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 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move - N° 83, September 2000

 

Les migrants comme pèlerins[*] 

S.E. Mons. Charles A. SCHLECK

“Tu garderas les commandements du Seigneur ton Dieu en suivant ses chemins et en le craignant...
Tu mangeras à satiété et tu béniras le Seigneur ton Dieu pour le bon pays qu'il tÂ’aura donné”(Dt 8,6, 1 0).

Mes chers Frères et Soeurs,

Ces paroles extraites de la première lecture de notre catéchèse pour cette célébration spéciale du Jubilé nous offrent à la fois une voie et une promesse.

La voie est une direction ou une route que nous devons emprunter pour atteindre un objectif spécial, tandis que la promesse est l'objectif ou le prix à obtenir au terme du voyage.

Au peuple de l'Ancient Testament, surtout à celui qui a cheminé pendant quarante ans dans le désert, au milieu d'épreuves et de difficultés, Moïse a rappelé que le chemin était et sera toujours le même: “tu garderas les commandements du Seigneur ton Dieu en suivant ses chemins et en le craignant..)”. Comme le vers précédant la lecture du Deutéronome déclare: “Tout le commandement que je donne aujourd'hui, vous veillerez à le pratiquer afin que vous viviez, que vous deveniez nombreux et que vous entriez en possession du pays que le Seigneur a promis par serment à vos pères ”.

Nous pouvons considérer ces paroles comme un guide ou un plan, ou mieux comme un ensemble de directions à suivre afin d'atteindre un objectif en toute sécurité.

Le texte continue et affinne clairement la promesse, le prix de la fidélité à rester sur ce chemin: “tu mangeras a satiété et tu béniras le Seigneur ton Dieu pour le bon pays qu'il t'aura donné”. En résumè, en suivant ces commandements, les Israélites jouiront de la bénédiction de la Terre promise.

Le voyage-pèlerinage

Ce voyage à travers le désert est considéré par de nombreux commentateurs comme un symbole du pélerinage religieux. Tandis que le symbole central du Jubilé est la Porta Santa ou Porte sainte, nous devons tenir compte du fait qu'une action ou un mouvement conduit jusqu'au seuil de la porte un voyage, une marche sur un chemin ou une route, comportant une sorte de passage, menant à un portail.

De même, un pèlerinage, chaque pèlerinage, comporte un tel voyage, qu'il soit physique ou spirituel. Un pèlerinage est essentiellement un voyage de foi qui “ a son origine et son objectif final au moment où nos yeux contempleront à jamais le visage de Dieu (2) ”.

Le pèlerin quitte sa maison, sa famille, son village et même son pays et il commence son voyage. Comme tout voyage, son voyage à une fin ou un objectif spécial en vue, car le pélerin se met à la recherche de Dieu, afin de consolider sa foi.

Comme dans tout voyage, il y a des préparatifs: il faut choisir les vêtements appropriés, préparer la nourriture, des documents, de l'argent, une carte et un guide. Vous étudiez les différentes routes à suivre, les chemins les plus sûrs. Et, dans la mesure du possible, vous essayez de trouver des compagnons de voyage, afin qu'ils partagent votre voyage, de manière à approfondir et à enrichir les expériences le long du parcours.

Mais ces voyages peuvent également être dangereux, remplis de difficultés et d'épreuves: nous ne sommes pas certains du chemin emprunté, peut-être n'avons-nous pas emporté assez de provisions? L'imprévu peut toujours se produire et il y a la solitude, spécialement si nous avons laissé derrière nous les parents et les amis.

Pour effectuer le voyage, le pèlerin puise sa force dans la promesse ou le prix qu'il espère trouver à la fin de ce voyage. Cet espoir, cette promesse de grâces le soutiennent le long du chemin.  Les pèlerins peuvent également accomplir leur pèlerinage en groupe, afin de partager des expériences susceptibles d'approfondir lÂ’impact du voyage et de renforcer la foi.

