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INTERVENTION DU SAINT-SIÈGE
AU COURS DE LA 60ème ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES
SUR LE THÈME DU TRAFIC D'ARMES LÉGÈRES SOUS TOUS LES ASPECTS

INTERVENTION DE S.EXC. MGR CELESTINO MIGLIORE*

New York,
Mercredi 28 juin 2006

 

Monsieur le Président,

Chacun de nous ici possède une grande responsabilité, qui découle de la conscience que le résultat de cette rencontre aura sans doute des conséquences à long terme sur un processus qui depuis 2001, a donné une première et forte impulsion au nouveau statut des armes légères et de petits calibres, ainsi qu'à son cadre juridique. Ce régime prend actuellement forme et représente la dernière étape d'un chemin qui devrait conduire à la promotion efficace des droits de l'homme et du droit international humanitaire.

Le commerce illicite des armes légères et de petits calibres représente une menace à la paix, au développement et à la sécurité. Cette menace provient non seulement des conflits, mais également des troubles sociaux, du crime organisé, du trafic de personnes, du terrorisme et même de la pauvreté, et elle prolifère plus encore dans un monde étroitement lié et mondialisé. Le Saint-Siège soutient donc toutes les personnes et institutions qui sollicitent une approche commune afin de combattre non seulement le commerce illicite des armes, mais également les activités qui y sont liées, telles que le terrorisme, le crime organisé, et le commerce illicite de drogue et de minéraux précieux, sans oublier les dimensions éthiques, sociales et humanitaires de ces fléaux.

Les pays pauvres seront parmi les premiers à bénéficier de cette approche commune car, après avoir entendu tant de promesses, ils demandent à juste titre l'application concrète de leur droit au développement. Dans ce contexte, ma délégation souhaite reconnaître et apporter son soutien à la Déclaration de Genève sur la Violence armée et le Développement, adoptée le 7 juin 2006, par laquelle près de 42 pays s'engagent à promouvoir l'intégration du contrôle des armes de petits calibres dans les programmes de développement.

Aujourd'hui, ma délégation souhaite également souligner certains aspects du Programme d'action qui méritent une plus grande attention, en commençant par le présupposé selon lequel, étant donné qu'il existe un lien étroit entre les armes et la violence, les armes et la destruction, les armes, la haine et la désagrégation sociale, celles-ci ne peuvent être considérées comme s'il s'agissait de produits commerciaux semblables à n'importe quel autre.

Tout d'abord, il est important que la Conférence de 2006 s'accorde à établir de grands programmes, mécanismes et orientations de coopération sur le plan international, en vue de promouvoir les points-clés du Programme d'action, qui pourrait inclure la création de normes adéquates pour la gestion et la sécurité du stockage de ces armes; la définition de critères clairs pour l'exportation d'armes; des mécanismes pour la collecte et la destruction des armes dans le cadre des processus de paix; le renforcement de la capacité d'opération pour l'application des lois concernant le commerce illicite des armes; une meilleure coopération régionale, y compris une attention vigilante au transit des armes le long des frontières perméables; et des contrôles nationaux plus rigides sur la production et le transfert d'armes légères et de petits calibres, à travers des instruments plus efficaces de contrôle en ce qui concerne la responsabilité, la traçabilité et le commerce des armes.

Il serait donc utile d'envisager sérieusement la négociation d'un instrument juridique à caractère obligatoire pour affronter le problème du commerce illicite des armes, tel qu'un traité fondé sur les principes adéquats du droit international, y compris les droits de l'homme et le droit humanitaire. Pour qu'un tel instrument contribue à déraciner le commerce illicite d'armes, la négociation devrait inclure les pays développés et les pays en voie de développement, les Etats exportateurs, importateurs et transitaires, les industries militaires, les Organisations non-gouvernementales, et la société civile. Les Etats en particulier ont un devoir important dans ce domaine, et devraient négocier sincèrement et appliquer ces accords de façon efficace. A ce propos, le Saint-Siège soutient avec force la proposition du Royaume-uni en vue de la négociation, au sein des Nations unies, d'un traité à caractère obligatoire sur le transfert des armes conventionnelles, en tant qu'initiative autonome, dotée de mécanismes efficaces de mise en place et de contrôle. Ma délégation espère que cette idée digne d'attention trouvera bientôt des investissements adéquats.

En second lieu, ma délégation est heureuse de constater le nombre d'interventions ces jours-ci se concentrant - comme nous le voyons dans le Programme d'action - sur le besoin de traiter non seulement du problème de la facilité d'accès aux armes, mais également de la demande d'armes, ce qui représente une exigence évidente si les Etats veulent véritablement empêcher le détournement des armes de petits calibres vers le marché noir. Si nous tenons compte du coût humain des armes légères et de petits calibres, et du lien, parfois subtil, parfois évident, entre celles-ci et le ralentissement du progrès du développement durable, les actions visant à réduire la demande d'armes légères et de petits calibres mérite certainement une plus grande attention. Oeuvrer en vue de répondre à la demande exigera certainement une recherche sérieuse sur la dynamique des conflits, le crime et la violence. Une telle connaissance informée pourrait constituer la base pour une action de prévention en vue de promouvoir une réelle culture de la paix parmi nous. Toutes les personnes concernées doivent agir de façon responsable à travers la création d'activités en matière d'éducation et de sensibilisation, afin de lutter contre la culture de la violence, et en montrant clairement leur volonté politique. La Conférence d'examen de 2006 devrait être pour les Etats l'occasion de reconnaître le lien entre le désarmement, le développement et les préoccupations humanitaires, et l'occasion de s'engager à adopter des stratégies et des programmes visant à réduire la demande d'armes et la violence armée.

Enfin, outre le renforcement des accords et la réduction de la demande d'armes, figure le problème de l'impact scandaleux de ce commerce sur les plus faibles dans la société, en particulier les enfants. Le Saint-Siège attache une grande importance aux besoins particuliers des enfants victimes des conflits armés, à leur réintégration dans leurs familles, dans la société et à leur réinsertion adéquate. Dans certains conflits, les enfants en particulier tendent à subir une double souffrance: d'un côté, ils sont exposés au danger, et de l'autre, ils sont contraints de s'enrôler comme enfants soldats. De telles situations exigent une réaction sans équivoque de la part de la Communauté internationale, qui se doit d'accorder une attention particulière aux enfants qui se trouvent dans ces situations et de faire tout son possible pour les aider à retrouver une vie normale et à grandir dans un environnement affectueux et sûr. Les programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration accordent déjà une attention particulière aux besoins des enfants soldats; mais ils pourraient dépasser le cadre des accords de paix, où ces dispositions s'appliquent déjà, et s'étendre éventuellement aux projets de maintien de la paix et d'édification de la paix, ainsi qu'aux programmes de développement, à travers une action au niveau de la communauté.

C'est pourquoi, pour atteindre ces objectifs, la participation active de tous les acteurs est nécessaire: les gouvernements sont les premiers responsables du succès de cette Conférence d'examen, ainsi que les ONG qui ont déjà apporté un élan important à ce processus.

Ma délégation forme le voeu que le résultat de la Conférence de 2006 portera un regard avisé sur l'avenir du statut international des armes légères et de petits calibres, et garantira un suivi aussi approprié qu'efficace.

Merci, Monsieur le Président.


 

*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.35 p.10.

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