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INTERVENTION DU SAINT-SIÈGE
LORS DE L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL EXÉCUTIF DE L'UNESCO À PARIS,
SUR LE THÈME : « ÉDUCATION ET DÉVELOPPEMENT DURABLE »

INTERVENTION DE MGR FOLLO

Paris
Vendredi 9 avril 2010

 

Le Saint-Siège est heureux aujourd'hui de pouvoir prendre la parole pendant les travaux de la 184 Session du Conseil exécutif et de proposer sa contribution au point 11 de l'ordre du jour sur l'éducation et le développement durable. Il souhaite en particulier apporter sa contribution aux réflexions sur les formes d'éducation et de formation qui vont répondre aux défis des temps présents et futurs.

Il serait bon toutefois de commencer par se demander quelle est la nature des problèmes spécifiques que nous avons à l'esprit et comment ils sont reliés. En effet, éducation et formation nécessitent toujours une orientation intégrale parce qu'elles concernent tout l'homme.

Il me semble que les problèmes les plus évidents résident dans les défis techniques qui nous attendent dans un contexte de crise de l'environnement global.

Depuis les dernières décennies, notre forme d'économie est liée à deux problèmes majeurs qui nécessitent, pour les résoudre, des investissements dans le champ de l'éducation et de la formation.

Le premier problème réside dans le fait que nous surexploitons des ressources naturelles en les consommant pour des intérêts économiques à court terme, et sans être capables d'évaluer les conséquences de cette surexploitation pour les générations futures.

Le deuxième problème réside dans la destruction de plus en plus avancée de l'environnement qui devient un sujet de préoccupation pour toutes les nations. Certaines interventions dans l'équilibre écologique vont se retourner contre l'humanité, et parfois cruellement. Par conséquent, il est nécessaire de développer de plus en plus de stratégies pour mieux contrôler les répercussions de notre gestion de l'économie.

Face à la surexploitation et à la destruction avancée de l'environnement, la place de l'éducation et de la formation est immense: techniquement, elle réside certainement dans l'augmentation de la part de l'éducation pour tous et dans l'utilisation des formes de production plus efficaces. Toutefois, les progrès observés dans ce domaine risquent de demeurer sans effet s'ils ne profitent pas à tous les être humains. A cet effet, voici ce que le Pape Benoît XVI a déclaré à Madame Mary Ann Glendon, présidente de l'Académie pontificale des Sciences sociales, lors de la XIIIe session plénière, le 28 avril 2007: « Tout ce que la terre produit, et tout ce que l'homme transforme et produit, toute sa connaissance et sa technologie, sont destinés au développement matériel et spirituel de la famille humaine et de tous ses membres » (cf. ORLF n. 19 du 8 mai 2007). Nos problèmes globaux nécessitent des réponses globales, et l'accès aux techniques et aux méthodes doit être facilité pour tous les hommes. De ce fait, ce sont aussi les immenses potentialités intellectuelles des hommes qui jusqu'ici n'ont pu trouver accès à la formation et à la connaissance qui pourraient se développer au bénéfice de toute l'humanité.

Les problèmes de notre temps renvoient la réflexion aux problèmes sociaux qui sont sous-jacents: la distribution injuste des terres et du capital perpétue un dysfonctionnement technique qui se répercute en même temps sur les pays riches, ce qui demeure le plus grand scandale de notre temps. De ce fait, la question de l'éducation dans le contexte du développement durable ne peut être résolue par un simple inventaire technique, mais elle doit se tourner vers le cœur moral du problème.

D'abord, il est important que les enfants, les adolescents et les adultes redécouvrent la solidarité. Dans cette optique, les expériences des écoles-projets de l'UNESCO sont très encourageantes. A cet égard, le Saint-Siège encourage l'UNESCO pour chaque école qui va dans le sens de la solidarité.

