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INTERVENTION DU SAINT-SIÈGE
LORS DE LA V CONFÉRENCE RELATIVE AU TRAITÉ SUR
L'INTERDICTION TOTALE DES ESSAIS NUCLÉAIRES (CTBT)

DISCOURS DE MGR MICHAEL W. BANACH*

Vienne
Mardi 18 septembre 2007

 

Monsieur le Président,

Le Saint-Siège promeut résolument la plus grande adhésion possible au CTBT ainsi que sa ratification. Son entrée en vigueur et son application sont importantes pour la vie et la paix de la famille humaine. En adhérant au CTBT et en le ratifiant, le Saint-Siège a exprimé sa conviction selon laquelle "dans le domaine des armes nucléaires, l'interruption des expérimentations et du perfectionnement de ces armes, le désarmement et la non-prolifération sont étroitement liés et doivent être au plus tôt appliqués sous un contrôle international effectif" (Déclaration accompagnant l'instrument d'adhésion du CTBT, 24 septembre 1996). Cette conviction souligne la mission même du Saint-Siège, qui vise à assurer le bien commun de la famille humaine à travers "la promotion authentique d'une culture de la paix, fondée sur la primauté de la loi et sur le respect de la vie humaine" (Déclaration accompagnant l'instrument de ratification du CTBT, 18 juillet 2001).

L'entrée en vigueur et l'application du CTBT sont d'autant plus urgentes lorsque l'on considère le monde contemporain, qui est caractérisé par la menace du terrorisme et la crise des relations et des Organisations internationales. Dans cette perspective, les mesures adoptées en vue de combattre le terrorisme nucléaire et, plus généralement, les instruments internationaux et nationaux pour empêcher les organisations criminelles et les entités non-étatiques de posséder des armes de destruction de masse, doivent être salués. Parmi ceux-ci, la Convention internationale pour l'Elimination des Actes de Terrorisme nucléaire de 2005 et la Résolution n. 1540 du Conseil de Sécurité des Nations unies, adoptée en 2004, méritent d'être mentionnées.

Dans le même temps, toutefois, les Etats doivent reprendre le processus de désarmement nucléaire. Un engagement renouvelé de la part des Etats en vue de mettre en place le Traité de Non-prolifération des Armes nucléaires de 1968 et de déclarer une interdiction totale des essais nucléaires, semble donc nécessaire. Le climat de terrorisme provoqué par les organisations criminelles n'exclut pas la peur qui est liée à la menace de l'utilisation des armes de destruction de masse par les Etats. Toutes deux représentent une atteinte à la famille humaine.

Monsieur le Président,

Les essais nucléaires sont dictés par le désir de développer des armes toujours plus sophistiquées et dangereuses. Ils sont donc le signe d'une "culture du conflit et de la mort" qui menace non seulement la paix mais - étant donné la nature particulièrement destructrice des armes nucléaires - l'existence même de la famille humaine. Les Etats justifient parfois les essais nucléaires en faisant appel aux exigences de sécurité et à la protection des peuples. Cet argument n'est pas convaincant. En fait, il conduit à la prolifération des armes qui, étant donné leur capacité destructrice, sont capables d'éliminer les personnes mêmes qu'elles affirment vouloir protéger et défendre.

Les Etats justifient parfois les essais nucléaires en affirmant vouloir développer des armes "propres" ou "intelligentes", c'est-à-dire, des armes nucléaires dont les effets thermiques, mécaniques et radioactifs sont limités. Cet argument n'est pas non plus convaincant. En fait, toutes les armes nucléaires ont des effets radioactifs indiscriminés, qui sont dangereux pour la vie et la santé des êtres humains et de l'environnement. De plus, "si on ne met pas un terme aux expériences nucléaires tentées à des fins militaires, elles risquent d'avoir, on peut le craindre, des suites fatales  pour  la  vie  sur  le globe" (Jean XXIII, Pacem in Terris, AAS 55 [1963]:  60).

La déclaration d'une interdiction totale des essais nucléaires représente donc un devoir de la Communauté internationale à l'égard de tous les peuples. Etant donné les risques provoqués par les essais et les armes nucléaires, le moment est venu pour la Communauté internationale de faire un choix décisif en faveur d'une "culture de la vie et de la paix" et d'un désarmement nucléaire significatif. Dans ce but, l'engagement de chaque être humain et de tous les peuples, qui sont appelés à respecter la vie et édifier la paix dans leurs propre vie et à promouvoir la conscience au sein des Autorités civiles et militaires, est indispensable. De plus, sont nécessaires une conscience et un comportement responsable accrus de la part de la communauté scientifique, dont les compétences précieuses devraient être placées au service de la famille humaine et non pas viser à satisfaire les désirs de domination ou de destruction d'un Etat ou d'une entité non étatique.

La déclaration d'une interdiction totale des essais nucléaires représente également un devoir des générations présentes à l'égard des générations futures. Le lien entre les générations remonte à l'origine commune des êtres humains et à l'unité de la famille humaine. Au niveau politique et juridique, ce lien est implicite dans la Charte des Nations unies. Il est également affirmé de façon explicite dans la Déclaration sur les responsabilités des générations présentes envers les générations futures, adoptée par l'UNESCO en 1997, selon laquelle les générations présentes s'engagent à défendre le bien primordial des générations futures, y compris la vie et la paix de la race humaine et de la planète.

Monsieur le Président,

Le 29 juillet dernier, Sa Sainteté le Pape Benoît XVI a mentionné le 50 anniversaire de l'entrée en vigueur des statuts de l'AIEA. Comme l'a souligné le Pape Benoît XVI, "les changements historiques qui se sont produits au cours des 50 dernières années montrent qu'au carrefour difficile où se trouve l'humanité, l'engagement en vue d'encourager la non-prolifération des armes nucléaires, de promouvoir un désarmement progressif et concerté, et de favoriser l'utilisation pacifique et en toute sécurité de la technologie nucléaire pour un authentique développement respectueux de l'environnement et toujours attentif aux populations les plus désavantagées, est toujours plus actuel et urgent" (Angelus, 29 juillet 2007).

Monsieur le Président,

Le Saint-Siège approuve l'application de la technologie nucléaire à des fins pacifiques. Dans le même temps, il est important de souligner que la sécurité et l'existence même de programmes nucléaires pacifiques dépendent de deux conditions:  l'abandon de programmes nucléaires hostiles et une interdiction totale des essais nucléaires La Communauté internationale est appelée à poursuivre ces objectifs comme des étapes décisives en vue du renforcement d'une culture de la vie et de la paix et en vue d'atteindre le bien commun de la famille humaine.

Merci, Monsieur le Président.


*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.42 p.8.

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