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VISITE DES PROFESSEURS ET DES ÉTUDIANTS DE LA FACULTÉ DE DROIT CANONIQUE
DE L'INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS À LA FAO

ALLOCUTION DE L'OBSERVATEUR PERMANENT AUPRÈS DE LA FAO,
MGR FERNANDO CHICA ARELLANO*

29 mars 2019

Chers professeurs,
chers étudiants,

Je remercie vivement M. Laurent Thomas, directeur général-adjoint (Opérations) de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), et ses collègues, pour la gentillesse, le dévouement et le soin avec lesquels ils ont organisé cette importante rencontre. C’est en effet avec une joie sincère qu’aujourd’hui, je vous souhaite la bienvenue au siège de la FAO: l’Organisation de Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, à travers laquelle 194 Etats  — outre l’Union européenne — se dépensent et mettent tout en œuvre afin que chaque être humain ait un accès constant à une quantité de nourriture adéquate et suffisante, de haute qualité, pour mener une existence active et saine. 

Sans doute quelqu’un pourrait-il se demander, nous pourrions même tous nous demander: «Est-il possible qu’à notre époque il y ait encore des personnes qui meurent de faim?», reprenant la question posée prophétiquement par saint Jean-Paul II dans la lettre apostolique Novo Millennio Ineunte (n. 50). Eh bien, la réponse ne peut que continuer à être radicalement affirmative, car selon le dernier rapport de septembre 2018 sur «la situation de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde», 821 millions de personnes souffrent de la faim; parmi eux, 150 millions sont des enfants dont la croissance est, d’ailleurs, fortement compromise.

Face à cette désolante situation, continue à résonner dans le cœur et l’esprit de l’Eglise l’aphorisme qui depuis les premiers siècles du christianisme a guidé d’une part l’action pastorale de l’Eglise catholique et d’autre part (comme vous le savez bien!) la structuration même du Décret de Gratien (Decretum Gratiani): «Pasce fame morientem. Quisquis enim pascendo hominem servare non poteris, si non paveris, occidisti» (Nourris celui qui meurt de faim. Si tu ne nourris pas celui que tu peux sauver en le nourrissant, tu l’auras tué).

Guidé par cette sentence patristique, consacrée de nouveau par la constitution pastorale Gaudium et Spes (n. 69), le Saint-Siège a voulu, depuis 1949, accréditer un observateur permanent auprès de cette Organisation, afin que l’exigence fondamentale qu’elle s’est fixée, bien traduite par la devise Fiat panis («Qu’il y ait du pain»), puisse rejoindre une autre sentence patristique, citée dans le quarante-septième Distinctio du Décret de Gratien: «Esurientium panis est, quem tu detines» (Le pain que toi, tu caches, est de celui qui a faim).

En ce sens, l’engagement pastoral du Pape François trouve dans la fao un interlocuteur important, conscient de l’ampleur de l’enjeu que représente l’alimentation. Le Saint-Père ne manque pas toutefois de rappeler aussi l’urgence d’une aide efficace en faveur des pauvres, capable de les soustraire à leur condition.

Pour passer des paroles à l’action dans l’éradication de la faim, non seulement des décisions politiques et des plans opérationnels sont nécessaires, mais il est également important de donner lieu à une vision proactive, désormais heureusement inscrite dans l’objectif Faim Zéro dans l’Agenda 2030 pour le développement durable.

On pourrait se demander: «Quel est le rôle de l’Eglise dans tout cela?» En substance, défendre et promouvoir la volonté, tant sincère que nécessaire, de vaincre vraiment la faim dans le monde. Cette détermination, réaffirmée par le Pape François dans son message au professeur José Graziano da Silva, directeur général de la FAO, à l’occasion de la dernière Journée mondiale de l’alimentation, cette détermination, disais-je, «en définitive et avant tout, ne se réalisera pas sans la conviction éthique, commune à tous les peuples et aux différentes visions religieuses, qui place au centre de toute initiative le bien intégral de la personne, et qui consiste à “faire à autrui ce que nous souhaiterions pour nous-mêmes”. Il s’agit d’une action fondée sur la solidarité entre toutes les nations et sur des mesures qui seront l’expression de ce que ressent la population» (n. 5).

Chers amis, comme le dit le Catéchisme de l’Eglise catholique, «la misère humaine est le signe manifeste de la condition native de faiblesse de l’homme et du besoin de salut» (n. 2448). Le réalisme chrétien permet d’une part d’apprécier les efforts louables déployés pour vaincre la pauvreté et, d’autre part, met en garde contre les positions idéologiques et les messianismes qui nourrissent l’illusion que le problème de la pauvreté peut être totalement éliminé dans ce monde.

Dans cette perspective de foi, il est clair que le Saint-Siège, dans cette remarquable assemblée de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, ne peut se soustraire à la tâche de rappeler au monde entier que les pauvres nous sont confiés (cf. Mc 14, 7) et que c’est sur cette responsabilité que nous serons jugés au dernier jour (cf. Mt 25, 35).

Chers amis, comme le rappelle l’encyclique Laudato si’ (n. 109), les problèmes de la faim et de la misère dans le monde ne seront pas résolus simplement par la croissance économique. Bien au contraire, il est plus que jamais nécessaire aujourd'hui de placer les plus nobles valeurs et les plus grands desseins avant le paradigme technocratique de la mondialisation. Les agences des Nations unies, et chacun de nous personnellement, doivent s'engager et entreprendre cette voie avec un enthousiasme renouvelé, en cherchant une intense, sage et constante synergie des efforts, idées et initiatives. Dans l’espérance chrétienne, le Saint-Siège s’y engage volontiers par le biais de la diplomatie, appelant à une culture de la rencontre et conscient que dans ce devoir de solidarité resplendit également la conviction que le salut des âmes est la loi suprême [«salus animarum, suprema lex esto» (cf. CIC, can. 1752)].

Merci à tous pour votre attention.

* L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n°029 du 16 juillet 2019