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INTERVENTION DU SAINT-SIÈGE
LORS DU IV FORUM DE STOCKHOLM
SUR LA PR
ÉVENTION DES GÉNOCIDES

INTERVENTION PRONONCÉE
PAR S. Exc. MGR CELESTINO MIGLIORE

 

Stockholm
Mardi, 27 janvier 2004

 

Monsieur le Président,

Au nom de ma délégation, je désire féliciter sincèrement le gouvernement suédois d'avoir organisé ce Forum sur la prévention des génocides. L'accent que le Forum place sur la prévention et l'identification des menaces de génocide constitue une conclusion tout à fait adaptée aux trois Forums précédents sur l'Holocauste, sur la Lutte contre l'intolérance, et sur «Vérité, justice et réconciliation».

L'humanité a connu des guerres mondiales, des génocides, des tueries et des purifications ethniques. Toutefois, parmi toutes les formes de violence à grande échelle, le génocide se distingue par la motivation malfaisante qui le sous-tend, c'est-à-dire son intention spécifique de détruire, entièrement ou en partie, une nation, une race, un groupe ethnique ou religieux, un groupe sans défense ou vulnérable d'êtres humains, pour le simple fait d'exister. En effet, le génocide signifie littéralement tuer une race ou une tribu.

Parmi les nombreux aspects de la question, ma délégation souhaite souligner trois points spécifiques

- premièrement, la nécessité d'appliquer les instruments juridiques contre le génocide qui existent déjà;
- deuxièmement, le rôle central des Organisations internationales, sous-régionales et régionales;
- troisièmement, l'engagement à l'éducation et à la vigilance contre le génocide

1.Premièrement, la nécessité d'appliquer les instruments et les structures contre le génocide. En réponse aux tragiques cas de génocides du siècle dernier, la Communauté internationale a développé une série d'instruments légaux et de structures juridiques, allant de la Convention pour la prévention et la punition du crime du génocide, approuvée par les Nations unies en 1948, à la création du Tribunal pénal international, approuvée à Rome en 1998.

Toutefois, les faits démontrent que l'existence de ces instruments et structures n'a pas empêché que de nouveaux génocides aient lieu. Face à ce dysfonctionnement, la Communauté internationale se doit d'examiner pourquoi ces instruments n'ont pas apporté les résultats escomptés et de déterminer si cet échec a été dû aux instruments et aux structures qui ont fait défaut face à l'évolution des stratégies criminelles, ou à un manque de volonté politique de les appliquer, ou à des intérêts que l'on a fait passer avant la survie d'une nation ou d'un groupe, ou bien encore à la combinaison de tous ces facteurs à la fois. Cette tâche est d'autant plus urgente si l'on considère que la programmation d'un génocide pour détruire une nation ou un groupe implique une planification coordonnée et une stratégie à long terme, et que les signes d'une menace imminente peuvent par conséquent difficilement échapper à la vigilance de la Communauté internationale si elle y est attentive.

2.Deuxièmement, le rôle des Organisations internationales. Les Nations unies et les autres Organisations internationales ont le devoir de faire converger la volonté internationale en vue d'appliquer, à chaque fois et partout où le besoin s'en fait sentir, les instruments et les structures juridiques. Elles représentent des forums privilégiés pour adapter ces instruments et ces structures et, si nécessaires, en créer d'autres, pour les rendre plus réactifs face aux menaces de génocide ou aux autres graves violations des droits de l'homme.

A cet égard, les Nations unies demeurent le forum central pour l'élaboration du droit international à l'échelle mondiale. Au cours des dernières décennies, un nombre important de traités internationaux a été négocié aux Nations unies. Ce travail se poursuit encore de nos jours. Et nous observons que la croissance des compétences du droit international impose des obligations aux pays-membres. Toutefois, tous les pays-membres, en particulier les pays en voie de développement, n'ont pas la capacité technique de répondre à toutes les obligations internationales. Il existe un écart croissant entre le développement des lois internationales et la capacité des pays à les appliquer C'est pourquoi la mise en application des lois représente une question-clé dans les défis qui se présentent à nous dans le domaine du droit international; elle met en évidence l'importance de l'assistance juridique et technique aux pays en voie de développement.

3.Le troisième et dernier point que ma délégation désire souligner est notre devoir d'éduquer les personnes et les communautés, non seulement aux horreurs du génocide, non seulement pour s'y opposer, mais surtout, pour les empêcher de se reproduire. On a déjà beaucoup appris sur le génocide. Mais dévoiler tous ses méfaits est une tâche constante et toujours opportune qui nous incombe à tous. C'est dans ce sens, par exemple, que l'Assemblée générale des Nations unies a adopté à l'unanimité la résolution 58/234 du 23 décembre 2003, qui a fixé au 7 avril de cette année la date de la Journée internationale de réflexion pour rappeler les victimes du génocide de 1994 au Rwanda.

Le génocide demeure malheureusement une menace constante dans certaines régions du monde, où ses causes et ses signes révélateurs pourraient être assez faciles à identifier. Le génocide est latent dans les lieux où l'élimination de l'autre est considéré comme une «solution rapide» aux rivalités qui persistent et aux conflits non résolus; où les relations manifestement inéquitables entre les groupes sont justifiées par l'idéologie; où, sous le calme apparent de l'ordre, le feu de la haine brûle encore à cause de l'absence de pardon et de réconciliation mutuelle; où la reconnaissance des erreurs du passé et la «purification de la mémoire» sont freinées par la peur d'affronter la réalité historique. Cela ne constitue pas seulement un avertissement permettant d'identifier les menaces imminentes de génocide, mais, si je puis me permettre, il s'agit également de facteurs pouvant être identifiés parmi les causes qui alimentent le terrorisme.

Monsieur le Président,

Le monde est devenu trop étroitement lié pour que l'on prétende ignorer ce qui se passe de l'autre côté du village mondial, et, dans une large mesure, les instruments légaux et les structures juridiques sont déjà en place pour éliminer les génocides à leur racine. Ce dont nous avons besoin à présent, c'est une volonté plus grande et plus courageuse pour les appliquer.

Merci, Monsieur le Président.

    

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