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MESSE À L'OCCASION DU SOMMET MONDIAL POUR LES ENFANTS

HOMÉLIE DU CARDINAL AGOSTINO CASAROLI*

New York, Holy Family Church
Samedi 29 septembre 1990

 

Majestés,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Chers Frères et Sœurs dans le Christ,

Au nom de Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, de la part de Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II et de l’Eglise universelle, de la part de Son Eminence le Cardinal O’Connor et de l’Eglise qui est à New York, j’adresse à chacun de vous mes salutations respectueuses et mes souhaits cordiaux de bienvenue.

J’aimerais considérer cette illustre assemblée comme le prolongement de la scène que nous venons d’entendre décrire dans l’Evangile de saint Marc. Juste avant l’ouverture solennelle du Sommet mondial pour les Enfants, tous ensemble réunis ici pour prier, vous êtes venus présenter au Seigneur Jésus les enfants de vos pays et de tous les pays du monde, afin qu’il leur impose les mains, qu’il les embrasse et les bénisse.

La très louable initiative de réunir une aussi imposante assemblée de Chefs d’Etat et de Gouvernements pour célébrer les enfants du monde et pour leur accorder une attention privilégiée montre au monde entier la sollicitude prioritaire que les communautés nationales et la communauté internationale doivent avoir pour cette grande partie de la famille humaine qui est la plus belle, la plus riche de promesses, mais aussi la plus vulnérable et la plus dépourvue de moyens de se défendre, les enfants du monde.

Les paroles de Sa Sainteté le Pape Jean II à l’Assemblée générale des Nations Unies, le 2 octobre 1979, sont toujours d’actualité. «Je désire, en présence des représentants de nombreuses nations du monde qui sont ici réunis, exprimer la joie que constituent pour chacun d’entre nous les enfants, printemps de la vie, anticipation de l’histoire à venir de chacune des patries terrestres. Aucun pays du monde, aucun système politique ne peut songer à son propre avenir autrement qu’à travers l’image de ces nouvelles générations qui, à la suite de leurs parents, assumeront le patrimoine multiforme des valeurs, des devoirs, des aspirations de la nation à laquelle elles appartiennent, en même temps que le patrimoine de toute la famille humaine. La sollicitude pour l’enfant, dès avant sa naissance, dès le premier moment de sa conception, et ensuite au cours de son enfance et de son adolescence, est pour l’homme la manière primordiale et fondamentale de vérifier sa relation à l’homme». Et, s’adressant au Conseil exécutif du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance, en avril 1984, le Saint-Père disait: «Ce qui est en jeu dans l’enfance et dans le souci pour l’enfant est le sort et la destinée de la personne, de la vie et de l’existence humaine. L’enfant est un signe du mystère de la vie et un témoin de l’authenticité de notre respect pour le mystère de la vie. Chaque enfant est en quelque façon un signe d’espoir pour l’humanité. Il ou elle est un signe de l’espoir concrétisé et exprimé par l’amour des parents; un signe des espoirs d’une nation et d’un peuple».

Depuis quelques années, la sollicitude pour les enfants a suscité, dans le monde entier, une réflexion sur les droits des enfants; et nous nous sommes réjouis de l’adoption définitive par les Nations Unies de la Convention internationale sur les Droits de l’Enfant. Les droits fondamentaux, c’est-à-dire le droit à la vie, le droit à la sécurité et au progrès social, le droit à, jouir des moyens nécessaires pour son développement personnel, doivent non seulement être universellement reconnus, mais efficacement protégés et exercés.

De tels problèmes font l’objet de la sollicitude de la société dans son ensemble, ils intéressent aussi particulièrement la communauté chrétienne. L’enfant représente pour l’Eglise un signe spécial. La sollicitude pour l’enfant est, de fait, liée à la mission fondamentale de l’Eglise. Comme l’a rappelé le Pape Jean-Paul II dans son Exhortation apostolique Familiaris consortio, l’Eglise «est appelée à faire connaître et à proposer à nouveau dans l’histoire l’exemple et le commandement du Christ Seigneur qui a voulu placer l’enfant au centre du Royaume de Dieu: ‘Laissez les petits enfants venir à moi, ne les empêchez pas; car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume de Dieu’ (Lc 18, 16)». En effet, le Christ va jusqu’à s’identifier avec les enfants: «Quiconque accueille un petit enfant tel que lui à cause de mon nom, c’est moi qu’il accueille» (Mt 18, 5). Chaque enfant en ce monde est un signe vivant de ce mystère de vie et d’espérance qui a été révélé en Jésus-Christ (cf. discours à l’UNICEF, avril 1984).

Nous découvrons ainsi que l’enfant n’est pas seulement l’enfant de ses parents. Tout enfant est enfant de Dieu. L’amour créateur de Dieu, son soutien providentiel et son dessein éternel font pleinement partie de l’histoire de tout nouveau-né et de tout enfant.

