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INTERVENTION DU SAINT-SIÈGE
À LA 53ème SESSION DE LA COMMISSION DE L'ECOSOC
SUR LA CONDITION DES FEMMES

DISCOURS DE S.E. MGR CELESTINO MIGLIORE,
OBSERVATEUR PERMANENT DU SAINT-SIÈGE
AUPRÈS L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES*

Suivi de la quatrième conférence mondiale sur les femmes et de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale intitulée: « Les Femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI siècle ». Réalisation des objectifs stratégiques, mesures à prendre dans les domaines critiques et nouvelles mesures et initiatives : Partage, dans des conditions d’égalité, des responsabilités entre les femmes et les hommes, en particulier des soins dispensés dans le contexte du VIH/sida.

Lundi 9 mars 2009

 

Monsieur le président,

Ma délégation salue le choix d'un sujet si important et opportun pour ce débat: le partage égal des responsabilités entre les hommes et les femmes, y compris dans le domaine de l'assistance aux malades du sida.

Considérer l'assistance comme un aspect fondamental de la vie humaine comporte de profondes implications.

L'assistance suppose des programmes, des politiques et des décisions budgétaires, ainsi qu'une attitude et un engagement personnels en vue du bien-être des autres. Le lien entre l'activité et l'attitude personnelle est évident, mais n'est pas toujours présupposé.

Les êtres humains ne sont pas seulement des créatures autonomes et égales, mais aussi des créatures interdépendantes, qui, quelles que soient leur condition sociale et l'étape de la vie à laquelle ils se trouvent, peuvent avoir besoin d'assistance.

Se concentrer sur l'assistance et sur le partage des responsabilités entre femmes et hommes pour affronter les questions urgentes telles que la prévention et le traitement du sida, l'éducation des enfants, le travail domestique et le soutien des membres plus âgés de la famille, nous conduit à considérer la relation entre un homme et une femme dans la société comme interdépendante.

Surmonter le dilemme entre autonomie et dépendance promeut également une nouvelle vision du travail d'assistance, qui ne peut plus être délégué uniquement à certains groupes, telles que les femmes et les immigrés, mais doit également être partagé entre toutes les femmes et tous les hommes, au sein du foyer comme dans le secteur public.

En particulier, il est de plus en plus insoutenable qu'il continue d'exister des comportements et des lieux - même dans le domaine de la santé - dans lesquels les femmes sont victimes de discrimination et où leur contribution à la société est sous-évaluée uniquement parce que ce sont des femmes. Le recours à la pression sociale et culturelle afin de maintenir l'inégalité des sexes est inacceptable.

Monsieur le président, étant donné que notre débat se concentre principalement sur le partage, entre hommes et femmes, des responsabilités et de l'assistance dans le domaine du sida, notre première pensée concerne la signification principale et la plus exacte du terme d'assistance, c'est-à-dire le soin, la protection et la promotion du bien-être des autres. Dans ce contexte, le sida remet en question les valeurs en fonction desquelles nous vivons notre vie et la façon dont nous traitons, ou ne traitons pas, les autres.

L'assistance communautaire et le soutien à l'échelle mondiale aux personnes atteintes de cette maladie demeurent essentiels. L'assistance à domicile est le type d'assistance privilégié dans de nombreux contextes culturels et sociaux, et elle est souvent plus durable et bénéfique à long terme lorsqu'elle possède une base communautaire. En effet, lorsque de nombreux membres d'une communauté sont engagés dans l'assistance et le soutien, les malades courent moins le risque d'être stigmatisés.

Malheureusement, l'assistance communautaire et à domicile demeure largement non reconnue, et un grand nombre de ceux qui fournissent cette assistance connaissent des situations financières précaires. Ils ne reçoivent qu'une infime partie des fonds utilisés chaque année pour apporter une aide à ceux qui souffrent, ainsi que pour faire avancer la recherche nécessaire pour combattre la maladie. Des études ont montré que les assistants communautaires et à domicile sont en réalité davantage soumis au stress que le personnel médical; il faut donc apporter un plus grand soutien à ces personnes, en particulier aux femmes et aux personnes plus âgées qui fournissent cette assistance.

Ma délégation voudrait également se concentrer sur certains aspects de la mondialisation de l'assistance, qui touchent en particulier les femmes pauvres et immigrées. Dans les sociétés caractérisées par d'importantes transformations démographiques et par des systèmes inadéquats d'assistance sociale liés à la famille ou au travail, ce sont les femmes immigrées qui répondent à la demande d'assistance pour les enfants, les malades, les personnes gravement handicapées et les personnes âgées. Dans de nombreuses parties du monde, un véritable marché est apparu dans le domaine de l'assistance à domicile, dans lequel les femmes en particulier doivent affronter des situations de vulnérabilité, dues à la non-régularisation de leur situation, à l'isolement social, aux conditions de travail difficiles et parfois aux exploitations en tout genre.

Les gouvernements devraient reconnaître de façon adéquate que le budget et l'organisation des institutions publiques sont dans une certaine mesure allégés par l'assistance à domicile, et devraient donc adopter des lois en matière d'immigration visant à créer et promouvoir l'intégration sociale et la pleine protection des immigrés travaillant comme assistants à domicile. De même, encourager une formation professionnelle appropriée qui offre aux assistants à domicile des connaissances médicales et psychologiques de base revaloriserait leur activité inestimable et pourrait les protéger de formes d'exploitation faciles et répréhensibles.

Les pays en voie de développement souffrent de la fuite des cerveaux, car une grande partie de leur capital humain, généralement les personnes dotées d'éducation, de talent et de capacités - en particulier dans le secteur médical -, quitte ces pays à la recherche de meilleures opportunités économiques dans les pays riches. On en attribue la faute aux forces du marché, mais il s'agit d'un domaine dans lequel les pays d'origine, de transit et de destination doivent œuvrer ensemble pour aider les pays en voie de développement à retenir, ou du moins à réadmettre, les membres qualifiés de leur main d'œuvre, en offrant des formes d'aide adaptées qui permettent de les reconnaître et de mieux les rémunérer, afin qu'ils aient plus de facilité à rester dans leur pays.

Enfin, Monsieur le président, de trop nombreuses cultures considèrent que l'assistance doit être limitée à la sphère privée et supposent qu'elle est apportée au sein du foyer domestique.

L'assistance elle-même doit devenir le sujet d'un débat public, et revêtir une importance capable de façonner la vie politique et de rendre les hommes et les femmes davantage capables de se préoccuper des nécessités des autres, d'être plus solidaires et en mesure de se concentrer sur les autres.

Dans ce sens, l'assistance peut donner naissance à un processus de démocratisation de la société et promouvoir une conscience publique en vue d'une justice et d'une solidarité sociales réelles pour tous les hommes et les femmes.

Merci, Monsieur le président.


*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n°17 p.7.

 

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