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INTERVENTION DU SAINT-SIÈGE
LORS DE LA V CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE
L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE
(OMC)

DISCOURS DE MGR FRANK J.DEWANE*

Cancun, Mexico
Samedi 13 septembre 2003

 

Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

La délégation du Saint-Siège désire exprimer tout d'abord ses remerciements et ses félicitations au Président, M. Vicente Fox, et aux Mexicains pour l'accueil cordial et l'excellente organisation qui nous ont été réservés à cette occasion. La délégation manifeste également sa satisfaction au Président du Comité général et au Directeur général pour leurs efforts inlassables dans la préparation de la Conférence.

Cette V Conférence ministérielle de l'OMC représente un moment d'espoir. Mais pour que cet espoir se réalise, toutes les personnes présentes doivent demeurer fidèles aux promesses et aux engagements faits aux pauvres à Doha. Des progrès encore peu satisfaisants ont été faits dans les domaines du commerce pour les pays les plus pauvres. Des actions courageuses et décisives sont nécessaires qui auront des conséquences positives pour le développement. Comme l'a déclaré le Pape Jean-Paul II, "les promesses faites aux pauvres devraient être considérées comme particulièrement contraignantes" et tout manque de loyauté à cet égard est "particulièrement frustrante pour eux", en particulier lorsqu'elle touche à des "promesses qu'ils considèrent vitales pour leur bien-être".

La participation du Saint-Siège en tant qu'Observateur permanent au sein de l'Organisation mondiale du Commerce découle de sa préoccupation spécifique et constante pour l'humanité. Il s'intéresse profondément et agit dans tous les domaines qui touchent à la dignité de la personne humaine, et participe à de nombreux projets d'élaboration de politiques, y compris celui du commerce, en se concentrant sur le développement de la personne, des peuples et de la société. De plus, la présence du Saint-Siège à cette V Conférence ministérielle démontre l'importance qu'il attribue à l'activité de l'OMC, à son processus de révision intermédiaire et à la question du commerce.

Le commerce devrait bénéficier aux personnes et pas seulement aux marchés et aux économies. Les réglementations commerciales, en dépit de leur aspect technique, revêtent donc une nature politique et sociale, qui entraîne des conséquences profondes et durables sur la vie de l'humanité. Ce sont souvent ceux qui appartiennent aux petites économies qui ont le plus besoin d'un système équitable de commerce, fondé sur des règles, dans lequel tous puissent participer et tirer profit sur la base de la plus grande égalité possible d'opportunités Mais aucun ensemble de règles n'est juste en soi. Il doit se conformer aux exigences de la justice sociale tout en permettant et en promouvant le développement humain.

La récente décision de l'application du paragraphe six de la Déclaration de Doha sur l'Accord TRIPS et la Santé publique représente une étape positive dans l'application des engagements de Doha. La délégation du Saint-Siège félicite toutes les parties qui ont contribué à atteindre cet accord crucial et important. Dans ce domaine, ainsi que pour d'autres questions, le Saint-Siège désire souligner que la protection de la propriété privée, y compris la propriété intellectuelle, est importante et doit être respectée. Dans le même temps, toute propriété possède une hypothèque sociale. Le système de droits de propriété intellectuelle doit exister non seulement pour protéger l'élan créatif et innovatif, mais aussi et d'abord pour servir le bien commun de la famille humaine. En tant que bien commun universel, la propriété intellectuelle exige que les mécanismes de contrôle accompagnent la logique du marché.

Les récents développements dans le domaine des Accords sur l'Agriculture ont donné une nouvelle vie à ce processus. Toutefois, un élan supplémentaire est nécessaire. Les produits agricoles représentant des produits alimentaires de base, et dont dépendent les agriculteurs pauvres et aux revenus les plus bas, devraient bénéficier d'une attention particulière dans le cadre des réductions des tarifs douaniers. Ces réductions dans les pays pauvres, unies aux effets des subventions à l'exportation et des aides intérieures dans les pays développés et du dumping qu'ils pratiquent, sont particulièrement néfastes pour les petits agriculteurs. Toutefois, toute tentation de la part des pays développés d'emprunter la voie du pur protectionnisme doit être évitée. Un mécanisme équilibré est nécessaire qui permette une augmentation de la production et de la productivité des petits agriculteurs, ainsi qu'une croissance de l'emploi dans les régions rurales. Les questions de la sécurité alimentaire, du niveau de vie de base et du développement rural représentent des préoccupations légitimes dans les négociations agricoles. Des mécanismes de protection particulière pour les pays pauvres doivent être développés, permettant une action temporaire lorsque les petits agriculteurs sont menacés.

En ce qui concerne le commerce dans le domaine des services, il faut considérer que la défense et la sauvegarde de certains biens communs comme l'environnement naturel et humain ne peuvent être simplement assurées par les forces du marché, car ils concernent des besoins humains fondamentaux qui échappent à la logique du marché. L'eau, l'éducation et la santé, entre autres relèvent traditionnellement de la responsabilité de l'Etat et sont considérés comme des biens publics. Des services plus efficaces peuvent inclure l'engagement du secteur privé, mais doivent être inscrits dans un cadre législatif clair dans le but de servir l'intérêt public.

Les choix de modalités proposés ne manquent pas en ce qui concerne l'accès aux marchés pour les produits non-agricoles. Le point capital de l'affaire concerne les sommets tarifaires, les droits de douane élevés et les obstacles non-tarifaires, en particulier pour les produits sur lesquels les pays pauvres pourraient être compétitifs (produits à forte main-d'oeuvre). Etant donné que les obstacles non-tarifaires constituent une grave menace pour la poursuite de la libéralisation du commerce pour les biens industriels, la négociation en ce qui concerne l'objectif et le traitement des obstacles non-tarifaires doit tenir compte des économies les plus faibles. Dans certains pays pauvres, le développement industriel dans le secteur du textile et de l'habillement, par exemple, doit être l'un des outils les plus importants dans la lutte contre la pauvreté et dans la promotion du développement.

Enfin, la délégation du Saint-Siège désire s'associer à ceux qui soutiennent la prise en compte du besoin particulier pour le continent africain de bénéficier du développement que le commerce peut permettre. Aujourd'hui, l'Afrique demeure un continent à risque et fragile en ce qui concerne les relations commerciales et les bénéfices correspondants. Si l'on veut que le Programme de Développement de Doha soit fidèle à sa mission, l'OMC doit faire preuve de sollicitude envers les besoins des pays africains. Dans le cadre d'une "famille des nations", les pays économiquement moins développés peuvent fournir une assistance qui permettra d'atteindre le développement qui correspond à notre dignité humaine commune. Précisément parce que les personnes ont reçu la même dignité extraordinaire, personne ne devrait être réduit à vivre sans les bénéfices du commerce.


*WT/MIN(03)/ST/147.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.38 p.7.

La Documentation catholique, 2004 n.2309 p.206-208.

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