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INSTRUCTION PASTORALE
COMMUNION ET PROGRÈS
SUR LES MOYENS DE COMMUNICATION SOCIALE
ÉLABORÉÉ PAR MANDAT SPÉCIAL 
DU CONCILE OECUMÉNIQUE VATICAN II


P R E L I M I N A I R E S


1. COMMUNION ET PROGRÈS dans la société sont les buts primordiaux de la communication sociale et des moyens qu'elle emploie, spécialement la presse, la radio, la télévision et le cinéma.

La technique de ces moyens progresse de façon continue et accélérée, en sorte qu'ils sont de jour en jour plus facilement accessibles à un nombre croissant d'hommes. Les comportements et les mentalités se trouvent ainsi toujours plus profondément influencés par ces moyens de communication de masse (ou "media").

2. L'Eglise considère ces moyens de communication comme des "dons de Dieu". 1 Selon l'intention de la Providence, ils doivent engendrer entre les hommes des rapports fraternels, susceptibles de favoriser son dessein de salut.

Plusieurs documents conciliaires de Vatican II introduisent à une compréhension plus totale et à une analyse plus pénétrante de la communication sociale et du fonctionnement de ses moyens dans la société actuelle. Tels sont surtout: la Constitution sur L'Eglise dans le monde de ce temps, 2 le Décret sur L'OEcuménisme, 3 la Déclaration sur La Liberté religieuse, 4 le Décret sur L'Activité missionnaire de l'Eglise, 5 le Décret sur La Charge pastorale des évêques 6 et particulièrement le Décret qui est entièrement consacré à l'étude des moyens de communication sociale. 7

Cette compréhension approfondie, basée sur l'esprit et sur la doctrine du Concile, doit permettre aux chrétiens de se situer vis-à-vis des moyens de communication sociale et les inciter à un engagement plus profond à leur égard.

3. Voici maintenant l'Instruction pastorale, voulue par Vatican II. 8 Elle développe des principes doctrinaux et des conseils pastoraux, omettant les applications détaillées qui, en raison de l'évolution incessante et des progrès en cette matière, ne peuvent être déterminées qu'en fonction des circonstances de temps et de lieu.

4. C'est donc aux Evêques et à leurs Assemblées, ainsi qu'aux Synodes des Eglises Orientales qu'il appartiendra, avec le secours d'experts et l'aide de Conseils diocésains, nationaux et internationaux, d'en determiner, dans un esprit collégial, les applications pratiques pour leurs populations et leur région, dans la perspective de l'Unité de l'Eglise. Les Assemblées épiscopales feront appel au concours des prêtres, des religieux et des laïcs, chacun dans leur domaine, puisque c'est tout le Peuple de Dieu qui est concerné par les moyens de communication sociale.

5. On veut espérer que cette Instruction sera accueillie favorablement par ceux dont la fonction s'exerce dans le domaine de la communication sociale et par tous ceux qui s'intéressent au progrès de la famille humaine. Ainsi, par le dialogue et la coopération, le vaste potentiel inclus dans les moyens de communication servira au bien de tous.


PREMIERE PARTIE

LES MOYENS DE COMMUNICATION SOCIALE
VISION CHRETIENNE
ELEMENTS DE DOCTRINE

 

6. Bien que s'adressant à chacun, ces moyens atteignent et affectent l'ensemble de la société humaine. 9 A une foule d'hommes ils apportent rapidement une image de la vie du monde d'aujourd'hui, dont ils révèlent dans leur diversité l'opinion et la mentalité. Ils sont indispensables pour connaître les relations profondes et complexes, ainsi que les activités de notre société.

En eux se rencontrent les principes qui gouvernent et régissent la vie en commun des hommes dans une vision chrétienne. Par une sorte de dessein providentiel ces inventions sont ordonnées à révéler les problèmes et les aspirations de la société humaine et à y apporter une réponse d'autant plus rapide que les hommes sont unis par des liens plus étroits. L'appréciation chrétienne des avantages ainsi apportés à la prospérité des hommes part donc de ce principe primordial.

7. Partout où l'activité humaine s'efforce d'améliorer les conditions de la vie sur cette terre, surtout lorsqu'il s'agit des récents exploits de la science et des réussites de la technique, le regard et le jugement que portent les chrétiens sur l'homme lui-même, sur les relations humaines, sur toute l'histoire, y découvrent une réponse -- souvent inconsciente -- au précepte divin: "Qu'il possède la terre et qu'il la domine"; 10 en même temps, c'est une participation, qui la prolonge, à l'oeuvre créatrice et rédemptrice de Dieu. 11

Les moyens de communication sociale se placent dans cette perspective, puisqu'ils contribuent à augmenter l'union entre les hommes et à favoriser leur mutuelle collaboration. Lorsque Dieu a fait l'homme à son image, il lui a donné la possibilité d'avoir part à sa puissance créatrice. L'homme est donc invité à s'unir à tous ses frères pour essayer, dans une oeuvre commune, de bâtir avec eux la cité terrestre. 12

8. De sa nature même, la communication sociale tend à réaliser des échanges entre les hommes. Ils découvriront ainsi un sens plus approfondi à la vie communautaire. De la sorte, l'homme concourt au "dessein de Dieu dans l'Histoire", conduit qu'il est par la main de Dieu. 13

Selon la foi chrétienne, l'union entre les hommes, en tant que fin principale de toute communication, trouve son origine, et déjà sa préfiguration, dans le mystère fondamental de l'éternelle société de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, qui vivent une seule vie divine.

9. Certes, les moyens de communication contribuent grandement à l'union entre les hommes. Mais, s'il y a erreur ou ignorance, si la bonne volonté fait défaut, leur usage peut produire un effet opposécompréhension mutuelle et le dissentiment. Il peut en résulter de graves conséquences, par exemple: la négation ou l'altération des valeurs essentielles de la vie humaine. L'esprit chrétien conclut de ces dépravations qu'il faut en libérer l'homme et l'arracher au péché, introduit dans l'histoire du genre humain lors de la chute originelle. 14

10. L'homme, par sa propre faute, s'est détourné de son Créateur. Du fait de ce désordre, il se trouve livré à la discorde, aux conflits, et finalement dans l'impossibilité de communiquer réellement avec ses semblables. 15

Mais l'amour de Dieu envers les hommes ne veut pas se laisser repousser. C'est lui qui, au début de l'histoire du salut, 16 prend l'initiative du contact avec les hommes et qui, lorsque le temps est accompli, se communique 17 lui-même à eux: "et le Verbe s'est fait chair". 18En libérant le genre humain par sa mort et sa résurrection, le Christ, Fils de Dieu Incarné, Parole et Image du Dieu invisible, 19 a donné à tous la vérité et la vie même de Dieu avec surabondance. Lui-même, comme unique Médiateur entre le Père et les hommes, a rétabli la paix et la communion avec Dieu, ainsi que la fraternité entre les hommes. 20 Il a ordonné à ses disciples de proclamer, toujours et partout, 21 la Bonne Nouvelle "en pleine lumière" et "par-dessus les toits". 22 Dès lors, le fondement et le prototype de l'union entre les hommes se trouvent en Dieu qui, en Jésus-Christ, s'est fait notre Frère humain.

11. Durant son séjour sur cette terre, le Christ s'est révélé lui-même le parfait "Communicateur". Devenu, par l'Incarnation, semblable à ceux qui devaient recevoir son message, il a proclamé celui-ci avec puissance et sans compromission, par ses paroles et par toute sa conduite, vivant au milieu de son peuple, adoptant la façon de s'exprimer et de penser conforme à son pays et à sa condition.

D'ailleurs communiquer, c'est plus qu'exprimer des idées ou des sentiments, c'est faire le don de soi par amour, selon la réalité profonde de son être: la communication du Christ était "esprit et vie". 23 En instituant l'Eucharistie, le Christ nous a laissé la forme la plus parfaite de communion ici-bas: la communion entre Dieu et l'homme et, par conséquent, le lien le plus étroit et le plus parfait entre les hommes. Il nous a communiqué son Esprit Vivifiant, principe d'union. 24 Dans l'Eglise, sonCorps mystique et sacrement de sa vie glorieuse, le Christ "remplit tout de lui-même". 25 C'est ainsi que nous progressons dans l'Eglise, par la Parole et les sacrements, vers l'espérance de l'union définitive où "Dieu sera tout en tous". 26

12. "Dans les merveilleuses inventions de la technique" 27 qui sont le véhicule de la communication sociale entre les hommes, le chrétien découvre les instruments du dessein providentiel de Dieu pour favoriser l'union entre ceux qui cheminent sur cette terre.

Une nouvelle langue se trouve peu à peu élaborée, qui permet aux hommes de se mieux connaître et de se rencontrer plus facilement. Compréhension plus rapide, bonne volonté réciproque plus spontanée conduisent à leur tour vers la justice et la paix, la bienveillance et la bienfaisance, l'aide mutuelle, l'amour et finalement à la communion. Ainsi les media figurent à bon droit parmi les ressources et les possibilités les plus efficaces dont l'homme peut user pour affermir la charité, elle-même source de communion.

13. C'est pourquoi tous les hommes de bonne volonté sont vivement exhortés à travailler ensemble pour faire servir à la recherche de la vérité et au progrès humain les moyens de communication sociale. Le chrétien s'y sent d'autant plus obligé que le message évangélique ainsi diffusé contribuera à la réalisation de ce dessein, en rapprochant fraternellement les hommes sous la paternité de Dieu.

Toutefois l'union mutuelle et la collaboration efficace entre les hommes reposent totalement sur leur volonté libre qui, elle-même, est influencée par des causes provenant de la mentalité de la société ou de la technique. Les moyens de communication reçoivent finalement leur valeur de l'usage qu'en fait la liberté humaine.

14. Puisque c'est l'homme lui-même qui décide de la manière d'utiliser les inventions, les principes moraux qui les régissent reposent sur la juste considération de la dignité de l'être humain, appelé à participer à la société des fils adoptifs de Dieu.

D'autre part, ces principes découlent aussi de la nature intime de la communication sociale et des qualités propres à chacun de ses moyens. Cela ressort également de la Constitution pastorale "Gaudium et Spes": C'est en vertu de la création même que toutes choses sont établies selon leur consistance, leur vérité et leur excellence propres, avec leur ordonnance et leurs lois spécifiques, que l'homme doit respecter..." (n. 36).

15. Ceux qui veulent étudier et mettre en oeuvre les moyens de communication, en se référant à l'histoire de la Création et de l'Incarnation rédemptrice pour en sauvegarder la valeur morale, doivent considérer l'homme dans son intégrité et bien connaître le caractère propre de la communication sociale.

Ainsi, les "communicateurs", c'est-à-dire les divers producteurs et réalisateurs qui utilisent ces moyens, doivent acquérir compétence et vraie formation et s'en faire une obligation morale. Celle-ci s'impose d'autant plus à eux que leur influence, pour le succès ou non de la communication, est plus grande. 28 Ceux qui ont la charge d'éclairer le jugement et le choix, surtout s'ils s'adressent à des personnes dont la maturité ou la culture sont insuffisantes, ont ici un devoir de conscience encore plus strict. Cette responsabilité porte sur tout ce qui, d'une façon ou d'une autre, peut contribuer à l'enrichissement ou à l'appauvrissement des personnes et des groupes.

Quant aux usagers -- c'est-à-dire ceux qui lisent, entendent ou regardent --, il ne faut rien négliger pour qu'ils soient formés à bien interpréter ce qui leur est "communiqué", à en tirer profit et à prendre une part active dans la vie sociale. Ainsi seulement les media rempliront pleinement leur rôle.

16. La production d'ensemble des moyens de communication sociale dans une région donnée doit être appréciée par sa contribution au bien commun. 29 Les informations, les émissions artistiques et les divertissements doivent concourir à la vie et aux progrès de la collectivité. Les moyens de communication doivent donner non seulement les événements, mais aussi les circonstances pour permettre à toutes les personnes de comprendre les problèmes de la société et de contribuer activement à son progrès. Il faut donc garder un juste équilibre entre les nouvelles, les émissions culturelles, les divertissements, qu'ils présentent ou non une valeur éducative.

17. Chaque communication doit obéir aux grandes lois de la sincérité, de l'honnêteté et de la vérité. L'intention bonne et la volonté droite ne suffisent pas à rendre une communication honnête. Il faut en outre rapporter les faits selon la vérité, en donner une image fidèle, conforme à la réalité profonde. Le mérite et la valeur morale d'une information ou d'une émission ne dépendent pas seulement du sujet traité, ni de la doctrine qui y est implicitement contenue, mais aussi du genre adopté, du ton et du style de présentation, du contexte dans lequel elle s'insère, en fonction du public auquel elle est destinée. 30

18. Mieux connaître les hommes et mieux les comprendre, promouvoir une entraide plus effective, c'est ce que la communication sociale peut obtenir, de façon remarquable, en harmonie avec les fins mêmes du Peuple de Dieu. Elle-même en retire, en outre, une force nouvelle. "En effet, promouvoir l'unité s'harmonise avec la mission profonde de l'Eglise", puisqu'elle est "dans le Christ, comme le sacrement -- c'est-à-dire à la fois le signe et l'instrument -- de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain". 31


DEUXIEME PARTIE

LES MOYENS DE COMMUNICATION SOCIALE
COMME FACTEURS DU PROGRES HUMAIN

CHAPITRE I

LE ROLE DES MOYENS DE COMMUNICATION
DANS LA SOCIETE HUMAINE

 

19. Les inventions récentes destinées à faciliter les relations sociales enferment les hommes de notre temps dans un cercle de plus en plus étroit et les provoquent à un dialogue qui vise à la fraternité et à la collaboration.

Rien d'étonnant, puisque ces moyens suscitent et diffusent partout les propos tenus chaque jour par l'ensemble des hommes. Ainsi naît et s'établit d'un bout à l'autre du monde un dialogue public de toute la société. L'abondance des nouvelles et des opinions diffusées fait participer le monde entier aux projets et aux problèmes de chacun comme à ceux du genre humain. Ces échanges constituent les conditions nécessaires à une meilleure compréhension et à la bienveillance réciproque, pour le mieux-être de tous.