Nous apprenons à célébrer la vie, à considérer la paternité et la maternité comme des missions nobles et responsables. A la racine même de tous les droits de l’enfant, nous apprenons à découvrir sa vocation à la vie et à l’amour, son besoin fondamental d’aimer et d’être aimé Non seulement un milieu familial pénétré d’amour contribue à la stabilité de la société, mais il assure aux enfants un heureux accueil et un développement personnel harmonieux. L’Eglise estime qu’il est de son devoir d’inspirer et d’aider les familles à remplir leurs obligations à l’égard de leurs enfants, et aussi de défendre les droits des parents en ce qui concerne la procréation et l’éducation de leurs enfants contre les tentatives de limiter ces droits et contre des pressions indues de la part de l’Etat ou des organisations internationales. Elle rappelle aux parents leurs responsabilités envers la société, et, en même temps, qu’ils sont toujours soumis aux exigences supérieures de la morale dans l’exercice de ces responsabilités.

Dans l’histoire humaine, chaque période a mis en lumière des besoins et des problèmes spécifiques en ce qui concerne les enfants. Dans notre siècle, beaucoup de souffrances ont atteint des enfants innocents et sans défense par suite des atrocités des guerres, des crises économiques et politiques, de l’effondrement des valeurs et de la stabilité familiale, des épidémies, des famines et des catastrophes naturelles. La communauté internationale, spécialement grâce aux Nations Unies et à leurs agences, au premier rang desquelles figure le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance, a travaillé à concevoir et à mettre en œuvre des programmes nationaux et régionaux d’assistance aux enfants dans le monde entier.

Dans sa longue histoire, l’Eglise a pris l’initiative d’activités, de projets et d’institutions innombrables destinés à la protection et au développement personnel des enfants, en particulier dans les domaines de la santé et de l’éducation, sans négliger leur épanouissement spirituel et religieux. En tout temps et en tout lieu où sa présence a été admise, l’Eglise a été en première ligne, prête à offrir ses services grâce au dévouement désintéressé d’un grand nombre de ses membres. Ainsi des millions d’enfants orphelins ou abandonnés, dans des camps de réfugiés ou dans les bidonvilles sordides des grandes villes, ont été et sont aujourd’hui rejoints et guéris dans leur corps et leur âme par l’amour des chrétiens. Cette œuvre de compassion n’est jamais achevée, car la condition de nombreux enfants est vraiment critique dans le monde actuel.

Au cours de sa toute récente visite pastorale en Afrique, Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II a de nouveau attiré l’attention du monde sur la tragédie indicible d’un groupe particulière d’enfants dont le nombre augmente à une allure effrayante, ceux qui sont victimes du fléau du sida. Dans leur innocence, ils souffrent physiquement et moralement, parfois privés de l’amour de leurs parents et souvent rejetés par les communautés dans lesquelles ils sont nés, presque certainement condamnés à une mort prématurée. C’est d’autant plus bouleversant que ces enfants n’ont rien fait poux contracter la maladie, mais elle leur a été communiquée par des adultes. L’appel du Pape dépasse toutes les frontières géographiques, lorsqu’il demande à tous d’«aider ceux qui sont malades et de les entourer de soins et d’affection». Nous avons le devoir de continuer à leur donner le témoignage de notre totale compassion, à la manière du Christ qui nous montre comment surmonter les barrières de la maladie.

L’Eglise se doit de rappeler avec insistance à chacun de ses membres, dans les termes du Saint-Père, qu’il lui faut «surmonter les barrières de la maladie ou même de la faute morale» afin de rendre un témoignage crédible à sa mission d’amour. L’Eglise ressent le devoir d’adresser le même appel aux Organisations nationales et internationales: ces enfants ont un droit inaliénable à être entourés de soins et d’amour.

Nous ne pouvons négliger non plus les nombreuses jeunes victimes de multiples conflits qui leur ont enlevé la sécurité de leurs foyers, la chaleur de leurs familles, la joie innocente de leur enfance. Afin de souligner l’amour et la sollicitude du Saint-Père et de l’Eglise pour ces enfants, partout mais spécialement au Moyen-Orient, la délégation du Saint-Siège compte parmi ses membres une très jeune personne, fille de la nation libanaise, Rita Haga-Boutros, qui est avec nous ce soir.

Nous allons maintenant monter à l’autel, portant dans nos cœurs, en quelque sorte, les joies et les souffrances de tous les enfants du monde. Nous allons les présenter au Seigneur Jésus et lui demander d’embrasser chacun d’eux, de leur imposer les mains et de les bénir. Et, avec eux de bénir chacun de nous. Amen


*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, 1990 n°42 p.15.

 

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