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INTERVENTION DU SAINT-SIÈGE
À LA SESSION DU GROUPE D'EXPERTS
DE LA CONVENTION SUR L’INTERDICTION OU LA LIMITATION
DE L’EMPLOI DE CERTAINES ARMES QUI PEUVENT PRODUIRE
DES EFFETS TRAUMATIQUES EXCESSIFS OU INDISCRIMINÉS (CCW)
(GENÈVE, 18-22 JUIN 2007)

DISCOURS DE MGR. SILVANO M. TOMASI*

Genève
Mardi 19 juin 2007

 

Monsieur le Coordonnateur,

Depuis quelque temps, la question des sous-munitions et la réponse aux graves problèmes humanitaires qu'elles ne cessent de poser ont largement occupé un grand nombre d'acteurs qui ont bien perçu l'urgence et la gravité de la question. Cette urgence et cette gravité procèdent moins d'un calcul militaire tactique ou stratégique ou de considérations commerciales que d'une vision qui met la personne humaine au centre de la délibération et de l'action qui en découle.

Cette urgence et cette gravité devraient être perçues collectivement par la Convention on Conventional Weapons (CCW) et la conduire à des décisions attendues depuis longtemps par des personnes, des familles, des populations et des pays affectés et qui sont les témoins, morts ou vivants, des ravages d'une arme dont on n'a plus besoin de faire la démonstration qu'elle ne devrait plus exister dans les arsenaux des armées qui ont le souci de respecter au mieux le droit humanitaire international. Les Etats Parties ont le recul nécessaire pour comprendre la nature et l'utilisation de cette arme. On a suffisamment délibéré et le temps des décisions bien informées et bien fondées est arrivé.

Monsieur le Coordonnateur,

Le Saint-Siège vient de faire circuler en mai dernier une note qui explicite sa position sur cette question. Permettez-moi de mettre l'accent sur quelques points que je considère importants pour notre réunion de cette semaine.

Cette session du Groupe d'Experts Gouvernementaux est cruciale et se situe à un croisement de chemins. L'enjeu n'est rien moins que la réponse adéquate à un grave problème humanitaire et, en même temps, la crédibilité de la CCW qui devrait se traduire par une action efficace et concrète à la question posée par les armes à sous-munitions.

Comme le Saint-Siège l'a affirmé dernièrement, si la CCW veut traiter du problème qui nous occupe cette semaine trois conditions s'imposent : adoption d'un mandat substantiel qui permette de s'attaquer de manière appropriée aux problèmes générés par les sous-munitions; adoption d'un cadre temporel de la négociation; négociation de bonne foi d'un texte efficace et applicable loin des sentiers du plus petit commun dénominateur. Ne rien faire ou bien se limiter à une action formelle incapable de protéger le mieux possible les populations civiles ne donnera pas plus de crédibilité à la CCW. La crédibilité vient du traitement des problèmes d'une manière sérieuse, efficace et productive.

Monsieur le Coordonnateur,

Le Saint-Siège a soutenu et réitère son appui à tout processus et à tous les efforts qui cherchent à atteindre l'objectif idéal, rationnel et raisonnable d'interdire la production, la possession, le transfert et l'utilisation des sous-munitions, de détruire les stocks, d'entamer un effort collectif basé sur la coopération internationale pour dépolluer les régions affectées et pour assister les personnes et les communautés victimes de ces armes. Le processus qui a commencé à Oslo et continué à Lima va dans le bon sens et pourrait parfaitement être complémentaire aux travaux des Etats Parties à la CCW. Présentant une valeur ajoutée du multilatéralisme, les deux processus peuvent être complémentaires et se renforcer mutuellement, sans exclure l'éventualité d'une convergence à un stade ultérieur des négociations.

Monsieur le Coordonnateur,

Le Groupe d'Expert Gouvernementaux et ultérieurement les Etats Parties ont le temps nécessaire et suffisant pour prendre les bonnes décisions avant la fin de cette année. Le Saint-Siège ne peut que lancer un appel à tous les Etats Parties, aux Organisations internationales et à la société civile pour conjuguer les efforts et adopter une approche exigeante et ambitieuse qui puisse résoudre les problèmes des armes à sous-munitions une fois pour toute.

On comprendrait que faute de pouvoir trouver une solution immédiate, on puisse envisager une période transitoire pour atteindre l'objectif d'une interdiction totale. Mais il serait impératif de renforcer la réglementation de l'utilisation pendant cette période transitoire, au moyen, par exemple, de l'interdiction immédiate de certains types et du respect scrupuleux des règles de la distinction et de la nécessité, et par-dessus tout, s'en tenir à une conception strictement défensive dans l'utilisation des sous-munitions pour la protection exclusive du territoire national. Il s'agit d'éléments essentiels pour placer dès maintenant au centre de notre attention la reconnaissance de la valeur fondamentale de la dignité humaine, qui doit constituer l'aspect fondamental de tous les efforts et de tous les processus qui cherchent à renforcer le droit humanitaire international.

Monsieur le Coordonnateur, je vous remercie.


*L’Osservatore Romano, 28.6.2007 p.2.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.27 p.9.

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