20. Les moyens de communication sociale progressent avec une telle rapidité qu'ils font sauter les barrières dressées entre les hommes au gré des temps et des lieux. Ils se présentent comme facteurs d'un rapprochement plus étroit et plus stable. Grâce à eux, l'information fait sur-le-champ le tour du globe et permet de participer plus activement à la vie du monde d'aujourd'hui.

L'enseignement, à tous les degrés, reconnaît leur utilité. Ils servent de façon remarquable à lutter contre l'analphabétisme, à entreprendre et à poursuivre l'instruction. Ils contribuent grandement à l'élévation du niveau de vie et à la véritable libération des hommes, surtout dans les régions en voie de développement. Ils favorisent une plus grande égalité dans la société, en ce sens que toutes les catégories sociales peuvent désormais jouir de la culture et des loisirs. Ils enrichissent les esprits en les mettant en contact, par le son et l'image, avec les réalités visibles et concrètes. Ils font découvrir des régions fort éloignées et des époques très anciennes. Dans les pays où l'instruction fait encore défaut, les habitants, sans sous-estimer leur propre culture et leurs propres coutumes, sont amenés à assimiler rapidement les valeurs et les usages du monde moderne.

21. La considération de tels effets nous incite à tenir les moyens de communication sociale pour des instruments de choix dans l'oeuvre du progrès humain, en dépit d'imperfections qu'il nous appartient de surmonter avec persévérance.

Car ils présentent aussi des dangers et des inconvénients. Les producteurs et les usagers devront y être attentifs, pour trouver le moyen d'y parer. Comment obtenir, par exemple, que les nouvelles, abondantes et incessantes, souvent confuses, la plupart du temps diffusées très rapidement, soient sainement reçues et appréciées?

Les moyens de communication sociale, en vertu même de leur nature, s'adressent à une multitude d'usagers et, afin de ne blesser personne, ils optent pour une certaine neutralité. Comment alors, chez les peuples qui admettent la liberté et la diversité des opinions, discerner le vrai du faux? Comment empêcher que, par le jeu de la libre concurrence, on ne cherche à capter la faveur du public en excitant les appétits égoïstes ou moins nobles de la nature humaine? Comment éviter que la concentration de ces moyens entre les mains de quelques-uns ne supprime le dialogue dans la société? Comment faire en sorte que des communications faites par des moyens artificiels et indirects, particulièrement dans le cas de l'image, n'en viennent à affecter le contact humain direct?

Etant donné que les moyens de communication sociale incitent l'homme à l'évasion et à la rêverie, comment faire pour qu'ils ne le détournent pas de la vie réelle et de ses tâches? Comment éviter le laisser-aller, la paresse et une certaine atonie mentale? Comment empêcher enfin que l'incessante excitation de la sensibilité n'entrave l'exercice de la raison?

22. Un abaissement de la moralité apparaît dans plusieurs secteurs de la vie moderne. Il inquiète profondément les hommes de bonne volonté. Les indices de ce déclin se perçoivent aisément dans tous les moyens de communication sociale.

On ne peut nier, assurément, que la société soit, de nos jours, travaillée par ce mal. Pour y obvier, il est nécessaire d'obtenir le concours des parents, des enseignants, des pasteurs et de tous ceux qui oeuvrent pour le bien commun. Dans ce dessein, on ne saurait négliger le rôle des media. Il est cependant impossible de détacher les moyens de communication sociale de la vie elle-même du public auquel ils s'adressent.

23. Pour mieux connaître les avantages que les techniques de masse peuvent apporter à la société humaine et lui permettre d'en tirer un réel profit, pour surmonter plus sûrement les obstacles et les inconvénients qu'elles peuvent présenter, il faut examiner attentivement les divers aspects du rôle que jouent ces techniques dans la vie du public.

1. L'OPINION PUBLIQUE

24. Les moyens de communication constituent une sorte de place publique où l'on échange des nouvelles, où s'expriment et s'affrontent de multiples opinions. La vie sociale en est profondément marquée et enrichie, et son évolution en est accélérée.

25. Ainsi naît "l'opinion publique", liée à la nature sociale de l'homme. Sur l'événement, en effet, chacun aime à exprimer ouvertement devant les autres sa réaction et son opinion. Il contribue par là même à façonner des manières collectives de penser et d'agir. Pie XII décrit l'opinion publique comme "un écho naturel, une résonance commune et plus ou moins spontanée à la fois des événements et des situations actuelles dans l'esprit et le jugement des hommes". 32

Il arrive ainsi que les pensées exprimées publiquement révèlent aux autres l'état d'esprit et le jugement de groupes plus importants, dans un contexte déterminé de lieu, de temps et de coutumes.

26. La formation même de l'opinion publique exige la liberté pour chacun d'exprimer ses sentiments et ses réflexions. Il importe donc, avec le Concile Vatican II, de reconnaître, tant aux individus qu'aux groupements, le droit d'exprimer leur propre opinion, dans les limites de l'honnêteté et du bien commun. 33 Puisque la coopération de tous est requise pour le progrès de la vie en société, il faut admettre la libre confrontation des points de vue; certains se trouvent alors adoptés, d'autres rejetés, d'autres enfin amendés ou conciliés. Les positions les plus solides et les plus constantes peuvent ainsi contribuer à créer une volonté de collaboration.

27. Les informateurs assument une charge très lourde en rapportant les opinions ainsi exprimées publiquement. Leur pouvoir est immense dans la manière de les susciter, de les recueillir, de les diffuser; en même temps il leur revient, en les exposant, de permettre à chacun de les confronter en toute lucidité et liberté de jugement.

28. Tous les hommes sont invités à concourir à la formation de l'opinion publique, directement ou par des interprètes de leur propre pensée. 34 Plus grande est leur autorité, plus grande aussi est leur responsabilité dans ce domaine lorsqu'ils expriment leur point de vue.

29. Lancer une campagne pour influencer l'opinion publique (opération de propagande) n'est justifié que si, la fin et les moyens étant conformes à la dignité humaine, on agit pour le service de la vérité ou de causes qui favorisent le bien commun.

30. Une propagande qui est dirigée contre le bien commun, qui cherche à empêcher une réponse publique, qui déforme la vérité, qui agit sur les mentalités par la diffusion d'une vérité partielle, qui tait sciemment des vérités importantes..., une telle propagande fait obstacle à la liberté de décision et ne saurait être admise. Cela est d'autant plus vrai que le progrès des sciences humaines -- de la psychologie surtout -- et des techniques de communication sociale donne à la propagande une puissance sans cesse accrue.

31. Toute opinion que l'on répand ne doit pas être considérée aussitôt comme l'expression de l'opinion publique. En effet, plusieurs points de vue différents peuvent coexister dans le même temps et le même lieu, bien que l'un d'eux ait souvent l'appui d'une majorité. Mais l'avis de celle-ci n'est pas nécessairement le meilleur, ni le plus proche de la vérité. D'ailleurs l'opinion publique est sujette à fluctuations, tantôt gagnant, tantôt perdant du crédit auprès des masses. C'est pourquoi il est sage de garder un certain recul devant des opinions émises en public; il peut même exister des raisons de s'y opposer directement.

32. Malgré tout, les opinions répandues publiquement et communément, dans la mesure où elles expriment la pensée et la volonté générales, sont à prendre soigneusement en considération par les autorités tant religieuses que civiles.

2. DROIT D'ETRE INFORME ET D'INFORMER

33. La saine formation de l'opinion publique exige que le public ait accès aux moyens d'information et qu'il ait également la pleine liberté d'exprimer sa pensée. La liberté d'opinion et le droit à l'information vont de pair. Jean XXIII, 35 Paul VI, 36 et le Concile Vatican II 37 ont nettement proclamé ce droit, fondé sur un besoin profond de l'homme et de la société moderne.

a) Sources et transmission des informations

34. L'homme d'aujourd'hui a besoin d'une information honnête, cohérente, complète et précise pour comprendre le monde où il vit dans les mutations continues du temps présent, pour s'adapter au réel et aux situations changeantes qui sollicitent chaque jour ses décisions, pour jouer un rôle actif et responsable dans son milieu de vie et de travail, pour participer, dans le sens plein du mot, à la vie économique, sociale, culturelle, politique et religieuse de son époque. En corrélation avec le droit qui naît de ce besoin, il a le devoir d'aller lui-même au devant de l'information, car le droit à l'information ne se réalise pas sans le concours actif de l'informé. Il est nécessaire pour cela que l'informé ait à sa disposition des moyens suffisamment diversifiés pour qu'il puisse choisir librement ce qui correspond à ses besoins. Sans le pluralisme des moyens de communication, l'exercice de ce droit est illusoire et vain.

35. La société elle-même, pour remplir sa fonction à ses divers échelons, a besoin d'information, tout comme elle a besoin de citoyens bien informés. Aussi le droit à l'information apparaît-il aujourd'hui non seulement comme une prérogative de la personne, mais comme une exigence du bien commun.

36. Les hommes dont le métier est d'informer le public s'acquittent donc d'une tâche importante et lourde, souvent exposée à de nombreuses difficultés. Ils risquent, par exemple, de se heurter aux entreprises de personnes qui ont intérêt à cacher la vérité. Ce danger guette en particulier les "reporters", dont le rôle est de couvrir l'actualité en voyageant aux quatre coins du monde. 38Il leur arrive de s'exposer au péril pour saisir l'événement sur le vif; 39 plusieurs sont morts victimes de leur devoir professionnel.

Leur sécurité devrait être garantie dans la mesure du possible; ils rendent en effet un précieux service en assurant le droit des hommes à l'information sur tout ce qui se passe d'important dans le monde, spécialement dans le cas des conflits sanglants qui concernent toute l'humanité. L'Eglise déplore et condamne l'usage de la violence à l'encontre des journalistes et de tous les informateurs.

37. Les informateurs sont encore affrontés à un autre problème. Dans l'actualité il leur faut en effet considérer l'événement non seulement en fonction de son importance, mais aussi de l'intérêt qu'il représente pour leur public. Dans la masse énorme des nouvelles, ils ont donc à choisir selon l'importance réelle de l'événement; si la portée de celui-ci n'est pas révélée, l'information devient partielle, voire partiale.

38. En outre, le journaliste peut être amené à assortir l'information d'un commentaire instantané pour la rendre plus compréhensible. Il lui faut, par exemple, rappeler des faits antérieurs à l'événement, les situer dans leur contexte, les interpréter. Il peut même être conduit à parler de l'événement avant qu'il ne se soit produit.

En général les gens sérieux et conscients de leur rôle répugnent, et avec raison, à relater hâtivement un événement avant d'avoir examiné avec soin l'état de la question et son contexte. Cependant un tel écueil n'est pas illusoire. C'est pourquoi les journalistes s'efforceront, dans la mesure du possible, de bien se documenter, pour informer le public en connaissance de cause.

39. Une autre difficulté vient de ce que les nouvelles, de par leur nature, ne gardent leur actualité et ne reçoivent l'audience du public que si elles sont diffusées au plus vite. La course de vitesse devient une nécessité commerciale. Cette précipitation inévitable nuit parfois à l'exactitude de l'information. De plus, le journaliste doit tenir compte des goûts du public, de sa culture, de ses centres d'intérêt.

Telles sont les conditions, assurément difficiles, imposées aux informateurs.

40. En dehors de ces difficultés permanentes, qui tiennent à la nature même de l'information et de ses moyens, les informateurs rencontrent aujourd'hui un autre inconvénient: il leur faut présenter les informations à un public souvent pressé et distrait, de la manière la plus propre à éveiller son attention, sans céder pour autant à la tentation de faire du sensationnel et de déformer les nouvelles, en les sortant de leur contexte ou en les grossissant outre mesure.

41. Ceux qui reçoivent ces données éparses peuvent se faire une idée déformée et inadéquate de la réalité globale. L'exactitude pourra être rétablie jusqu'à un certain point par la confrontation permanente de nouvelles provenant de sources diverses, à contrôler cependant avec soin.

Les usagers doivent, en outre, comprendre les conditions dans les-quelles travaillent les professionnels de l'information, et ne pas exiger d'eux une perfection qui dépasse les forces humaines.

Ils ont toutefois le droit et le devoir de demander la rectification rapide et claire d'une nouvelle fausse ou altérée, de signaler des omissions éventuelles, de protester chaque fois que les faits ont été déformés ou séparés de leur contexte, majorés ou minimisés. Ce droit des usagers peut être mentionné dans les règlements professionnels, les lois nationales ou les accords internationaux.

42. Le droit à l'information a cependant des limites. La réputation des personnes et des sociétés doit être préservée et l'information ne saurait se confondre avec l'indiscrétion. Bien des secrets sont légitimes: secrets des individus et des groupes, en particulier des familles, qui ont droit à leur vie privée; 40 secrets professionnels, secrets d'intérêt public. Quand le bien commun est en jeu, l'information exige du tact et de la prudence.

43. La description et la présentation de cruautés et de violences requièrent la plus grande circonspection. La violence et la cruauté, c'est certain, profanent la vie humaine, et elles apparaissent dans les crises que connaît le monde aujourd'hui. Il existe sans doute une manière de les présenter qui peut en détourner. Il est cependant à craindre, si la projection de scènes sanglantes est étalée trop souvent sous les yeux, que l'on en arrive à les trouver naturelles; il peut même s'y ajouter, comme le pensent nombre de spécialistes, un risque de psychose et, par suite, d'escalade dans la violence. Les informateurs doivent, lors de la présentation de tels événements, apprécier en conscience les dangers d'une technique dont les effets les dépassent.

b) Liberté de communication

44. Droit à l'information et liberté de communication sont étroitement liés. Toute la vie sociale, en effet, repose sur un dialogue permanent entre les individus et les groupes, dialogue indispensable à la compréhension réciproque et à la collaboration.