L'immigrant comme un pèlerin

Sous de nombreux aspects, le chemin du pèlerin reflète le chemin de l'immigrant. Comme un pèlerin, l'immigrant quitte également sa famille, son village et son pays, sa culture et sa langue pour commencer un long voyage, souvent périlleux.

Bien souvent, la route de ce voyage n'est pas aussi directe qu'il 1'espérait, elle peut se révéler dangereuse, voire effrayante. L'immigrant abandonne ce qui lui est familier et il tente de se céer un nouveau foyer, un nouveau milieu, dans lÂ’espoir de nouvelles bénédictions et d'un futur meilleur.

Mais les immigrants doivent souvent affronter des épreuves inconnues des pèlerins: ils trouvent des difficultés pour communiquer avec d'autres le long du chemin, la langue est un obstacle, comme le sont les nouvelles habitudes et les nouvelles cultures ils éprouvent de grandes difficultés à trouver un logement, un accueil cordial, lÂ’espoir et la promesse qu'ils cherchaient peuvent être entravés par l'hostilité, la marginalisation, la solitude et la peur.

À leur tour, ces obstacles, souvent insurmontables, peuvent conduire à de plus grandes difficultés. Lorsque quelqu'un s'éloigne de sa maison et de sa famille, les liens qui sont la base même de notre vie morale sont mis à l'épreuve, soumis à la tentation et souvent - hélas!-oubliés.

La civilisation et la courtoisie font place au manque de respect et au mépris.

La politesse et la gentillesse font place à la cruauté, à la colère et aux abus.

La patience est mise à l'épreuve et engendre la frustration, le manque d'estime de soi et la rancune.

La charité est oubliée et substituée par l'égoïsme, l'arrogance et la vanité.

La tolérance cède le pas aux préjugés et au fanatisme.

La foi est vaincue par l'incrédulité, l'irrévérence et le désespoir.

Donc, l'immigrant n'est pas seulement un étranger dans un pays étranger, mais un étranger pour lui-même, détaché de sa famille, de sa maison, de ses amis, de sa culture et éloigné de ses valeurs, de ses principes et même de sa foi.

Aujourd'hui, nous sommes ensemble pour unir ces deux expériences de pèlerin et d'immigrant, dans un moment de grâce en cette année spéciale du Jubilé. Nous sommes devant la croix de notre salut, animés de sentiments d'humilité, de foi et avec l'espoir certain de la grâce de la miséricorde en Christ.

3. LÂ’espoir et la promesse du Christ

Le pèlerin commence son voyage spirituel rempli d'attente et d'espoir. Le voyage du pèlerin reflète aussi la situation de notre nature humaine, car nous sommes, et nous avons été définis comme un peuple pèlerin, un peuple en marche vers Dieu. Comme l'écrit encore le Saint-Père: “l'histoire de l'Église est le rapport vivant d'un voyage inachevé (3) ”. En tant que pèlerins, nous sommes invités à marcher sur les pas du Rédempteur. Voilà la signification merveilleuse de notre seconde lecture de la catéchèse de ce jour.

Nous marchons, en voyage, comme les deux disciples sur le chemin d'Emmaüs. Comme le récit de l'évangile de Luc nous le raconte de manière si vivante, ils sont tristes et bouleversés. CÂ’est dans cette rencontre très importante avec le Christ que les disciples reconnaissent Jésus et qu'ils reconnaissent surtout quÂ’il est la porte, le chemin vers le Père.

Voilà l'espoir et la promesse de notre pèlerinage. Nous partons en voyage pour découvrir la signification authentique de notre vie. Jésus nous accompagne comme il a accompagné les disciples sur le chemin d'Emmaüs. Alors, nous ouvrons nos yeux, nos oreilles et notre coeur à sa parole, nous comprenons vraiment que Jésus-Christ est le Seigneur, qu'il est notre Sauveur et notre Rédempteur, notre chemin vers la perfection.