Si les problèmes techniques de notre temps sont évidents, les questions morales doivent être claires pour toute personne sincère. En fait, tous ces problèmes se basent à un niveau plus fondamental, à savoir celui des questions religieuses. J'en viens maintenant à une courte réflexion sur la notion de durabilité, c'est-à-dire la notion d'avenir, par rapport à des questions transcendantales:

Le concept de durabilité a été remplacé par l'oubli de l'avenir. Bien que nous considérions cet oubli aujourd'hui comme une amputation de la rationalité, la question demeure de savoir si le concept de durabilité peut être justifié uniquement par une allusion à la crise actuelle, ou bien si ce concept trouve aussi des justifications plus profondes. En effet, nous pouvons trouver des raisons profondes si nous cessons d'être satisfaits par des concepts purement techniques ou économiques de la rationalité. Nous ne pourrons concevoir le temps et le futur que lorsque nous serons préparés à accepter que le temps et le futur ne sont pas à notre disposition, c'est-à-dire qu'ils sont indisponibles. Les calculs qui ne disent rien sur l'indisponible sont faciles à faire, mais ils sont fondamentalement limités: leur lumière sur le présent couvre le futur d'ombres épaisses.

Pour traiter sérieusement la crise de notre temps, il est nécessaire de développer un concept étendu de rationalité. Les jeunes doivent apprendre à se demander si ce qu'ils font a un sens, afin d'éviter de rendre absolu tout ce qu'ils font, avec le risque que cette certitude soit erronée. Celui qui n'apprend jamais à se demander quel est le but qu'il veut atteindre, vers où tendent ses désirs et ses efforts, celui-là s'enferme dans le présent et perd ses capacités pour le futur. Au contraire, celui qui est capable de se concentrer sur le présent avec la conscience d'un futur qui n'est pas à sa disposition, celui-là sera libre de donner forme au futur.

A cet égard, le Saint-Siège soutient l'action du Secteur des sciences naturelles de l'UNESCO et de tous ses programmes, parmi lesquels je voudrais citer, entre autres, les programme de géologie, le MAB (homme et biosphère), la COI (océans), le PHI (eau) qui travaillent à la formation des étudiants; ces programmes, à long terme, contribuent au développement des pays, dans les dimensions écologiques, sociales et économiques. Le Saint-Siège salue également les efforts de la plate-forme intersectorielle sur l'éducation aux sciences, car elle fait comprendre aux étudiants la valeur de telles études.

Pour comprendre le sens des études, et donc le sens de la vie, le Saint-Siège encourage les programmes éducatifs qui vont dans le sens de la cohérence des savoirs: par exemple, il propose que les scientifiques et les ingénieurs reçoivent des cours de philosophie afin d'apprendre aussi à raisonner dans l'abstrait. Il propose également que les formations philosophiques et littéraires intègrent dans leur programme le raisonnement analytique des scientifiques. Le Saint-Siège est déjà en train de développer, à Rome, depuis quelques années, une initiative nommée Projet STOQ (Science, technologie et la question ontologique). Il a pour but de promouvoir le dialogue entre sciences, philosophie et théologie et de rendre compte de la vision chrétienne de la personne et de la société en fonction des défis théoriques, éthiques et culturels. Beaucoup d'écoles catholiques et d'écoles professionnelles pratiquent de telles formations, et dans le cadre du développement intégral de la personne, il serait souhaitable que ces bonnes pratiques puissent être étendues le plus largement possible, dans le monde et dès le plus jeune âge.

En conclusion, une telle capacité de former le futur ne grandit que là où est permise une expérience de la transcendance. Lorsque les hommes comprennent que le monde est beaucoup plus que la terre qu'ils travaillent avec leurs concepts techniques et économiques, alors leurs horizons étroits s'élargissent sur les questions qui les préoccupent. Nous devrions nous rendre compte que le vrai réalisme ne peut apparaître que lorsque l'homme est préparé à se voir depuis le futur, un futur qui le transcende.

 

 

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