Quand le dialogue emprunte la voix neuve des moyens de communication sociale, il acquiert une nouvelle dimension en faisant participer un plus grand nombre d'hommes à la vie et au progrès de la société.

45. Etre social, l'homme a besoin de comparer et de confronter librement sa pensée avec celle des autres -- et cela de plus en plus, dans le monde contemporain où le travail de pensée et de réflexion devient, dans une certaine mesure, oeuvre d'équipe. Lorsque des hommes, suivant un penchant naturel, échangent des informations ou expriment leurs opinions, ils usent d'un droit personnel et s'acquittent en même temps d'un devoir social.

46. Les sociétés dites "pluralistes", qui admettent la diversité des partis, comprennent l'importance de la libre communication des nouvelles et des opinions pour la participation active des citoyens à la vie sociale et elles garantissent cette liberté par une législation. La Déclaration universelle des Droits de l'homme l'a proclamée comme une exigence fondamentale, affirmant ainsi du même coup, implicitement, la nécessaire indépendance des moyens de communication sociale.

47. En pratique, la liberté de communication comporte la liberté des personnes et des groupes dans la recherche, la circulation et la diffusion des nouvelles, et la liberté d'accès pour tous aux moyens de communication sociale. Une liberté de communication qui, dans son exercice, ne tiendrait pas compte des exigences objectives du droit à l'information, viserait plus à la satisfaction de l'informateur qu'au bien du public.

3. EDUCATION, CULTURE, LOISIRS

48. Les moyens de communication sociale ont un rôle de plus en plus important dans le domaine de l'éducation. En plusieurs pays, les moyens audio-visuels, les video-cassettes ainsi que l'usage régulier de la radio et de la télévision sont devenus des instruments d'enseignement, rendant accessible à un plus grand nombre le travail de toutes sortes de spécialistes. Dans d'autres pays, les media sont utilisés comme complément des méthodes usuelles d'enseignement, offrant ainsi aux adolescents et aux adultes les chances d'une éducation prolongée. Dans les régions où manquent les facilités de scolarisation, ils permettent d'y suppléer sur divers points: instruction religieuse, éducation de base, lutte contre l'analphabétisme, enseignement des techniques élémentaires de l'agriculture, de la médecine, de l'hygiène et du développement communautaire. Dans la mesure du possible, un tel travail devrait faire preuve de qualités inventives et présenter le caractère d'un vrai dialogue. Ainsi l'élève ne se limite pas seulement à l'acquisition des connaissances, mais il apprend aussi à s'exprimer en utilisant les media.

49. Elément privilégié de la culture moderne, les techniques de communication ont pour résultat incomparable de mettre les oeuvres culturelles à la portée d'une grande partie de l'humanité, et bientôt peut-être de tous. C'est un vrai progrès pour l'humanité, autant que la suppression des inégalités économiques et sociales.

50. Les moyens de communication sociale peuvent enrichir la culture de notre temps. A cette fin, que les "communicateurs", conscients du droit de tous à la culture, recourent volontiers aux facilités fournies par les "media" pour atteindre la grande multitude des hommes et les collectivités.

Ces mêmes moyens permettent de subvenir aux divers besoins et aux intérêts de la culture humaine en mettant leurs ressources et leur attrait au service des différents domaines de l'art. Les usagers peuvent alors facilement les utiliser pour affiner leur esprit et enrichir leur intelligence, à condition d'y ajouter la réflexion personnelle et l'échange de vue avec autrui.

51. Un autre exemple de la puissance culturelle des techniques de masse peut être trouvé dans les services qu'elles rendent au folklore traditionnel des pays où contes, pièces de théâtre, chansons et danses expriment encore un héritage national ancien. Grâce à leurs possibilités techniques, les media peuvent faire connaître ces oeuvres, les enregistrer pour permettre de les revoir et de les réentendre, en les mettant en outre au service des collectivités urbaines où les vieilles traditions ont disparu. De cette manière, les media contribuent à inculquer à chaque nation le sens de ses valeurs culturelles et, en les exprimant, contribuent à les étendre à d'autres cultures et à d'autres pays.

52. Il ne faut pas oublier que bien des oeuvres célèbres -- musicales, théâtrales ou littéraires -- ont d'abord été présentées comme des divertissements publics. Cela montre que même les distractions peuvent avoir une haute valeur culturelle. 41

Aujourd'hui encore, grâce aux moyens de masse, des réalisations artistiques de qualité procurent à un nombre croissant de contemporains la récréation, au sens plein du terme, dont ils ont besoin dans notre société si complexe. Le simple divertissement comporte aussi une valeur, puisqu'il contribue à dégager l'esprit du poids des soucis quotidiens et qu'il remplit utilement les temps libres. C'est pourquoi les oeuvres multiples et variées offertes par les media pour meubler les loisirs présentent une utilité réelle pour nos contemporains. Les usagers toutefois, dans leur soif de voir ou d'apprendre, ne doivent pas se laisser absorber au point d'en venir à négliger leurs devoirs immédiats ou à gaspiller leur temps.

53. Les moyens de communication sont une nouveauté pour l'humanité d'aujourd'hui, du fait qu'ils s'adressent simultanément à des masses innombrables.

Ils peuvent, certes, enrichir l'humanité, mais aussi, parfois, la défigurer et l'appauvrir, en procédant, par exemple, à une sorte de nivellement par le bas pour conquérir auditeurs ou lecteurs. Celui qui y consacrerait beaucoup de temps pourrait alors se dégrader l'esprit et perdre le sens des valeurs supérieures.

Sans doute, le spectacle continuel d'oeuvres de niveau médiocre ne risque guère d'émousser le goût et le tact de ceux qui sont parvenus à un degré supérieur de culture. Néanmoins, les dangers peuvent être écartés si le producteur a le souci des valeurs authentiques et si, à cette intention élevée, s'ajoute une réelle compétence pédagogique.

Il faut rappeler en outre que les media sont parfaitement capables de réaliser des productions de la plus haute qualité artistique. Celles-ci ne sont pas nécessairement les plus difficiles à comprendre ni les moins accessibles à la majorité du public.

4. LES GENRES ARTISTIQUES

54. Les procédés modernes de communication propagent à travers le monde les anciennes formes d'art et ils en suscitent de nouvelles. Au moment où le réseau de communications couvre l'univers et où se multiplient les échanges internationaux, la coopération s'accroît entre les producteurs de diverses nations. Il est donc souhaitable que producteurs et usagers en arrivent à une convention universelle, non seulement pour accepter les formes anciennes et nouvelles de l'art, mais encore pour accueillir avec intelligence et respect les expressions artistiques de tous les pays, de toutes les cultures et de toutes les ethnies.

55. La pensée chrétienne apprécie à leur juste prix les valeurs humaines de l'expression artistique. D'elle-même, la beauté élève l'âme qui la contemple. L'expression artistique peut refléter la condition humaine jusque dans ses profondeurs, rendre les réalités spitituelles accessibles à tous par la voie des sens, donner à l'homme une meilleure connaissance de lui-même bénéfique non seulement sur le plan de la culture, mais sur le plan éthique et religieux.

"C'est un fait que lorsque vous, écrivains et artistes, vous savez relever dans la condition humaine, aussi humble et triste soit-elle, un accent de bonté, immédiatement une lueur de beauté traverse votre oeuvre. Nous ne vous demandons pas de jouer aux moralistes. Nous vous demandons seulement de croire à votre pouvoir secret, de voir le merveilleux champ de lumière qui s'étend derrière le mystère de la vie humaine". 42

56. Pour comprendre l'esprit et le caractère d'une époque, il faut étudier non seulement son histoire, mais aussi sa littérature et son art. Les productions artistiques révèlent souvent mieux qu'une description le génie d'un peuple, ses aspirations, ses pensées, ses sentiments. Même lorsqu'elle ne touche pas à des situations réelles et qu'elle se meut dans un monde fantaisiste, l'expression artistique offre des vues pénétrantes sur l'homme et sur sa condition. Les oeuvres d'imagination également, tout en représentant la vie et les activités des hommes dans des situations fictives, enseignent la vérité à leur manière. Bien qu'imaginaires, elles atteignent cependant les réalités de la vie dans la mesure où elles empruntent leurs éléments à la nature humaine. 43 En outre, par leurs anticipations sur les développements futurs de l'humanité, elles rejoignent la source vitale du dynamisme humain et du progrès social.

57. Pie XII nous enseigne que la vie humaine "ne peut être comprise, du moins dans ses grands et terribles conflits, si l'on néglige les crimes et les vices qui, la plupart du temps, en sont la cause et l'origine (...). Or, un excellent film ne peut-il pas présenter de tels faits et en faire son sujet? Les plus célèbres poètes et écrivains de tous les temps et de tous les pays ont abordé ces graves thèmes et il en sera encore ainsi à l'avenir (...). Chaque fois que cette lutte contre le mal, ou même la victoire temporaire de celui-ci, oriente, avec l'ensemble de l'oeuvre, vers une conception plus haute de la vie, vers la discipline des moeurs, vers une conduite plus noble et un jugement plus sûr, on pourra choisir un sujet de ce genre et l'insérer, à titre d'enseignement, dans l'action du film. On adopte donc ici la même norme et le même critère que ceux qui doivent s'appliquer à tout oeuvre littéraire". 44

L'oeuvre est donc considérée ici dans son utilité pour le progrès moral; il faut en effet distinguer la valeur artistique et la sauvegarde de la morale, mais, loin de s'opposer, elles s'appellent et se corroborent réciproquement.

58. L'expression artistique pose parfois des problèmes moraux, du fait de l'incapacité ou de la difficulté de certains publics à la recevoir comme il convient, en raison soit de l'âge, soit de l'immaturité psychologique, soit d'une éducation insuffisante. L'artiste est confronté avec la vie tout entière, dans ses manifestations bonnes ou mauvaises. Le discernement et le tact se révèlent donc nécessaires, chaque fois que l'expression artistique atteint des publics composites où se rencontrent des personnes de milieux fort divers. Cela s'impose plus particulièrement lorsque l'oeuvre a pour thème la confrontation de l'homme avec le mal.

5. LA PUBLICITÉ

59. L'importance de la publicité croît sans cesse dans la société moderne. Elle fait partout sentir sa présence et l'on ne peut échapper à son influence.

Elle apporte certainement des avantages à la communauté humaine, en signalant aux consommateurs les biens et les services disponibles, et en encourageant une plus large distribution des produits. Ce faisant, elle aide au développement de l'industrie, pour le profit de tous.

Tout cela est bon, à condition que soit respectée la liberté de choix de l'acheteur. De toute façon, la publicité doit, elle aussi, dans les limites de sa technique propre, respecter la vérité.

60. Si les annonces publicitaires recommandent au public des produits nuisibles ou inutiles, ou font appel à des arguments fallacieux, si elles exploitent les tendances les moins nobles de l'homme, ceux qui en sont responsables portent préjudice à la société humaine et s'exposent à perdre la confiance, voire à discréditer la publicité elle-même.

En outre, la stimulation de besoins factices porte dommage aux individus et aux familles qui subissent l'attrait excessif du superflu, au détriment du nécessaire.

Devront être particulièrement évitées les formes de publicité qui blessent la pudeur, exploitent l'instinct sexuel à des fins commerciales; de même, celles qui influencent le subconscient en portant atteinte à la liberté des acheteurs.

C'est pourquoi les responsables de la publicité doivent eux-mêmes établir des règles qui garantissent le respect de la dignité humaine et l'intérêt de la société.

61. Un judicieux emploi de la publicité peut inciter les sociétés en voie de développement à rechercher l'élévation de leur niveau de vie. Cependant le dommage serait grand si un usage et une pression inconsidérés de la publicité s'exerçaient de telle sorte que ces sociétés en arrivent à prendre pour critère de leur développement la satisfaction de besoins artificiellement créés et à dilapider leurs propres ressources. Ce serait au détriment de leurs besoins véritables et de leur authentique promotion.

62 L'importance croissante des investissements publicitaires risque de dénaturer les media eux-mêmes. Le public peut en effet croire que les moyens de communication n'existent que pour stimuler les besoins de l'homme en vue de le pousser à la consommation. Bien plus, ces moyens ne subsistant en partie que grâce à la publicité, la porte se trouve ouverte aux monopoles et à leur pression. De ce fait le dialogue social se trouverait limité et le droit à l'information contrarié.

Il faut donc sauvegarder avec soin la possibilité d'une pluralité de moyens de communication indépendants, au besoin par une législation appropriée.

CHAPITRE II

LES MEILLEURES CONDITIONS POUR UNE MISE EN VALEUR
DES MOYENS DE COMMUNICATION SOCIALE

 

63. Pour que les media soient réellement au service de l'homme, il faut avant tout considérer, dans leur fonctionnement, l'importance du facteur humain, qui surpasse les possibilités de la mécanique et de l'électronique. En effet, le fonctionnement des moyens de communication n'est pas automatique: producteurs et usagers doivent être pleinement conscients et instruits de toutes les ressources des media, ainsi que de leurs propres responsabilités individuelles ou collectives. Les pouvoirs publics et les autorités religieuses ont chacun un rôle particulier à jouer pour que soit réalisé tout le bien qu'on est en droit d'attendre des moyens de communication sociale.

1. LA FORMATION

64. Une éducation qui inculque les principes fondamentaux gouvernant le fonctionnement des media dans la communauté humaine apparaît aujourd'hui comme une nécessité pour tous. Ils apportent en effet un enrichissement pour l'esprit, lorsqu'on a bien compris leur nature et découvert leur mécanisme. En revanche, ils portent atteinte à la liberté de ceux qui ne sont pas capables d'en déceler l'emprise. C'est pourquoi cette formation devra inclure des considérations plus concrètes sur la nature particulière de chaque moyen de communication sociale, sur sa situation actuelle dans une région donnée et sur ce qui a trait à son bon usage, et, en tout cela, avec une référence spéciale à l'homme et à la societé.

a) La formation des usagers

65. Les usagers doivent être formés à tirer le plus grand profit des media, non seulement pour leur avantage personnel, mais pour une participation effective aux échanges sociaux et pour une collaboration efficace entre membres de la communauté humaine, enfin pour trouver les meilleurs moyens de promouvoir la justice entre les nations, en éliminant les terribles inégalités entre peuples riches et peuples indigents.

