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PRÉSENTATION DU PREMIER VOLUME DE L'OPERA OMNIA DE JOSPEH RATZINGER

INTERVENTION DU CARDINAL TARCISIO BERTONE,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT D
U SAINT-PÈRE

Siège de l'ambassade d'Italie près le Saint-Siège, Rome
Mercredi 27 octobre 2010

 

Le Saint-Père, dans sa préface à l’édition allemande — dans le premier des trois volumes publiés jusqu’à présent depuis 2008 — écrit: «Lorsque j’ai décidé, après quelques hésitations, d’accepter le projet d’une édition de mes œuvres complètes, j’ai aussitôt pensé qu’il fallait les présenter selon l’ordre des priorités du Concile et que le premier volume devait donc être celui qui réunirait mes écrits sur la liturgie». Voici donc une première clef qui nous est offerte par l’auteur pour aborder avec intelligence la lecture — fascinante et capable de toucher non seulement l’esprit, mais aussi le cœur du lecteur — de ce premier volume important que nous avons à présent entre nos mains». Je pense que ce que je viens de citer est l’une des confidences auxquelles le Pape nous a habitués au cours de ces cinq ans, et que nous ne devons absolument pas sous-évaluer si nous voulons comprendre la ligne de développement non seulement de sa pensée théologique, comme auteur d’innombrables écrits, mais du service pétrinien lui-même auquel il a été appelé, et tel qu’il l’accomplit.

Nous nous souvenons tous, en effet, du premier discours que Benoît XVI a adressé à la Curie romaine en 2005, à l’occasion de la présentation des vœux de Noël. Un discours ample et articulé, dans lequel le Souverain Pontife a voulu rappeler la conclusion du Concile Vatican II, quarante ans auparavant, le 8 décembre 1965. Et dans ce contexte, il n’a pas eu peur de se demander avec courage: Quel a été le résultat du Concile? A-t-il été accueilli de la juste façon? Dans l'accueil du Concile, qu'est-ce qui a été positif, insuffisant ou erroné? Que reste-t-il encore à accomplir? Une série de questions — selon le style de Benoît XVI — qui ont donné lieu à une constatation: «Personne ne peut nier que, dans de vastes parties de l'Eglise, la réception du Concile s'est déroulée de manière plutôt difficile».

Mais ces questions et la constatation qui a suivi n’ont pas abouti à des récriminations ou des plaintes, mais ont suscité d’autres questions et ont exprimé le besoin d’offrir une synthèse, peut-être encore embryonnaire, des nombreuses difficultés vécues par l’Eglise ces dernières décennies.

Ecoutons encore le Pape: «Pourquoi l'accueil du Concile, dans de grandes parties de l'Eglise, s'est-il jusqu'à présent déroulé de manière aussi difficile? Eh bien, tout dépend de la juste interprétation du Concile ou — comme nous le dirions aujourd'hui — de sa juste herméneutique, de la juste clef de lecture et d'application. Les problèmes de la réception sont nés du fait que deux herméneutiques contraires se sont trouvées confrontées et sont entrées en conflit».

J’ai en particulier rappelé ce discours de décembre 2005 parce que dans celui-ci, le Pape a souligné qu’à propos du Concile, cette «confrontation » est encore en cours, et il l’a dit avec la transparence, la simplicité et la clarté habituelles qui le caractérisent, afin de se faire comprendre non seulement des experts, mais également de toute l’opinion publique.

Et c’est en reprenant ces questions et ces constatations que l’on comprend mieux également la valeur de ce premier volume de l’Opera omnia et que l’on saisit pleinement la décision de partir du Concile Vatican II. Reconnaître et affirmer qu’il existe d’une part une «herméneutique de la discontinuité et de la rupture» et que, d’autre part, il existe une «herméneutique de la réforme» qui choisit et promeut le «renouveau dans la continuité de l'unique sujet-Eglise, que le Seigneur nous a donné», est décisif pour saisir la clef de lecture de la Théologie de la Liturgie.

