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LETTRE DU CARDINAL AGOSTINO CASAROLI,
AU NOM DU SAINT-PÈRE,
À M. HENRI LEFEBVRE, PRÉSIDENT DE L'U.N.A.P.E.L.

 

Monsieur et Président,

Dans le sillage du Pape Paul VI, qui a souvent manifesté son ferme appui aux catholiques de France, profondément attachés au maintien et à la promotion de leurs institutions scolaires propres, le Pape Jean-Paul II est heureux de répondre à l'attente des congressistes de Rennes, comme à celle des 850.000 familles françaises qui choisissent l'enseignement catholique en toute liberté et au prix de sacrifices certains, et de leur adresser un message de confiance et de soutien. Alors que je viens de succéder au cher et très regretté Cardinal Jean Villot, ce n'est pas sans émotion que j'exprime à ses compatriotes les encouragements du Saint-Père.

Dans le contexte assez général des difficultés que l'école, en tant qu'institution sociale, rencontre aujourd'hui, le Pape compte sur les responsables et les maîtres, les élèves et les familles, et tous les tenants de l'enseignement catholique, pour contribuer à restaurer dans l'opinion la nécessité et la noblesse de l'institution scolaire en soi, à mettre mieux en lumière sa véritable finalité, à rendre les écoles et les collèges catholiques plus transparents à 'Evangile et plus aptes à coopérer à la pastorale missionnaire des diocèses et de l'Eglise.

Ceux qui rêvent d'une société sans école sont évidemment peu nombreux. Ceux qui tentent d'élaborer de nouveaux systèmes éducatifs font souvent preuve de réalisme. Mais leurs conceptions parfois trop divergentes de l'homme et de la société, et leurs projets parfois contradictoires et éphémères peuvent engendrer une certaine confusion et un certain scepticisme parmi les enseignants et les enseignés. C'est dans ce contexte que les chrétiens ont le devoir d'être lucides et résolus, en rappelant la mission indispensable de l'école pour l'enseignement et l'éducation de la jeunesse. Dans une société caractérisée par un véritable déferlement de mutations et d'interrogations, de relations et de tensions, de libertés et d'expériences, comment les enfants et les jeunes pourraient-ils, seuls, pourvoir à l'acquisition des connaissances nécessaires à la vie, développer harmonieusement leur personnalité, donner à leur existence un sens profond et plénier qu'ils ont de la peine à découvrir du fait de leur propre instabilité, encore augmentée par l'instabilité de la société contemporaine ? Il faut proclamer, aussi bien pour les peuples jeunes que pour les nations de culture plus ancienne : le rôle éducatif et inaliénable de la famille qui aura toujours besoin d'être complété par celui de l'école, dans un climat de compréhension et de collaboration, encore susceptible de grands progrès. Pour contribuer à la réhabilitation, dans l'opinion et dans les faits, de la nécessité de l'école et du primat de la mission éducative, le Saint-Père souhaite que beaucoup de jeunes enseignants, sérieusement préparés et profondément chrétiens, osent courir le beau risque de se consacrer à la formation de la jeunesse. Il invite aussi les Congrégations religieuses — compte tenu de leur situation présente — à renouveler leur enthousiasme et à continuer d'investir leurs forces dans les tâches éducatives, mises en relief dans les documents du Concile Vatican II et dans l'importante Déclaration de la Congrégation pour l'Education catholique du 19 mars 1977.

Dans la conjoncture scolaire actuelle, le Congrès de Rennes estime qu'il est urgent d'approfondir et d'accréditer la véritable finalité des institutions d'enseignement catholique, non seulement pour leur propre efficacité, mais pour une contribution loyale et originale au vaste problème de l'école, qui se pose dans votre pays comme dans le monde entier. Il s'agit en effet pour tous les membres d'une communauté éducative d'être parfaitement accordés, en théorie comme en pratique, sur l'objectif le plus noble et le plus difficile d une école ou d'un collège : l'éducation de tout l'être humain la formation de personnes conscientes et responsables. Cet idéal, dont les maîtres catholiques ne prétendent pas avoir le monopole mais qui doit brûler au coeur de chacun d'eux, exige la nécessité de dépasser le savoir scolairé, souvent trop lié, surtout aujourd'hui, à un donné culturel positiviste. Les maîtres que le philosophe Heidegger appelle si heureusement "les bergers de l'être", ont le grave devoir, à travers les disciplines qu'ils enseignent, d'ouvrir progressivement les jeunes aux valeurs permanentes qui font la grandeur et le bonheur de l'homme et qui ouvrent des voies sûres à la civilisation qui naît. Cet idéal exige également que l'équilibre et la coordination des disciplines plus traditionnelles ou plus récentes, telles que les activités physiques ou manuelles, les connaissances techniques et la préparation à la vie sociale et professionnelle, soient très étudiés et patiemment réalisés, en vue du développement harmonieux des enfants et des jeunes. Cet équilibre et cette coordination des diverses disciplines doivent être favorisés par le rythme scolaire lui-même. Les jeunes, au cours de la semaine, ont besoin d'une halte pour se détendre et s'adonner à leurs loisirs préférés. Cette halte traditionnelle doit aussi donner aux enfants et aux jeunes, surtout à ceux qui fréquentent les écoles de l'Etat, la possibilité de prendre part en toute liberté aux cours et aux activités nécessaires à leur formation religieuse. Connaissant la vive préoccupation des évêques français sur ce dernier point, le Saint-Père veut espérer que le droit des enfants et des familles catholiques sera vraiment respecté comme il se doit, au cas où de nouveaux rythmes scolaires verraient le jour.

Enfin, le Pape Jean-Paul II souhaite ardemment que les institutions scolaires catholiques, ouvertes à tous, et ouvertes à la vie, soient plus que jamais des lieux où l'Evangile de Jésus-Christ est annoncé, reçu et vécu. Puisse cette Loi d'Amour être la référence et la source de relations interpersonnelles exemplaires, qui équivalent à une catéchèse silencieuse, permanente et efficace ! puisse ce Message de Vérité, puisé dans la Bible et présenté par l'Eglise, être toujours ouvert pour ceux qui cherchent la lumière, au milieu de leurs doutes personnels et d'opinions si nombreuses et discordantes, sur le sens plénier de l'homme et la destinée du monde ! Puissent ces Paroles de Vie, courageusement proposées à la foi des jeunes croyants, devenir pour eux un chemin d'expérience spirituelle qui comble leur faim d'Absolu et les entraîne à servir ! Une telle ambiance évangélique, loin d'être un beau rêve, doit caractériser toute institution scolaire catholique et conduire ses membres à des engagements concrets dans la cité, la région, la nation, et à participer aux tâches missionnaires de l'Eglise autour des évêques qui sont en droit d'attendre des écoles et des collèges catholiques un appui sans réserve.

Telles sont les pensées et les encouragements que le Pape Jean-Paul II m'a chargé de vous transmettre ainsi qu'à tous les participants du Congrès national de l'UNAPEL, réuni à Rennes, en ces fêtes de la Pentecôte. Que l'Esprit Saint éclaire leur route et fortifie leurs énergies ! Le Saint-Père prie avec tous les congressistes pour l'heureuse répercussion de leurs travaux et de leurs résolutions, et il bénit de tout cœur la grande et vivante famille de l'Enseignement catholique français.

Heureux de vous adresser ce message en son nom, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'assurance de mon respectueux et cordial dévouement.

Agostino CASAROLI
Pro-Secrétaire d'Etat

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