66. La formation doit être accessible à tous et adaptée au degré de maturité de chacun. Ceux qui possèdent une compétence particulière doivent aider à cette formation par des rencontres, des cercles, des "carrefours", des cours spéciaux, des réunions d'études, des sessions de formation.

67. On ne commencera jamais trop tôt à inculquer aux jeunes le goût artistique, l'esprit critique dans le choix des lectures, des films, des émissions radiophoniques et télévisées: les enfants et les adolescents peuvent être plus facilement choqués et blessés; d'autre part, l'équilibre psychologique et l'auto-discipline acquis dès le premier âge leur seront profitables tout le reste de leur vie.

Les enfants et les adolescents possèdent des qualités merveilleuses de générosité et de serviabilité, de simplicité et de sincérité, mais ils ne peuvent conserver ces qualités et la maîtrise d'eux-mêmes dès leur jeune âge, que si on les aide à les cultiver et à les sauvegarder.

Les parents et les éducateurs apprendront aux enfants à faire des choix judicieux, même s'ils doivent se réserver de trancher en dernier lieu dans ces choix. S'ils ont conscience de devoir porter un jugement différent de celui de leurs enfants, ils auront à coeur de leur en expliquer clairement les raisons. On obtient plus par une explication fondée que par l'interdiction, surtout en matière de formation humaine. Ils se souviendront aussi que la psychologie de l'enfant n'est pas la même que celle de l'adulte et que, par conséquent, telle émission qui, à leurs yeux, manque d'attrait ou d'intérêt peut parfaitement convenir à des jeunes .

Il convient même que certains jeunes se fassent les éducateurs de leurs camarades. Leur âge est réceptif aux nouvelles formes de culture et il leur permet d'aborder ceux qui font partie du même groupe. L'expérience montre l'efficacité de cette méthode.

68. Il sera fort utile aux parents et aux éducateurs de voir les émissions télévisées, les films et les publications qui attirent les plus jeunes, pour pouvoir discuter ensuite avec eux, en essayant de former leur sens critique.

Quand une oeuvre comporte des obscurités, les parents doivent aider leurs enfants, pour leur en faire découvrir la valeur culturelle.

69. Cette éducation doit se faire dans les écoles où, graduellement, on amènera les élèves à connaître les principes des media et leurs applications, à lire la presse, à écouter la radio, à déchiffrer et à interpréter les images. Les programmes devront réserver une place à cet enseignement qui sera dispensé dans des groupes de travail et donnera lieu à des exercices pratiques, sous la direction de maîtres qualifiés.

70. Les parents et maîtres ne pourront s'acquitter de ce devoir que si eux-mêmes sont aptes à porter une appréciation sur les moyens de communication. Les parents qui n'ont pas grandi dans cette ambiance ont plus de difficulté à comprendre la "langue" que les jeunes d'aujourd'hui. Ils devront s'efforcer de connaître les dernières données de la psychologie, quant à l'influence exercée sur les enfants par les media.

On les sent inquiets, en particulier, de la liberté avec laquelle les media traitent les problèmes, dans tous les domaines. Dans le souci qu'ils ont de voir leurs enfants utiliser les media d'une manière correcte, ils doivent cependant leur faire confiance, convaincus que ces enfants, grandis et éduqués dans une société autre, sont autrement équipés pour réagir contre les influences multiples et variées qu'ils subissent.

b) La formation des responsables et des auteurs

71. Tout en possédant une bonne technique dans l'usage des moyens de communication, on peut manquer d'une culture humaine approfondie. Une formation s'avère alors nécessaire pour que leur travail soit utile à la communauté. Il serait opportun de fonder, au niveau de l'enseignement supérieur, des chaires de communication sociale, avec le pouvoir de conférer des grades. En ce domaine propre aux media, il convient de joindre la science à la pratique.

72. La compétence professionnelle ne suffit pas: il faut des qualités humaines, au premier rang desquelles figure l'esprit d'ouverture, de dévouement et de dialogue. Plus les réalisateurs s'appliqueront à mieux connaître leur public, à pénétrer son âme, plus ils seront capables de s'adapter aux besoins des usagers et de faire grandir ainsi la compréhension profonde entre les hommes et la communion intime des esprits.

2. CHANCES ET DEVOIRS

 

a) Des responsables et des auteurs

73. Les responsables et les auteurs suscitent et stimulent le dialogue qui s'instaure au sein de la société humaine. Ils président en effet aux échanges qui ont lieu dans cette sorte d'immense univers constitué par les media. Il leur appartient donc d'en rechercher les buts profonds, d'en promouvoir le progrès et d'amener les hommes à des relations de véritable communion.

74. C'est pourquoi, dans le choix des sujets, on se préoccupera de tenir compte de l'ensemble des exigences du public, de faire place aux diverses opinions, pourvu qu'elles émanent de fractions importantes de ce même public.

Pour arriver à un bon résultat, il importe de prévoir quels seront les spectateurs ou les auditeurs et de se mettre en harmonie préalable avec eux. A ce prix seulement, les communications pourront s'adapter aux besoins et aux possibilités de tous les publics selon les âges, les catégories sociales et les milieux culturels. A ce prix seulement, s'instaurera entre les personnes bien préparées, libres et responsables, l'immense et incessant dialogue que rendent possible les moyens de communication sociale.

75. Les journalistes "se consacrent à une étude et à une observation continuelles, ne cessant jamais de regarder par la fenêtre ouverte du monde, pour scruter les événements, les courants, les opinions, tout l'ensemble des tendances et des inter-réactions humaines". 45 Il leur appartient donc non seulement d'établir la vérité des faits, mais aussi de mettre en valeur les plus saillants par des commentaires qui en dégagent la portée et qui expliquent leur enchaînement. Ils aideront ainsi les lecteurs à replacer dans leur contexte les nouvelles reçues en vrac, à en apprécier l'importance relative, en vue des jugements à porter et des décisions à prendre dans la vie sociale.

76. Tous ceux qui sont engagés dans la production d'oeuvres artistiques destinées à être diffusées par les media, ne peuvent pas oublier qu'ils sont en rapport avec un vaste public, puisqu'il s'agit de moyens de communication sociale. Tout en restant fidèles à leur inspiration artistique, ils auront conscience de leur pouvoir et des responsabilités qu'il comporte, car ce pouvoir leur donne d'immenses possibilités pour le bonheur des hommes et le progrès humain. Ils auront aussi une juste considération pour les minorités. Si certains moyens de communication sociale détiennent un monopole de droit ou de fait, l'impartialité s'impose d'autant plus qu'elle est alors plus difficile à pratiquer, la tendance du monopole étant de substituer le monologue au dialogue.

77. Les réalisateurs qui, pour des considérations uniquement commerciales, cèdent à l'entraînement d'une popularité facile et passagère, non seulement rendent un mauvais service à leur public, mais à longue échéance discréditent leur profession.

78. Pour maintenir les communications à un haut niveau et pour aider les producteurs à progresser, les critiques, par leurs appréciations, ont un rôle irremplaçable. Ils assurent l'auto-critique de la profession, puisqu'ils en font partie.

Ils essayeront de montrer, d'une façon équilibrée et objective, les mérites et les faiblesses des messages livrés, pour aider le public à se former une idée claire de leur valeur. C'est en effet le vrai moyen d'être utile aux usagers pour qu'ils soient à même de discerner la qualité d'une production. Le sens de la justice et le désir de vérité les conduiront à signaler avec impartialité les qualités et les mérites, les défauts et les erreurs des diverses communications.

Il ne faut pas sous-estimer l'importance de cette fonction des critiques. La pénétration de leurs analyses est susceptible de déceler, dans une oeuvre, des significations et des richesses qui avaient pu échapper à l'attention même de son auteur. Ils doivent toutefois s'effacer devant l'oeuvre dont ils font l'analyse critique, pour ne pas en détourner l'attention à leur profit.

79. Les professionnels des media, groupés en associations, pourront, grâce à l'échange, à l'étude et à l'assistance de spécialistes des diverses questions en jeu, mieux faire face aux difficultés des problèmes moraux de leur métier. Ainsi unis, ils seront en mesure, à partir des principes et de leur expérience, d'élaborer une déontologie qui précisera les exigences de toute communication sociale. Cette déontologie devra être plus positive que négative et indiquer moins ce qu'il faut éviter que ce qu'il convient de faire pour mieux servir l'homme.

80. Les moyens de communication exigent d'importants capitaux pour leur création et leur fonctionnement. Une aide efficace peut leur être apportée par le concours financier de ceux qui en ont le moyen. Ceux-ci ne chercheront pas seulement le gain ou le profit, mais le véritable intérêt de l'humanité. En rendant ce service, ils prendront soin, d'autre part, de respecter la légitime liberté des producteurs, des réalisateurs et des usagers.

b) Des usagers

81. Les possibilités des "récepteurs" sont plus larges et, par conséquent, leurs responsabilités sont plus importantes qu'on ne le croit communément. La poursuite d'un véritable dialogue dépend, en grande partie, des usagers. S'ils demeurent passifs devant les moyens de la communication, celle-ci restera à sens unique, malgré les efforts des professionnels pour établir le dialogue.

82. Pour se montrer actifs, les usagers interprèteront bien les nouvelles transmises, en les pesant et en les appréciant selon leur origine et leur contexte. Ils feront un choix judicieux et prudent; ils exerceront leur jugement critique. Chaque fois qu'il est nécessaire, ils complèteront ce qui leur est proposé au moyen d'informations puisées ailleurs. Ils n'hésiteront pas à faire connaître franchement leur approbation, leurs réserves ou leur désaccord.

83. Si l'on objecte que, pris à part et isolés, les individus qui composent le public ont peu de pouvoir, il ne faut pas oublier que l'association leur confère une puissance certaine. Comme les professionnels de la communication sociale, les usagers gagneront à se grouper en associations ou à utiliser les services d'autres organisations à buts plus larges.

3. LA CONCERTATION

 

a) Entre citoyens et autorités

84. Puisque les moyens de communication sociale servent au progrès de la société, la responsabilité de tous les citoyens et des législateurs se trouve engagée. Il leur appartient de garantir la liberté et les conditions nécessaires pour l'activité responsable de tous, dans le respect de la personne humaine et du bien commun national et international.

85. La communauté politique exige en priorité le développement des initiatives des personnes et des groupes, du sens des responsabilités de tous et de chacun, de l'auto-critique et de l'auto-discipline des professionnels et des usagers.

86. Le rôle des autorités publiques est avant tout positif. Leur action ne saurait être conçue d'abord comme restrictive et répressive, même si, dans certains cas, des interventions peuvent s'imposer.

Le deuxième Concile du Vatican spécifie que la liberté des hommes doit être respectée autant que possible, et restreinte seulement dans les cas et dans la mesure où le bien commun rend cette restriction nécessaire. 46 De même les pouvoirs publics doivent respecter le principe de subsidiarité affìrmé à maintes reprises par le Magistère de l'Eglise, c'est-à-dire qu'ils ne créeront pas et ne géreront pas eux-mêmes ce que les individus ou les corps intermédiaires sont en condition de créer ou de gérer aussi bien et parfois mieux que les pouvoirs publics.

87. En accord avec ces principes, une législation doit assurer la liberté de communication et le droit à l'information, deux exigences qu'il faut défendre contre les pressions économiques, politiques ou idéologiques, qui peuvent s'opposer à leur libre exercice. Dans ce domaine la législation doit également garantir aux citoyens le droit à la critique de la gestion des moyens de communication, en particulier lorsqu'ils sont en face du monopole, surtout si celui-ci est entre les mains des pouvoirs publics.

Les pouvoirs publics pourvoiront, au besoin par une législation appropriée, à sauvegarder efficacement la diversité, contre une concentration excessive, à laquelle pousse la concurrence suscitée par la soif du profit, à défendre la dignité des personnes et des groupes de valeur culturelle, et à assurer les conditions nécessaires à l'exercice de la liberté religieuse.

88. Il est spécialement recommandé aux professionnels et à leurs associations de créer des Conseils autonomes ayant leurs propres statuts et s'intéressant à tout ce qui concerne la communication sociale. Seront invités à en faire partie des représentants de diverses organisations et catégories sociales. De la sorte, on peut l'espérer, seront écartées de regrettables ingérences de la part de l'Etat ou des puissances économiques. Cela contribuera en outre à renforcer la coopération et la compréhension mutuelles entre les réalisateurs. Toute la communauté en profitera.

Peut-être faudrait-il, ici ou là, que les pouvoirs publics constituent des organismes de surveillance des moyens de communication sociale. Ces organismes seront tenus par la loi à recevoir dans leur sein des délégués des divers secteurs de l'opinion publique.

89. Des dispositions législatives protégeront autant que possible les jeunes contre les dommages quelquefois graves et durables que certaines communications peuvent infliger à leur affectivité et à leur sens moral; mais pour les enfants et les adolescents, la législation n'est qu'un préalable indispensable à l'action éducative de la famille et de l'école.

90. Il appartient aussi à la loi d'encourager et de favoriser le financement au moins partiel des moyens de communication sociale qui promeuvent manifestement le bien commun, comme, par exemple, les divers organismes d'information, les publications spécifiquement éducatives, les films et les émissions destinés aux enfants, lorsqu'il y a peu d'espoir de rentabilité. Cela s'applique également à de grands films et à des émissions ou publications de "haute qualité", lorsqu'ils s'adressent à une clientèle restreinte.