Ici, en effet, est utilisé ce type d’approche qui, pour reprendre encore les paroles du Pape, fait que le Concile Vatican II, «si nous le lisons et que nous l'accueillons guidés par une juste herméneutique, [...] peut être et devenir toujours plus une grande force pour le renouveau toujours nécessaire de l'Eglise».

Voilà donc expliquée, à mon avis, la perspective de ce premier et fondamental volume de l’Opera omnia: il s’agit de l’intention d’aider l’Eglise dans un grand renouveau qui devient possible uniquement si l’on «aime l’Aimé», comme l’enseigne la liturgie, un amour qui porte du fruit dans la vie de tous les jours.

Je voudrais ajouter — c’est le deuxième aspect de mon intervention — que cette aide à l’Eglise, le professeur, puis le cardinal Joseph Ratzinger, et à présent le Pape Benoît XVI, l’a apportée tout au long d’une vie de recherche. Un engagement qui a produit plus d’une centaine de volumes et plus de 600 articles. C’est de tout cela que l’Opera omnia doit rendre compte dans l’ensemble des seize volumes en programme. Dans ce volume sur la liturgie, nous trouvons rassemblés des écrits qui vont de 1964 à 2004.

Cet ensemble de textes atteste non seulement du travail du chercheur, mais apporte une lumière également sur la générosité digne d’éloges avec laquelle le professeur Joseph Ratzinger a voulu partager le fruit de ses recherches avec un public véritablement vaste et hétérogène.

L’ampleur et la variété des interventions, exigées tant par l’étude théologique que par le service pastoral, conduit à une considération supplémentaire: nous devons être davantage conscients — et également reconnaissants — de l’immense travail qu’ont dû et que devront accomplir les auteurs de l’Opera omnia — l’évêque de Ratisbonne, Mgr Gerhard L. Müller, Rudolf Voderholzer et Christian Schaller. Ils doivent en effet accomplir un travail important pour nous offrir la pensée d’un auteur qui est l’un des protagonistes de la théologie de ces cinquante dernières années.

Un auteur qui, par ailleurs, a développé également une méthode propre de recherche qui, tout en fouillant en profondeur dans le passé, sait adresser une parole significative et originale à l’homme contemporain. Une pensée qui est donc toujours liée à la vie et à ses problèmes.

Nous le savons, la méthode théologique de Joseph Ratzinger part toujours d’une analyse biblique sérieuse et affinée, pour passer ensuite aux Pères de l’Eglise — dont il possède une connaissance très profonde — pour arriver à la réflexion théologique systématique. Cette façon de procéder rigoureuse ne devient jamais une «prison» pour la pensée, mais une garantie pour offrir une parole originale et lumineuse sur le présent.

A ce propos, je voudrais rapporter un seul exemple, extrait du volume que nous présentons ce soir. Je cite: «Pour le christianisme naissant, la confrontation avec la gnose signifie le conflit décisif pour la détermination de sa propre identité». Or, sur ce regard synthétique porté sur l’histoire de l’Eglise des origines, voici apparaître une affirmation encourageante sur l’actualité. Je cite encore: « Aujourd'hui aussi, le gnosticisme exerce à nouveau une fascination de nombreuses manières: les religions de l’Extrême-Orient portent en elle la même structure fondamentale». Et il ajoute: «Le Créateur veut de façon positive que le créé existe comme quelque chose de bon qu’il a devant lui».

Ce n’est donc pas «une chute de l’Infini», mais une invitation adressée à l’homme à découvrir sa propre originalité, afin qu’il puisse revenir à Dieu avec une «réponse de liberté et d’amour». Dans cet «échantillon» significatif, est dévoilé le trait caractéristique du magistère de Benoît XVI, qui est précisément un appel constant à l’homme afin qu’il reconnaisse et accueille sa vocation à la plénitude de vie dans la vérité et dans la charité. Liberté et amour trouvent leur fondement dans la capacité même de l’homme d’utiliser correctement la raison.

Voici alors qu’est offerte au lecteur de ce livre — Théologie de la Liturgie — avec une clarté et une luminosité surprenantes, l’image d’un homme qui peut s’adresser à son Créateur et dire: «Viens aujourd’hui Seigneur, viens en chacun de nous, et viens également dans notre temps: visible, historique, nouveau».

    

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