The Holy See
back up
Search
riga

TROISIEME COMITE SUR LE POINT 107:
« L’OFFICE DU HAUT-COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES POUR LES REFUGIES»

INTERVENTION DE MGR RENATO MARTINO,
OBSERVATEUR PERMANENT DU SAINT-SIEGE A L'ONU

15 novembre 1990


Monsieur le Président,

Une fois encore, la Délégation du Saint-Siège veut s’adresser devant ce Comité sur la question des réfugiés. Dans un monde où l’opinion publique et l’information sont trop souvent réduites à des gros titres spectaculaires d’intérêt immédiat, le problème vaste et persistant des réfugiés quant à lui reçoit une attention réduite et sporadique. Toutefois, le nombre des réfugiés à travers le monde prend des allures vertigineuses. Vers 1980, il était de 8,2 millions, maintenant, au commencement d’une nouvelle décennie, le nombre des réfugiés, sous la responsabilité du Haut Commissaire des Nations Unies, atteint environ 15 millions. Il faut encore considérer que ce chiffre n’inclut pas les plus de deux millions de Palestiniens que l’UNRWA assiste, ainsi que le nombre incalculable de personnes déplacées qui techniquement parlant ne remplissent pas les conditions pour recevoir le statut officiel de réfugiés. Les événements de ces récentes années fournissent l’occasion de réexaminer la définition de ce qu’est un réfugié, donnée par les instruments juridiques internationaux.

Le Pape Jean-Paul II adressa à l’Église Universelle, à l’occasion du Carême de cette année un message spécial sur le problème des réfugiés. Voici ce qu’il disait: « L’énorme flot incessant de réfugiés est une réalité douloureuse qui ne touche plus seulement que certaines régions du monde, mais s’étend dans chaque continent. Peuple sans patrie, les réfugiés cherchent un accueil dans d’autres pays du monde, qui est notre maison commune. Seulement quelques-uns d’entre eux sont autorisés à regagner leurs pays d’origine à cause de changements survenus dans ces pays. Pour
le reste d’entre eux se poursuit l’expérience très douloureuse de la fuite, de l’insécurité et de la recherche anxieuse de trouver un endroit approprié pour s’établir. Il y a parmi eux des enfants, des femmes – quelques-unes sont veuves – des familles qui souvent sont éclatées, des jeunes gens dont les espoirs sont brisés et des adultes déracinés de leur travail, privés de leurs possessions matérielles, leur maison, leur patrie ». [1]

Le Saint-Siège n’a pas cessé d’apporter son soutien et sa coopération au travail accompli par le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés. Le Saint-Siège, au cours de cette année, a participé activement à la Conférence Internationale d’Indochine sur les réfugiés, à la Conférence Internationale sur les réfugiés d’Amérique Centrale et a examiné attentivement les rapports du Secrétaire Général sur ces rencontres.

Il est inquiétant de constater que, tandis que le nombre de réfugiés a presque doublé en une décennie, le Haut-Commissaire pour les Réfugiés dispose de moins de la moitié de la somme qu’il possédait il y a dix ans pour assister chaque réfugié. Cela a provoqué directement un impact négatif sur la capacité du Haut-Commissaire de protéger les réfugiés placés en de telles situations, comme par exemple le contrôle de la sélection des « boat people » vietnamiens, le soutien au programme anti-pirate en Thaïlande, la réalisation d’établissements ruraux pour les réfugiés éthiopiens.

Sous l’impulsion du Pape Jean-Paul II, qui, dans l’exercice de sa charge pastorale et ses voyages apostoliques à travers tous les pays du monde ne manque jamais une occasion de rappeler l’attention sur le problème des réfugiés, l’Église continue de consacrer beaucoup de personnel, de talents et de ressources dans l’assistance à des millions de personnes vivant dans des camps de réfugiés, dans les pays de premier asile et d’établissement final. Le Saint-Siège a l’intention de publier le plus tôt possible un document compréhensif sur le vaste problème mondial des réfugiés, pour approfondir et sensibiliser l’Église et le monde sur la nécessité urgente de supprimer de la face de la terre le scandale de millions de personnes si profondément blessées et si facilement oubliées.

Il est impératif que l’opinion publique soit constamment informée sur le problème des réfugiés, afin de s’assurer que la question des réfugiés soit inscrite en priorité à l’ordre du jour des rencontres internationales. L’information peut souvent sauver des vies humaines, comme cela a été démontré lorsque de graves cas d’urgence ont reçu une large diffusion médiatique.