91. La responsabilité des pouvoirs publics envers les media s'étend aujourd'hui au plan mondial pour garantir le développement des communications par des accords internationaux en vue du bien commun sans monopole ni discrimination. L'utilisation des satellites de communication relèvera de semblables traités internationaux.

De cette manière tous les pays pourront être assurés d'une juste place dans le dialogue entre les nations.

b) Entre les nations

92. Parmi les multiples formes d'activité internationale que rend nécessaires la nature même des media, une importance particulière doit être attribuée à celles qui concourent au développement des peuples.

L'absence ou la pénurie de moyens de communication sociale sont en effet le signe du retard social. Cette indigence est à la fois cause et effet. Sans les techniques modernes de communication, aucun pays ne peut procurer à tous ses ressortissants l'information convenable sur les événements, ni une organisation adaptée qui comprend tout le progrès économique, social et politique.

93. "Le développement est le nouveau nom de la paix", a déclaré le Pape Paul VI. 47 Les pays équipés industriellement ont le devoir, pour les media comme pour le reste, de venir au secours des peuples démunis, afin de les aider à former des responsables qualifiés. Ils devront leur fournir l'aide technique nécessaire, car ils sont responsables non seulement de leur propre prospérité, mais aussi de celle de tout le genre humain. Ce devoir est d'autant plus grave que la puissance de la technique connaît un progrès plus étonnant et plus rapide.

Des Centres destinés à former les professionnels de la communication sociale devront fonctionner sur le territoire même des Etats en voie de développement, pour éviter à ces étudiants l'obligation d'émigrer, au grand détriment de leur pays d'origine. Ainsi pourra être écarté pour ces Etats le danger de perdre leurs élites.

94. Le développement technique des peuples défavorisés doit respecter leurs traditions, leurs cultures et leurs modalités d'expression artistique, chargées de valeur humaine. La coopération culturelle n'est pas une aumône, mais un échange pour l'enrichissement de tous.

95. Dans les pays en voie de développement et, en particulier, dans ceux où l'analphabétisme met un obstacle au progrès intégral, les moyens audio-visuels peuvent communiquer avec grande efficacité les connaissances qui tendent à améliorer l'agriculture, l'industrie et le commerce, à promouvoir l'hygiène. Ils peuvent également aider à développer la personne, à fortifier la vie familiale, les relations sociales et le sens civique. Comme de telles activités sont difficilement rentables, il faudra faire appel à la générosité des individus, des groupes privés et des gouvernements des pays plus riches, ou aux subsides des organisations internationales.

c) Entre tous les chrétiens, les croyants, les hommes de bonne volonté

96. Les moyens de communication sociale n'atteindront pas leur but - la communion et le progrès dans la vie sociale - s'ils ne s'attaquent pas aux problèmes urgents et aux difficultés du genre humain. Ils affermiront au contraire l'espérance de notre temps s'ils développent une très large union entre tous les hommes qui croient au Dieu vivant, et principalement entre ceux qui sont liés par le baptême, conformément aux prescriptions du Décret conciliaire sur l'OEcuménisme de Vatican II et à la Déclaration sur les religions non chrétiennes. 48

97. Les chrétiens eux-mêmes d'ailleurs, en se servant de ces moyens, sauront acquérir une vue plus exacte de la situation du monde présent souvent éloigné de Dieu. Cette aliénation de l'homme, les auteurs de pièces de théâtre et les journalistes la dépeignent de façon très suggestive, tout en exaltant la liberté humaine. On doit leur savoir gré de consacrer à cette oeuvre le meilleur de leurs forces et de leur talent. 49

98. Animés par leur foi, les croyants du monde entier peuvent aider efficacement les moyens de communication, non seulement à promouvoir le progrès humain dans l'ordre social et culturel, mais, sous l'égide de la Providence, à créer les conditions du dialogue le plus élevé et le plus universel qui conduira les hommes à mieux vivre la fraternité sous le même Dieu Eternel, Père de tous les hommes.

99. Cette collaboration trouve un vaste champ d'application: organisation de programmes communs de radio et de télévision, services communs d'éducation, notamment pour les jeunes et les parents, rencontres et dialogues entre le public et les professionnels de la communication, fondation commune de prix décernés aux meilleures oeuvres, création des entreprises communes de recherches scientifiques et pratiques pour une meilleure utilisation des media, en particulier pour la formation professionnelle ou pour la réalisation de l'égalité entre tous les peuples.

100. Il faut, pour réaliser ces tâches, un programme commun d'action et des ressources communes. Le Concile a suggéré, comme une première démarche, la Journée Mondiale des Communications. Tous les hommes qui croient en Dieu sont conviés à consacrer chaque année une journée à la prière et à la réflexion sur les problèmes et les perspectives des media, à des rencontres amicales avec les responsables, à la recherche de voies et de ressources propres à susciter des oeuvres et des initiatives en vue du progrès humain par les moyens de communication.

Que le Peuple de Dieu, pasteurs et fidèles, coopère activement aux efforts des hommes de bonne volonté visant à faire concourir les moyens de comunication à la justice, à la paix, à la liberté, au progrès.


TROISIEME PARTIE

L'ACTION DES CATHOLIQUES
EN MATIERE DE MEDIA

 

101. Le Concile Vatican II exhorte les catholiques à prendre pleine conscience des devoirs nouveaux que, selon l'enseignement de la foi, leur imposent les moyens de communication sociale.

Comme nous l'avons déjà exposé brièvement dans le premier chapitre, l'histoire même du salut révèle, dans l'oeuvre créatrice et rédemptrice de Dieu, la forme la plus élevée de communication sociale, exemple que les hommes sont appelés à suivre. En interprétant sa fonction dans le domaine des media, l'Eglise s'efforce d'accorder les principes de la foi avec les lois particulières de la communication sociale. Ainsi s'acquitte-t-elle de la charge qu'elle a reçue de Dieu: le soin pastoral universel, sous le double aspect du développement humain et de l'annonce de l'Evangile.

Dans la seconde partie de cette Instruction, il a été dit à quelles conditions les moyens de communication peuvent seconder et favoriser le progrès humain. Mais qu'y ajoutent le christianisme et le catholicisme? C'est ce qui sera sommairement traité dans cette troisième partie qui situe la place à accorder aux media dans la vie des fidèles catholiques.

CHAPITRE I

LES SERVICES RENDUS PAR LES CATHOLIQUES
A LA COMMUNICATION SOCIALE

 

102. Si le Peuple de Dieu entend servir la communication sociale exercée par les moyens modernes pour qu'à leur tour ils servent l'humanité, c'est, de toute évidence, sur le terrain spirituel qu'elle peut et doit rendre les services les plus éminents. L'Eglise espère que, par sa contribution spirituelle, les lois essentielles de la communication sociale apparaîtront dans une plus grande clarté et seront mieux observées, en même temps que la dignité de l'homme - qui est producteur ou usager - sera mieux perçue et respectée. La communication sociale qui rend proches les hommes entre eux pourra les conduire à la communion.

103. En conséquence, les professionnels chrétiens, en remplissant avec soin leur devoir professionnel, rendent témoignage au christianisme. En même temps, ils apportent un service singulier à la communication sociale; en effet: comme collaborateurs dans des institutions non confessionnelles, ils seront en mesure de faire entendre le point de vue chrétien sur les questions qui préoccupent les hommes dans la société. Ils aideront ceux qui préparent les nouvelles pour la presse écrite et la presse parlée à ne pas passer sous silence les informations religieuses qui intéressent leur public et à présenter la dimension religieuse dans les événements humains. Il est donc évident que leur présence ne saurait être une entreprise de domination, mais de service, qui doit se distinguer par sa haute qualité; ainsi gagneront-ils l'estime de leurs collègues.

104. Les producteurs catholiques ont droit à recevoir de l'Eglise l'appui moral qui convient à une fonction aussi délicate.

105. Consciente de l'importance de leur profession et des difficultés que comporte son exercice, l'Eglise désire vivement collaborer avec les producteurs, quelles que soient leurs convictions religieuses, pour aider éventuellement à la solution des problèmes professionnels et pour travailler à la réalisation du bien commun.

106. De plus en plus, évêques, prêtres, religieux et laïcs sont appelés à écrire dans la presse et à intervenir à la radio ou à la télévision, en tant que représentants de l'Eglise. Les conséquences de ces interventions peuvent être capitales.

Or l'usage des media exige une connaissance approfondie de leur nature, de leurs effets et de la manière de les utiliser. Il appartient aux Commissions nationales et aux organismes spécialisés de fournir aux utilisateurs de ces différents moyens la préparation requise avant de les aborder.

107. L'Eglise considère comme une de ses tâches les plus urgentes de tout mettre en oeuvre pour donner aux usagers une formation conforme aux principes chrétiens. C'est du même coup servir la communication sociale elle-même. En effet l'usager bien formé sera capable de prendre part au dialogue instauré par les media et il saura exiger des communications de haute qualité.

Les écoles et les organisations catholiques ne peuvent ignorer le devoir qui leur incombe en ce domaine; elles auront à coeur d'enseigner aux jeunes non seulement à se comporter en chrétiens comme usagers, mais encore à utiliser activement toutes les possibilités d'expression qu'offrent les media. S'il en est ainsi, les jeunes seront les vrais citoyens de cet âge des communications sociales dont nous entrevoyons les débuts.

108. Tout ce qui touche à la communication sociale ne peut laisser indifférent le théologien. La communication sociale a sa place dans les disciplines théologiques, particulièrement en morale et en théologie pastorale. On devrait aussi la retrouver dans les principes fondamentaux de la catéchèse. Cette place sera mieux comprise lorsque les théologiens eux-mêmes auront approfondi et enrichi, grâce à leurs recherches et à leur sagacité, ce qui a été dit dans la première partie de cette Instruction.

109. Que les parents et les éducateurs, les prêtres et les groupements catholiques n'hésitent pas à orienter vers cette profession les jeunes qui semblent en manifester le goût et qui paraissent en avoir les aptitudes.

Pour que la préparation soit fructueuse, il faudra disposer de ressources. Dans les pays en voie de développement, il importe au plus haut point que les évêques soient aidés et que leur soient fournis les subsides nécessaires. Ainsi, sur place, les candidats pourront recevoir une formation théorique et pratique.

110. Evêques, prêtres, religieux et laïcs doivent participer à cet effort d'éducation. Ils pourront même être appelés à collaborer à des productions. Aussi devront-ils spontanément se tenir au courant des progrès les plus récents réalisés dans ce domaine, ce qui suppose qu'ils soient familiarisés avec les media par un usage direct.

111. Afin d'éviter qu'ils ne restent étrangers à ces questions et pour qu'ils soient préparés à leur mission, les futurs prêtres, les religieux, les religieuses devront, durant leurs années de formation dans les séminaires et noviciats, s'attacher à comprendre exactement l'intérêt des media pour la société et leur technique. Ceci fait partie intégrante de leur formation: c'est une condition sans laquelle on ne peut, aujourd'hui, exercer un apostolat efficace au sein d'une communauté qui en subit chaque jour davantage l'influence. 50

Prêtres, religieux et religieuses doivent savoir comment les opinions et les sentiments prennent naissance et s'adaptent aux circonstances, car c'est aux hommes de ce temps que la Parole de Dieu doit être annoncée. Les media apportent un concours précieux à cette annonce. Que ceux qui manifestent à leur égard des goûts et des aptitudes spéciales reçoivent au séminaire ou au noviciat une formation plus complète.

112. Les critiques et les appréciations concernant les émissions radio-télévisées, les films et les publications peuvent être très utiles à l'éducation humaine et chrétienne, notamment pour le choix des loisirs familiaux. On fera grand cas du jugement des organismes qui sont chargés par les évêques de renseigner sur l'importance, l'utilité, la moralité, la valeur chrétienne des films, des émissions et des publications.

113. Les Universités et les autres organismes catholiques spécialisés devront instituer -- plus et mieux qu'auparavant -- des unités pour les travaux scientifiques et les recherches sur la communication sociale. Elles rassembleront les découvertes faites en ce domaine et collaboreront elles-mêmes à la recherche des autres.

CHAPITRE II

L'UTILITE DES MEDIA POUR LES CATHOLIQUES

1. OPINION PUBLIQUE ET STRICTE INFORMATION RÉCIPROQUE
DANS LA VIE DE L'EGLISE

 

114. L'Eglise travaille avec soin à accroître et à renforcer les liens de communion entre les fidèles. Communication et dialogue sont donc nécessaires aux catholiques. Au reste, l'Eglise se situe dans la société humaine avec laquelle elle a des raisons profondes de s'unir par le dialogue et la communication.

De cette obligation, l'Eglise s'acquitte en diffusant des informations et des commentaires, en se montrant attentive à l'opinion publique à l'intérieur et à l'extérieur, en entretenant le dialogue avec et dans le monde d'aujourd'hui, tandis qu'elle oeuvre avec lui pour résoudre les difficultés humaines.

a) Le dialogue au sein de l'Eglise

115. Parce qu'elle est un corps vivant, l'Eglise a besoin d'une opinion publique pour alimenter le dialogue entre ses membres: c'est une condition de progrès pour sa pensée et son action. "Il manquerait quelque chose à sa vie si l'opinion publique faisait défaut, par une carence imputable aux pasteurs et aux fidèles". 51

116. Que les catholiques soient pleinement conscients de ce qu'ils ont la vraie liberté d'exprimer leur pensée, laquelle repose sur le "sens de la foi" et sur la charité. Le "sens de la foi" est soutenu par l'Esprit de Vérité, en sorte que le peuple chrétien, guidé par le Magistère et respectueux de son enseignement, adhère indéfectiblement aux vérités de la tradition et les applique toujours mieux à la vie quotidienne. 52

La charité ensuite permet à la liberté des chrétiens de s'élever jusqu'à la communion à la liberté du Christ. Celle-ci, nous délivrant des liens du péché, nous a rendus capables de juger librement selon sa volonté. Que les autorités responsables fassent en sorte qu'existe dans l'Eglise, grâce à la liberté d'expression et de pensée, un échange d'opinions légitimes; qu'elles établissent donc les normes et les conditions propres à le procurer. 53

117. Un champ immense s'offre à l'Eglise pour le dialogue interne. Il est, certes, acquis que les vérités de la foi tiennent à l'essence même de l'Eglise et ne peuvent, en aucun cas, être laissées à l'interprétation arbitraire des individus. Néanmoins, l'Eglise se meut dans l'Histoire; elle doit donc s'adapter aux circonstances particulières de temps et de lieu. Elle doit chercher comment exposer les vérités de la foi, à des époques et dans des cultures différentes, comment adapter son action aux mutations qui s'opèrent dans le monde.