C'est ici, dans cette rencontre avec le Christ au cours de notre voyage spirituel qui nous a conduits à ce moment précis, que nous 1'écoutons et contemplons son amour incommensurable et illimité pour nous, nous reconnaissons humblement notre faiblesse humaine, notre besoin de pardon et notre nouvelle force dans le Christ. Nous sommes devant la croix du Christ, aujourd'hui, et nous aspirons à l'étreinte de notre Père du ciel, comme 1'enfant prodigue de 1'évangile qui a reçu lÂ’étreinte cordiale et bienveillante de son père.

Nous reconnaissons également notre faiblesse humaine et nos échecs pour tenter de vivre le message du Christ. Nous reconnaissons nos péchés et nous sommes ici pour manifester notre contrition. Nous désirons également que nos coeurs “ soient brûlants d'amour ” puisque nous avons entendu sa parole ce soir. Nous voulons qu'il nous accompagne dans ce voyage. Nous désirons “marcher sur les sentiers du Seigneur” et recevoir les grâces et les bénédictions qu'il a préparées pour nous. Nous désirons la conversion et nous sommes prêts à faire pénitence pour manifester ce désir.

Notre besoin de conversion

Chers frères et soeurs, nous sommes ensemble cet après-midi pour manifester notre désir et notre besoin de conversion. À présent, nous nous préparons spontanément à confesser nos manquements comme un moyen de louer Dieu et d'obtenir sa miséricorde en Jésus-Christ. Nous, confessons nos péchés parce que nous croyons en Dieu et en sa promesse de pardon. C'est cette foi qui ouvre nos coeurs à reconnaître nos défauts, nos fautes et notre condition de pécheur.

Par cet acte de foi, nous exprimons notre désir de nous éloigner de tout ce qui nous a empêché de participer pleinement au corps mystique du Christ. Nous désirons la conversion, un changement du coeur ou metanoia. Comme nous approchons du seuil de la Porte sainte, nous cherchons la purification, la grâce, la miséricorde et l'ètreinte chaleureuse de notre Père du ciel.

Nous désirons être parfaits dans le Christ. Nous désirons, en ce moment particulier de notre jubilé, “parvenir tous ensemble à l'unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu, à l'état d'adultes, à la taille du Christ dans sa plénitude” (Ep 4,13).

Nos péchés contre Dieu

Père, nous vous louons et nous vous remercions de la grâce de notre foi, qui est un don extrêmement précieux. Ele nous a soutenus dans de nombreuses épreuves et difficultés. Elle nous a protégés au cours du long voyage qui nous a conduits ici, en ce moment. Elle nous a aidés à vaincre le découragement et les frustrations. Pardonnez-nous le temps gaspillé lorsque nous avons oublié de vous louer, de vous remercier, de vous prier, de vous reconnaître, le temps que nous avons passé loin de vous et de votre miséricorde. Ayez pitié de nous lorsque nous avons été arrogants ou lorsque nous avons voulu être autosuffisants ou pharisiens.

Pardonnez-nous, Père, pour tous ces moments d'incroyance, d'irrespect et de tentation de perdre espoir en vous. Ayez pitié de nous parce que nous vous avons oublié dans un pays étranger, nous avons oublié nos belles traditions et coutumes religieuses.

Aidez-nous à revenir vers vous, avec un coeur transformé. Donnez-nous la force et la foi dont nous, avons besoin afin de vous garder au centre de notre vie.

Nos péchés contre autrui

Un des plus grands dons que vous nous ayez donné, Père, est le don de la vie et d'être membres de la famille humaine. Nous vous louons et nous vous remercions de cette immense faveur, de cette grâce d'avoir été créés non seulement à votre image, mais adoptés, par le baptême, comme vos fils et vos filles.CÂ’est pourquoi nous appartenons non seulement à la famille humaine mais également au corps mystique du Christ. Tous les hommes et toutes les femmes sont nos frères et nos soeurs.

