Chavla (ÂÂiauliaĩ) en Lituanie. Ce centre extraordinaire de culte religieux a été créé après lÂÂInsurrection de Novembre 1831 pour commémorer les morts. Les pèlerins y apportaient comme ex voto des croix, quÂÂils dressaient sur la colline. Très rapidement le nombre de croix sÂÂest élevé à plusieurs milliers. Après la deuxième guerre mondiale, les communistes ont décidé de détruire la Colline. Le premier assaut a été donné en avril 1961, mais les fidèles nÂÂont pas tardé à reconstruire le sanctuaire. En avril 1973, les autorités communistes ont, de nouveau, détruit la Colline reconstruite. Cependant, déjà en mai de la même année, les pèlerins venus la nuit, y ont dressé une nouvelle croix. Une nouvelle fois la Colline a été dévastée en 1974, et, cette fois aussi, les fidèles ont commencé sa reconstruction. Les actes dÂÂagression de la part des communistes ont créé, chez les Lituaniens, de très forts liens de solidarité. Sur la Colline ont commencé à se dresser des croix orthodoxes. Dans la défense de la foi et du lieu de culte du Christ sÂÂunifiaient les chrétiens, aussi bien des fidèles de lÂÂEglise catholique romaine que ceux des Eglises de rite oriental. Après la 2e guerre mondiale, on observe lÂÂapparition de nouveaux centres mariaux de pèlerinage, même dans des pays dÂÂoutre-mer où, en principe, la tradition de pèlerinage nÂÂexistait pas. Ceci reste, avant tout, lié à la translocation du culte de la Sainte Vierge de Lourdes et de Fatima, et, à une moindre échelle, de la Vierge Noire de Częstochowa. Dans ce dernier cas, de la création dÂÂun sanctuaire décidaient aussi bien des aspects religieux que la volonté des Polonais, dispersés dans le monde entier, de manifester une solidarité avec leurs nationaux restés dans le pays. Ainsi donc, par ex. en Pennsylvanie (USA) a été créé le centre à Doylestown (appelé ÂÂCzęstochowa américaineÂÂ), et, en Australie, le centre de Berrima  Penrose Park. Aux pèlerinages (aussi aux pèlerinages à pied) se rendant à ces sanctuaires, participent des habitants dÂÂorigine polonaise, ceux dÂÂorigine dÂÂautres pays slaves et aussi la population locale. Entre les pèlerins sÂÂest créée une solidarité spécifique dont résulte une tolérance et une bienveillance réciproque. Nombreux sont ceux qui, ensuite, entreprennent un pèlerinage en Europe et en Pologne. Et voilà encore un exemple de lÂÂinfluence des sanctuaires et des pèlerinages sur la solidarité interhumaine. De plus en plus fréquemment, dans des centres de culte religieux, sont construites des chapelles dédiées à un groupe national ou confessionnel. Ce processus remonte à la charnière des XIX/XXe s., mais il a pris de lÂÂampleur après la 2e guerre mondiale. Parmi les chapelles les plus connues, il y a lieu de mentionner la chapelle hongroise à Mariazell, où, pendant de longues années, se trouvait le tombeau de Joseph Midszenty, primat de Hongrie, mort en exil. Ces derniers temps, une action similaire a été entreprise au Sanctuaire de la Miséricorde Divine de Łagiewniki à Cracovie. Depuis la dernière visite, en 2002, de Jean Paul II, qui a proclamé Łagiewniki le centre mondial de culte de la Miséricorde Divine, trois chapelles y ont été érigées: hongroise, ukrainienne (chapelle de rites orientaux chrétiens) et italienne ; on envisage aussi dÂÂériger des chapelles slovaque et allemande. Elles sont le témoignage de liens entre les fidèles de différents pays ou de confessions avec le lieu de culte du Christ Miséricordieux. Nous espérons que nos considérations ont permis de présenter la démarche pèlerine comme phénomène qui influe très fortement sur le renforcement des liens de solidarité réciproque. Cette solidarité surmonte souvent les clivages sociaux, politiques et même religieux. Elle naît au moment où le pèlerinage prend la route, elle sÂÂintensifie en route et atteint son apogée quand les pèlerins arrivent au lieu saint - sacrum. Son rayonnement spatial est très divers. Dans le cas des sanctuaires dÂÂenvergure locale ou régionale, elle touche notamment les communautés habitant la région la plus proche. Quant aux centres dÂÂenvergure internationale, la solidarité humaine peut atteindre une dimension globale (mondiale)  par ex.: Lourdes, Fatima, Santiago de Compostela, Łagiewniki, Jasna Góra ou une dimension continental: européenne  par ex. San Giovanni Rotondo ou américaine  par ex. Guadalupe. Les pèlerinages sont devenus un grand espace de solidarité interhumaine. Et cÂÂest bien que cette question soit le sujet de nos débats. [1] B. Proietti, Sequela Christi [dans:] Dizionario degli Instituti di Perfezione,1988, T. VIII, p. 1287.
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