Les catholiques donc, dans la fidélité au magistère, peuvent et doivent s'engager dans une recherche libre, afin d'être mieux à même de comprendre en profondeur les vérités révélées et de les présenter aux divers groupes humains. Ce dialogue à l'intérieur de l'Eglise ne porte préjudice ni à son unité ni à la solidarité entre croyants. Il peut donc favoriser, par le libre jeu des opinions, la rencontre des courants de pensée et la convergence des esprits. Toutefois, pour que ce dialogue progresse, il est essentiel que règne la charité, même lorsque les points de vue divergent.

Dans ce dialogue, tous doivent être animés du désir de servir l'unité et de travailler ensemble, avec la volonté de construire et non de détruire. Mus par un profond amour de l'Eglise, il se rappelleront constamment que le Christ a fait de l'amour le signe distinctif par lequel les hommes peuvent reconnaître la véritable Eglise et donc ses vrais disciples. 54

118. Pour cette raison, il est nécessaire de distinguer clairement entre le niveau de la recherche scientifique en théologie, où les experts sont invités à user de la liberté qui leur est nécessaire pour poursuivre leurs travaux et en communiquer le fruit aux autres chercheurs, dans des revues ou des collections spécialisées, et le niveau de l'enseignement des fidèles. Pour ces derniers, il faudra veiller à ce que ne soit proposée comme doctrine d'Eglise que celle reconnue par le Magistère authentique, ou du moins considérée comme enseignement sûr.

Il arrive toutefois que, de fait, les moyens de communication sociale donnent une résonance prématurée aux opinions nouvelles de théologiens. Le public exercera donc son sens critique, afin de ne pas confondre ces opinions avec la doctrine authentique de l'Eglise, en sachant que la signification réelle de ces opinions peut être facilement faussée par le genre et le style propres à certains media.

119. Comme le développement des opinions publiques dans l'Eglise est essentiel, chaque membre du Peuple de Dieu a droit à l'information complète qui lui est nécessaire pour jouer un rôle actif dans la vie de l'Eglise. Cela implique l'existence de moyens de communication suffisamment diversifiés et largement diffusés, et notamment, dans toute la mesure du possible, de moyens catholiques.

120. La vie de l'Eglise requiert un courant continuel d'informations entre la Hiérarchie et les fidèles. Ce courant doit être réciproque. Cela implique la mise en place, aux plans local, national et international, des organismes nécessaires (Conseils pastoraux, Bureaux de presse, Services d'information) dotés de moyens appropriés.

121. Chaque fois que, dans l'Eglise, les affaires à traiter exigent le secret, les règles générales en usage dans les institutions civiles doivent prévaloir.

Toutefois, en raison des valeurs spirituelles que l'Eglise porte en elle, elle se doit de donner des renseignements loyaux et clairs sur ses intentions et son activité. Lorsque l'autorité religieuse ne veut ou ne peut les fournir, des rumeurs tendancieuses se répandent, au détriment de la vérité. Le secret ne doit donc être observé que pour préserver la réputation d'autrui et les droits individuels ou collectifs.

b) Le dialogue entre l'Eglise et le monde

122. Le dialogue de l'Eglise ne s'étend pas seulement à ses membres, mais au monde entier. En vertu d'un commandement divin très net, l'Eglise doit proclamer sa doctrine et sa morale à tous les fils de cette terre dont elle partage le sort. 55

En outre, comme l'enseigne Vatican II, elle doit "lire les signes des temps", puisqu'ils sont pour Dieu une manière de s'exprimer et une manifestation providentielle de l'histoire du salut. L'Eglise doit donc connaître les réactions de l'homme moderne, catholique ou non, aux faits et aux idées. Dans la mesure où les media les reflètent, ils contribuent à cette connaissance.

123. Tous ceux qui exercent une responsabilité dans l'Eglise doivent constamment donner une information complète aux moyens de communication. Puisque ces moyens sont souvent l'unique source et le seul canal d'information entre l'Eglise et le monde, les négliger serait enfouir en terre les talents donnés par Dieu. L'Eglise attend des agences nationales ou internationales, ainsi que des moyens d'information à grande audience, qu'ils apportent à l'information religieuse, au moins si elle est d'intérêt général, une attention soutenue et qu'ils la traitent avec tout le soin requis. De son côté, l'Eglise doit fournir à ces organismes des informations exactes et complètes, afin qu'ils soient en mesure de s'acquitter normalement de leur mission.

124. Ce qui a été dit 56 de la relation hâtive des événements et de leur commentaire concerne également l'information sur l'Eglise. Il s'ensuit que ceux qui exercent une responsabilité dans l'Eglise doivent prévoir et écarter toute difficulté liée à l'improvisation en n'en laissant pas l'initiative à d'autres. En outre, il convient que les décisions et les déclarations importantes soient données à l'avance, en temps utile, avec "embargo", afin que, dans l'intérêt même de l'Eglise, on puisse organiser une présentation et une explication convenables.

125. Les moyens de communication sociale présentent donc un triple intérêt pour le Peuple de Dieu: ils aident l'Eglise à se révéler au monde moderne; ils favorisent le dialogue à l'intérieur de l'Eglise; ils apprennent à l'Eglise les mentalités et les attitudes de l'homme contemporain, car Dieu l'a chargée de porter à cet homme le message du salut, dans un langage qu'il puisse comprendre, à partir des questions qu'il se pose et qui lui tiennent à coeur.

2. L'UTILITÉ DES MEDIA POUR L'ANNONCE DE L'EVANGILE

126. Le Christ a prescrit à ses Apôtres et à leurs successeurs "d'enseigner toutes les nations", 57 d'être "la lumière du monde", 58 de proclamer l'Evangile en tout temps et en tout lieu.

Comme le Christ lui-même, durant sa vie terrestre, s'est montré le parfait modèle de la "Parole communiquée", et comme les Apôtres ont utilisé tous les moyens de communication de leur époque, de même la mission de l'Eglise doit-elle s'accomplir, de nos jours, avec les moyens de notre temps. Nul ne pourra donc s'estimer fidèle au commandement du Christ s'il néglige ces moyens de transmettre au plus grand nombre d'hommes possible la doctrine et les préceptes évangéliques. Aussi le Concile Vatican II exhorte-t-il les catholiques à "mettre efficacement, sans aucun retard et avec le plus grand zèle, les moyens de communication sociale au service des multiples oeuvres d'apostolat". 59

127. Cette nécessité apparaît clairement si l'on songe qu'aujourd'hui les hommes sont envahis par les communications qui façonnent leur pensée et leur mentalité. Ceci se vérifie dans le domaine religieux comme dans tous les autres.

128. Les media d'aujourd'hui ouvrent aux hommes de nouvelles voies pour la rencontre du message évangélique. Ils permettent aux chrétiens, malgré les distances, de suivre les célébrations solennelles. Ainsi, la communauté chrétienne est plus unie et chacun peut participer à la vie intime de l'Eglise.

Il est à peine besoin de dire que la présentation doit convenir au caractère propre du moyen employé: le langage des media n'est pas celui de la chaire. L'on ne répètera jamais assez, d'autre part, que la qualité et la perfection des émissions religieuses doivent égaler celles des émissions profanes.

129. Les media sont aussi d'importance inestimable pour la formation chrétienne. Ils peuvent faire appel aux meilleurs spécialistes de l'enseignement religieux ou à divers experts sur des questions d'actualité. Ils bénéficient de toutes les facilités techniques pour une présentation attrayante et adaptée. Ils peuvent, par leur nature même, contribuer à une rénovation de l'enseignement religieux et seconder la pédagogie de l'éducateur. Comme ils sont les canaux de l'information sur les attitudes et la mentalité de l'homme moderne, ils peuvent, dans la discussion sur les événements, amener les chrétiens à une réflexion sur les fondements de la foi et son application à la vie quotidienne.

130. On est si habitué, de nos jours, à un mode d'expression et de présentation séduisant et accompli qu'on supporterait mal un genre notablement inférieur, lorsqu'il s'agit de célébrations liturgiques ou d'enseignement de la foi chrétienne.

131. Il est nécessaire que l'exposé et le commentaire des enseignements doctrinaux présentent vraiment un attrait pour les esprits et les captivent. Pour cela, il faut utiliser, dans la mesure du possible, les moyens techniques et s'adapter aux modes d'expression et au genre de la communication sociale d'aujourd'hui.

132. L'Eglise peut s'exprimer soit en utilisant les moyens de communication sociale qui ne lui appartiennent pas, mais qui lui sont accessibles à des conditions déterminées, soit, le cas échéant, en utilisant ceux qui dépendent d'elle directement. Les situations varieront selon les pays et les moyens en place. Il appartient aux autorités religieuses compétentes, ainsi qu'à leurs collaborateurs, de fixer les orientations à ce sujet, après consultation d'experts, au niveau local, national et international.

133. Cette activité de catholiques qualifiés, qui travaillent pour le progrès humain à la lumière de l'Evangile et dans le service de la communication sociale, exige d'importantes ressources financières. Les catholiques sont donc appelés à prendre conscience de leurs devoirs en ce domaine et à y faire face avec générosité, puisqu'il serait "inadmissible que les fils de l'Eglise acceptent sans réagir que la parole du salut soit enchaînée et entravée". 60

134. Considérant l'importance croissante des moyens de communication sociale pour la vie de l'humanité en général et la vie de l'Eglise en particulier, les Conférences épiscopales sont invitées à donner à toutes ces perspectives une place prioritaire dans l'élaboration d'une "Pastorale d'ensemble". Elles doivent également leur réserver des fonds convenables, dans le cadre de leurs responsabilités propres, ainsi qu'au plan de la collaboration internationale.

CHAPITRE III

ROLE ET ACTIVITE DES CATHOLIQUES
DANS CHACUN DES MOYENS DE COMMUNICATION

135. Nous avons considéré ce que doit être l'attitude des responsables et des auteurs catholiques en face de leur profession. Sur ce terrain, ils retrouvent leurs collègues, de quelque croyance qu'ils soient, 61 mais, en tant que catholiques, ils trouveront là un stimulant et un soutien supplémentaire dans leur foi. 62

Nous avons traité des devoirs propres aux spécialistes catholiques de la communication, nous l'avons fait en général, sans entrer dans les détails qui concernent l'un ou l'autre des media ( - 126 à 134). Il nous faut aborder chacun des media en particulier. Ces responsabilités concernent tous ceux qui parlent au nom de l'Eglise, qu'ils s'expriment dans des media officiellement catholiques ou dans des media neutres qui donnent à l'Eglise la possibilité de s'exprimer.

1. LES PUBLICATIONS IMPRIMÉES

136. La presse, par ses qualités propres, a une très grande importance et une profonde influence. Grâce à sa souplesse et à la pluralité de ses titres, elle peut entrer dans le détail des événements, les expliquer, en provoquant la réflexion du lecteur et en lui permettant d'y revenir s'il le désire. Complément indispensable des moyens audio-visuels, elle est particulièrement apte à éveiller le sens critique et à former le jugement. Sa capacité de diversification et son aptitude à servir de support à la réflexion en font un instrument de base du dialogue social.

Parallèlement à la presse, les brochures et les livres de poche mettent entre toutes les mains des documents religieux, des chefs-d'oeuvre littéraires, des publications techniques et scientifiques et des ouvrages de détente. D'autre part, des bandes dessinées et de courts récits illustrés présentent une réelle utilité, y compris dans le domaine religieux. Toutes ces publications méritent attention et soutien.

137. La presse catholique - journaux, revues, magazines et périodiques - peut être un instrument très efficace pour faire connaître le monde à l'Eglise et l'Eglise au monde. Il faut éviter toutefois de créer des publications nouvelles qui risqueraient de nuire à la qualité des publications existantes.

138. La presse catholique d'intérêt général publie des informations, des commentaires et des opinions sur tous les aspects de la vie courante et sur tous les problèmes auxquels est affronté l'homme contemporain.

La presse catholique aura à coeur de compléter et, si c'est nécessaire, de rectifier les nouvelles et les commentaires relatifs à la religion et à la vie de l'Eglise. Elle sera à la fois un reflet du monde et une lumière dans le monde, un terrain de rencontre et d'échange d'opinions. Elle devra être dotée des moyens nécessaires pour atteindre une qualité professionnelle indiscutable.

139. Parallèlement à la presse catholique et afin d'assurer le bon développement du dialogue à l'intérieur de l'Eglise et entre l'Eglise et le monde, il est nécessaire qu'existent des agences catholiques de presse bien équipées, aptes à assurer un service de haut standard professionnel et fournissant en permanence des nouvelles récentes, exactes et complètes sur la vie de l'Eglise. Ces agences devront pouvoir collaborer, sur le plan international, afin d'assurer l'échange des nouvelles à travers le monde.

140. La communauté chrétienne est invitée à lire habituellement des publications catholiques - pourvu qu'elles soient dignes de ce nom -, non seulement pour s'y informer des nouvelles religieuses, mais encore pour s'y imprégner d'une mentalité chrétienne. Cela ne restreint pas la liberté de lire, ni le pluralisme local, ni les divergences d'opinion. C'est par leur qualité que les publications catholiques mériteront cette audience.