Pardonnez-nous Père, lorsque nous péchons contre les autres et lorsque nous ne voulons pas reconnaître votre fils dans notre prochain. Pardonnez-nous nos péchés causés par des rivalité ethniques, la discrimination raciale et le fanatisme. Ayez pitié de nous lorsque nous traitons les autres comme des objets et non comme des personnes possédant une dignité. Pardonnez-nous nos péchés contre les autres, lorsque nous les maltraitons, lorsque nous agissons envers eux avec violence, colère, manque de respect, cruauté, abus et mépris. Pardonnez-nous, Pére, d'avoir utilisé les autres, de les avoir humiliés, asservis, forcés à agir contre leur volonté et leur conscience. Pardonnez-nous d'avoir manqué de respect envers la vie humaine.

Aidez-nous, Pére, à vous voir dans notre prochain, parmi ceux avec lesquels nous vivons et travaillons, dans nos communautés d'adoption. Consolidez-nous dans la charité et la patience. Donnez-nous le courage de défendre toujours la vie, toute vie humaine. Aidez-nous à surmonter toute forme de discrimination cachée dans notre coeur, qui offense le corps mystique du Christ. Apprenez-nous à être tolérants et à pardonner.

Péchés contre la société

Nous sommes un peuple pèlerin. Vous nous accompagnez comme vous avez accompagné le peuple élu d'Israël dans la terre promise et maintenant encore, Jésus marche à nos côtés comme il marchait aux côtés des deux disciples sur la route d'Emmaüs. Nous vous louons et nous vous remercions, ô Père, pour cette intimité, cet amour et cette atmitié. Nous sommes invités à imiter le Christ en accompagnant d'autres personnes dans leur foi sur ce chemin du pèlerinage.

Pardonnez-nous, Père, lorsque nous manquons de conviction dans le partage de notre foi avec d'autres. Ayez pitié de nous pour toutes les fois où nous n'avons pas témoigné notre foi dans nos paroles et nos actions et mêrne, lorsque nos paroles et nos actions sont devenues des obstacles à la présence de Dieu dans la vie des autres.

Vos commandements nous permettent de vivre en harmonie avec les autres. Combien de fois nous sommes-nous éloignés de ces commandements ? Combien de fois avons-nous ignoré notre prochain, en l'abandonnant dans ses moments de nécessité, en provoquant la violence, la peur, en incitant à la haine? Ayez pitié de nous, Père, et dans votre bonté ramenez-nous sur le chemin de la paix, de l'harmonie, de la civilité, de la dignité, de l'amitié, de la joie et de la gratitude.

Faites de nous des instruments de votre paix entre tous les hommes et toutes les femmes. Aidez-nous à promouvoir la dignité humaine, spécialement celle des enfants qui ne sont pas encore nés, des enfants, des femmes, des personnes âgées et des personnes opprimées et marginalisées par la société. Aidez-nous à secourir tous ceux qui sont dans le besoin, même si nous aussi, nous avons si souvent besoin d'aide.

Donnez-nous le courage de défendre en tous temps et en tous lieux les droits humains fondamentaux de tous.

Les pèlerins franchissent le seuil de la grâce

Voici le chemin que nous avons choisi pour atteindre le but de notre vie: vivre en union et en communion avec la Trinité.

Frères et soeurs, vivifiés par la parole de Dieu, embrassés par l'amour de Jésus et guidés par lÂ’Esprit, nous réaffirmons notre désir de franchir le seuil de la Porte sainte, renouvelés et renforcés spirituellement par ce rite de conversion et de pénitence.

Jésus nous accompagne aujourd'hui et avec foi et amour, nous l'acclamons comme notre Sauveur: Jésus-Christ, le meme hier, aujourdÂ’hui et à jamais.

Note: 
[*]Texte de la méditation sur Deut 8:6,10 par S.E.Msgr. Charles Schleck, C.S.C, Secrétaire Adjoint de la Congrégation pour lÂ’Evangélisation des Peuples
(2)Pape Jean II, Incarnationis Mysterium (1998) n. 3
(3)Ibid, n. 7
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