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INTERVENTION DU SAINT-SIÈGE
LORS DE LA 51 SESSION DE LA CONFÉRENCE GÉNÉRALE
DE L'AGENCE INTERNATIONALE DE L'ENERGIE ATOMIQUE (A.I.E.A.)

DISCOURS DE S.Exc. MGR DOMINIQUE MAMBERTI*

Vienne
Lundi 17 septembre 2007


Monsieur  le Président,
Excellence,
M. le Directeur général,
Mesdames et Messieurs,

C'est pour moi un honneur de vous transmettre les salutations du Pape Benoît XVI qui, au cours de la prière hebdomadaire de l'Angelus, le dimanche 29 juillet 2007, a rappelé l'important 50 anniversaire de l'Agence internationale de l'Energie atomique à travers ces paroles: 

"C'est précisément aujourd'hui, en effet, qu'est célébré le 50 anniversaire de l'entrée en vigueur des statuts de l'A.I.E.A., l'Agence internationale de l'Energie atomique, instituée avec le mandat de "solliciter et accroître la contribution de l'énergie atomique aux causes de la paix, de la santé et de la prospérité dans le monde entier" (art. II des statuts)".

"Le Saint-Siège, qui approuve pleinement les objectifs de cette Organisation, en est membre depuis sa fondation et continue de soutenir ses activités".

"Les changements historiques qui se sont produits au cours des 50 dernières années montrent qu'au carrefour difficile où se trouve l'humanité, l'engagement en vue d'encourager la non-prolifération des armes nucléaires, de promouvoir un désarmement progressif et concerté, et de favoriser l'utilisation pacifique et en toute sécurité de la technologie nucléaire pour un authentique développement respectueux de l'environnement et toujours attentif aux populations les plus désavantagées, est toujours plus actuel et urgent".

"Je forme donc le vœu qu'aboutissent les efforts de ceux qui œuvrent pour poursuivre avec détermination ces trois objectifs pour faire en sorte que "les ressources ainsi épargnées [puissent] être employées en projets de développement au profit de tous les habitants et, en premier lieu, des plus pauvres" (Message pour la Journée mondiale de la Paix 2006). En effet, il est bon de répéter également en cette occasion qu'"il faut substituer [...] à la course aux armements, un effort commun pour mobiliser les ressources vers des objectifs de développement moral, culturel et économique, en redéfinissant les priorités et les échelles des valeurs" (Catéchisme de l'Eglise catholique, n. 2438)".

"Confions à nouveau notre prière pour la paix à l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie, en particulier afin que les connaissances scientifiques et techniques soient toujours appliquées avec un sens de responsabilité et pour le bien commun, dans le plein respect du droit international. Prions afin que les hommes et les femmes vivent en paix et se sentent tous frères, fils d'un unique Père:  Dieu".

Monsieur le Président,

Ces paroles représentent une exhortation adressée à la Communauté internationale à s'engager sérieusement afin d'atteindre de façon efficace trois objectifs intimement liés l'un à l'autre:  la non-prolifération des armes nucléaires, le désarmement nucléaire et l'utilisation pacifique et sûre de la technologie nucléaire.

Toutes les utilisations pacifiques de la technologie nucléaire doivent être guidées par deux principes:  elles doivent respecter l'environnement et elles doivent tenir compte des populations les plus défavorisées. De plus, de nombreux fruits positifs peuvent être recueillis de l'utilisation de la technologie nucléaire dans des domaines vitaux pour les êtres humains, tels que la sécurité alimentaire et, par dessus tout, la médecine. Le travail que l'A.I.E.A. accomplit à travers son "Programme de coopération technique" et en particulier le PATC (Programme d'action pour la thérapie contre le cancer), ne peut que recevoir le soutien total de la part du Saint-Siège.

Ces activités doivent être considérées dans un contexte moral plus vaste, car elles possèdent des répercussions importantes non seulement pour les générations présentes, mais également futures. Les financements accordés pour ces activités doivent être considérés comme des investissements pour l'avenir de l'humanité, pour un avenir qui, selon les paroles du Pape, pourra appliquer les connaissances scientifiques et techniques "avec un sens de responsabilité et pour le bien commun, dans le plein respect du droit international".

Ce sens de responsabilité pour le bien commun et le respect du droit international, partagés par toutes les nations, doit conduire toutes les forces à "encourager la non-prolifération des armes nucléaires" et "promouvoir un désarmement nucléaire progressif et concerté".