141. Dans la mesure où les événements quotidiens soulèvent des problèmes particuliers touchant à la nature même du sens chrétien, la presse catholique s'efforcera de les interpréter selon l'enseignement de l'Eglise.

Le clergé et le laïcat favoriseront la libre expression des opinions et reconnaîtront la diversité des écrits et des points de vue, non seulement parce que cela répond aux intérêts et aux préoccupations des lecteurs, mais aussi parce que cela suscite et alimente l'opinion publique dans l'Eglise et dans le monde. 63

Le rôle des périodiques catholiques qui sont considérés comme porte-parole officiel de l'Eglise et de ses institutions est de tendre, selon les normes en usage, à faire connaître la pensée de la société dont ils sont les interprètes. On veillera toutefois à laisser au lecteur la possibilité de s'exprimer librement sur les questions en discussion.

2. LE CINÉMA

142. Le cinéma fait partie intégrante de la vie contemporaine. Il exerce une forte influence sur l'éducation, la culture et les loisirs. Les cinéastes trouveront là un moyen particulièrement approprié à notre temps pour exprimer leur vision du monde.

Grâce aux progrès de la technique et à sa perfection, le cinéma exerce un attrait de plus en plus grand sur les spectateurs, tandis que la facilité accrue de se procurer des appareils à peu de frais permet d'envisager un plus large usage des films. Il devrait en résulter un développement de la culture cinématographique.

143. Les progrès du cinéma offrent des possibilités considérables pour son emploi plus large dans l'activité pastorale. Il sera de plus en plus facile désormais de produire des films parfaitement adaptés aux besoins et aux circonstances et de les projeter devant un public restreint et même à domicile.

144. Bon nombre de films montrent des sujets qui favorisent le progrès et la dignité de l'homme. Les oeuvres de ce genre méritent d'être signalées et approuvées. Les Centrales catholiques du cinéma recommanderont les meilleurs films et soutiendront leurs réalisateurs. Il faut rappeler à ce propos que bien des films, considérés comme des chefs-d'oeuvre, se rapportent à des sujets religieux. C'est là un puissant encouragement à tourner des scenarios de ce genre.

145. Les organismes catholiques spécialisés du cinéma, de la radio-télévision et de la culture uniront leurs efforts pour intensifier la production, la distribution et l'utilisation de programmes appropriés, en encourageant l'emploi, pour l'éducation religieuse, des nouvelles inventions, des appareils d'enregistrement, de reproduction et de rediffusion à bon marché.

146. Dans les régions où subsiste l'analphabétisme, les films n'apportent pas seulement une contribution à une éducation de base, mais ils servent aussi à enseigner les vérités religieuses. Il est souvent plus facile de saisir à travers l'image les faits et les idées.

L'effort de promotion humaine et chrétienne se doit de tirer parti de ce puissant instrument, à condition que les films soient adaptés à la mentalité des populations.

147. Il est souhaitable que les professionnels du cinéma trouvent auprès des organismes catholiques spécialisés une compréhension véritable, préludant à un utile dialogue.

3. LA RADIO ET LA TÉLÉVISION

148. La radio et la télévision ont donné à la société de nouvelles structures de communication et ont changé notre manière de vivre. Les émissions atteignent aujourd'hui les quatre coins du monde. Elles pénètrent au-delà des traditionnelles barrières politiques et culturelles. Les communications sont présentes dans les foyers et atteignent l'esprit et le coeur de millions de personnes à la fois. Les rapides progrès de la technique, spécialement en ce qui concerne les émissions par satellite, l'enregistrement et la conservation des programmes qu'on peut retransmettre ont davantage libéré les media des limites de l'espace et du temps. La radio et la télévision donnent aux auditeurs et aux téléspectateurs accès à tous les événements du monde entier, à la culture et aux loisirs. La télévision, en particulier, rend présents les personnes et les événements au grand public. Les émissions radio-télévisées enfin donnent naissance à de nouvelles techniques, susceptibles de transformer l'homme profondément.

149. Les aspects religieux de la vie humaine auront leur place normale dans les programmes généraux de radio et de télévision.

150. Les émissions religieuses de radio et de télévision suscitent de nouvelles relations entre les fidèles, enrichissent leur vie religieuse et contribuent à leur formation et à leur engagement dans l'Eglise et dans le monde. Elles sont utiles aux malades et aux personnes âgées, empêchés de participer pleinement à la vie de l'Eglise. Elles établissent des relations avec nombre de personnes qui, séparées de l'Eglise, recherchent inconsciemment un aliment spirituel. Elles apportent enfin le message évangélique à des territoires dans lesquels l'Eglise du Christ exerce difficilement sa mission. L'Eglise doit donc faire tous ses efforts pour que de telles émissions se développent et se perfectionnent.

151. On les préparera avec le plus grand soin, du point de vue liturgique et technique. On devra tenir compte aussi de la diversité des destinataires, ainsi que des croyances et des coutumes, si les émissions dépassent les frontières. Le nombre et la durée de ces émissions devront prendre en considération les voeux du public.

152. La prédication doit s'adapter à la nature particulière des moyens utilisés. Les personnes chargées de cette mission doivent être soigneusement choisies et posséder l'expérience nécessaire.

153. Les émissions religieuses, informations, commentaires, reportages, débats, etc. peuvent hautement contribuer à la formation et au dialogue. Ce qui a été dit plus haut au sujet de l'engagement catholique dans la presse est valable aussi en ce domaine. Les règles générales prescrivant l'exposition loyale des opinions différentes doivent être appliquées, surtout quand ces media ont un monopole de droit ou de fait dans une région donné.

154. En tout ecclésiastique, et souvent en tout dirigeant laïc, malgré les précautions qu'ils peuvent prendre, le public voit un porteparole de l'Eglise. C'est pourquoi ceux qui interviennent dans les media doivent avoir présente à l'esprit cette inévitable confusion et tout faire pour la dissiper.

Qu'ils soient conscients de leur responsabilité dans les idées qu'ils expriment, dans la manière de les présenter, dans leur comportement. Qu'ils se fassent un devoir de consulter les autorités ecclésiastiques compétentes, chaque fois du moins qu'ils disposeront, avant leur intervention, du temps nécessaire pour le faire.

155. Les auditeurs et les téléspectateurs contribuent à l'amélioration des programmes religieux, en exprimant leurs réactions.

156. Pour assurer la présence de l'Eglise à la radio et à la télévision, il est nécessaire qu'une collaboration étroite et confiante s'instaure entre les responsables catholiques et les responsables de la radio-télévision.

157. Dans les pays où l'Eglise n'a pas accès aux media, l'écoute des émissions religieuses radiophoniques est le seul moyen, pour les fidèles, de connaître la vie de l'Eglise universelle et d'entendre librement la Parole de Dieu. Une situation aussi défavorable crée, pour les pasteurs et les fidèles des pays voisins, le grave devoir d'aider ces frères dans le Christ, par des émissions dont les sujets religieux répondent à leurs besoins.

4. LE THÉATRE

158. Le théâtre - un des plus anciens modes de communication humaine - a considérablement augmenté son audience grâce à la radio, à la télévision et au cinéma.

159. La collaboration du théâtre avec les autres moyens de communication aboutit à de nouvelles formes d'expression dramatique, appelées parfois "multi-media". Tout en s'inspirant du théâtre traditionnel, ces formes réalisent une synthèse originale entre les possibilités propres à chaque moyen de communication.

160. Enfin, le théâtre d'aujourd'hui est fréquemment idéologique. Il devient une sorte de laboratoire expérimental, pour l'expression d'idées neuves et audacieuses sur l'homme contemporain et sa condition. Son influence s'exerce sur des masses toujours plus grandes et s'étend aux autres moyens de communication sociale.

161. L'Eglise montre un grand intérêt pour le théâtre qui, à son origine, était étroitement lié à des manifestations religieuses. Les chrétiens doivent saisir toutes les possibilités qu'il offre et encourager les auteurs dramatiques à porter à la scène les aspirations et les problèmes religieux de l'homme moderne.

CHAPITRE IV

EQUIPEMENT, PERSONNEL, ORGANISATION

 

162. La place des media dans la vie des hommes et les résultats auxquels ils peuvent parvenir, les problèmes qu'ils posent à la conscience des catholiques exigent un équipement pastoral approprié: des responsables expérimentés, des organismes spécialisés, avec une structure et des moyens convenables.

163. Par leur prière et leur action, individuellement et collectivement, les fidèles doivent permettre à l'Eglise de ce temps d'exercer plus facilement sa mission par les moyens de communication sociale. Ceux-ci sont alors en mesure de communiquer le message évangélique, d'éclairer les consciences, de favoriser le progrès et d'imprégner le monde moderne d'esprit chrétien.

164. Dans les organismes et les offices propres à la communication sociale, il importe que des dirigeants et des responsables soient dûment formés et concourent à la mission pastorale de l'Eglise. La préparation de tels responsables laïcs et ecclésiastiques constitue l'un des principaux devoirs de l'Eglise.

165. L'étude approfondie de la situation des moyens de communication sociale, la planification de l'activité pastorale dans ce domaine et de l'usage de ces moyens dans la pastorale d'ensemble relèvent, comme il convient, de l'autorité ecclésiastique, qui devra s'appuyer sur l'avis d'experts qualifiés.

Suivant les normes du Décret Inter Mirifica, cette tâche incombe à l'Evêque dans son diocèse, 64 à une Commission épiscopale spéciale ou à un Evêque délégué dans chaque pays, 65 à la Commission pontificale pour les moyens de communication sociale dans l'Eglise universelle. 66

166. Les offices et organismes qui se consacrent à la communication sociale doivent être développés dans les secteurs intéressant la formation de professionnels et doivent coopérer entre eux. 67

L'autorité ecclésiastique encouragera avec insistance les catholiques et leurs groupements à prendre, librement et spontanément, des initiatives à cet égard. Elle se réservera la direction des réalisations qui, par leur nature même, relèvent du sacerdoce ministériel. Il en sera de même dans tous les cas où, pour le bien des fidèles, l'intervention de la hiérarchie s'impose.

167. Les autorités ecclésiastiques compétentes dont il a été question ci-dessus, au n. 165, veilleront à l'organisation annuelle d'une Journée mondiale des moyens de communication sociale, à l'occasion de laquelle sera souligné le rôle de ceux qui travaillent dans ce secteur. 68 Elles proposeront en outre aux Conférences épiscopales les projets de financement de l'activité pastorale dans le domaine des communications.

168. Dans le mesure du possible, sera constitué un Office diocésain ou interdiocésain, dont une des tâches principales sera d'organiser, dans le diocèse et jusqu'au niveau des paroisses, cette forme d'apostolat. Il sera également chargé de la préparation, dans le diocèse, de la Journée mondiale dont il a été question.

169. Il faut, en chaque pays, ou bien un seul Office national pour les media, avec des Services annexes, au bien autant d'Offices qu'il existe de secteurs (cinéma, presse, radio, télévision). Ils devront collaborer étroitement. Quoi qu'il en soit, toute l'organisation doit être soumise à une direction générale unique. 69

170. Il appartiendra aux Offices nationaux et diocésains de stimuler, d'encourager et de coordonner les initiatives et l'activité des catholiques en ce domaine. Ils veilleront particulièrement à ce que le clergé et les laïcs reçoivent méthodiquement la formation nécessaire: cours, conférences, sessions d'études, publication d'informations rédigées par des spécialistes ayant autorité. Il leur appartiendra également de donner leur avis sur la préparation et l'exécution d'oeuvres et d'émissions traitant de sujets religieux.

171. Les Offices nationaux et diocésains entretiendront de même des rapports suivis avec les professionnels de la communication et leurs organismes. Ils leur fourniront les documents, avis et renseignements dont ils auront besoin. Sur le plan national, ils prépareront la Journée mondiale des moyens de communication sociale et organiseront la collecte suggérée par le Décret conciliaire. 70

172. Il appartient aux Commissions épiscopales nationales, ou aux Evêques délégués de diriger, dans les limites de leur juridiction, les travaux des offices nationaux et de définir les principes généraux d'organisation de l'activité apostolique en ce domaine. Elles doivent aussi entretenir des relations mutuelles avec les Commissions épiscopales des autres pays et collaborer avec la Commission Pontificale des Moyens de Communication sociale, selon le décret "Inter Mirifica" 71 et les lettres apostoliques "In Fructibus Multis". 72

173. Dans les continents et les régions où il n'y a qu'une seule Conférence épiscopale pour plusieurs Etats, celle-ci devra disposer d'un Office des moyens de communication sociale soumis à l'autorité d'un ou de plusieurs évêques désignés à cet effet.

174. Chaque Evêque, chaque Conférence épiscopale, ainsi que le Saint-Siège aura son porte-parole ou représentant officiel. La mission de celui-ci consistera à faire connaître informations et nouvelles, à commenter brièvement les documents de l'Eglise dès leur publication. Il rapportera, rapidement et fidèlement, les nouvelles concernant la vie et l'activité de l'Eglise, dans la mesure où sa fonction le lui permet. Il est tout à fait souhaitable que les diocèses et les groupements catholiques les plus représentatifs aient aussi un délégué chargé d'une semblable mission.

Ces porte-parole, ainsi que tous ceux qui apparaissent comme les témoins de la vie de l'Eglise, doivent tenir compte des principes des relations publiques. Il leur faut distinguer les diverses audiences auxquelles l'information est apportée, en s'efforçant d'établir un climat de confiance et de compréhension mutuelle. Cette confiance et cette compréhension ne peuvent être assurées que dans le respect des personnes et de la vérité.