De même, il est important qu’une solidarité enracinée sur l’amour soit encouragée pour subvenir aux
besoins de tous ceux qui sont les moins favorisés parmi les membres de la famille humaine.

A la racine du problème, cependant, demeurent des points qui exigent une solution juste et durable. La justice réclame que surgisse une nouvelle ère de coopération internationale garantissant que les États aient la volonté politique de travailler ensemble, de résoudre les problèmes existants des réfugiés et d’éviter l’apparition d’autres problèmes.

Tandis que la communauté internationale doit redoubler ses efforts avec urgence et générosité, la responsabilité primordiale pour la solution et la prévention du problème des réfugiés demeure avec les États. Plusieurs facteurs contribuent à l’augmentation de la population mondiale des réfugiés: le sous-développement, l’endettement, le déclin de l’environnement et la distribution inégale des ressources naturelles. La solution de ces facteurs exige la coopération internationale. Cependant, on ne devient pas réfugié uniquement pour ces raisons. Souvent, les réfugiés fuient à cause de leurs gouvernements qui choisissent de persécuter leurs citoyens, de violer les droits humains, de résoudre les différends par le recours à la force et d’intervenir dans les affaires d’autres États.

Dans quelques régions, des changements politiques positifs pourraient signifier une réduction des vagues de nouveaux réfugiés et encourager ainsi de bonnes occasions pour les réfugiés de rentrer dignement dans leurs pays. C’est ce que veut vraiment la plupart des réfugiés. En même temps, cependant, il y a des tensions nationales et ethniques du passé qui refont surface et peuvent causer des conflits ouverts dans les mêmes pays, provoquant de nouvelles vagues de personnes qui cherchent sécurité autre part, devenant des personnes déplacées dans leur propre pays ou à la recherche d’un asile ou d’un refuge dans d’autres pays. Il y a eu dans quelques régions une montée de xénophobie et de racisme refoulant l’accès à de nouveaux venus et décourageant le retour éventuel d’anciens réfugiés.

Le Saint-Siège, tout en réaffirmant qu’il ne devrait pas y avoir de rapatriement forcé ou de refoulement de tout réfugié, a noté avec intérêt la proposition faite par le Haut-Commissaire d’augmenter l’aide à ceux qui rentrent, plus spécialement dans les domaines tels que les premiers soins médicaux, la formation professionnelle et la création d’emploi. De tels projets faciliteraient la réintégration de ceux qui rentrent et dans le même temps réduirait l’exode de personnes quittant leur pays pour des raisons économiques et sociales. Des projets parallèles, plus spécifiquement dans le domaine de la santé, de l’éducation de base et du travail immédiat devraient être mis en place et intensifiés dès l’arrivée dans un camp de réfugié jusqu’à la phase finale d’établissement. La Convention sur les Réfugiés des Nations Unies de 1951 dit que « les États accorderont aux réfugiés le même traitement qu’ils accordent aux nationaux en ce qui concerne l’éducation élémentaire » et la Conférence mondiale sur l’Éducation pour tous de 1990 déclarait « qu’un engagement actif doit être entrepris pour supprimer les disparités d’éducation », qui touchent spécialement les groupes défavorisés tels que les réfugiés et les personnes déplacées. L’Année Internationale d’alphabétisation en cours devrait être une occasion de plus pour intensifier les efforts dans le domaine de l’éducation en faveur d’enfants réfugiés.

Dans tous les cas et à chaque étape du drame des réfugiés se pose l’exigence impérative que les droits fondamentaux de chaque personne soient scrupuleusement respectés afin d’assurer à tous la justice. Que ce soient les réfugiés ou les autres êtres humains, les droits ne sont pas basés sur des passeports ou sur l’appartenance juridique à une communauté déterminée. Avant tout, les droits humains sont basés sur la dignité de la personne. [2]

En conclusion, je voudrais ajouter que ce dont nos frères et sœurs réfugiés ont besoin avant tout, c’est l’amour. Je ne puis m’empêcher de rappeler les paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ: « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli » et « Tout ce que vous aurez fait au dernier de mes frères, c’est à moi que vous l’aurez fait ». [3] L’accueil est une dimension spirituelle, mais aussi un état d’esprit et un plan d’action.
 



[1] Message du Carême 1990, 1, 8 septembre 1989.

[2] Allocution à la Commission de la Migration Internationale Catholique, Rome, 5 juillet 1990.

[3] Mt. 25, 35-40.
 

top