La non-prolifération et le désarmement nucléaire sont, comme le Saint-Siège l'a souvent déclaré - et tout récemment au cours du dernier Comité préparatoire de la Conférence d'examen du Traité de non-prolifération des armes nucléaires en programme pour 2010 - "interdépendants et se renforcent mutuellement, et leur mise en place transparente et responsable représente l'un des instruments principaux non seulement dans la lutte contre le terrorisme nucléaire, mais également dans la réalisation concrète d'une culture de la vie et de la paix capable de promouvoir de façon efficace le développement opportun des peuples". Le développement intégral des peuples sera activement promu par la poursuite honnête et efficace des trois objectifs indiqués par le Pape Benoît XVI lors de l'Angelus du 29 juillet dernier. Ces trois objectifs représentent des impératifs moraux; mais ils sont également politiquement possibles.

Monsieur le Président,

Au cours des cinquante dernières années, l'A.I.E.A. a accompli, et continue d'accomplir, un rôle technique important et délicat qui consiste à conseiller et assister les Etats dans le domaine nucléaire, un rôle capable de contribuer à atteindre deux objectifs prioritaires sur le plan international - des objectifs qui, avec le temps, se révèlent toujours plus liés entre eux. Ces deux objectifs ne sont autres que la défense de la paix et de la sécurité et la promotion et le développement des peuples.

Après la Deuxième Guerre mondiale, nous avons assisté au développement important de la question nucléaire, à l'égard de laquelle sont apparues diverses réponses internationales visant à renforcer la réglementation juridique dans ce domaine. Nous pouvons rappeler ici la contribution importante offerte par l'A.I.E.A. au développement de la législation en matière nucléaire.

En effet, au cours de ses cinquante premières années, l'Agence internationale de l'Energie atomique a consolidé et renforcé les trois "piliers" qui sont à la base de son mandat:  1. Aider les Etats-membres dans l'utilisation pacifique de la technologie nucléaire à travers un échange d'informations, ainsi que la recherche et la coopération technique; 2. Promouvoir une "sécurité" et une "sûreté" nucléaires, à travers l'élaboration et l'application d'un système mondial efficace de sécurité, fondé sur les conventions, les normes et l'aide aux Etats-membres; 3. Procéder à des vérifications de l'utilisation pacifique effective de la technologie nucléaire, à travers son réseau complexe d'accords en matière de protection, le Protocole additionnel et les nouvelles normes liées au "Protocole relatif aux Petites Quantités".

Au cours des cinquante dernières années, des difficultés sont bien évidemment  apparues, en raison de la complexité de la question nucléaire elle-même, dont la technologie est soumise à des développements importants et rapides. Les difficultés qui apparaissent à la suite de ces développements rapides sont en constante évolution et représentent donc le défi principal pour le proche avenir. On pense ici au marché noir des matériaux nucléaires, qui implique également des acteurs extérieurs à l'Etat; au progrès lent du désarmement nucléaire; aux difficultés qui apparaissent dans l'application du Traité de non-prolifération, ainsi qu'au système même de non-prolifération tout entier.

Ces défis ne peuvent être affrontés de façon sérieuse qu'en cultivant une culture de la paix, fondée sur la primauté du droit et le respect de la vie humaine. Cela signifie qu'une approche multilatérale, marquée par le dialogue et l'honnêteté, ainsi que par une coopération responsable entre tous les membres de la Communauté internationale, doit être renforcée. Cela est la meilleure "voie qui peut assurer un avenir de paix pour tous [qui] passe non seulement par des accords internationaux en vue de la non-prolifération des armes nucléaires, mais aussi par l'engagement à poursuivre avec détermination leur diminution et leur démantèlement définitif" (Message du Pape Benoît XVI pour la célébration de la Journée mondiale de la Paix 2007, n. 15).

Une telle approche multilatérale doit être caractérisée par le développement et la mise en place d'un nouveau modèle de sécurité collective, dans lequel chaque pays reconnaît les claires limites du recours aux armes nucléaires pour sa propre sécurité.

Au carrefour difficile auquel se trouve l'humanité aujourd'hui, un carrefour caractérisé par une interdépendance toujours croissante au niveau économique, politique, social et environnemental, l'utilisation de la force ne représente plus une solution durable dans le temps:  elle alimente une méfiance réciproque et renvoie à un sens erroné des priorités qui utilise d'immenses ressources sans clairvoyance. Il faut éviter la tentation de comparer les nouvelles situations aux anciens systèmes.

Comme l'a affirmé le Pape Benoît XVI, il est nécessaire de redéfinir "les priorités et l'échelle des valeurs" sur la base desquelles il est possible de se concentrer sur "l'effort commun en vue de mobiliser les ressources vers un développement moral, culturel et économique". Afin de promouvoir une telle approche, il est indispensable de favoriser un multilatéralisme sérieux, fondé sur un sens collectif renouvelé de la sécurité en mesure d'édifier un réel climat de paix et de confiance qui reconnaît que le développement, la solidarité et la justice ne sont autres que le véritable nom de la paix, pour une paix durable dans le temps et dans l'espace.

Merci, Monsieur le Président.


*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.42 p.9.

La Documentation catholique, n°2397, p.226-228.

 

 

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