175. Outre la fonction de porte-parole, devra être assurée une fonction d'information et de liaison avec le public, en vue de présenter à tous une image vraie de l'Eglise. Il s'agira alors de recueillir les réactions, les opinions et les aspirations du public, pour en informer l'autorité ecclésiastique, ce qui suppose l'entretien de rapports déférents et amicaux avec les diverses personnes et les divers groupes. Ainsi peut s'établir, dans chaque sens, un courant continu d'informations, où chacun donne et reçoit. 73

176. Pour que le dialogue, à l'intérieur et à l'extérieur de l'Eglise, se développe favorablement à partir de l'actualité religieuse, il est nécessaire que les informations officielles soient portées à la connaissance des intéressés en temps utile, avec exactitude et précision Elles seront présentées d'une manière conforme aux exigences de l'information, à l'aide de moyens appropriés (bulletins, télex, photos).

177. Les Instituts religieux seront attentifs aux tâches multiples et primordiales de l'Eglise dans le domaine de la communication sociale. Ils examineront ce qu'ils peuvent faire pour apporter leur coopération et remplir certaines charges en harmonie avec leurs Constitutions.

Quant aux institutions créées spécialement à cette fin, elles collaboreront entre elles et avec les Offices diocésains nationaux, régionaux, continentaux: ensemble, ils élaboreront des avis et mettront sur pied des projets concernant les oeuvres d'apostolat dans le domaine de la communication sociale.

178. Les Offices nationaux de chaque pays dont il a été question 74 et les Offices centraux des Instituts religieux collaboreront avec les organisations internationales catholiques, en conformité avec les statuts de ces organisations approuvées par le Saint-Siège, pour la presse (U.C.I.P.), pour le cinéma (O.C.I.C.), pour la radio et la télévision (UNDA). 75

179. Ces organisations internationales catholiques ont pour fonction, notamment, chacune dans son secteur et selon les modalités prévues par ses statuts, d'apporter une aide aux organismes nationaux ou aux associations professionnelles catholiques nationales. Leur objectif sera d'encourager la recherche et le développement dans le domaine de la communication sociale, de développer le sens de la solidarité et les échanges internationaux, d'étudier les modes de présence chrétienne au monde des moyens de communication sociale, de coordonner les initiatives dans ce domaine sur le plan international, de prendre les initiatives qui se révèlent utiles, spécialement pour les pays en voie de développement, de favoriser la production et la distribution de films, de programmes de radio et de télévision, du matériel audio-visuel et des publications utiles au progrès de la communauté humaine et au service du Peuple de Dieu. Ces organisations internationales catholiques sont invitées à unir leurs efforts par les études, les recherches et la solution des problèmes communs.

180. Les Conférences épiscopales, grâce à leurs Offices spécialisés et aux associations catholiques nationales, assureront à ces organisations catholiques internationales l'appui financier nécessaire pour accomplir leur mission.

CONCLUSION

181. Ici se pose une question difficile: sommes-nous au seuil d'un nouvel âge de la communication sociale? S'agit-il de mutations seulement quantitatives ou aussi qualitatives?

La réponse est d'autant plus complexe que les communications par satellites artificiels apportent chaque jour des éléments nouveaux.

Cependant, vu les progrès de la science et de la technique, il est à prévoir que les nouvelles parviendront sous peu, à tous les hommes, simultanément par l'ouïe et par la vue; elles pourront être enregistrées et diffusées à plusieurs reprises, au gré de chacun, pour sa culture ou son plaisir. Ce sera l'occasion d'un dialogue plus intense entre les hommes. De telles émissions pourront, selon leur objet et l'usage qui en sera fait, contribuer à resserrer les liens de la fraternité humaine, à développer la civilisation, à cimenter la paix.

182. Ainsi, les responsabilités du Peuple de Dieu s'élargissent et s'accroissent brusquement, car jamais ne lui ont été offertes de telles possibilités d'agir pour que les communications sociales concourent efficacement au développement du Tiers-Monde, au vrai progrès de l'humanité entière et à la communion fraternelle entre les hommes, ainsi qu'à la proclamation de l'Evangile et à la transmission du message du Christ Sauveur jusqu'aux extrémités de la terre.

183. Cette Instruction pastorale veut seulement donner des orientations générales. L'état actuel des media ne permet pas d'entrer dans les détails.

La conception chrétienne de la vie suppose des principes immuables fondés sur le message d'amour, la "Bonne Nouvelle" de l'Evangile, et sur la dignité de l'homme appelé à devenir fils adoptif de Dieu. Mais il va de soi que les applications pratiques et même les orientations pastorales doivent être adaptées à la réalité concrète des situations locales, sur les plans technique, social, culturel. Elles doivent également tenir compte du développement continu des media et des lois qui leur sont propres. Ce caractère hautement évolutif, qui est une des marques essentielles des moyens de communication sociale, souligne la nécessité, pour tous ceux qui exercent une responsabilité pastorale, de se soumettre aux exigences d'une éducation permanente en ce domaine.

184. Il resterait encore bien des points à examiner pour mieux connaître les media et les mettre au service de l'épanouissement de l'homme et de son éducation à chaque niveau, et particulièrement au niveau scolaire. Il y a place pour des études plus approfondies des effets de la communication sociale dans les différents milieux culturels et sur les différents types humains.

Pour bien évaluer le fonctionnement et les possibilités des media, pour connaître avec précision leurs effets psychologiques et culturels, il est nécessaire de prêter attention aux recherches proprement scientifiques. Plus que jamais, il faut promouvoir ces recherches. Les Universités, de fondation récente ou ancienne, trouveront là un champ de sujets actuels du plus haut intérêt, appelés à rivaliser à bon droit avec les disciplines traditionnelles. L'Eglise assure les chercheurs qu'elle est prête à accueillir largement les résultats et les conclusions de leurs études et à les faire concourir, autant qu'il dépend d'elle, au bien de l'humanité.

185. Ainsi semble-t-il urgent que soit entreprise une étude méthodique des possibilités de l'Eglise en ces matières et que soit établie une planification des priorités à l'échelle mondiale, s'étendant sur plusieurs années, afin de prendre progressivement des initiatives à la mesure de l'importance grandissante de ces media.

186. Cette Instruction pastorale montre l'impérieuse nécessité pour l'Eglise de s'exprimer sans retard. Il lui faut prendre contact avec les professionnels de la communication sociale et leur apporter sa franche collaboration. Elle invite tous les hommes à faire servir effectivement ces moyens au progrès du genre humain et à la gloire de Dieu.

La Commission Pontificale des Moyens de Communication sociale a élaboré cette Instruction en conformité aux directives du Concile Vatican II, après avoir réuni des spécialistes et des experts du monde entier. Loin de mettre un terme à cette entreprise, elle espère donner l'essor à de nouvelles voies.

187. Le Peuple de Dieu, dans sa marche à travers les siècles, appelé à communiquer, c'est-à-dire à la fois à donner et à recevoir, regarde l'avenir avec confiance, car il entrevoit les promesses d'un nouvel âge: celui de la communication sociale.

Le Souverain Pontife Paul VI a approuvé, en toutes et chacune de ses parties, cette Instruction sur les moyens de communication sociale, et l'a confirmée de son autorité, ordonnant qu'elle soit promulguée pour être observée par tous ceux qu'elle concerne.

Nonobstant toutes dispositions contraires.

Rome, dans la cinquième Journée mondiale des moyens de communication sociale, le 23 mai 1971.



MARTIN J. O'CONNOR, Archevêque titulaire de Laodicée en Syrie Président
AGOSTINO FERRARI-TONIOLO, Evêque titulaire de Tarasène en Byzance Pro-Président
André M. Deskur, Secrétaire

NOTES

1 Cfr. Pie XII: Encyclique Miranda Prorsus, A.A.S., XLIX (1957), p. 765.
2 Gaudium et Spes, A.A.S., LVIII (1966), pp. 1025-1120.
3 Unitatis Redintegratio, A.A.S., LVII (1965), pp. 90-112.
4 Dignitatis Humanae, A.A.S., LVIII (1966), pp. 929-946.
5 Ad Gentes, A.A.S., LVIII (1966), pp. 947-990.
6 Christus Dominus, A.A.S., LVIII (1966), pp. 673-696.
7 Inter Mirifica, A.A.S., LVI (1964), pp. 145-157.
8 Cfr. Inter Mirifica, 23.
9 Cfr. Inter Mirifica, 1.
10 Gn. 1, 26-28; Cfr. Gn. 9, 2-3; Sap. 9, 2-3 et Gaudium et Spes, 34.
11 Cfr. Gaudium et Spes, 34.
12 Cfr. Gaudium et Spes, 57.
13 Cfr. Gaudium et Spes, 36; Jean XXIII, Encyclique Pacem in Terris, A.A.S., LV (1963) p. 257 et passim.
14 Cfr. Rom. 5, 12-14.
15 Cfr. Gn. 4, 1-16; 11, 1-9.
16 Cfr. Gn. 3, 15; 9, 1-17; 12, 1-3.
17 Cfr. Hb. 1, 1-2.
18 Jn. 1, 14.
19 Cfr. Col. 1, 15; 2Cor. 4, 4.
20 Cfr.Ad Gentes, 3.
21 Cfr. Mt. 28, 19.
22 Mt. 10, 27; Lc. 12, 3.
23 Jn. 6, 63.
24 Cfr. Lumen Gentium, A.A.S., LVII (1965), n. 9, p. 14.
25 Eph. 1, 23; 4, 10.
26 1Cor. 15, 28.
27 Inter Mirifica, 1.
28 Cfr. Gaudium et Spes, 43.
29 L'Encyclique Mater et Magistra décrit le bien commun en ces termes: "La totalité des conditions de vie sociale par lesquelles les hommes peuvent atteindre un développement plus complet et plus digne". A.A.S., LIII (1961), p. 417. Cfr. aussi Jean XXIII, Encyclique Pacem in Terris, A.A.S., LV (1963), pp. 272-274; Dignitatis Humanae, 6; Gaudium et Spes, 26 et 74.
30 Cfr Inter Mirifica, 4.
31 Gaudium et Spes, 42; Lumen Gentium, 1.
32 Pie XII: Discours aux journalistes catholiques, 17 février 1950, A.A.S., XLII (1950), p. 251; Cfr. aussi Gaudium et Spes, 59, Pacem in Terris, A.A.S., LV (1963), p. 283.
33 Cfr. Gaudium et Spes, 59.
34 Cfr. Inter Mirifica, 8.
35 Cfr. Pacem in Terris, A.A.S., LV (1963), p. 260.
36 Cfr. Discours du 17 avril 1964 au Séminaire des Nations Unies sur la liberté de l'information, A.A.S., LVI (1964), p. 387 et ss.
37 Cfr. Inter Mirifica, 5.
38 Pie XII: Discours aux journalistes américains, 21 juillet 1945. L'Osservatore Romano, 22-VII-45.
39 Idem, 27 avril 1946. L'Osservatore Romano, 28-IV-46.
40 "Que la communication soit, quant au mode honnête et convenable, c'est-à-dire que, dans l'acquisition et dans la diffusion des nouvelles, elle observe absolument les lois morales, les droits et la dignité de l'homme". Inter Mirifica, 5.
41 Cfr. Miranda Prorsus, A.A.S., XLIX (1957), p. 765.
42 Paul VI: Discours aux producteurs des moyens de communication sociale, 6 avril 1967, A.A.S., LIX (1967), p. 509.
43 Cfr. Pie XII: Discours aux cinéastes italiens, 21 juin 1955, A.A.S., XLVII (1955), p. 509.
44 Pie XII: Discours aux cinéastes, 28 octobre 1955, A.A.S., XLVII (1955), pp. 822-823.
45 Allocution de Paul VI au Conseil Supérieur de l'Association catholique des Journalistes italiens (U.C.S.I.) L'Osservatore Romano, 24 janvier 1969.
46 Cfr. Dignitatis Humanae, 7.
47 Paul VI: Lettre à M. U Thant, secrétaire général du Conseil des Nations Unies, A.A.S., LVIII (1966), p. 480.
Cfr. aussi: Discours aux délégués du Conseil d'Administration du Programme des Nations Unies pour le développement, A.A.S., LVIII (1966), p. 589.
48 Cfr. Unitatis Redintegratio, A.A.S., LVII (1965), pp. 90-112. Cfr. aussi: Nostra Aetate, A.A.S., LVIII (1966), pp. 740-744.
49 Ainsi, l'Instruction du Conseil oecuménique des Eglises, Upsal (1968), p. 381.
50 Cfr. Congrégation pour l'enseignement catholique: "Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis", A.A.S., LXII (1970), pp. 321-384, de préférence - 4 et n. 68.
51 Pie XII: Discours aux participants du congrès international des journalistes, 17 février 1950, A.A.S., XLII (1950), p. 256.
52 Cfr. Lumen Gentium, 12.
53 Cfr. "Réflexions et suggestions concernant le dialogue oecuménique", L'Osservatore Romano, 21-22 - IX - 1970.
54 Cfr. Jn. 17, 21.
55 Cfr. Mt. 28, 19.
56 Cfr. - 38.
57 Mt. 28, 19.
58 Mt. 5, 14.
59 Inter Mirifica, 13.
60 Inter Mirifica, 17.
61 Cfr. - 102-113.
62 Cfr. - 126-134.
63 Cfr. ci-dessus - 114-121 où nous avons traité le dialogue au sein de l'Eglise. Cfr. aussi: Encyclique de Paul VI, Ecclesiam Suam, et les principes sur le dialogue oecuménique, surtout dans les n. IV, 4, b et IV, 5 du document "Réflexions et suggestions concernant le dialogue oecuménique". L'Osservatore Romano 21/22-IX-70.
64 Cfr. Inter Mirifica, 20.
65 Cfr. ibid. 21.
66 Cfr. ibid. 19.
67 Cfr. Apostolicam Actuositatem, nn. 19 et 21.
68 Cfr. Inter Mirifica, 18.
69 Cfr. Inter Mirifica, 21.
70 Cfr. Inter Mirifica, 18.
71 Cfr. Inter Mirifica, 19.
72 Cfr. In Fructibus Multis, A.A.S., LVI (1964), pp. 289-292.
73 Cfr. ci-dessus, - 138-141.
74 Cfr. ci-dessus, - 169.
75 Cfr. Inter Mirifica, 22.